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Aide au développement peut-elle aider l'Afrique noire à  se lancer au développement durable?

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par Jean-Paul Jean-Paul NABONA BISIMWA
Université Libre dà¢â‚¬â„¢Uvira et des Grands Lacs, ULUGL en sigle - Master complementaire  2012
  

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Section 3 : Après 50 ans d'aide, comment évolue la pauvreté?

On a vu dans les sections précédentes que l'inégalité dans les dotations en richesses des économies est une motivation de la politique d'aide aux pays pauvres. L'objectif de l'aide au développement est de réduire les inégalités entre pays riches et pays pauvres et de lutter contre la pauvreté grâce à la croissance économique qu'elle est censée promouvoir dans les pays du Tiers-Monde. Après plus d'un demi-siècle de politique d'aide au développement, la pauvreté a-t-elle baissé dans le monde ? Les inégalités ont-elles diminué?

La question sur l'évolution de la pauvreté et les inégalités dans le monde, aussi simple qu'elle puisse paraître, se révèle plus difficile que l'on aurait pu le penser. Quelle unité étudier: l'individu, le ménage, la famille, le pays ? Quel concept de revenu privilégier : revenu courant, dépenses courantes ? Les résultats sont bien évidemment très différents selon l'unité ou le concept de revenu utilisé pour les estimations. Les résultats font pour cela objet de controverse entre certains chercheurs (Sala-i-Martin, Fisher, ...) et les institutions internationales (la Banque mondiale, ONU, ...).

La tendance qui semble se dégager à partir des rapports des instances du système des Nations Unies fait état d'une augmentation de la pauvreté. La plupart des chiffres sur « l'état du monde », émanant des rapports du PNUD, de la Banque mondiale, de l'OCDE ... indique que la situation est bien plus catastrophique aujourd'hui qu'hier. Des rapports de ces institutions, on peut citer:

-- Le nombre de personnes vivant avec moins de 1$ par jour a augmenté de 1,18 milliard en

1987 à 1,20 en 1998 ; une augmentation de 20 millions36

-- Sur 73 pays regroupant 80% de la population planétaire, 48 pays auraient vu les inégalités
sociales augmenter depuis les années 1950. L'écart entre les pays en terme de développement humain est marqué par des inégalités profondes et croissantes en terme de revenu et de niveau de vie. Le fossé entre les pays riches et les pays pauvres s'aggrave37

-- Pour 46 pays, les gens sont plus pauvres aujourd'hui que dans les années 90.

Pour 25 pays, les gens ont plus faim aujourd'hui qu'il y a dix ans.38

En Afrique subsaharienne, depuis 1981, le nombre de personnes vivant avec moins de 1$ par jour ne cesse d'augmenter. Il a pratiquement doublé, passant de 164 millions en 1981 à 314 millions en 2001. la moitié des habitants sont plus pauvres qu'en 1990. De même, en Europe orientale et en Asie centrale, le nombre de pauvres vivant avec moins de 2 $ par jour est passé de huit millions (2% de la population) en 1981 à plus de 90 millions (20%) en 2001. En Amérique latine, la proportion de personnes vivant avec moins de 2$ par jour est passée de 25% en 1981 à 27% en 200139.

36 Rapport sur le développement mondial (2000*2001).

37 PNUD, Rapport sur le Développement humain 2005.

38 PNUD, Rapport sur le Développement humain, 2004.

39 Banque mondiale, communiqué de presse n°2004/309/S, avril 2004.

-- La dette des PED est passée de moins de 10 milliards de dollars en 1960 à près de 2450 milliards de dollars en 2001. La situation économique des pays en développement est globalement catastrophique.40

La liste est longue. A partir de ces quelques citations des déclarations des institutions internationales, on ne peut douter d'une chose : la pauvreté est énorme, et elle s'accentue. La convergence prédite par la théorie économique ne se réalise point ; et pire encore, les inégalités se creusent. La dette est gigantesque. Dans l'ensemble, les perspectives d'avenir pour les pays en développement sont sombres. A l'opposé, les théoriciens néoclassiques semblent plus optimistes. Pour saisir leurs positions, il faut se placer dans le contexte marqué par l'évolution de la recherche empirique sur la convergence. Le point de départ de cette littérature économétrique est le célèbre article de Mankiw, Romer et Weil (1992). Ces trois auteurs ont montré que la convergence prédite par le modèle de Solow ne s'effectuerait que de façon conditionnelle aux paramètres qui déterminent l'état régulier ( k*)41. Une ample littérature économétrique s'est développée à ce sujet dans les années 1990.

Sala-i-Martin (1996) résume cette vaste littérature et montre que si convergence il y a, celle-ci s'effectue lentement. Aujourd'hui, l'émergence de certains pays comme l'Inde et la Chine laisse penser que l'âge d'or de la convergence est enfin arrivé.

En effet, Ficher (2003) en pondérant les performances nationales par la population totale conclut qu'il y a bel et bien convergence entre les revenus, indiquant ainsi une diminution de la pauvreté relative. Considérons les graphiques 1 et 2 ci-dessous, de Fischer (2003) et qui ont été repris par Dollar (2004). L'axe des abscisses représente le niveau moyen de PIB par habitant en 1980 et l'axe des ordonnées représente le taux de croissance du PIB par tête ajusté pour l'inflation entre 1980 et 2000.

Sur la première figure, chaque pays est représenté par un seul point. Les cercles un peu plus clairs représentent les pays d'Afrique sub-saharienne. Ils enregistrent les plus faibles taux de croissance économique (souvent négatifs) ; fait remarquable sur les deux figures. D'après la théorie sur la convergence entre les économies, plus on est pauvre, plus fort est le taux de croissance économique. Si tel était le cas, la droite de tendance générale sur la figure ci-dessous devrait être décroissante. On conclurait alors que les inégalités mondiales, mesurées par les inégalités entre les pays, suivent une tendance à la baisse. Malheureusement, on s'aperçoit que la courbe de tendance tend plutôt à croître, impliquant ainsi une augmentation des inégalités entre les pays, et donc la pauvreté relative

40 OCDE, 2003

41 K* est le capital par tête à l'état régulier. On y reviendra plus loin.

Si l'on considère cependant la deuxième figure ci-dessous, le résultat est tout autre. Elle montre les mêmes pays représentés cette fois-ci par des cercles proportionnels à la taille de leur population. La Chine et l'Inde se démarquent tant par leur population que par leur record de croissance dans les années récentes.

Une droite de régression pondérée par la population devient alors décroissante sur le deuxième graphique, indiquant un rattrapage des pays riches, et donc une baisse des inégalités. On peut alors conclure que, même s'il y a augmentation des inégalités entre les pays, les populations pauvres du monde tendent à rattraper les populations riches. En ce sens, on peut conclure à une baisse de la pauvreté.

Si la pauvreté a baissé, de quelle proportion alors ? De combien? Si l'on veut répondre à ces questions, on se heurte à un problème de choix entre diverses techniques statistiques et économétriques. Vaut*il mieux mesurer la consommation (ou les niveaux de vie) en utilisant les données issues de la comptabilité nationale ou des données issues des enquêtes auprès des ménages ? Les résultats diffèrent de façon substantielle selon la source de données choisies.

Sala-i-Martin (2002) par exemple, utilise les dépenses de consommation des ménages à partir des comptes nationaux, contrairement à la Banque mondiale qui utilise les données des enquêtes. Les estimations de Sala-i-Martin montrent que la proportion de la population mondiale extrêmement pauvre (vivant avec moins de 1$ par jour) est tombée de 17% en 1970 à 7% en 1998 (figure de gauche ci-dessous).

La proportion vivant avec moins de 2$ par jour est passée de 41% à 19% sur la même période. Le nombre absolu de pauvres à moins de 1$ par jour a baissé, d'après les mêmes estimations de 200 millions (figure de droite) ; et le nombre des pauvres à moins de 2$ par jour a baissé de 350 millions. Les estimations de Shaohua Chen et Martin Ravallion (2001, 2002) dans le cadre de rapports de la Banque mondiale paraissent cependant moins optimistes que celles de Sala-i-Martin (voir figures ci-dessus). Ces auteurs estiment à 28% le pourcentage de la population extrêmement pauvre en 1987, plus du triple de celui cité par Sala-i-Martin. Ce taux aurait baissé pour atteindre 24% en 1998, contre 7% pour Sala-i-Martin. Concernant le nombre d'individus extrêmement pauvres, il n'aurait pas varié entre 1987 et 1998. L'écart entre ces résultats soulève une polémique. Certains auteurs (par exemple Lut Tins, 2004) évoquent des visées politiques. Peut-être parce que financées par la Banque mondiale, les études de Shaohua Chen et Martin Ravallion doivent défendre le point de vue de l'institution selon laquelle la situation en matière de pauvreté mondiale est peu glorieuse pour attirer plus de ressources de la part des donateurs.

Les résultats les plus optimistes sont ceux de Surjit Bhalla (2003), qui utilise aussi les dépenses de consommations des ménages issues des comptes nationaux. Bhalla conclut à une diminution du ratio du revenu des pays riches au revenu des pays pauvres de 23 à 9,5 entre 1960 et 2000 ; reflétant une augmentation du revenu des pauvres. Sur la pauvreté, les travaux de Bhalla font état d'un net recul de la pauvreté absolue de 30% à 13,1% entre 1987 et 2000. L'objectif des

42 Jusqu'il y a peu, William Easterly était économiste principal (senior economist) de la Banque mondiale.

Nations Unies de réduire le nombre de pauvres vivant avec moins de 1$ par jour en 2015 à la moitié du niveau de 1990 aurait donc été atteint en 2000, au moment même où il était fixé.

Les résultats de Sala-i-Martin et Bhalla sont quand même sujets à des critiques, et donc à prendre avec réserves. En effet, ils ne tiennent pas compte du fait que certaines dépenses, comme par exemple celles du gouvernement, n'améliorent pas forcement le bien-être des pauvres. Il y aurait donc une surestimation de la consommation des pauvres, et donc une sous-estimation de la pauvreté. Ceci est un peu gênant dans la mesure où, pour certains pays comme par exemple le Nigeria, les dépenses de consommations du gouvernement avoisinent 40% du total des dépenses de consommation42. Doit-on alors considérer plutôt les statistiques de la Banque mondiale, et par conséquent leur point de vue selon laquelle la pauvreté augmente ? En somme, la question sur l'évolution de la pauvreté dans le monde reste un sujet à controverse. Le débat est confus sur des différences statistiques et méthodologiques qui au lieu de se compléter, se contredisent. Une tendance se dégage néanmoins de ce manichéisme : il y a une divergence dans l'évolution de la pauvreté selon les régions. Il est tout à fait remarquable à travers ces études que certaines régions comme par exemple l'Afrique sub-saharienne et l'Europe de l'Est régressent; alors que d'autres comme l'Asie de l'Est et le Pacifique progressent. Ceci est d'autant plus manifeste dans les déclarations des instances onusiennes que sur les deux figures de Fischer (2003) présentées ci-dessus.

Banque mondiale (2004), établit une distinction entre les pays en développement concernant l'évolution de la pauvreté. « Si la rapidité de la croissance économique en Asie du Sud et de l'Est a permis de tirer de la pauvreté plus de 500 millions de personnes dans ces deux régions, la proportion de pauvres a augmenté, ou du moins n'a décliné que légèrement, dans de nombreux pays d'Afrique, d'Amérique latine, d'Europe orientale et d'Asie centrale ». Banque mondiale (2006) parait plus stressant sur le cas de l'Afrique sub-saharienne : « En Afrique sub-saharienne, le nombre de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour a pratiquement doublé depuis 1981. Chaque jour, des milliers de personnes, pour la plupart des enfants, meurent de maladies qu'on peut prévenir (SIDA, paludisme, simple déshydratation, ...) ».

En conclusion, certains pays comme la Chine, l'Inde, l'Indonésie semblent converger réellement, avec de forts taux de croissance. Les pays de l'Amérique latine et de l'Afrique du Nord stagnent. Ceux de l'Europe de l'Est et d'Afrique sub saharienne divergent. La pauvreté y progresse. La tendance générale malgré les différences méthodologiques et statistiques est peu rassurante. Le recul constaté concernant la proportion mondiale d'individus extrêmement pauvres est surtout imputable à la forte croissance des pays d'Asie de l'Est; surtout la Chine, et l'Inde, qui rassemblent environ 38% de la population mondiale, 60% des pauvres dans le monde, et dont les taux annuels de croissance économique avoisine 6% (Banque mondiale, 2004b).

Les perspectives sont plutôt sombres dans les autres régions en développement. Elles deviennent même inquiétantes en Afrique sub-saharienne où on assiste à une effective paupérisation absolue, et non pas seulement une aggravation de l'écart avec les pays riches. Le paradoxe est encore plus criant lorsqu'on se rappelle que l'Afrique a reçu une part plus importante d'aide que les autres régions en développement depuis 1960, comme nous l'avons vu dans le premier chapitre de ce travail. Ce paradoxe jette des doutes sur la capacité de l'aide extérieure à promouvoir la croissance économique, surtout en Afrique sub-saharienne. Comment peut-on comprendre que malgré l'importance de l'aide dont bénéficie l'Afrique, la pauvreté n'y recule pas? On peut notamment penser à l'existence de tares dans la politique d'aide jusqu'ici menée, dans la mesure où l'aide internationale essuie depuis longtemps, de nombreuses critiques que nous examinons dans la section suivante.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci