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Aide au développement peut-elle aider l'Afrique noire à  se lancer au développement durable?

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par Jean-Paul Jean-Paul NABONA BISIMWA
Université Libre dà¢â‚¬â„¢Uvira et des Grands Lacs, ULUGL en sigle - Master complementaire  2012
  

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Section 4 : Les critiques de la politique d'aide au développement

Les critiques de l'aide au développement sont nombreuses. On distingue principalement les critiques historiques auxquelles s'ajoutent ces dernières années les critiques conduites par William Easterly43, sur le cadre théorique de base, cadre dans lequel l'aide au développement est accordée. 1. Les critiques de Easterly sur le cadre théorique de l'aide

William Easterly à travers plusieurs études (1997, 1999, 2001, 2005a) dénonce le paradigme Harrod-Domar et le modèle du « financing gap » qu'il juge dépassés et inadaptés à l'analyse du processus de développement. Pour cet auteur, il est inadmissible qu'on utilise un tel modèle, et qu'on continue toujours par l'appliquer jusqu'aujourd'hui à l'analyse du processus de croissance économique dans les pays pauvres, comme cela se fait à la Banque Mondiale.

En effet, l'économie du développement a pris son essor à une époque marquée par deux événements : la crise économique des années 1930, et l'émergence des économies planifiées de l'Est. Dans ces conditions, le modèle économique de base était le modèle de croissance Harrod-Domar qui considère qu'il y a une proportionnalité entre investissement et croissance économique. Ainsi, pour croître rapidement, une seule solution : investir massivement. Et si l'épargne nationale ne suffit pas pour atteindre l'investissement nécessaire à la croissance souhaitée, elle doit être compensée par l'endettement ou l'aide internationale. C'est schématiquement l'analyse du processus de développement que fournit le modèle.

Easterly critique vivement ce modèle qu'il juge non conforme à la réalité. Le modèle du financing-gap ne prend pas en compte les incitations dans les pays récipiendaires ainsi que d'autres facteurs comme l'atmosphère politique de l'aide; et suppose que l'aide reçue est totalement consacrée au financement de l'investissement. Selon Easterly (2005a), le modèle est simpliste, inapproprié à l'étude du développement, qui est un processus complexe, de long-terme, et qui ne se limite pas seulement à l'investissement comme le suppose le cadre théorique Harrod-Domar.

Easterly (1999) se propose de soumettre le modèle à un test empirique. Pour cela, il régresse pour un certain nombre de pays bénéficiaires d'aide au développement, l'investissement effectivement réalisé sur l'aide internationale reçue. Si comme le suppose le modèle, l'aide obtenue était intégralement investie, pour chaque pays, le coefficient indiquant l'impact de l'aide sur l'investissement devrait être supérieur ou égal à un. L'analyse a porté sur 88 pays, qui ont tous effectivement bénéficié d'aide internationale sur la période de l'étude, qui va de 1965 à 1995. De l'ensemble des 88 pays étudiés, seulement 6 ont un lien positif et significatif entre aide et investissement avec un coefficient supérieur ou égal à 1. L'aide ne serait alors pas intégralement investie comme le suppose le modèle.

Un autre test sur le lien entre la croissance économique et l'investissement avec un ICOR supposé compris entre 2 et 5, préalablement déterminé pour chaque pays (comme le suggère le modèle du « financing gap ») remet en cause le lien direct entre l'investissement effectivement réalisé et le taux de croissance économique dans les pays récipiendaires. Seulement 4 pays (Israël, Liberia, Réunion et Tunisie) ont un lien positif significatif entre l'investissement et la croissance économique avec un ICOR compris entre 2 et 5 comme le suppose le modèle Harrod-Domar (Easterly, 1999). Tout ceci remet en cause le cadre théorique Harrod-Domar jugé simpliste par Easterly; et donc le principe même de l'aide au développement. Ce serait la principale raison pour laquelle l'aide internationale a échoué dans sa fonction essentielle: celle de promouvoir la croissance économique.

43 Jusqu'il y a peu, William Easterly était économiste principal (senior economist) de la Banque mondiale.

Peter Bauer est le pionnier, et souvent considéré comme le leader des critiques d'inspiration libérale de la politique d'aide au développement. On peut en outre citer dans ce courant de

Pour se rendre compte de cet échec, Easterly et Dollar (1999) présentent la célèbre figure relative au cas de la Zambie. La figure compare les résultats espérés-de l'aide à la situation réelle de l'économie zambienne sur la période 1960-1995. Se basant sur l'hypothèse forte selon laquelle la totalité de l'épargne et de l'aide est investie, et que l'investissement induit la croissance économique, le modèle de l'ICOR appliqué au cas de la Zambie, prévoyait une croissance spectaculaire, représentée en traits pleins sur la figure ci-dessous.

Selon les prévisions de ce modèle, grâce à l'aide internationale au développement accordée à la Zambie, le niveau de vie des habitants de ce pays devrait être semblable aujourd'hui à celui des pays européens. Le revenu par tête zambien devrait dépasser 20000 en 1995 (valeur en dollars US de 1985). Qu'en est-il réellement? Pour répondre à cette question, référons*nous à la figure suivante, qui présente le fossé entre les prévisions de revenu a partir du modèle du financing-gap (ICOR) et la réalité (le revenu effectif).

Figure I-24 : Réalité contre prévision du « financing-gap » : le cas de la Zambie

Comme le montre la figure ci-dessus, le revenu zambien par tête en 1995 se chiffrait malheureusement à moins de 500 dollars. Il n'a donc pas augmenté. Au contraire, il est en baisse régulière depuis 1976 comme le montre la courbe de sa représentation en pointillés. Le cas de la Zambie illustre la situation de nombreux pays en développement.

Ainsi pour Easterly, l'aide a échoué dans sa principale fonction, celle de promouvoir la croissance économique dans les pays pauvres. Et cet échec est en partie imputable à l'utilisation de cadres théoriques inappropriés. Cela ne va pas sans questionner les économistes et la science économique. D'autant plus que depuis l'avènement de l'aide, existent divers courants contestataires qu'il est indispensable de reconsidérer aujourd'hui.

2. Les critiques historiques de l'aide

Il existe certaines critiques de l'aide internationale, aussi anciennes que l'aide elle-même. De manière générale, on peut les classer en deux grandes catégories : les critiques de droite ou d'inspiration libérale, et les critiques de gauche ou d'inspiration marxiste.

2.1. Les critiques d'inspiration libérale : l'aide source d'inefficacité

pensée, les auteurs comme Friedman, Jacob Viner, Gottfried Haberler, Hla Myint, John Majewski, Griffin, Berg, Mosley. Pour ces auteurs, l'aide au développement ne peut promouvoir la croissance économique dans les pays du Sud. Au contraire, elle la sabote en faussant les règles du marché et du libéralisme économique. Comment l'aide internationale fausse-t-elle les règles du marché?

Considérons par exemple l'aide alimentaire. Les auteurs d'inspiration libérale estiment que loin de résoudre une crise humanitaire, elle ne peut qu'aggraver l'insécurité alimentaire. En effet, les apports en grande quantité de ressources alimentaires en cas de crise humanitaire augmentent spontanément l'offre de ces produits. Il en résulte une baisse des prix au niveau local ceteris paribus. Ceci décourage l'investissement et la production locale de vivres, et donc une baisse de l'activité de production dans le secteur agricole qui se traduit à terme par une baisse de la croissance économique. Majewski (1987) cite le cas du Guatemala en 1976. A la suite d'un tremblement de terre, les habitants ont reçu une aide d'urgence importante, en vivres. Ce qui a entraîné la chute du prix des produits alimentaires au moment même où les agriculteurs avaient besoin d'argent pour reconstruire leurs maisons et relancer leurs activités.

Un autre problème de l'aide alimentaire est que l'abondance alimentaire qu'elle crée encourage les pays qui en bénéficient à adopter des politiques peu favorables à la production locale. On a à titre d'exemples le contrôle des prix des produits vivriers, volontairement maintenu à un niveau bas; la collectivisation et le contrôle des fermes de production comme ce fut le cas en Tanzanie et au Zimbabwe. Ceci réduit l'activité économique dans le pays et augmente la dépendance vis-à-vis de l'extérieur des territoires aidés (Bauer, 1984).

Les effets des autres formes d'aide sont semblables à ceux de l'aide humanitaire selon Bauer et ses pairs. L'assistance financière internationale permet aux dirigeants des pays en développement de maintenir certains secteurs d'activités non rentables et nuisibles au développement du secteur privé dans le portefeuille de l'Etat (Friedman, 1958). Contrairement aux entreprises privées, les entreprises publiques ne sont pas soumises à la règle du profit. Parce qu'elles opèrent en dehors du marché, les entreprises étatiques souvent financées grâce à l'aide internationale connaissent des rendements faibles ou même négatifs. Très souvent, l'aide est utilisée pour créer des activités que le secteur privé a délibérément refusées de financer à cause du rendement faible.

L'aide canalise ainsi les ressources du pays receveur vers les secteurs et investissements improductifs ou inefficients. Il en résulte des distorsions aux niveaux des signaux et des incitations du marché. Les producteurs et les consommateurs reçoivent de faux signaux issus d'un marché déséquilibré et dopé par l'aide étrangère. Ils adoptent ainsi des comportements inappropriés. Les investisseurs réajustent leurs portefeuilles d'actifs selon le « faux signal » reçu du marché, et allouent ainsi à leur tour une part plus importante de leurs ressources aux secteurs inefficients. Les répercussions sur l'activité économique sur le plan national peuvent ainsi être très dommageables. Majewski (1987) donne l'exemple des usines de fabrications de produits en aluminium et les raffineries de pétrole installées dans les pays en développement et financées grâce à l'aide internationale alors que le marché de ces produits sur le plan mondial était déjà saturé.

Dans les pays du Nord, l'effet de l'aide est semblable. Les pays donateurs utilisent l'aide internationale pour promouvoir la production et l'exportation de leurs entreprises, surtout celles qui opèrent avec le Tiers*Monde. Alors que ces entreprises sont condamnées à fermer leurs portes parce qu'inefficientes, on utilise l'aide pour les soutenir. Il en résulte une allocation non optimale des ressources dans les pays donateurs étant donné qu'on draine ainsi les ressources des secteurs efficients vers les secteurs inefficients. La croissance globale sera donc plus faible.

Sur le plan financier et monétaire, l'aide crée des effets de distorsion des taux d'intérêts (Friedman, 1958). Les pays en développement utilisent souvent l'aide étrangère pour garder le contrôle des établissements financiers et du crédit. Dans la plupart de ces pays, les taux d'intérêt sont délibérément maintenus à un niveau bas, sous prétexte d'encourager les

emprunts et l'investissement. Or le niveau bas des taux d'intérêts créditeurs crée une désincitation à épargner. Ceci entraîne des effets négatifs sur la croissance économique en réduisant le niveau des investissements comme le montre le graphique ci-dessous:

Figure I--25 : La répression financière

Sans intervention de l'Etat sur le marché financier, l'équilibre se réalise entre l'investissement et l'épargne au point A avec un taux d'intérêt r* et le niveau des investissements I*. L'Etat intervient ensuite en imposant un taux d'intérêt faible

R faible. Ceci réduit le niveau de l'épargne à faible S faible puisque, à cause de la faiblesse du taux d'intérêt, les agents épargnent peu. Le niveau global des investissements se trouve donc contraint à rester faible ( faible I faible); du fait de la faiblesse de l'épargne domestique.

De plus, dans ces pays, en contrôlant les établissements financiers grâce à l'aide, l'Etat alloue le crédit de manière sélective; et souvent orientée vers les alliés politiques plutôt que les secteurs productifs. Il en résulte de manière générale une atrophie du secteur financier et une croissance réelle faible. L'aide fournit en outre aux autorités des réserves monétaires, qui leur permettent de soutenir leur monnaie créant ainsi une surévaluation des taux de change, qui détériore la compétitivité-prix sur le plan international du pays aidé (Griffin, 1970).

Un autre méfait de l'aide internationale est l'alourdissement de la corruption, et de la bureaucratie. La main d'oeuvre intérieure se dirige plus vers le secteur public qui se développe, et évince le secteur privé (Bauer, 1972). Les dépenses publiques s'alourdissent grâce l'aide, et génèrent un effet d'éviction sur l'épargne domestique (Mosley, 1996). L'aide internationale est dans les meilleurs des cas d'une efficacité nulle ou quasi*nulle pour soulager la misère du Tiers Monde, ou pour faciliter le développement dans les pays pauvres (Bauer, 1984 ; Berg, 1996).

Tel est le point de vue des libéraux, vision partagée par les marxistes avec néanmoins des fondements différents.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote