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La pollution de l'air et le cadre de vie en droit international de l'environnement


par Patrick Bahati Ndeze
Université de Limoges - Master 2 2019
  

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Section 2. La notion de nuisance comme élément de protection de cadre de vie

Le recours au Common Law pour résoudre les litiges environnementaux aux États-Unis datent de plusieurs siècles. Avant 1970, même dans les cas où tous les éléments du litige pouvaient être considérés comme relevant du droit de l'environnement, que cela soit de la part des juges ou des parties, aucune référence n'était faite dans ce contexte. En l'occurrence, il y avait des cas où la partie défenderesse causait dommage soit à la qualité de l'air ou de l'eau du plaignant ou même à son droit de propriété. En dehors de toute conscience environnementale ou écologique, les juges trouvaient la réunion de tous les éléments nécessaires pour demander que la partie défenderesse arrête l'activité dommageable et dans la plupart de cas, octroie des dommages et intérêts.

Les différents principes et notions de la Common Law que les juges utilisent dans les litiges ayant trait au droit de l'environnement sont par exemple la théorie de la nuisance, l'effraction, la négligence et la responsabilité sans faute. Dans le cadre de la section sous étude, nous nous focaliserons sur la notion de la nuisance comme un élément de la protection du cadre de vie. Parce qu'il s'agit de la pratique, nous verrons comment le cadre de vie qu'il soit public ou privé est protégé par les victimes de la pollution de l'air en l'évoquant devant les juges en requête d'une injonction ou le paiement de dommages et intérêts.

La notion de la « nuisance » fait partie du droit du délit dans le Common Law. Elle peut être définie comme « l'utilisation déraisonnable, injustifiée et/ou illégale de biens, qui cause des inconvénients ou des dommages à autrui, que ce soit à des particuliers ou au grand public. Les nuisances peuvent inclure les odeurs nauséabondes, le bruit, le bûcher, la désaffectation de l'eau sur d'autres propriétés, le jeu illégal, la collecte non autorisée... ».64(*) La loi sur la nuisance n'est pas toujours facile à interpréter et les juges ont la tâche, dans plusieurs instances, de décider si les actes de la partie défenderesse constituent une nuisance.

Le code civil de la Californie la considère comme : « Tout ce qui est préjudiciable à la santé, y compris, mais sans s'y limiter, [à] la vente illégale de substances dont la vente est réglementée ou qui est indécent ou choquant pour les sens, ou qui entrave le libre usage des biens, de façon à nuire au confort et à la qualité de vie, ou qui empêche le libre passage et l'usage, de façon habituelle, de tout lac, rivière, baie, cours, canal, bassin ou tout parc public, place, rue ou autoroute est une nuisance »65(*).

William PROSSER rapporte que le terme « a été malheureusementune sorte de poubelle légale... utilisée pour designer [n'importe quoi] d'une publicité alarmante à un cafard cuit au four dans une tarte ».66(*) D'autres auteurs caractérisent la loi de la nuisance comme « une poubelle légale ; une corbeille légale [utilisée] comme une alternative à l'analyse chaque fois que [les tribunaux le souhaitent] pour réparer un préjudice »67(*) ou encore comme « un mot caméléon [au sens] technique ou dans sa généralité, selon qui l'utilise et [qui dépend] de quand et où il est utilisé68(*) ». D'autres auteurs considèrent la loi de nuisance comme une jungle impénétrable.

Le caractère vague de la notion de nuisance dans le Common Law en a fait un instrument majeur dans la protection de l'environnement. Parce que la notion a été construite par la jurisprudence, il est beaucoup plus facile aux juges de décider de son application chaque fois qu'une situation nouvelle se présente. « le droit de la nuisance est «une intersection importante entre [le droit de] propriété et les délits»69(*) et comprend deux causes d'action distinctes en Common Law : la nuisance privée (§1) et la nuisance publique70(*) (§2) ». Nous allons voir comment les deux notions ont été utilisées en matière de pollution l'air en vue de la protection de cadre de vie.

§ 1. La doctrine de la nuisance privée comme instrument de protection du cadre de vie

La doctrine de nuisance privée est directement lié à la notion du droit de propriété. Comme le propriétaire possède l'usus, l'abusus et le fructus sur son bien, les perturbations de ses avantages peuvent avoir comme résultat un conflit judicaire sur la base de la nuisance privée. Dans le droit privé des biens, il y a nuisance lorsqu'il y a une entrave importante qui affecte les attributs du droit de propriété du demandeur. C'est pour cette raison qu'« en tant que sujet d'étude, le droit de la nuisance est à la fois un délit civil et un délit matériel parce que la responsabilité pour nuisance découle d'une activité négligente ou autrement préjudiciable, et parce que la responsabilité porte sur l'entrave à l'utilisation et à la jouissance des biens-fonds ».71(*)

En matière de pollution de l'air, Julian JUERGENSMEYER rapporte que « dès 1611, la Cour d'Appel de King's Bench [avait] accordé des dommages et intérêts et une injonction aux plaignants dont l'air avait été «infecté et corrompu»72(*) par les odeurs [d'une porcherie appartenant à l'accusé] »73(*). Pour parvenir à faire qualifier la pollution de l'air comme une nuisance privée, le plaignant doit démontrer qu'elle constitue une entrave substantielle dans l'usage de son bien et perturbe ainsi son cadre de vie.

Dans la plupart des cas, les juridictions mettent en balance les intérêts des plaignants pour enfin prendre une décision basée sur l'équité. C'est l'exemple du litige opposant Madison à Ducktown Sulphur, Copper and Iron Compagnies en 1904. Les plaignants, propriétaires des terres agricoles près de l'usine de transformation du cuivre avaient porter plainte contre l'usine à cause des émissions de dioxyde de soufre dans l'atmosphère, qui causaient des pluies acides décimant les récoltes et la végétation sur les terres des plaignants.

La Cour suprême de Tennessee, tout en admettant qu'il y a eu nuisance et reconnaissant les pertes subies ainsi que le risque sanitaire sur les plaignants, ne pouvait pas prononcer une injonction contre l'exploitation en disant qu' « afin de protéger par injonction plusieurs petites parcelles de terre d'une valeur totale de moins de 1 000$, on nous demande de détruire d'autres biens d'une valeur de près de 2 000 000$ et de détruire deux grandes entreprises minières et manufacturières, qui sont engagées dans les travaux très importants, non seulement pour leurs propriétaires, mais aussi pour l'Etat et pour tout le pays... Il en résulterait pratiquement une confiscation des biens des défendeurs au profit des plaignants sans aucune compensation ».74(*)

Il est clair qu'en 1904 la conscience écologique n'était pas présente dans le chef des plaignants ou même des juges. L'utilisation de la nuisance privée dans les affaires de la pollution de l'air ne pouvait pas participer à la protection de l'environnement dans le cas où les juges décidaient de ne pas ordonner d'injonction contre l'activité polluante. Dans l'affaire sous examen, les juges octroient seulement les dommages et intérêts et permet ainsi à l'exploitation de continuer à polluer.

Wright contre MasoniteCorporation est une autre affaire dont le plaignant invoque une nuisance privée en matière de pollution de l'air causée par des gaz toxiques. Le plaignant, un habitant de Davidson County dans la Caroline du Nord possédait une petite épicerie à environ 70 mètres de l'usine de carton Masonite, le défendeur et ce, depuis 17 ans avant 1963. En été 1962, l'usine décide de relocaliser ses activités de finissage à environ 18 mètres de l'épicerie.

Au sein de l'usine, une phase de production finale consistait à pulvériser des panneaux avec un vernis contenant une résine urée-formaldéhyde. « Une résine urée-formaldéhyde est produite en combinant l'urée et le formaldéhyde. Cette combinaison est ensuite mélangée à d'autres produits chimiques et composés dans diverses quantités et des proportions pour produire ce que l'on appelle dans le commerce un produit synthétique. Dans le processus de fabrication, l'urée et le formaldéhyde n'aboutissent pas toujours à une combinaison parfaite de deux produits chimiques, et le résultat dans le produit fini dans ce cas est un très faible pourcentage du formaldéhyde "libre". »75(*)

Les fumées résultant de la pulvérisation sortaient de l'usine à l'aide de deux grands ventilateurs d'échappement. Avant que l'usine ne déplace son activité de finissage dans le voisinage de l'épicerie, il n'y avait aucune odeur enregistrée. Vers la fin de l'année 1962, l'odeur devenait de plus en plus évidente, non seulement en dehors de l'épicerie, mais aussi à l'intérieur et déjà au début de 1963, les clients commençaient à se plaindre de ces odeurs. Certains clients commençaient à retourner la marchandise achetée prétextant que les produits avaient un goût étrange, et seraient infectés par les odeurs. C'était en priorité les oeufs et la viande qui semblait être exposés. Le plaignant fut obligé de fermer d'abord la section des oeufs et de la viande avant de fermer complètement vers la fin de janvier 1963.

Il était très difficile de localiser la source des odeurs. Les agents sanitaires de la ville n'ont pas été capables d'identifier la source. Il aura fallu une investigation conduite par le Professeur George DAVIS, un expert chimiste, pour arriver à détecter la source des odeurs. La Cour a fini par déclarer un non-lieu (dismissal with prejudice). Même si la Cour admet que le plaignant aurait perdu un montant estimé à 12 000 USD, elle n'octroie pas pour autant les dommages et intérêts parce que le plaignant n'a pas réussi à prouver le caractère intentionnel du défendeur à nuire.76(*) La responsabilité sans faute pourrait bien trouver application dans ce cas particulier et ainsi protéger ce qui en reste du cadre de vie du plaignant.

Benedict SCHUCK rapporte qu'il y a un nombre de principes légaux que les juges prennent en compte quand ils mettent en balance les prétentions des parties en matière de pollution de l'air :

- « Toute personne a le droit à ce que l'air qui circule sur sa propriété soit exempt de toute impureté ;

- L'air est exempt d'impuretés s'il s'agit d'un air d'une qualité compatible avec le lieu et le caractère de la collectivité ;

- La pollution de l'air, dans la mesure où elle est raisonnablement justifiable pour la jouissance de la vie et le progrès de la société, n'est pas susceptible de poursuites judiciaires ;

- Le droit de jouissance de la propriété ne doit pas être exercée de manière déraisonnable ou causer un préjudice inutile à autrui ».77(*)

Contrairement à Madison v. Ducktown, il arrive des cas où les juges refusent d'utiliser le principe de contrebalancer les prétentions de parties pour prendre une décision même si cette décision va causer des pertes économiques. C'est le cas de Hubert v. California Portland Cement Company dans laquelle, la cimenterie polluait l'air de la propriété appartenant à Hulbert. Dans son opinion la cour avaitsoutenuque « bien sûr, les grands intérêts ne devraient pas être renversés pour des raisons futiles ou frivoles, comme lorsque la maxime de minimis non curat lex est applicable ; mais tout droit substantiel et matériel de la personne ou de la propriété a droit à une protection contre le monde entier. C'est en protégeant les plus humbles de son petit domaine contre les empiétements des grands capitaux et des grands intérêts que le pauvre homme finit par devenir lui-même capitaliste. Si le moindre intérêt doit céder aux droits de propriété plus grands, tous les petits droits de propriété et toutes les petites entreprises seraient tôt ou tard absorbés par les quelques grands et plus puissants ; et leur développement à une condition d'avoir une grande valeur, tant pour l'individu que pour le public, serait arrêté dans son état embryonnaire »78(*).

* 64 Law.com, nuisance, [En ligne], [Consulté le 21 août 2019. http://dictionary.law.com/Default.aspx?typed=nuisance&type=1

* 65 US State of California, Code civil de la Californie §3479, (Amended by Stats. 1996, Ch. 658, Sec. 1. Effective January 1, 1997.)

* 66 Voir W.L. PROSSER, Nuisance without Fault, 20 TEX. L. REV. 399, 410 (1942).

* 67 J.L. LEWIN, Boomer and the American Law of Nuisance: Past, Present, and Future, 54

ALB. L. REv. 189, 192 (1989).

* 68 R. ABRAMS &Val WASHINGTON, the Misunderstood Law of Public Nuisance: A Comparison with Private Nuisance Twenty Years after Boomer, 54 ALB. L. REv. 359, 361 (1989).

* 69 G. PARCHOMOVSKY &P. SIEGELMAN, Selling Mayberry: Communities and Individuals in Law and Economics, 92 CAL. L. REv. 75, 99 (2004) ;

* 70 E. SANGI, The Gap-Filling Role of Nuisance in Interstate Air Pollution, in 38 Ecology L.Q. 479, 2011, P. 2

* 71 J. DUKEMINIER & J.E. KRIER, Property, Editon ASEN, 3d ed. 1993, p.639

* 72William Aldred's Case (1611), 77 E.R. 816 (K.B.)

* 73 J.C. JUERGENSMEYER, Common Law Remedies and Protection of the Environment, 6 U. Brit. Colum. L. Rev. 215 1971, p.2. [En ligne] [Consulté le 21 août 2019. https://readingroom.law.gsu.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=https://www.google.com/&httpsredir=1&article=1332&context=faculty_pub

* 74 Voir Madison v. Ducktown Sulphur, Copper & Iron CO, 113 Tenn. 331, 83 S.W. 658 (1904). https://h2o.law.harvard.edu/cases/447

* 75 Washington and Lee Law review, Air Pollution as a Private Nuisance, 24 Wash. & Lee L. Rev. 314 (1967), p.6 [En ligne] [Consulté le 21 août 2019]. https://scholarlycommons.law.wlu.edu/wlulr/vol24/iss2/10

* 76 US District Court for the Middle District of North Carolina, Wright vs. Masonite Corporation, 237 F. Supp. 129 (M.D.N.C. 1965)

* 77 B. SCHUCK, Air pollution as a private nuisance, in Natural Resources Lawyer, Vol. 3, No3, 1970, 475-490, p. 8. [En ligne], [Consulté le 21 août 2019. https://www.jstor.org/stable/40921663?seq=1#page_scan_tab_contents

* 78 Supreme Court of California, Hulbert v. California Etc. Cement Co., 161 Cal. 239, 251 (Cal. 1911). [En ligne], [Consulté le 21 août 2019]. https://casetext.com/case/hulbert-v-california-etc-cement-co.

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