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La problématique de la diffusion des musiques du monde en France


par Alexandre Aimé Siewe Leupi
Université Paris III Sorbonne nouvelle - DESS Relations interculturelles 0000
  

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B- LE PRIX DE LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE

A la fin des années 80, quelques têtes couronnées de la pop mondiale en quête de nouvelles sources d'inspiration se tournent vers la World Music. Une véritable tendance se crée et s'installe dans les « playlists » des radios.

Séduits par l'apport fondamental que pourrait représenter la polyrythmie du Sud, les anglais Peter Gabriel et Paul Simon, David Byrne collaborent avec les artistes africains et latino-américaines. Les Kassav, Touré Kunda, Youssou Ndour deviennent populaires en France à travers ce type de collaboration sans que leur propre personnalité musicale puisse s'exprimer tout à fait.

N'empêche qu'on se surprend à rêver d'une explosion des Musiques du Monde dans l'Hexagone notamment dans les médias.

Il n'en sera rien en dépit de la déferlante Yéké Yéké, le tube de Mory Kanté vendu à plus de deux millions d'exemplaires, interprétés en hébreu et en chinois.

Aux illusions succède la déception. Producteurs et artistes des Musiques du monde trépignent de ne pas écouter leurs oeuvres diffusées dans les radios. Ils se voient expliquer par les programmateurs de radios périphériques que les chansons en arabe ou la rythmique africaine par exemplaire, ne sont pas du goût de leurs auditeurs.

Cette idée née dans l'esprit de quelques « spécialistes » qui croient pouvoir présumer des préférences musicales du public, s'est répandue dans le monde de la production musicale. En réalité, la concentration du marché du disque s'est traduite par la création de major companies dont les premières mesures ont consisté à nettoyer les catalogues en éliminant du circuit les artistes qui ne correspondent pas à leurs objectifs de rentabilité fixés à court terme.

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Cette mise en avant de manière systématique des critères de rentabilité sera mortelle pour les artistes à faible rendement. Elle va favoriser uniquement le développement de productions conçues par la consommation de masse. Ces produits (mixages de sons d'aujourd'hui et de bases rythmiques ethniques) sont formatés à une durée standard, au son et au goût de la programmation majoritaire actuelle des radios et télévisions dominées par les rythmes populaires anglo-saxons.

La nouvelle organisation est en train de provoquer un changement radical dans la nature des productions des Musiques du monde. Après les premiers raz de marée provoqués par les tubes artificiellement « fabriqués » par les campagnes de télé largement diffusés pendant l'été, tous les tubes tropicaux de ces dernières années, ont été calqués sur le modèle suivant des critères et recettes esthétiques éprouvés.

Aujourd'hui, « pour accéder à la reconnaissance internationale, les artistes de musiques doivent donc se plier aux normes décrétées universelles par ceux-là mêmes qui ont le monopole de l'universel » (*). Pour espérer une quelconque visibilité, ils doivent le plus possible réduire la distance qui les sépare du son de référence, cette sorte de rythme planétaire, inventé par la World beat connection et qui chaque jour tend à uniformiser les productions musicales. Le marketing des major companies déploie d'importants moyens pour que ce creuset musical puisse atteindre l'oreille du plus grand nombre, un public en demande d'exotisme. Les termes de village global, sono mondiale participent de cette décolonisation de ce que sont véritablement les musiques du monde. Les produits « markétés » par les major companies autour de thèmes proches de l'alimentaire sont aujourd'hui présents en grande distribution.

Afin de satisfaire un public en mal d'évasion et de rêve, des campagnes de promotion sont organisées pour des collections empreintes de folklorisme et d'exotisme.

(*)pour reprendre Pascale CASANOVA dans La république mondiales des lettres p.218

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Cette approche purement marchande des Musiques du monde a suscité une demande de plus en plus forte et les grands magasins ont fait évoluer leurs rayons afin d'y répondre.

Ces musiques représentent aujourd'hui entre 5% et 10% des ventes réseaux spécialisés et des grands magasins. Des chiffres en constante progression certes, mais on constate parallèlement que nombre de ces artistes ainsi reconnus sur le plan international, ont quitté progressivement le registre des musiques de monde pour celui de la pop ou des variétés.

C'est donc au prix de l'érosion de son identité que le musicien du monde négocie son entrée ou au mieux son « existence et son émergence » dans l'univers mondial. Il n'a guère de chance de donner de lui-même une image respectueuse de ce qu'il est réellement.

Une situation qui confirme les inquiétudes de ceux qui redoutent la « mondialisation de la culture » à travers laquelle ils ne perçoivent que perte d'identité et ruine des cultures singulières. Le danger existe-t-il véritablement ?

En nous fondant sur le résultat de la confrontation des Musiques du Monde à l'industrie culturelle, peut-on légitimement craindre à l'échelle de la planète une désintégration des cultures nationales sous la pression et la puissance des industries culturelles ?

Dans une large mesure, c'est cette problématique que nous devons soumettre à l'analyse.

II- VERS LA CONFRONTATION ENTRE CULTURE ET INDUSTRIE

Il est indéniable aujourd'hui que tous les produits désignés aujourd'hui sous le terme de « produits culturels », circulent sur la planète entière où ils sont consommés, de manière très inégale certes, par, à peu près six milliards d'humains. Ce contexte prête à une perception large de la notion de culture

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et il nous semble opportun, pour les besoins de cette analyse, de la serrer de plus près.

La culture se caractérise ainsi par son mode de transmission que l'on désigne par tradition entendue comme « ce qui d'un passé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante et acceptée par ceux qui la reçoivent et qui à leur tour, au fil des générations, la transmettent » (*)

La culture des Pygmées comprend les connaissances, les arts, les savoir-faire et toutes les autres habitudes acquises par chaque Pygmée du fait de son appartenance à la société.

Par contre la culture d'un jeune parisien n » à la fin du siècle dernier, comprend l'usage de l'automobile, du téléphone portage et l'approvisionnement dans les grandes surfaces, attitudes qu'il a acquis du fait de sa naissance dans les grandes surfaces, attitudes qu'il a acquis du fait de sa naissance dans cet environnement urbain et contemporain. Mais la culture du second est moulée par une industrie qui a bouleversé le monde de vie ainsi que le régime de transmission et de production de la culture. La mondialisation de la culture est donc l'une des principales conséquences du développement industriel.

Ainsi l'ambition normale de toute industrie culturelle est-elle de conquérir des parts de marché en diffusant ses productions en Inde comme aux Etats Unis.

A l'inverse, la culture des Pygmées ou des banlieues ouvrières de l'Hexagone est précisément localisée. Elle n'a en fait ni l'ambition, ni les moyens de se diffuser à l'échelle du monde. L'intrusion de l'industrie culturelle dans le champ des cultures traditionnelles les transforme, et parfois les détruit.

Par exemple dans presque toute l'Afrique sub-saharienne, les étoffes de fabrication industrielle, la farine de blé, le pain, la bière, le vin et le Coca-Cola ont progressivement pris la place des étoffes locales, de la boule de mil ou de l'igname, la bière de mil, du vin de raphia ou de palme.

(*) PUILLON.J « Tradition » in P.BONTE et IZARA, Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, PUF, P710-712, Paris, 1991

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Témoins privilégiés de la mondialisation du marché de la culture, les ethnologues ont depuis le début du siècle, accumulé des expériences et des analyses sur des milers de communauté à travers le monde. Leur constat semble unanime. D'une part, il témoigne d'une érosion rapide et irréversible dans les cultures traditionnelles. D'autre part, dans la pratique, ils observent que cette érosion est limitée par de solides éléments de culture. Une résistance qui se traduit par une production culturelle constante, abondante, et diversifiée en dépit de l'hégémonie culturelle exercée par les pays industriels.

La circulation des biens culturelles à l'échelle mondiale aurait certes un impact sur les communautés traditionnelles mais sur le terrain la réalité serait plus contrastée que ne le laisseraient croire les théoriciens du libéralisme. Pour Jean-Pierre Warnier, ces derniers seraient victimes d'une funeste « illusion d'optique » qu'il faut relever et dénoncer. Pour lui, le débat sur la mondialisation de la culture est biaisé par des questions de méthode.

Selon qu'on observe la circulation des flux culturels au niveau mondial du point de vue mondial, ou bien qu'on étudie la manière dont ils sont reçus au niveau local, les résultats de l'observation et les conclusions qu'on en tirera seront différents en fonction des deux échelles d'observation.

Sur ce, il reproche au discours globalement dont Jacques ATTALI, membre du conseil d'Etat et essayiste français serait l'un des chantres, d'isoler les produits culturels de leur contexte en les agrégeant par catégories et en quantifiant la production et la distribution à l'échelle de la planète.

Une approche qui pour lui à la faiblesse de ne pas saisir la manière dont ces produits culturels sont reçus, décodés, recodés, domestiqués et réappropriés à travers l'activité des « instances intermédiaires de tri et de contextualisation » qui sont la famille, la communauté locale, les devins-guérisseurs, les religieux, l'école, les associations. De son point de vue ; l'impact des brassages culturels serait tributaire de la manière dont fonctionnent les instances médiatrices. La pertinence de son propos reste néanmoins troublée par la difficulté énorme de pouvoir apprécier efficacement à l'échelle de la planète, chaque cas de

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résistance et de réappropriation des produits culturels par les communautés réceptrices. Il est tout exact d'affirmer qu'aujourd'hui l'industrie produit en série des objets standardisés, rigoureusement identiques les uns les autres.

Mais de là en conclure que cette standardisation de la production engendre une homogénéisation de la consommation constitue une erreur fondamentale. Où qu'on aille dans le monde, on trouve des communautés qui cultivent leurs traditions hors de tout conservatisme agressif. Un séjour dans les quartiers populaires de Yaoundé permettra au témoin attentif d'observer une communauté qui contribue à danser, chanter avec ferveur et vibrer au son du bitut-si, le rythme traditionnel le plus prisé du milieu.

Au même moment, à longueur de journée leurs écrans cathodiques câblés, diffusent en boucle les vidéos du nouveau groupe de « midinettes » à la mode, placé sur l'orbite à grand renfort médiatique à l'échelle de la planète.

C'est que tout simplement dans ces communautés, les spectacles de marketing comme d'autres produits culturels, ne remettent pas fondamentalement en cause leurs habitudes motrices. Les membres portent des blue-jeans, mâchent des chewing-gums, et doivent du Coca-Cola, mais leur vie leur, bonheur sont ailleurs. Seuls les spécialistes des médias et les industries culturelles ne le perçoivent pas assez.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote