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La mémoire de l'esclavage en France, un processus douloureux de mis en forme


par Louis Skipwith
École Nationale Supérieure d'Architecture de Bretagne - Master 2 2021
  

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Conclusion

À une époque marquée par des revendications mémorielles exacerbées et toujours plus polémiques, la mémoire de l'esclavage et de la traite négrière en France peine toutefois à se défaire entièrement de ses tabous, comme l'illustre parfaitement le cas de Saint-Malo.

Née dans un contexte de profonde remise en question, sous la pression d'associations ne se retrouvant pas dans le mythe républicain dominant et revendiquant une histoire différente de celle qui leur était jusque là imposée, cette mémoire de l'esclavage est parfois en proie à de vives critiques, certains ne jugeant pas utile, voir même malsain, de ramener au premier plan ce sujet si douloureux pour tous.

Depuis vingt ans maintenant, Saint-Malo effectue le même travail d'histoire que Nantes a commencé dans les années 1980, grâce notamment aux travaux rigoureux de quelques passionnés et à la détermination de certains de ne pas occulter cette histoire. Mais à la différence de grandes métropoles comme Nantes et Bordeaux, ce travail d'histoire n'aboutit pour l'instant pas sur un travail de mémoire.

En rappelant que le travail de mémoire, qui se fait selon le même principe que celui de deuil, suit un cheminement bien précis, on pourrait émettre l'hypothèse que la mémoire à Saint-Malo et le travail qui y est associé ne sont pas encore arrivés à leurs termes. Mais, si c'est là une explication plausible au manque de mémoire dans la ville, ce n'est pas non plus la seule raison qui empêche cette mémoire de se libérer complètement.

Un des arguments les plus importants pour expliquer ce manque provient du poids de l'image et du mythe de la « cité corsaire », que seul Saint-Malo a connu parmi les grandes villes négrières françaises. Devenu l'argument de vente principal de la ville, ce mythe, et la place qu'il occupe dans l'imaginaire collectif de la population, a permis involontairement et indirectement à l'histoire de l'esclavage et de la traite de passer inaperçue. n'est pas « idéale » pour faire avancer les choses dans ce sens. Cela se constate d'ailleurs par le fait que, à la différence de toutes les autres villes concernées par la question, jamais une association ne s'est constituée à Saint-Malo pour exprimer des revendications ou une volonté de changement à ce sujet.

Quoi qu'il en soit, certaines personnes tentent de rétablir cette histoire depuis de nombreuses années déjà, et il est tout naturel de souligner et saluer ces efforts. De nombreux historiens et passionnés d'histoire s'efforcent, à travers des écrits et des prises de parole, de propager et faire connaître cette histoire de la traite malouine. La ville va également se doter prochainement d'un nouveau musée d'histoire maritime, et les personnes en charge de celui-ci affichent une volonté certaine de partager ce récit. On peut donc en conclure que même si la route est encore longue pour Saint-Malo, le processus est aujourd'hui bien enclenché et doit désormais prendre le temps d'aboutir.

Il reste de nombreux sujets à explorer et aborder pour compléter ce travail, comme par exemple une enquête d'opinion au sein de la population qui nous permettrait de connaître l'avis des habitants de la ville sur le sujet, ou encore une étude de l'enseignement de l'histoire dans la ville pour comprendre les ambitions et les limites de celui-ci. Si la situation sanitaire nous l'avait permis, nous aurions pu également approfondir l'analyse du patrimoine de la ville, véritable sujet en soi.

Ce mémoire de recherche constitue donc davantage une sorte d'état des lieux de la situation mémorielle à Saint-Malo qu'une analyse aboutie et définitive de l'état de cette mémoire dans la ville. Comme nous venons de le dire, le processus est désormais en route et de nombreuses conditions sont réunies, sans pour autant qu'elles le soient toutes, pour permettre à la mémoire de l'esclavage et de la traite de se libérer de ses tabous à Saint-Malo.

Il serait intéressant de poursuivre cette étude dans le futur, une fois la situation sanitaire revenue à la normale et la construction du nouveau musée terminée, pour étudier l'impact de celui-ci sur le sujet. Ce travail mériterait également d'être complété à différentes temporalités, et nous serions notamment curieux de voir où en sera la mémoire de l'esclavage dans la ville une fois les vagues de revendications suffisamment loin pour être étudiée avec recul. Ce mémoire ouvre donc la porte à quiconque voudrait prolonger le sujet...

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L'absence de patrimoine provenant directement de l'époque de la traite n'aide pas non plus à éveiller la conscience des malouins par rapport à ce problème. Comme le précise Christine Chivallon, il faut « l'intervention de la forme urbaine1 » pour que la mémoire s'opère, c'est ce qui a notamment permis à d'autres villes négrières de prendre le recul nécessaire et surmonter les tabous entourant la question. Nous pourrions également évoquer le manque de structures universitaires dans la ville, contrairement aux grandes métropoles précédemment citées, élément pourtant essentiel pour qui veut faire avancer les débats et pousser la réflexion sur ces sujets.

Mais toutes les raisons que nous venons de citer n'auraient certainement pas suffi à empêcher la mémoire de l'esclavage de s'émanciper à Saint-Malo, si celle-ci avait été activement portée par une frange de la population désireuse de changer les choses ou par un projet politique soucieux de rétablir cette histoire trop longtemps tue, comme ce fut le cas à Nantes par exemple.

Ville à tendance conservatrice depuis de nombreuses années, alors que ce combat est traditionnellement celui des socialistes, l'agenda politique de la ville n'a, du moins en apparence, pas pour priorité de faire de ce passé un élément de mémoire. De plus, la population de la ville, se reconnaissant dans ce mythe républicain,

1. CHIVALLON Christine, « Bristol et la mémoire de l'esclavage, changer et confirmer le regard sur la ville », op. cit.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams