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Réformer le code civil.

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par Anaïs Bodenes
Université Rennes 1 - Master 2 Droit privé général 2014
  

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§2 - Les solutions à la désharmonisation du droit civil français

135. L'absence d'harmonisation du droit civil français aujourd'hui, qui a pour conséquence l'absence d'harmonisation du Code civil, résulte de la volonté du législateur français de ne pas s'adapter au droit européen. Vouloir conserver une certaine souveraineté, une mainmise sur le contenu du Code, conduit à le désharmoniser. Quelle solution alors à la désharmonisation du Code civil français sous l'effet du droit européen ? La solution première serait de se désintéresser du Code civil comme réceptacle du droit européen (A), solution qui convainc partiellement. La seconde solution serait, quant à elle, à rechercher dans d'autres formes de codifications (B).

179 Y. Lequette, art. préc., in Livre du Bicentenaire, spéc. p. 179.

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A - Le Code civil, entre intérêt et indifférence pour le droit européen

136. L'incohérence, l'incompréhension qui règne dans le Code civil, en raison des transpositions maladroites des directives européennes, doit être l'argument moteur d'une recodification de notre législation civile. Si notre Code a vieilli, comme l'on a pu maintes fois le constater, c'est en partie en raison de « la multiplication des textes régissant une matière en dehors de la structure de celui-ci »180. La recodification civile devrait alors avoir pour objectif l'intégration, dans le Code civil, de l'intégralité des textes qui le concernent. Les textes européens sont alors directement concernés. Le législateur français doit saisir l'opportunité qui lui est donnée à travers une transposition des directives afin de restaurer la cohérence de son propre corps de règles, le Code civil. Cette idée est séduisante, mais « réharmoniser » le droit civil français au regard de l'Europe du commerce apparaît constituer une tâche complexe.

137. La solution la plus fréquemment proposée181 est celle d'intégrer les textes relatifs à la protection des consommateurs, non pas au sein du Code civil, mais dans le Code de la consommation qui constituerait le « réceptacle naturel » de ce genre de dispositions. La question est alors la suivante : « Code civil ou Code de la consommation pour la transposition des directives consuméristes ? »182. Le choix du « code réceptacle » revêt une importance particulière puisque la solution aura pour conséquence une influence différente des règles nouvelles. Ce choix, dans la plupart des interventions du législateur européen, ne pose pas de difficulté : la directive trouve son prolongement dans le Code relatif à son contenu. Cependant, lorsqu'il s'agit d'envisager les directives relatives au droit de la consommation, la question semble insoluble.

138. La transposition de la directive du 25 mai 1999 « sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation » a été pour certains souhaité dans le Code civil, afin d'étendre le domaine des nouvelles règles qui seraient édictées183. Pour d'autres, il fallait la transposer dans le Code de la consommation184. Le législateur a donné raison à cette seconde proposition. Cette directive a effet été transposée en droit français par une

180 R. Cabrillac, Les codifications, coll. Droit, Ethique, Société. PUF. 2002

181 G. Plaisant et L. Leveneur, « Quelle transposition par la directive du 25 mai 1999 sur la garantie de la vente des biens de consommation ? », JCP 2002.I.135.

182 L. Leveneur, art. préc., in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc. spéc., p. 941.

183 Voir sur ce point G. Viney, « Quel domaine assigner à la loi de transposition de la directive européenne sur la vente ? », JCP 2002, I, 158.

184 G. Plaisant et L. Leveneur, chron. préc.

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ordonnance du 17 février 2005185, introduisant de nouvelles règles au sein du Code de la consommation. Cette transposition au sein de ce code pouvait paraître logique car la directive avait pour principal objet, selon son article 1, « d'assurer une protection uniforme minimale des consommateurs dans le cadre du marché intérieur » : il s'agit-là de règles spéciales et non de règles générales applicables quelle que soit la qualité des parties.

139. Cette suggestion pour l'avenir du Code civil revient à vouloir préserver les règles du Code civil et l'unité de son corpus : cela est vain, le Code civil n'est plus symbole d'unité. Si la place d'une transposition d'une directive n'est pas dans le Code civil, celui-ci voit sa sphère d'influence limitée : il va s'effacer devant ces législations spéciales. Sur ce point, il convient d'approuver la vision de Philippe Rémy : « l'ultime tentation est de préserver le Code civil en accueillant les règles communautaires dans des codes réceptacles, comme le Code de la consommation ; mais en préservant la pureté du symbole, on le réduirait précisément à n'être qu'un symbole, ou une coquille vide »186. Ainsi, le Code civil ne peut pas être réduit au statut de relique, cependant cet argument doit être nuancé : notre Code représente le droit commun fondamental et pose les principes généraux. Ces derniers peuvent être modifiés par des lois spéciales dans des cas particuliers187. Un juste milieu doit être trouvé, par le biais d'une réforme, afin que le Code civil reste le réceptacle du droit commun tout en s'adaptant au droit européen, droit d'une importance considérable aujourd'hui. Une réforme ne pourrait ignorer sa portée. Aussi, l'on doit impérativement réfléchir sur l'articulation entre droit commun et droit spécial, sur l'objectif du Code civil, sur la portée du Code de la consommation. Sans clarification du législateur français, sans réforme, la question « Code civil ou Code de la consommation ? » ne cessera de se poser.

140. En réalité, c'est aussi le Code de la consommation qu'il faudrait refondre : compilation à droit constant, textes disparates, l'ensemble de ces éléments prouve la nécessité : pour autant, « ce qui paraît envisageable pour le Code de la consommation l'est-il pour le Code civil »188 ? Le Code civil doit-il redevenir l'alpha et l'Omega du droit civil ? De prime abord, la réponse apparaît incontestablement positive. Certes, mais pour cela, la supériorité du Code doit être reconnue : le législateur doit alors s'attarder sur les principes

185 Ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur. (J.O n° 41 du 18 février 2005 page 2778).

186 Ph. Rémy, art. préc., in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., spéc., p. 115.

187 L. Vogel, « Recodification civile et renouvellement des sources internes », in Livre du Bicentenaire, spéc. n°29.

188 L. Leveneur, art. préc., in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., p. 944.

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généraux et spéciaux, ceux qui ont subi l'usure du temps. Un code brouillé par des règles particulières s'exporte en effet moins facilement qu'un code vecteur de principes généraux.

140. En réalité, quelle que soit la solution que l'on envisage, le parti pris, c'est l'annonce de la défaite du Code dont il s'agit ici : il ne s'adapte plus aux évolutions, « ce n'est plus notre arche, notre forteresse, ni l'autel de nos lois »189. Pire encore, si le Code civil n'a pas su s'adapter à la codification européenne, comment réagira-t'il face aux codifications encore plus innovantes et surtout, à l'internationalisation du droit au-delà de son européanisation ? Doit-on se résigner à la décodification ? L'avenir du Code civil est bien sombre, mais doit toutefois être envisagé, il s'agit là d'une preuve ultime pour une nécessité de la réforme.

B - L'avenir du Code civil face à l'internationalisation du droit

141. La communautarisation du droit est réelle et celle-ci, au-delà des conséquences négatives qu'elle a provoquées sur notre Code civil, a eu pour but de rapprocher les législations internes. La communautarisation a ainsi pu unifier ou harmoniser les législations nationales. Cependant, cette dernière doit être relativisée. Le droit communautaire est certes prédominant s'agissant du domaine du droit des contrats, mais il est parcellaire : il est axé sur le consommateur et notamment sur sa protection ; ce dernier étant ainsi envisagé comme partie faible. Les objectifs de la communautarisation, à savoir cette protection du consommateur mais également la réalisation du marché intérieur, freinent une véritable toute-puissance des normes européennes.

142. Ainsi, l'avenir du Code civil, sous l'angle européen, est sûrement à rechercher par une européanisation indirecte : le droit européen pénètre les domaines tels que le droit de la famille ou des personnes, mais de manière moins invasive et surtout, sans créer d'incohérence190. Cette communautarisation n'a pas alors pour seul but de contredire le droit national, le juge européen peut conforter la règle nationale, mais elle va s'accentuer : le droit communautaire dispose d'un large champ d'application, notamment depuis l'arrêt Garcia Avello191, ainsi le droit européen en ce qu'il pénètre notre droit civil n'a plus vocation à se limiter qu'aux situations purement économiques inhérentes au marché intérieur. Le droit civil

189 Ph. Rémy, art. préc., in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., spéc., p. 117.

190 Voir sur ce point les exemples de S. Nadaud, Codifier le droit civil européen, Europe(s), Larcier, 2008, préface d'Eric Garaud,

191 Cour de justice de l'Union européenne, C-148/02 Carlos Garcia Avello contre Etat belge Recueil 2003 p I16613

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peut apparaître instrumentalisé au regard du droit des traités, comment alors remédier à ce phénomène ? Assurément, par l'adoption d'un Code civil européen.

143. Ce Code civil européen constitue une technique moderne de réforme du Code civil (voir infra §214 et suivants). Avant son étude, il convient d'envisager l'avenir de notre Code civil au regard des nouvelles codifications, effectives, à l'inverse du Code civil européen qui ne constitue, encore, qu'une hypothèse. La codification s'enrichit perpétuellement grâce aux opérations internationales, par exemples les règles matérielles régissant la vente internationale de marchandises issues de la convention de Vienne192. Auparavant, ces opérations relevaient des droits nationaux compétents, selon les règles de conflits de lois. Le Code civil a inévitablement été influencé par ce type de codifications, mais la principale source d'influence sur le Code civil se situe au niveau des conventions internationales qui, sans se placer sur le terrain de la hiérarchie des normes à l'inverse du droit communautaire, bénéficient d'une place confortable en tant que règles de droits.

144. La France n'a pas su maintenir l'unité du Code civil, telle est la conclusion que nous pouvons apporter après ces développements : codification hors du Code, évolution du Code de la consommation, mais surtout l'apparition et le développement des sources internationales en témoignent. Ce dernier argument est intéressant ici : la France, en adhérant à des conventions internationales qui priment le droit interne, a pris le risque de déstabiliser son Code civil. En effet, au nom de principes posés par ces conventions, des normes de notre relique peuvent être sacrifiées : les normes du Code civil nécessitent alors une réforme afin qu'elles soient conformes à ces principes transcendants. Cette perte d'autorité du Code civil s'accompagne d'autres maux : le Code civil est concurrencé par des codifications nouvelles avec pour objectif l'uniformisation du droit. A l'échelle mondiale, l'uniformisation du droit est en route et le droit civil français ne suit pas. Grâce aux diverses conventions internationales, le droit de la vente tend à être unifié, cette unification implique l'amputation, parfois, d'articles du Code civil ou de la compétence française193. Pour autant, l'unification du droit de la vente est nécessaire en raison de l'internationalité croissante des opérations contractuelles. Sans réforme, le déclin du Code civil apparaît évident.

192 Convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, reproduite dans le Code de commerce, Dalloz.

193 Voir les exemples de C. Witz, « L'influence des codifications nouvelles sur le code civil de demain », in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., spéc. 694.

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145. Ce même code doit également redouter d'autres formes de codifications, qui revêtent, à l'instar des conventions précitées, une nature internationale. L'on peut citer l'exemple des Principes du droit européen du contrat ou les principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international. Pareils principes n'ont la possibilité de revêtir leur application maximale qu'aux travers deux conditions : un choix de loi opéré par les cocontractants à l'un de ces instruments normatifs et la résolution du conflit par voie d'arbitrage. Le Code civil doit ainsi s'inquiéter de ces nouvelles formes de codifications, de ces nouveaux instruments. En effet, ils offrent une réglementation si moderne et équilibrée du droit commun des contrats qu'ils ne peuvent que concurrencer notre Code dont on connaît la réglementation désuète et complexe.

146. Pour certains194, il ne faut pas s'inquiéter de l'influence de ces nouvelles codifications. Ainsi, un Code civil dont le rôle est diminué ne serait pas, par nature, synonyme de perte d'influence des institutions et techniques du droit français. Pareille position ne convainc pas : le Code civil en tant que « constitution civile » doit jouer un rôle central et non être dominé par des codifications à portée normative molle. Un coup d'assaut est alors, une nouvelle fois, porté au Code civil. La solution à cela consiste, une fois encore, en un Code civil européen, par lequel notre code retrouverait toute sa vigueur.

147. A la question « Pourquoi faut-il réformer le Code civil ? » la réponse est désormais claire : il s'agit d'une oeuvre complexe, vieillissante, politisée et sous l'égide du juge. Surtout, il s'agit d'une oeuvre incohérente au regard de l'ordre communautaire : la fondamentalisation et l'européanisation du droit sont deux phénomènes auxquels le Code civil n'a pas su s'adapter. Une véritable recodification civile est nécessaire, cependant il faut la concilier avec les contraintes extérieures imposées. Ainsi, à la question « Pourquoi faut-il réformer le Code civil », l'on peut répondre qu'il est défectueux et inadapté à l'évolution du droit. Ainsi, une seconde question s'entrevoit : s'il faut réformer le Code civil, il convient de savoir par quel(s) moyen(s).

194 C. Witz, art. préc., in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., spéc. 695 et s.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery