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Le régime de l'immigration irrégulière par voie maritime en droit international public


par Mariette Amandine Fleur GNAMBA
Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Côte d'Ivoire) - Master 2 Spécialité Droit public 2017
  

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B. Étude d'un organe régional intégré : l'agence de garde-côtes et de garde-frontières Frontex

L'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures ou «Frontex »238(*), a été formalisée en 2002, proposée en 2003, créée par règlement de l'Union européenne en 2004 CE n° 2007/2004 du Conseil européen du 26 octobre 2004239(*) et est entrée en fonction le 3 octobre 2005240(*). Il s'agit d'une agence comprise dans un « système européen de gestion des frontières ». C'est un organisme doté de la personnalité juridique distincte de celle de l'Union européenne241(*).Son rôle principal est d'assurer la coordination des activités menées par les États membres, d'assurer une répartition plus équitable des charges entre les États en matière de contrôle frontalier et de formation des garde-frontières. Elle est également chargée de l'analyse des risques, c'est-à-dire de surveiller les mouvements de migrants. Frontex est passée à sa création en 2004 d'un simple rôle de coordination à une Agence européenne des gardes-frontières et des gardes côtes en 2016, soit un acteur à part entière dans la gestion des frontières de l'Union européenne242(*).

Comparée à une armée243(*), institution dont le silence est la caractéristique centrale, l'Agence concentre toutes les critiques des défenseurs des droits de l'Homme qui s'interrogent sur sa nature réelle et son degré de responsabilité pour les violations des droits des migrants lors de ses opérations.

Son règlement créateur de 2004 a été modifié en, 2007244(*), en 2011245(*), en 2016246(*) et enfin en 2019247(*).

L'agence a une personnalité indépendante pour les fonctions techniques248(*).

La détection d'une embarcation impose aux États l'obligation de porter secours au navire en détresse. Les zones de recherche et de sauvetage sont de la responsabilité unique des États249(*). L'activité de l'Agence ne remet pas en cause la compétence des États de l'UE dans la surveillance et le contrôle des frontières extérieures250(*). En clair, la responsabilité du contrôle et de la surveillance des frontières extérieures est du ressort exclusif des États-membres. Frontex ne fait que coordonner ces différentes opérations251(*). La surveillance des frontières reste donc une mission souveraine252(*).Avec son nouveau mandat de 2016, Frontex a désormais le pouvoir d'organiser des opérations de retour conjointes de sa propre initiative.

Dès lors, quel est le rôle exact de Frontex ?

Les opérations de Frontex se sont multipliées au cours des années suivant sa création.

Les opérations Héra se sont déroulées en 2006, sous le commandement de l'Espagne aux îles Canaries pour la première du nom. Ensuite, Héra II en 2006 s'est tenue au Sénégal et en Mauritanie. Les deux dernières sont respectivement Héra III en 2007 et Héra 2008 en 2008. Les opérations Nautilus en 2006, 2007 et 2008 concernent une opération conjointe entre Malte et l'Italie. Poséidon quant à lui s'est déroulé entre 2006 et 2007. Il s'agit d'une coopération entre la Grèce, la Turquie, l'Albanie et la Bulgarie253(*).

Les opérations Héra de 2006 avaient pour but d'empêcher les embarcations venant des côtes mauritaniennes et sénégalaises254(*). Ces opérations sont une entrave grave au droit de quitter tout pays y compris le sien255(*) qui est garanti par l'article 13.2 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948 et l'article 12.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'article de la DUDH dispose que « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». Le PIDCP reprend presque dans les mêmes termes, « Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien ».

Ces opérations s'apparentent plutôt au premier abord à l'interception. Or elle est contraire au droit de la mer et au principe de non refoulement256(*).

L'interception peut se définir comme toute mesure prise par un État en dehors de son territoire national, dans le but de prévenir, interrompre et arrêter un convoi de personnes sans les documents requis pour traverser les frontières terrestres, aériennes et maritimes, et d'atteindre leur destination prévue257(*). Cette définition renforce le caractère extraterritorial de l'interception. C'est une définition proposée par le Haut-commissariat aux réfugiés en 2000.

En 2003, le même organisme propose une autre définition. « L'une des mesures prises par les États pour :

i. Prévenir l'embarquement de personnes pour un voyage international ;

ii. Empêcher que le voyage qui a débuté continue ;

iii. Contrôler les navires dont on a des raisons sérieuses de croire qu'ils transportent des personnes en violation du droit international et national ».

Cette définition efface toute mention d'extraterritorialité et augmente ainsi la portée de l'interception, fait une différence claire entre l'interception et le sauvetage, mais en même temps brouille la distinction entre ces deux termes en suggérant que l'interception protège aussi la vie des migrants258(*). En clair, l'interception est constituée de mesures physiques prises de manière extraterritoriale pour éviter l'entrée de migrants non désirés sur le territoire national.

Es-ce que l'article 110 de la convention de Montego Bay peut fournir une base légale à l'interception d'êtres humains ? Le fait de transporter des migrants clandestins en haute-mer n'est pas un crime international en soi. Ces personnes ne peuvent être arrêtées que si elles sont entrées dans la zone territoriale ou la zone contiguë de l'État côtier en violant ses lois sur l'immigration. Si les personnes ont une nationalité, elles ont droit à la protection de leur État de nationalité indépendamment du fait qu'elles se trouvaient sur un navire sans nationalité. L'article 11 (1) (b) de la convention de Montego Bay peut être une base légale valable pour le droit de visite auprès de navires en haute-mer qui sont susceptibles de transporter des esclaves. Il peut donc, sous certains aspects, être un fondement légal pour l'interception d'êtres humains en haute-mer259(*).

L'interception de migrants ne viole pas en soi le principe de non refoulement. Ce principe, en effet, n'inclut pas l'obligation d'admettre les migrants dans un pays. Le droit international humanitaire fait une distinction entre le devoir de ne pas exposer les migrants à des risques sécuritaires et leur droit de demander l'asile. Le premier devoir est une obligation et le second relève des prérogatives souveraines des États. Ce n'est pas aux personnes secourues de choisir le port de destination260(*).

La migration est, cependant entravée dans la pratique par Frontex. Ses interceptions sont en principe limitées à la répression du trafic de migrants, mais elles ont été étendues à la prévention de la migration irrégulière261(*).L'interception pour sauver des vies a laissé place à l'interception utilisée pour empêcher des personnes d'entrer dans les pays développés. Nombreuse de ses opérations ne se font pas dans le respect du droit international. Elles ne sont pas transparentes. Ainsi, le principe de non-refoulement n'est pas respecté parce que les personnes interceptées sont obligées de retourner vers le pays d'embarquement262(*).

La mission confiée à Frontex est ambiguë car il y a une conciliation difficile et compliquée entre le rôle de police aux frontières avec celui de secouriste263(*).

L'une des préoccupations importantes au plan juridique est la nature des accords que conclut Frontex avec les pays tiers. En effet, les règlements donnent une compétence juridique à Frontex pour signer des accords qui ne sont pas des traités internationaux264(*).

La médiatrice européenne a demandé le 14 novembre 2013 dans un communiqué de presse265(*), à Frontex « de mettre en place un mécanisme de traitement des plaintes relatives à des violations des droits fondamentaux découlant de son activité ». En effet selon Frontex, les violations des droits de l'Homme relèvent exclusivement de la responsabilité de l'État-membre concerné. Ce qui pose un véritable problème juridique car l'Agence se trouve donc dans un vide juridique inquiétant. Vers qui les requérants devront donc se tourner pour obtenir réparation ? Frontex possède la personnalité juridique et est en même temps reliée et sous le contrôle des institutions de l'Union et des États-membres266(*). Elle peut signer des accords avec des États tiers et les dit accords ne tombent pas sous le régime des traités internationaux, ce sont des accords dits « techniques ».

En 2016, un nouveau règlement européen du 14 septembre 2016267(*) modifiant le règlement de 2004 créant Frontex a institué une « responsabilité partagée ». Avant ce règlement, chaque État était responsable de l'opération qu'il requiert268(*). Il s'agissait d'une responsabilité purement étatique. Désormais, Frontex doit aussi répondre des dommages causés par ses opérations. Cependant que recouvre cette notion ambiguë de responsabilité partagée ? L'article 5 du règlement est celui qui l'institut, mais la ligne de responsabilité n'est pas aussi aisée à départager.

L'article 5 du règlement comporte un mécanisme de dépôt de plainte auprès d'un Officier aux droits fondamentaux, une réforme attendue par les détracteurs de Frontex. Néanmoins, cette procédure est qualifiée de « coquille vide »269(*) car cette responsabilité n'est encore qu'administrative. En effet, elle ne permet encore que de mener des enquêtes administratives qui conduisent éventuellement à une sanction administrative des agents concernés sans possibilité de réparation. Une autre auteure propose plutôt l'expression de « guichet »270(*) pour qualifier cette procédure qui donne un rôle de réception de plainte à l'officier des droits fondamentaux. Toujours est-il que ce mécanisme n'est pas l'évolution attendue pour faire respecter les droits de l'Homme des requérants en raison de la limite temporelle de 1 an maximum après les faits allégués.

L'Australie fait preuve d'une politiqueplus affirmée encore contre la migration irrégulière.

* 238 ''''''''''''''''''Ludivine RICHEFEU, Le droit pénal face à la migration transfrontière, op. cit.

* 239'  'Benoît GRÉMARE, L'agence Frontex et la marine nationale, op. cit., p. 10.

* 240'  ''Melissa CUOZZO, La migration vers l'Europe?: un enjeu sécuritaire. Causes et conséquences des politiques migratoires européennes sur les migrants, op. cit., p. 30.

* 241'  'Benoît GRÉMARE, L'agence Frontex et la marine nationale, op. cit., p. 15, 59.

* 242'--''''Annabelle KARGL, FRONTEX, symbole d'une gestion des frontières européennes en évolution, Comité Europe - ANAJ-IHEDN, 2018, p.1.

* 243  '''''''''Claire RODIER, « Frontex, la petite muette », Vacarme, N° 55 (2011), p.?38.

* 244''Règlement Parlement européen et Conseil de l'Union européenne, Règlement (CE) n° 863/2007, 2007.

* 245'''RÈGLEMENT (UE) N o 1168/2011 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 25 octobre 2011 modifiant le règlement (CE) n o 2007/2004 du Conseil portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, Tome L 304, 2011.

* 246Règlement (UE) 2016/1624 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, 14 septembre 2016, 2016.

* 247''Parlement européen et Conseil de l'Union européenne, Règlement (UE) n° 2019/1896. Novembre 2019.

* 248'  ''Melissa CUOZZO, La migration vers l'Europe?: un enjeu sécuritaire. Causes et conséquences des politiques migratoires européennes sur les migrants, op. cit., p. 30.

* 249  ''''''''''''''''''Ludivine RICHEFEU, Le droit pénal face à la migration transfrontière, op. cit., p. 180.

* 250'  ''Melissa CUOZZO, La migration vers l'Europe?: un enjeu sécuritaire. Causes et conséquences des politiques migratoires européennes sur les migrants, op. cit., p. 30.

* 251Jasmine COPPENS, Migrants at Sea A Legal Analysis of a Maritime Safety and Security Problem, Dissertation presented to the Faculty of Law of Ghent University in order to obtain the degree Doctor of Law, Ghent, Ghent University, 2012, p.?211.

* 252   Claire GATINOIS. « Frontex, cache-misère de la faiblesse de la politique migratoire européenne », Le Monde (27 octobre 2013).

* 253  -Anneliese BALDACCINI, « Extraterritorial Border Controls in the EU: The Role of Frontex in Operations at Sea » dans Bernard Ryan et Valsamis Mitsilegas, Extraterritorial Immigration Control. Legal Challenges, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, p.?238.

* 254''''LES VERTS /ALE (PARLEMENT EUROPÉEN), Agence Frontex?: quelles garanties pour les droits de l'Homme?? Étude sur l'Agence européenne aux frontières extérieures en vue de la refonte de son mandat, 2010, p.?10.

* 255  ''Ibid., p. 10.

* 256   Michael PUGH, « Drowning not waving: boat people and humanitarianism at sea », loc. cit., p.12.

* 257       Efthymios PAPASTAVRIDIS, « Interception of Human Beings on the High Seas?: A Contemporary Analysis under International Law », Syracuse Journal of International Law and Commerce, no 36 (2009 2008), p. 2. ; Barbara MILTNER, « Irregular Maritime Migration: Refugee Protection Issues in Rescue and Interception », loc. cit., p. 7.

* 258  Barbara MILTNER, « Irregular Maritime Migration: Refugee Protection Issues in Rescue and Interception », loc. cit.

* 259   Efthymios PAPASTAVRIDIS, « Interception of Human Beings on the High Seas?: A Contemporary Analysis under International Law », loc. cit., p. 20.

* 260   Matteo TONDINI, « The legality of intercepting boat people under search and rescue and border control operations with reference to recent Italian interventions in the Mediterranean Sea and the ECtHR decision in the Hirsi case », The Journal of International maritime law, no 18 (2012), p. 6.

* 261  ''''''''''''''''''Ludivine RICHEFEU, Le droit pénal face à la migration transfrontière, op. cit., p. 157.

* 262 `'  -`'-`'Efthymios PAPASTAVRIDIS, « `Fortress Europe' and FRONTEX: Within or Without International Law? », Nordic Journal of International Law, no 79 (2010), p. 75-111.

* 263  Claire GATINOIS, « Frontex, cache-misère de la faiblesse de la politique migratoire européenne », loc. cit.

* 264   '''''''''Claire RODIER, « Frontex, la petite muette », loc. cit., p. P. 39.

* 265   '''''MÉDIATEUR EUROPÉEN. « La Médiatrice demande à Frontex de traiter les plaintes relatives aux violations des droits fondamentaux », Communiqué de presse n°17/2013 (14 novembre 2013).

* 266''  ''LES VERTS /ALE (PARLEMENT EUROPÉEN), Agence Frontex?: quelles garanties pour les droits de l'Homme?? Étude sur l'Agence européenne aux frontières extérieures en vue de la refonte de son mandat, op. cit., p. 22.

* 267  « Règlement (UE) 2016/1624 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, 14 septembre 2016 », loc. cit.

* 268''  ''LES VERTS /ALE (PARLEMENT EUROPÉEN), Agence Frontex?: quelles garanties pour les droits de l'Homme?? Étude sur l'Agence européenne aux frontières extérieures en vue de la refonte de son mandat, op. cit., p. 31.

* 269  ' 'Nina FABRIZI-RACINE, « Frontex, nouvelle Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes?: Des données et des hommes », La Revue des droits de l'homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, (21 mars 2017), p.?5.

* 270 ' ''''''''''''''Carole BILLET, « Quelle(s) responsabilité(s) pour l'agence Frontex?? » dans Patrick Chaumette. Wealth and miseries of the oceans: Conservation, Resources and Borders Richesses et misères des océans?: Conservation, Ressources et Frontières, GOMILEX, 2018, p.?423.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote