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L'émission d'obligations vertes: entre liberté et contrainte


par Lise Wantier
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 Droit bancaire et financier 2018
  

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Chapitre 2 : La nature de ces obligations justifie une certaine souplesse

De par leur nature les obligations vertes justifient un encadrement souple. D'une part, la volonté d'émettre une obligation verte est très souvent associée à un engagement écologique de l'entreprise, engagement d'initiative volontaire. D'autre part, d'un point de vue plus pragmatique, un encadrement trop rigide pourrait s'avérer moins efficace.

Section 1 : Le choix d'émettre un green bond repose sur des valeurs, des principes auxquels l'entreprise adhère volontairement

Les initiatives étudiées ci-dessus, reposent nécessairement sur le volontariat, mais ce volontariat est également lié à la nature des obligations vertes.

$1. Le volontariat comme fondement des initiatives privées

Pour toutes les initiatives que nous venons de citer, l'adhésion des émetteurs est libre. Ils n'ont aucune obligation juridique d'adhérer à ces différents standards.

La démarche de certification est volontaire, le vocabulaire utilisé par les associations renforce ce caractère facultatif. Par exemple, pour les principes applicables aux obligations vertes de l'ICMA, dans le titre même des lignes directrices figure la mention « d'application volontaire40». Est également indiqué que « les GBP n'ont pas de caractère contraignant » et que « les émetteurs, publics ou privés, adoptent et mettent en oeuvre les Principes volontairement et en toute indépendance ».

Par ailleurs, en l'absence d'intervention législative, la base volontaire de ces initiatives était évidente, puisqu'elles sont émises par des associations.

$2. Le volontariat rendu nécessaire par la nature intrinsèque des obligations vertes

Cette liberté peut également s'expliquer par la nature même de l'engagement sur lequel repose l'émission d'une obligation verte. L'engagement environnemental relève actuellement d'une conviction, il est encore largement perçu par les entreprises comme un engagement associatif. Emettre un Green bond est l'occasion pour l'entreprise de faire connaitre au marché son engagement en faveur de l'environnement.

40

ICMA, Principes applicables aux obligations vertes - Lignes directrices d'application volontaire

pour l'émission d'obligations vertes, juin 2018 https://www.icmagroup.org/green-social-and-sustainability-bonds/green-bond-principles-gbp/

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Cette liberté est chérie par les émetteurs, qui pour la plupart ne souhaitent pas se voir imposer de normes contraignantes dans ce domaine « militant » mais ne souhaitent pas non plus voir leurs obligations augmenter. L'AMF et l'autorité des marchés financiers néerlandaise (l'AFM)41 ont par exemple indiqué que les émetteurs sont réticents à inclure des informations additionnelles dans le prospectus, déjà conséquent. Les autorités indiquent que si inclure ces informations dans un prospectus permettrait d'assurer une plus grande transparence, cela ne constitue pas une réponse appropriée, car cette obligation amènerait à surcharger les émetteurs d'obligations vertes, et menacerait un marché naissant en rendant les obligations vertes plus couteuses que les traditionnelles. Une information périodique ou des vérifications extérieures ont un cout pour les émetteurs42. D'ores et déjà, certaines structures ne peuvent parfois se le permettre43. Un équilibre est primordial entre améliorer l'intégrité et la transparence des obligations vertes et veiller à ce que les obligations d'information ne soient pas trop onéreuses44. Obliger les émetteurs d'obligations vertes à respecter certains standards pour pouvoir les qualifier ainsi, empêcherait certains acteurs de qualifier leurs obligations en tant que telles quand bien même elles le seraient.

De plus, cette pratique a l'avantage d'être souple, et de permettre une adaptation rapide à un niveau international. Dans le domaine de la protection de l'environnement cette flexibilité est primordiale. Se soumettre volontairement à des obligations permet aux entreprises de jouir d'un choix normatif dont le contenu et la portée sont définis par elles-mêmes, de ne s'obliger que par ce qu'elles ont décidé. Cela leur permet de « choisir » leurs combats, les domaines qu'elles affectionnent particulièrement en fonction des valeurs de l'entreprise. Également de permettre aux principes édictés d'être pleinement acceptés par les entreprises.

41 AMF and AFM, «Green bond Prospectus», Position Paper, Avril 2019

42 AMF and AFM, «Green bond Prospectus», Position Paper, Avril 2019

43 Gestion d'actifs /Table ronde « ISR : de la gestion à la distribution, les défis à venir », 1 avril 2019 - N°54 - Edition Hors Série, p°28

44 KRAMER Doris et LAURENT Isabelle, «Impact reporting: enhancing the credibility of the green-bond market», 25 January 2019

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Section 2 : La mise en oeuvre de règles normatives contestée

Le deuxième facteur expliquant cette flexibilité peut relever de la vocation bien souvent internationale des émissions obligataires. Ce caractère international met en doute l'effectivité de normes contraignantes dans ce domaine.

$1. La critique de l'effectivité des règles internationales

Pour Isabelle Daugareilh, « l'entreprise transnationale jouit d'une double liberté, de faire ou de ne pas faire de choix normatifs45» autant vis-à-vis du droit international, que du droit national. Ainsi « les entreprises transnationales sont devenues des acteurs majeurs dans la scène internationale en échappant à tout contrôle étatique grâce à la liberté de circulation des capitaux et des investissements46». Un exemple peut être donné avec l'application de la loi sur le devoir de vigilance. Les ONG ont récemment dressé un « constat inquiétant » de son application, entre les entreprises qui ne respectent pas l'esprit de la loi et celles qui ne publient pas de plan47.

Sandrine Maljean-Dubois partage également cette conception, selon cette auteur les normes juridiques ont un impact limité sur les entreprises, notamment celles qui agissent à l'international. Elle démontre que l'entreprise a tendance à identifier les failles de la régulation internationale et à s'y glisser (montages juridiques lui permettant d'éviter d'avoir à rendre compte de ses comportements, délocalisations vers des régions moins réglementées). Elle partage également l'analyse de O. Godard et T. Hommel48 selon laquelle les entreprises

45 DAUGAREILH (I.), « La responsabilité sociale des entreprises transnationales et les droits fondamentaux de l'homme au travail : le contre-exemple des accords internationaux », Mondialisation, travail et droits fondamentaux, éd. Bruylant, 2005, p. 379.

46 MANTILLA MARTINEZ Marcela Ivonne, Thèse de doctorat, « La responsabilité des entreprises transnationales en droit international des droits de l'homme et en droit international humanitaire : le cas du secteur énergétique » 24/09/2014

47 HERAUD Béatrice, « Devoir de vigilance : les entreprises jouent la montre », Novethic, 25 mars 2019, https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/devoir-de-vigilance-les-entreprises-jouent-elles-la-montre-146948.html

48 GODARD Olivier et HOMMEL Thierry, « Les multinationales, un enjeu stratégique pour l'environnement et le développement durable ? », Revue internationale et stratégique, n° 60, hiver 2005-2006, p. 101.

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ont tendance à freiner le développement de la coopération internationale et à s'opposer à une gouvernance internationale plus forte, susceptible de la menacer49.

On ne peut dénuer le droit international de tout impact en droit de l'environnement50 (où l'état s'est même vu imposer une obligation positive de prendre des mesures pour éviter les atteintes à l'environnement51) et encore moins en droit social. Toutefois cet impact reste limité. Le rapport de Ruggie évoque que « l'incapacité à faire appliquer les lois existantes qui régissent directement ou indirectement le respect des droits de l'homme par les entreprises constitue souvent une importante lacune juridique dans la pratique des États52». Pour Peter Herbel la « hard law » est même vouée à l'échec dans le cadre du droit international, pour étayer sa thèse il donne l'exemple de la violation des Droits de l'Homme, non éradiqués par les états.

$2. L'utilisation du soft law dans le cadre international

L'entreprise a un rôle de plus en plus important à jouer en matière de protection environnementale. Sandrine Maljean-Dubois a procédé à une analyse comparée de trois déclarations ayant rythmé l'histoire du droit international de l'environnement. Elle montre ainsi qu'à Stockholm, en 1972, l'entreprise est presque absente, on parle davantage de « l'homme », des « pays » et des « peuples ». La Déclaration est imprégnée d'une vision relativement planificatrice, étatiste et dirigiste de l'économie. À Rio, en 1992, l'entreprise n'a guère pris davantage de place, selon cette chercheuse, « l'entreprise est alors encore suspecte. Elle est perçue plutôt comme une menace pour la protection de l'environnement. Elle n'est saisie qu'à travers l'État». En revanche, à Johannesburg, en 2002 où l'industrie a été très

49 MALJEAN-DUBOIS Sandrine, La portée des normes du droit international de l'environnement à l'égard des entreprises, 4 octobre 2012

50Arrêt (Argentine c/ Uruguay), « Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay » du 20 avril 2010, § 101, « l'État est tenu de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités qui se déroulent sur son territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction, ne causent un préjudice sensible à l'environnement d'un autre État » cet arrêt a également consacré l'« obligation de procéder à une évaluation de l'impact sur l'environnement lorsque l'activité industrielle projetée risque d'avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée »

51 HAUMONT F., « Le droit fondamental à la protection de l'environnement dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », Aménagement-Environnement, 2008, n° spécial, p. 25.

52 RUGGIE John, "Protect, Respect and Remedy: a Framework for Business and Human Rights", 7 avril 2008

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présente, l'entreprise est perçue comme un acteur essentiel pour insuffler le changement et l'initiative privée est encouragée, plutôt qu'encadrée. Or aucune des deux visions ne triomphe réellement, elles se complètent, s'entrecroisent.

Francis Snyder a mis en exergue la multitude de formes et régimes juridiques de notre siècle, le mode de gouvernance n'est plus uniquement stato-centré, plus uniquement contraignant mais vise à l'incitation, à l'inclusion du secteur privé. On parle donc de plus en plus de co-régulation, voire d'auto-régulation. Ainsi selon Hervé Synvet, « dans le sens d'un jugement favorable, les maitres-mots [du soft law] sont : souplesse, flexibilité, adaptabilité, efficacité53».

L'intervention de l'Etat peut ainsi devenir superflue dans la mesure où les entreprises satisfont aux exigences de l'intérêt public54. Ce comportement peut être perçu comme une stratégie d'autorégulation qui permet aux entreprises de se soustraire à la régulation étatique, ou du moins de la retarder. Tout l'enjeux pour les régulateurs est donc de permettre au secteur privé de s'auto-réguler en un sens vertueux et d'intervenir dès lors que les dérives mettent en péril ce système.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein