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Les difficultés d'apprentissage de l'orthographe dans le système éducatif malien: cas du groupe scolaire second cycle de Darsalam, cap de Koutiala (Mali)


par Nicolas TOGO
UCAO-UUba- Bamako-Mali - Master recherche 2018
  

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CHAPITRE III: Elucidation conceptuelle et revue critique de la littérature

3.1- Elucidation conceptuelle

Avant d'aborder toute recherche, il est fondamental d'élucider les concepts contenus dans la question de recherche. Cette clarification des concepts permet d'avoir des idées précises des notions sur lesquelles nous portons notre attention au cours de notre recherche. Elle prend en compte, au-delà des concepts utilisés dans la question de recherche, tout le champ conceptuel des notions qui permettront une meilleure compréhension et traitement des données.

Pour notre recherche, nous avons retenu les concepts de : apprenant, apprentissage, conjugaison, dictée, difficultés, enseignement, orthographe, pédagogie par objectifs, temps didactique.

3.1.1-Apprenant.

Selon Jacques Tardif, rapporté par Pascale Sauvé, 2001, l'apprenant engagé dans un processus d'apprentissage passe « du récepteur passif placé en situation d'interlocuteur, il se transforme en un constructeur actif de connaissances, un collaborateur et, quelques fois, en un expert. » Dans ce processus de l'apprentissage, l'apprenant n'est pas un récepteur passif, mais un acteur de sa propre formation et acquiert plus rapidement les compétences par des méthodes d'apprentissage par essai-erreurs, par la répétition, mise en relation des éléments, la conceptualisation et la mémorisation. Dans le cadre de l'apprentissage de l'orthographe, l'apprenant renforce ses capacités par des activités de lecture, par l'enseignement reçu et surtout le maniement de la graphie des mots. A ce titre, Danièle COGIS, 2005 : 289, affirme que « c'est donc bien l'enseignant qui détient la clé pour amener ses élèves à s'engager dans l'activité, en ne faisant pas de la norme et du rappel des règles des arguments d'autorité, dont l'invocation suffit à clore la discussion, mais, au contraire en permettant au débat de s'instaurer autour des conceptions orthographiques de chacun. ». Une approche qui consiste, pour l'enseignant, à placer les apprenants au centre de leurs apprentissages car ils doivent se sentir impliqués dans le processus d'apprentissage de l'orthographe en leur donnant la parole afin qu'ils s'affirment « sur leurs difficultés dans l'acquisition des compétences orthographiques 29».

L. Pelletier et E. Le Deun, cités par TALPIN Elise, 2006 : 7, aborde dans le même sens en affirmant : « c'est en conférant à tous les élèves cette capacité à agir et à réfléchir ensemble

29 Danièle Cogis, 2005, pour enseigner et apprendre l'orthographe. Nouveaux enjeux. Nouvelles pratiques. Edition DELAGRAVE, p .289.

50

sur les problèmes d'orthographe que les enseignants pourront les aider à repérer leurs erreurs et en analyser les causes, à développer leur écoute et leur attention, à acquérir des représentations sur les mots et les textes, à intégrer des informations nouvelles et à les réinvestir, à mémoriser les formes rencontrées sur le long terme, à raisonner, à accroître le nombre et l'efficacité de leurs stratégies. »30.

Dans le cadre de l'apprentissage de l'orthographique par les apprenants du second cycle de l'enseignement fondamental, il est important pour le maître d'impliquer les élèves au centre de leur apprentissage pour une meilleure acquisition des compétences orthographiques à travers les activités de lecture, de grammaire et de conjugaison en vue de leur permettre d'orthographier avec moins d'erreurs les mots qu'ils rencontrent dans les productions écrites. Un apprenant est donc un individu, enfant, adolescent ou adulte, engagé dans un processus d'acquisition de connaissance, de compétence et/ou d'habilité sous la conduite ou non d'une personne, par l'intermédiaire des moyens et outils capables de lui permettre d'atteindre ses objectifs. Il se place dans un contexte de récepteur mais aussi et surtout de premier acteur placé au coeur de son apprentissage.

Si l'apprenant se définit comme la personne engagée dans un processus d'apprentissage, comment devons-nous percevoir l'apprentissage ? Quelles sont les différentes théories conçues autour du concept d'apprentissage ? La section suivante de notre mémoire donnera quelques élucidations sur le concept d'apprentissage.

3.1.2-Apprentissage.

Selon un collectif de conseillers pédagogiques de collèges situés géographiquement dans la partie est du Québec, « L'apprentissage est un processus actif, constructif, cumulatif qui se produit lorsque l'apprenant traite activement l'information nouvelle, modifiant ainsi sa structure cognitive. »31 C'est un processus qui met en interaction, dans le cadre scolaire, celui qui donne un enseignement et celui qui le reçoit afin d'en conserver les savoirs et les savoir-faire dont il s'en sert en cas de besoin. Selon ce même collectif de conseillers pédagogiques, « L'apprentissage ne dépend [...] pas uniquement de l'enseignement [...] Entre l'enseignement et l'apprentissage s'interposent les comportements d'étude de l'élève, aussi bien dans la salle de classe qu'à l'extérieur de la salle de classe. »32 Dans tout processus d'apprentissage, il existe un apprenant et un savoir, un savoir-faire ou un savoir-faire à acquérir, un émetteur humain

30 -(Comment enseigner l'orthographe dans une démarche d'observation et de réflexion sur la langue et ses usages ?, Numéro de dossier : 0401372Z)

31 - Le Pôle de l'Est, 1992 :57, L'enseignement et l'apprentissage : un cadre conceptuel, [s. l.] : Délégation collégiale du comité mixte de PERFORMA, janvier 1992, Page 57

32 - Idem 55

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physique ou virtuel qui transmet le savoir selon une approche adaptée aux apprenants, objectif visé par l'apprentissage qui constitue le point de conjonction des activités d'enseignement, d'apprentissage et de mise en application des nouvelles acquisitions par les apprenants. Dans le paradigme de l'apprentissage, l'enseignement du savoir est important mais ce n'est pas suffisant pour faire acquérir à l'apprenant des connaissances ou des compétences qu'il désire acquérir. Selon Gary Fenstermacher, 1986 : 55, cité par le collectif de conseillers pédagogiques, « il faut se garder d'établir une relation causale directe entre l'enseignement et l'apprentissage», ce sont « non seulement des phénomènes différents, mais des réalités non complémentaires. » Si l'interaction entre les deux protagonistes du processus d'apprentissage, à savoir : enseignant et apprenant est capitale, « L'influence de l'enseignement sur l'apprentissage est indirecte en ce sens qu'elle est médiatisée par l'activité mentale de l'élève. Sans la participation d'une activité mentale adéquate de la part de l'élève [...], il ne saurait y avoir d'apprentissage, quelle que soit la nature de l'enseignement. »33. Ils soutiennent que «Le rôle de l'enseignant est de guider l'élève dans ses comportements d'étude. »34. Dans le cadre de l'enseignement/apprentissage de l'orthographe du français, le rôle de l'enseignant est très important dans la mesure où il aide les apprenants à mieux comprendre pour mieux apprendre. Sa méthode de transmission des savoirs compréhensible et efficace oriente les apprenants vers un apprentissage sûr par l'accumulation et la mémorisation des connaissances et des compétences. L'apprentissage s'appuie, de ce fait, sur la capacité cognitive des apprenants qui doivent mettre en exergue leur volonté d'apprendre, tremplin indispensable mais pas suffisant pour acquérir des compétences.

Dans le cadre de l'apprentissage de l'orthographe française, l'apprenant découvre, mémorise, consolide de nouvelles compétences en orthographe par essais-erreurs, avec ses contradictions personnelles, en interaction avec ses pairs et avec l'aide de l'enseignant. Les nouvelles compétences orthographiques ainsi acquises en interaction avec les autres acteurs du processus enseignement/apprentissage doivent permettre aux apprenants d'orthographier sans erreurs les mots qu'ils rencontrent dans des productions écrites.

Kalai Lassaad, 2011 : 101, rapporte deux grandes catégories d'approches didactiques pour l'apprentissage de l'orthographe en situation de classe. Dans la première approche, « on vise un apprentissage spécifique de l'orthographe. Tout en admettant que des questions d'orthographe surgissent et se traitent, de manière plus ou moins approfondie, dans toutes les situations de lecture et d'écriture en classe ». Dans une deuxième approche, « l'apprentissage de

33 Idem 56

34 Idem 55

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l'orthographe est lié à des activités de production écrite. », (Kalai Lassaad, 2011 : 101) telles que la dictée. Entre les deux catégories, nous nous intéressons à la première, celle qui consiste à transmettre des compétences orthographiques à travers un enseignement spécifique donné en lecture, en grammaire et en conjugaison avec l'aide du maître de français. Cet enseignement spécifique donné sur la base d'un constat sur des erreurs commises par les apprenants dans leurs productions écrites est plus productif.

Nous nous alignons derrière la théorie de Marie-Françoise Legendre, (2001 : 54) qui résume notre conception de l'apprentissage lorsqu'elle affirme que « dans un paradigme d'enseignement, l'apprentissage est subordonné à l'enseignement. Autrement dit, c'est parce qu'on enseigne que les élèves apprennent et c'est essentiellement la qualité de l'enseignement qui détermine la qualité des apprentissages. Dans cette perspective, l'accent est mis sur les procédés d'enseignement plus que sur les processus d'apprentissage, et sur les produits ou manifestations observables de l'apprentissage plus que sur les démarches de pensée ou les processus de raisonnement qui leur sont sous-jacents. Cette conception, héritée en grande partie des théories béhavioristes de l'apprentissage et, notamment, de la pédagogie de la maîtrise, met l'accent sur la détermination a priori d'objectifs correspondant à l'ensemble des savoirs qu'il s'agisse d'attitudes, d'habiletés ou de connaissances qu'on se propose d'enseigner aux élèves ainsi que sur l'élaboration de procédés d'évaluation permettant de déterminer avec précision si ce qui a été enseigné a effectivement été appris. » Cette « correspondance univoque entre ce qui est évalué et ce qui est appris, entre ce qui est appris et ce qui est enseigné.» (Legendre, 2001 :15) doit être le point de mire du processus enseignement/apprentissage/évaluation des compétences orthographiques par les élèves du second cycle de l'enseignement fondamental au Mali. « L'élève ne pouvant apprendre que s'il a été soumis à un enseignement et l'évaluation ne devant porter que sur ce qui a été appris et, par conséquent, enseigné » (Legendre, 2001 :19), l'élaboration des « programmes par objectifs, caractérisés par l'établissement d'une liste d'objectifs nombreux et morcelés correspondant aux connaissances et habiletés qui doivent être enseignées, apprises, puis évaluées » (Legendre, 2001 :15) est une priorité. Cette approche de l'apprentissage nous intéresse par le fait qu'elle met en exergue un processus linéaire qui prend en compte le savoir à enseigner, le savoir effectivement enseigné, le savoir réellement acquis et l'évaluation du savoir acquis par les apprenants. Cette indispensable conjonction entre les activités d'enseignement, d'apprentissage et d'évaluation d'un savoir, et d'un savoir-faire, doit être assurée par tous les acteurs engagés dans le processus d'enseignement/apprentissage. La phase de l'évaluation permet de corroborer l'efficacité de l'enseignement donné par l'enseignant qui analysera les résultats et prendra les

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décisions qui s'imposent pour de futurs enseignements. A ce titre, nous nous alignons sur la théorie de Danièle COGIS, 2005 : 150 qui affirme que « l'acquisition/apprentissage de l'orthographe est un travail exigeant, un processus continu, non linéaire et dynamique. Enseigner sera accompagné l'élève dans son trajet, trajet souvent labyrinthique » Il revient à l'enseignant, à travers une approche constructive, d'aider les apprenants à traverser ce labyrinthe de l'orthographe française et à éviter le maximum d'erreurs dans leurs productions et partant échapper à un échec scolaire. Car, selon J-P. Astolfi et Develay, 1989, cités par Kalai Lassaad, 2001 : 22, « un véritable apprentissage se définit au moins autant par les transformations conceptuelles qu'il produit chez l'individu que par le produit de connaissance qui lui est dispensé. ». Ainsi l'on peut jauger l'efficacité d'une transmission de compétences, en ce qui concerne l'orthographe, à travers ce que les apprenants ont acquis qu'à travers l'enseignement donné. A ce titre, la maitrise de la conjugaison des verbes aux différents temps et modes de la langue française revêt un double intérêt dans l'apprentissage de l'orthographe lexicale et grammaticale. Nous tenterons d'élucider ce concept dans la section qui suit.

3.1.3-Conjugaison

La conjugaison, ce « noyau dur mal traité et maltraité de la grammaire » est une discipline capitale dans la maitrise des changements des désinences des verbes aux temps et modes du français. Elle contribue à un meilleur usage du langage parlé et écrit. Selon Eveline Charmeux, « Depuis toujours, on sait que le domaine du verbe est, et de loin, le domaine le plus mal maîtrisé par les élèves, qu'il s'agisse de ses aspects orthographiques ou de ses emplois. Toutes les recherches sur les difficultés rencontrées par les élèves, en matière de maîtrise de la langue, débouchent sur ce domaine du verbe, qui, de plus, et pour diverses raisons, est toujours, dans toutes les langues, le domaine le plus difficile et le plus compliqué. »35 Cette auteure retient que « pour presque tous les élèves, ce mot signifie d'abord récitation de formes verbales, rangées dans un certain ordre, à l'intérieur d'autres ensembles appelés "temps" et "modes ", dont les élèves ne savent guère à quoi ils correspondent, et dont a peine à voir le lien éventuel avec les nécessités de la communication orale et écrite. »36 En effet, la conjugaison que l'on peut définir comme regroupement des changements subis : radical, désinences, par un verbe à un temps et à un mode du français, s'intéresse au « "noyau dur" » qui « est à la fois mal traité (puisqu'objet de mémorisation là où une démarche tout autre s'impose) et maltraité, car, comme nous allons le voir, c'est un domaine truffé d'erreurs, qui rendent encore plus difficile son appropriation

35 -Eveline Charmeux- Enseigner le français avec Eveline Charmeux-, Enseigner la conjugaison, https://www.charmeux.fr/conjugaison.html Visité le 17 Juillet 2018.

36 Idem.

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par les élèves. » 37 comme le soutient Eveline Charmeux. Le verbe reste le noyau central de la phrase verbale. Il subit de nombreux changements dans ses relations avec les autres mots de la phrase, notamment le sujet et permet d'exprimer l'état dans lequel se trouve un ou plusieurs sujets ou l'action exprimée par un ou plusieurs sujets. Le verbe donne un sens à la phrase verbale. La maitrise de la conjugaison des verbes aux temps et modes du français est un enjeu crucial pour les apprenants et facilite la communication orale et écrite. C'est pourquoi le verbe est appelé, à juste titre, le noyau dur de la phrase. Le maniement correct des verbes aux temps et modes du français s'acquiert suite à un long processus d'apprentissage. La conjugaison favorise l'acquisition des compétences d'orthographe lexicale mais surtout grammaticale, notamment la variation des désinences des verbes aux temps, aux modes, en fonction du genre, du nombre, du temps et/ou de la personne. L'accord des verbes pose de sérieux problèmes aux élèves qui se trouvent en face à la complexité des règles de grammaire et de conjugaison mal expliquées, mal comprises et de ce fait mal appliquées avec des erreurs dans les productions écrites. Le domaine de la conjugaison est, certes, le plus difficile et le plus compliqué, toutefois, la meilleure transmission des règles de conjugaison basée sur les difficultés des apprenants facilitera l'apprendre progressif des terminaisons des verbes aux temps les plus couramment utilisés dans les productions écrites et leur permettra d'éviter des erreurs d'accord des verbes. Selon Abderrezak, AMARA, 2001, « l'expression des temps verbaux en français constitue une des plus grandes difficultés pour les élèves algériens dans l'apprentissage de cette langue. »38 Il soutient que les apprenants algériens sont influencés par la langue maternelle et commettent beaucoup d'erreurs de temps verbaux : tantôt ils confondent le présent avec le passé, l'imparfait avec le passé composé ; tantôt ils utilisent l'infinitif au lieu de conjuguer le verbe. Les erreurs commises par les apprenants du groupe scolaire du second cycle de Darsalam sont généralement relatives aux terminaisons des verbes à un temps bien déterminé. Elles relèvent d'une mauvaise transmission et d'une mauvaise compréhension des règles de grammaire et de conjugaison de la part des apprenants. Nous n'avons pas établi une influence de la langue des apprenants sur l'orthographe française, mais, notre constat est qu'ils ne parviennent pas à orthographier correctement les terminaisons des verbes en fonction du sujet. Les erreurs qui a retenu notre attention, dans le cadre de notre étude, sont celles commises sur les terminaisons des verbes à l'imparfait de l'indicatif : -ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient pour

37- Idem.

38 Abderrezak Amara, « Analyse des difficultés rencontrées par des élèves Algériens de 1ère A. S. dans l'expression des temps verbaux en français », Insaniyat / ÅäÓÇäíÇÊ [En ligne], 14-15 | 2001, consulté le 27 juillet 2018. URL : http://journals.openedition.org/insaniyat/9658 ; DOI : 10.4000/insaniyat.9658.

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les verbes du premier et du troisième groupes et -issais, -issais, -issait, -issions, -issiez,-issaient pour les verbes du deuxième groupe. L'imparfait de l'indicatif a, pourtant, fait l'objet d'étude en 4ème, 5ème, 6ème et 8ème années au cours du bloc unique de l'enseignement fondamental au Mali. La question qui s'impose est pourquoi les erreurs relatives aux désinences des verbes à l'imparfait persistent quand bien même ce temps a été étudié plusieurs fois et de façon presque continue pendant quatre années du même cycle ? Quelles sont les difficultés qui amènent les apprenants à commettre autant de fautes à l'accord des verbes à un temps étudié plusieurs fois ? La non maitrise de la conjugaison des verbes à l'imparfait de l'indicatif est une difficulté majeure de l'apprentissage de l'orthographe grammaticale pour les apprenants du groupe scolaire de Darsalam second cycle. Cette difficulté les amène à commettre de nombreuses erreurs dans les désinences des verbes. Or dans le contexte malien, ces erreurs des apprenants sur les terminaisons des verbes à l'imparfait de l'indicatif sont sanctionnées dans l'épreuve très controversée de la dictée. Nous tenterons, dans la section suivante, d'élucider le concept de dictée à travers ses multiples formes.

3.1.4-Dictée

De sa forme primitive aux nouvelles formes proposées par des pédagogues, des chercheurs, la dictée reste l'épreuve phare dans l'évaluation du niveau des apprenants en orthographe. Elle a résisté à toutes les reformes et elle a évolué malgré et contre toutes les controverses qu'elle a subies au fil des générations. En effet, de la cacographie39, forme primitive d'évaluation de l'orthographe, née en France dans les années 1803, à la dictée 0 faute, des améliorations significatives ont été apportées dans la pratique de la dictée.

La cacographie consistait à introduire, intentionnellement, des fautes d'usage et ou de grammaire que les apprenants devaient identifier puis corriger. Elle a eu pour avantage de développer chez les apprenants une capacité de vision, d'analyse et de mise en application de ce qu'ils ont appris. Toutefois, cette forme d'évaluation de l'orthographe par la cacographie a eu pour inconvénient d'avoir les effets contraires. En effet, au lieu de corriger les fautes, les apprenants s'y familiarisaient et retenaient les formes incorrectes des mots. Ils avaient cette tendance à augmenter le nombre de fautes plutôt que de corriger celles sont commises dans le texte. Elle fut abandonnée au profit d'autres types de dictées.

Aujourd'hui, grâce aux résultats de nombreuses recherches réalisées dans ce domaine, de nouvelles formes de dictée sont mises en pratique en vue de mesurer, dans la plupart des cas,

39 http://legrenierdebibiane.com/trouvailles/dictées/sommaire.html. Visité le 20/08/2018.

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l'efficacité d'une nouvelle stratégie d'apprentissage et d'évaluation de l'orthographe. L'on parle alors de la dictée 0 faute (Angoujard, 1994; Delprat et Moirot 2001; Cogis 2003; Brissaud et Bessonnat 2001; Nadeau et Fisher 2006) qui prend chez certains de ces auteurs des appellations diverses « de dictée dialoguée », « de dictée-consultation », « de dictée assistée » ou « de dictée sans faute » (Wilkinson, 2009 : 11), de dictée traditionnelle ou à trous pratiquée pour des fins d'évaluation, de dictée préparée, de dictée de contrôle, de dictée du jour, de dictée négociée, de dictée par objectifs ou ciblée ou encore de l'Atelier de Négociation Graphique (ANG). La profusion des types de dictée, suite à des recherches, démontre à quel point cette activité est un sujet de préoccupation des pédagogues, des chercheurs et des enseignants.

Quand bien même la dictée est devenue un sujet de prédilection pour des chercheurs et des pédagogues, elle demeure « un sujet de controverse40», « décriée par les uns, encensée par les autres ». (LENOBLE-PINSON, 2012) Elle compte de nombreux de détracteurs qui soutiennent que la dictée n'est ni un instrument de contrôle, ni un outil d'apprentissage, moins encore un instrument d'évaluation.

Selon les résultats des recherches des dernières années, notamment ceux de A. Chervel, Manesse 1989 ; D. Manesse, D. Cogis 2007, citées par Catherine Brissaud et Clara Mortamet (2015 : 3) « il apparait clairement que la dictée ne constitue pas un outil d'évaluation valide, puisque l'instrument de mesure change avec chaque texte dicté. Il faudrait donner la même dictée pour pouvoir évaluer le progrès des élèves entre deux moments et c'est, en effet, une utilisation possible de la dictée à des fins de recherche ». Cette théorie est corroborée par la commission Rouchette qui affirme, à la fin des années 60, que l'exercice de dictée « ne peut être tenu pour un véritable instrument d'acquisition. » de compétences orthographiques. Cette commission soutient qu'on « peut tout au plus le considérer comme un instrument de contrôle dont il est inutile d'abuser. » 41

Marguerite Chaumont, 1980 :55, va plus loin en soutenant que « la dictée n'est pas un moyen d'acquisition de l'orthographe sous quelque forme que ce soit. Elle poursuit en affirmant que par la complexité de ses difficultés, elle place l'élève en situation d'échec puisque les moyens ne lui sont pas fournis pour résoudre les problèmes qu'il rencontre (hasards du texte qui ne correspondent pas à une progression d'apprentissage). »

40 Idem, p.11.

41 -(Catherine Brissaud et Clara Mortamet, 2015, La dictée, une pratique sociale emblématique, GLOTTOPOL Revue de sociolinguistique en ligne n° 26 - juillet 2015, p.70).

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Pour Simard, 1996 in Kathy Wilkinson, (2009 : 11) la dictée : « c'est une ineptie relevant de la pensée magique de croire que faire transcrire tant bien que mal des textes tout-venant sans travail préalable et ne proposer pour toute aide que d'illusoires notes accompagnées de marques rouges suffisent pour faire apprendre l'orthographe. » Le constat, in situ, de la pratique de la dictée corrobore cette théorie. C'est une utopie de croire que les élèves orthographieraient sans fautes des mots dans une dictée faite sur la base des enseignements donnés depuis des mois, voire des années, enseignements dont la compréhension est remise en doute au regard au niveau de compréhension très bas de apprenants et sur lesquels ils n'ont pas le moindre souvenir. Les piètres résultats des apprenants en orthographe, (épreuve de dictée) sont les conséquences d'une pratique inadaptée d'enseignement et d'évaluation de cette discipline qui conduit à l'échec de plus de trois quart des effectifs d'une classe.

Pour LENOBLE-Pinson Michèle, (2012 : 12), « la dictée n'aide pas directement à acquérir une bonne orthographe. Elle sert d'abord de moyen de contrôle des compétences orthographiques. » Ainsi, la pratique de la dictée par objectif favoriserait l'acquisition progressive des compétences.

Pour Simard, 1996 in Kathy Wilkinson, (2011 : 11), « des tentatives ont été effectuées afin que la dictée devienne davantage un instrument qui permettrait d'identifier les difficultés des apprenants et d'en cerner les causes dans le but de mettre de l'avant des moyens pour y remédier. ». Nous soutenons cette approche de l'enseignement de l'orthographe par la dictée qui part des difficultés des apprenants afin de tenter de les résoudre avec l'implication des apprenants eux-mêmes. La dictée devient, à ce titre, un outil pédagogique permettant à l'enseignant de s'enquérir des difficultés d'apprentissage de l'orthographe des apprenants en vue d'y apporter des solutions. Cet auteur admet la dictée comme plus « un outil d'évaluation que d'apprentissage »

E. Charmeux, 2007, évoque deux arguments avancés par les praticiens pour justifier la pratique de la dictée.

Le premier argument est que la dictée serait un exercice de contrôle indispensable, et même le seul sérieux : la preuve, tous les examens l'utilisent pour connaître le niveau des candidats en orthographe. Dans le cadre de notre étude, cet argument est corroboré, car la dictée est l'unique épreuve de contrôle de niveau de l'orthographe en vue d'obtenir une note en fin du mois, du trimestre au niveau du second cycle de l'enseignement fondamental. Elle demeure l'une des principales épreuves à l'examen du Diplôme d'Etudes Fondamentales (DEF) qui sanctionne la fin du bloc unique de l'enseignement fondamental.

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Le deuxième argument soutient qu'elle « serait un exercice d'apprentissage de l'orthographe, dans la mesure où elle met en jeu la démarche par tâtonnements et erreurs corrigées : au moment de la correction, si celle-ci est menée avec rigueur, les principales caractéristiques de l'orthographe peuvent être acquises. La dictée, prise sous cet angle, aide les apprenants à fixer leur attention sur des accords ciblés en vue de leur mémorisation et de leur graphie les minutes qui suivent la fin de la préparation. Si cette forme de dictée met en oeuvre l'intelligence visuelle des apprenants et les implique dans le processus d'acquisition des compétences orthographiques, elle ne garantit, en aucune façon, que les notions apprises sous pression et évaluées pour des fins de notations puissent être véritablement assimilées pour le court, moyen et long terme.

Selon Evelyne Charmeux, 2007, une dictée notée, par « une curieuse opération de soustraction, répond particulièrement mal à l'exigence de mesure : cinq fautes dans une dictée confèrent la note zéro (donc nulle) à une performance qui contient au moins 95% de bon... 42» est incapable de mesurer ce qui est effectivement appris par les apprenants. Elle émet le doute sur la dictée comme outil d'apprentissage en affirmant que « si la dictée est un moyen d'apprendre l'orthographe, c'est certainement le plus mauvais, car on voit mal comment le fait de devoir écrire une graphie inventée, parce que inconnue ou oubliée, pourrait aider qui que ce soit à apprendre l'orthographe. » 43 La dictée serait une « activité à la fois inutile, dangereuse » et constitue une « pure perte, un temps précieux, dont on a terriblement besoin pour apprendre l'orthographe sérieusement. »44, selon ses propres termes. Elle soutient que la dictée « n'est ni un moyen d'apprendre l'orthographe, ni un moyen d'en évaluer la maîtrise. »45Toutefois, dans le cadre de notre étude, nous soutenons qu'une dictée par objectif faite sur la base d'un enseignement donné lui aussi par objectifs et avec des critères bien précis, permettrait, sans nul doute, à certains apprenants de mieux acquérir progressivement des compétences en orthographe.

Malgré ses nombreux détracteurs, Évelyne DELABARRE et Marie-Laure DEVILLERS, 2014, qualifient la dictée de pratique « emblématique. » 46. Ces auteures rapportent que la dictée est qualifiée, d' « incontournable » selon les travaux de Caspard, 2004, et de Chervel, 2006, et qui a « conservé une forme stable et ritualisée depuis un siècle et demi. » selon l'expression de

42 Ibid.p.3.

43 Charmeux Eveline, 2007, Oui ou non peut-on dire que le niveau en orthographe baisse chez les élèves ? A propos de l'ouvrage de Danièle Manesse et Danièle Cogis, Orthographe : à qui la faute ? p.5

44 Idem. p.5

45 Idem.p.6

46 http://glottopol.univ-rouen.fr. Visité le 15 Octobre 2018.

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D.Manesse, (2007) Elle est « non seulement incontournable, mais aussi ritualisée, autant d'éléments qui nous amèneront à la considérer comme une activité normée, et faisant norme à l'école. »47 (Delabarre, Devillers, Mortamet, 2015). Les travaux A. Chervel (2006), de Caspard 2004, rapportés par C. Brissaud et C. Mortamet, 2015, qualifient la dictée « d'incontournable » dans l'enseignement/apprentissage de l'orthographe à telle enseigne Brissaud et Cogis, 2011, soutiennent qu'« orthographe et dictée sont devenues synonymes dans la société française, voire dans tous les pays où le français est langue de scolarisation » (C. Brissaud et C. Mortamet, 2015). Elle a occupé et elle continue d'occuper une grande place dans le contrôle du niveau des apprenants en orthographe, lors des compositions, trimestres et des examens du DEF qui sanctionnent la fin des études de l'enseignement fondamental au Mali. Au regard des mauvais résultats enregistrés par les apprenants dans cet outil d'évaluation et d'apprentissage de l'orthographe, il est urgent d'adopter de nouvelles stratégies dans la pratique de cette sous-discipline du français afin de permettre une acquisition sûre et progressive des compétences en orthographe.

Selon LENOBLE-PISON Michel, (2012 : 11) « la pratique de la dictée permet d'évaluer ses compétences orthographiques, puis de les améliorer à la condition que les difficultés soient bien expliquées. ». Elle constitue alors un outil de contrôle qui permet non seulement de mesurer de niveau d'acquisition des compétences orthographiques des apprenants conformément aux enseignements donnés mais aussi de prendre des décisions qui s'imposent en vue d'améliorer les stratégies de transmission des connaissances et de leur meilleure acquisition par les apprenants. En dépit de ses nombreux détracteurs, nous nous adoptons la théorie d'Évelyne DELABARRE et Marie-Laure DEVILLERS (2015 : 57), pour soutenir que « la dictée n'est, sans doute, pas uniquement une évaluation, elle est également un moyen d'appliquer une règle, de stimuler une pratique réflexive nécessaire à l'apprentissage de l'orthographe, de favoriser la mémorisation de mots invariables, de vérifier un niveau d'acquisition d'une notion, etc. Ainsi si la mise en oeuvre reste quasiment immuable dans sa forme, les objectifs, eux, sont variables. ». Ainsi, le postulat de la pratique d'une dictée notée est fondé sur des erreurs commises par les apprenants dans leurs productions écrites. Les erreurs répertoriées doivent faire l'objet d'un enseignement spécifique des accords lexicaux ou grammaticaux qui posent-problèmes. La pratique de la dictée est, dans ce cas de figure, une sorte de contrôle permettant de jauger l'efficacité de l'enseignement donné. Si les erreurs

47 Revue d sociolinguistique en ligne n°26-Juillet 2015 : La dictée, une pratique sociale emblématique, Numéro dirigée par Catherine Brissaud et Clara Mortamet. http://www.glottopol.univ-rouen.fr visité le 12 Juillet 2018.

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persistent, il revient à l'enseignant d'adopter une nouvelle stratégie de transmission afin que le maximum d'élèves puisse éviter les erreurs.

Une analyse qualitative des théories émises par les détracteurs et les défenseurs de la dictée permet d'affirmer que cette épreuve retient l'intérêt de tous : praticiens, pédagogues et chercheurs. Elle constitue un terrain fertile de recherches et le compromis entre détracteurs et encenseurs de cette pratique n'est qu'un rêve tant l'orthographe française est complexe, ses difficultés d'apprentissages nombreuses selon le milieu, le temps, les générations et les objectifs à atteindre. Toutefois, la dictée de contrôle notée, sous sa forme actuelle, constitue une bête noire des apprenants et représente une des principales causes de leur échec lors des compositions et de l'examen du DEF.

Parmi tous les types et formes de dictée énumérés plus haut, nous nous intéressons, dans le cadre de notre étude, à la dictée dite de contrôle pratiquée par les enseignants en vue d'obtenir une note à la fin de chaque mois ou chaque trimestre et celle pratiquée lors de l'examen du BEPC. Cette pratique de la dictée sur la base d'un texte soumis aux apprenants afin qu'ils orthographient sans fautes tous les mots, dans le seul but de leur attribuer des notes, nous semble très aléatoire, improductive et contribue, dans une très grande mesure, à l'échec des apprenants. Il est, de notre point de vue, capitale d'améliorer cette pratique en adoptant un enseignement et une évaluation de l'orthographe par objectifs à travers des activités de lecture, de grammaire et de conjugaison. Cette nouvelle approche fera de la dictée, nous en sommes convaincus, un outil efficace d'apprentissage de l'orthographe et permettra de réduire considérablement le décalage entre les savoirs enseignés et les savoirs effectivement acquis par les apprenants. Or, au regard des résultats actuels de l'épreuve de dictée qui évalue l'orthographe, le décalage se creuse entre les savoirs enseignés et les savoirs réellement acquis par les apprenants. Et l'enseignement de l'orthographe et son évaluation par objectif à travers la dictée par objectif permettrait de réduire les difficultés d'apprentissage de cette discipline. La section suivante élucidera le concept de difficultés.

3.1.5-Difficultés

Tout processus d'apprentissage engendre une situation d'appropriation des connaissances ou de compétences de la part des apprenants ou une situation d'échec non seulement de ces mêmes apprenants mais aussi des acteurs chargés de la transmission des savoirs. Si la première situation entraine un sentiment d'avoir atteint un objectif où tous les acteurs s'en tirent avec de bons comptes, la deuxième engendre un sentiment d'échec, de crispation et de nombreuses interrogations sur les mobiles de cet échec.

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Les difficultés d'apprentissage de l'orthographe constituent, à ce titre, un constat d'échec pour les enseignants de français chargés de transmission des compétences orthographiques face de la complexité de la langue française. Dans le cadre de notre étude, nous envisagerons le concept de difficultés d'apprentissage de l'orthographe sous trois angles : difficultés d'apprentissage liées à l'orthographe française elle-même, celles relatives aux méthodes de transmission des règles de grammaire et conjugaison et celles émanant des apprenants eux-mêmes.

? Les difficultés d'apprentissage liées à l'orthographe elle-même :

Les difficultés d'apprentissage liées à l'orthographe française sont inhérentes à la complexité de la langue française et de son orthographe « truffée de pièges48». A cet effet, M. Fayol, (2006 : 55), écrivait que « le système orthographique français fait partie avec l'anglais des deux systèmes les plus complexes au monde. » Selon le même auteur, les caractéristiques du « système alphabétique peu consistant en production. »49, représentent une première difficulté ou en reconnaissant que « plus les systèmes sont irréguliers, plus long et difficile est l'apprentissage du système des correspondances graphèmes-phonèmes. »50 Ce qui permet d'inférer que l'inconsistance et l'opacité de l'orthographe française constituent des handicaps majeurs dans sa maitrise de par des apprenants.

Si pour Angoujard, (1994, p7), « l'orthographe fait peur », à cause de ses multiples règles et de leurs exceptions, de ses accords incohérents, au point de provoquer « des effets de blocage, chez les maitres comme chez les élèves », Bessonnat, Cordary et Ducard (2002 p.103), identifient « quatre zones à risque à l'écrit : les correspondances phonographiques, les chaînes d'accord (soit la gestion des variations qui s'explique en partie par la morphologie silencieuse), les finales en -é ainsi que les homophones, grammaticaux en particulier.». Ces zones à risque ajoutées aux difficultés d'identification des mots constituent des entraves à la maitrise de l'orthographe française. Bessonnat, Corday et Ducard, 2002, soutiennent que l'orthographe grammaticale est « source de conflits chez les apprenants et c'est au collège (ce qui correspond à notre secondaire québécois) que ces tensions deviennent de plus en plus importantes. ». Aussi, pour un meilleur maniement des principes d'accord des mots (verbes, noms, adjectifs, participes passés...) par des apprenants, « un enseignement déclaratif est insuffisant et cela s'explique par le nombre d'erreurs qui perdurent dans les textes. » (Kathy Wilkinson, 2009 :

48 Fayol M, 2006, l'orthographe française est une des plus difficiles au monde. Comment les enfants en déjouent -ils les pièges ?

49 Michel Fayol, apprendre et utiliser l'orthographe du français du C.P. au C.M.2, compte rendu de conférence, p .3.

50 Idem.p.3.

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7). En effet, l'acquisition des compétences en orthographe est le résultat d'une conjonction d'activités telles que la lecture qui enrichit l'orthographe, la grammaire et la conjugaison qui permettent de comprendre les principes d'accord des mots et la graphie régulière de ceux-ci dans les productions écrites. Les difficultés d'apprentissage de l'orthographe par les apprenants relèvent davantage de l'identification, de la compréhension et du maniement du fait grammatical ou lexical que de la maitrise théorique des règles. Ces « difficultés linguistiques », nous imposent d'accorder une attention accrue au temps réellement accordé aux apprenants lors des séances de lecture afin de leur permettre de se familiariser avec les textes, de comprendre les subtilités de l'orthographe française à travers une meilleure transmission des leçons de grammaire et de conjugaison et au maniement permanent de la langue dans les exercices pratiques. Toutefois, pour N. Catach in Jean-Pierre JAFFRÉ, 2006 : 15, « L'écriture idéale n'existe pas et n'existera jamais » et pour favoriser un enseignement et un apprentissage efficaces de l'orthographe française, il est important d'élaborer pour chaque notion d'orthographe d'usage grammatical et lexical à enseigner, un objectif spécifique d'apprentissage qui prend en compte le niveau des apprenants et leurs besoins réels des compétences à faire acquérir. Les difficultés d'apprentissage des compétences orthographiques par des apprenants qui ont accumulé des tares requièrent un temps suffisant d'apprentissage et de renforcement de la lecture. Nous tenterons d'élucider de concept de difficulté d'apprentissage de l'orthographe liées à l'insuffisance du temps accordé aux apprenants lors des séances de lecture dans la section suivante.

? Les difficultés d'apprentissage liées à l'insuffisance du temps accordé aux élèves pour la lecture

La lecture est une activité de base pour l'acquisition des compétences orthographiques. Elle constitue, de notre point de vue, la première activité qui favorise le développement de l'intelligence visuelle chez les apprenants et l'acquisition d'un savoir-manier l'orthographe d'usage et grammatical de la langue d'enseignement. Pour les apprenants maliens, l'apprentissage de la lecture commence depuis le préscolaire, pour ceux qui ont la chance de commencer leur cursus par cette structure éducative. De cette forme de lecture par le jeu, ils s'approprient progressivement l'alphabet de la langue française durant tout le premier cycle de l'enseignement fondamental. A leur entrée au second cycle, les bases d'une lecture expressive et courante devraient être acquises ou renforcées par des pratiques plus approfondies lors des séances consacrées à cette activité. Le français, avec les maths, compte respectivement un temps institutionnel de six heures par semaine. En ce qui concerne le français, la lecture à elle seule compte pour trois heures par semaine, dont deux heures de lecture suivie et dirigée et une heure

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de lecture expliquée. Dans le cadre de notre étude, nous nous interrogeons sur le temps réel accordé aux apprenants afin de leur permettre de renforcer leur savoir et leur savoir-lire. De toute évidence, disposer de plus de temps pour lire un texte sous la conduite du maître de français donne plus de chance de découvrir les mots, de comprendre leurs liens et les variations qu'ils subissent. La lecture permet d'enrichir le vocabulaire, de découvrir et de comprendre l'orthographe de nombreux mots inconnus des apprenants tout en développant leur mémoire visuelle. Aussi, si pour des apprenants de 12 à 21 ans, il est plus approprié de parler de renforcement de capacité en matière de lecture que d'apprentissage, le constat in situ, a révélé que de nombreux apprenants ne savent ni parler, ni lire, ni écrire au second cycle de l'enseignement fondamental. Et les enseignants sont plus préoccupés à achever les activités inscrites au programme plutôt que de s'assurer si les apprenants savent lire correctement ou non. Pour la plupart des enseignants du second cycle, l'apprentissage de la lecture incombe à ceux du 1er cycle. Et lorsqu'interroger un élève qui ne sait pas lire, sur un effectif de plus de 60 élèves, devient un fardeau, une bombe à retardement, la solution de facilité est celle qui consiste à interroger quelques rares élèves qui parviennent à balbutier quelques mots du texte. Les leçons de lecture se résument à d'interminables explications sur la compréhension du texte qui ne sera jamais acquise, parce que les apprenants ont eu très peu de temps à s'y familiariser. Ceci nous amène à déduire que moins les apprenants disposent de temps de lecture, moins ils découvriront l'orthographe lexicale et grammaire. Si la lecture est le tremplin dans l'acquisition de l'orthographe d'usage lexical, la meilleure transmission des règles de grammaire et de conjugaison aide les apprenants à mieux comprendre et d'apprendre l'orthographe d'usage grammatical. L'élucidation des difficultés d'apprentissage de l'orthographe relatives aux méthodes de transmission des règles de grammaire et de conjugaison est l'objet de la section suivante.

? Les difficultés d'apprentissage liées aux méthodes de transmission des connaissances

La méthode de transmission des savoirs et savoir-faire en grammaire et en conjugaison doit mettre en exergue le maniement par les apprenants des mots contenus dans une phrase. Cela leur permettra de comprendre les liens de subordination ou de complémentarité entre les différents mots et les changements qu'ils subissent. Il ne s'agit donc pas d'une transmission théorique de connaissances mais plutôt une démonstration pratique des faits grammaticaux à partir desquels les apprenants dégageront des règles. Le processus engage beaucoup plus l'apprenant qui doit identifier les mots dans la phrase, comprendre leurs liens avec les autres mots, apprendre à les manier plutôt que de recevoir des définitions sur des règles qu'ils ne

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retiendront pas. Or le constat, in situ, révèle une transmission théorique des règles de grammaire et de conjugaison. Si les apprenants assistent à « des activités d'apprentissage de type réception-consommation » selon le terme de Marguerite Altet et Al. 2002, lors des cours de grammaire et de conjugaison, l'acquisition des compétences de l'orthographe française se résume à une histoire de transmission-mémorisation-confusion-oubli et erreurs. Il convient d'adopter une approche plus participative des apprenants dans le processus d'apprentissage de l'orthographe et plus de temps de pratique permanente de la lecture. Selon Marguerite Altet et Al., 2001 : 31, « Enseigner, c'est faire apprendre et, sans sa finalité d'apprentissage, l'enseignement n'existe pas. [...j » L'approche théorique de transmission des règles de grammaire et de conjugaison est improductive et ne conduit pas à l'acquisition du savoir-orthographier correctement les mots par des apprenants. D'une façon générale, les apprenants se contentent de suivre les explications théoriques données par les enseignants et de mémoriser certaines règles qu'ils ne parviennent souvent pas à mettre en application lors des productions écrites. Dans le domaine de l'acquisition des compétences en orthographe, nous nous alignons derrière la théorie de Britt-Mari BARTH, 2002, qui affirme que le savoir n'existe pas sans réel, l'intérêt est d'en saisir à la fois l'aspect abstrait et l'aspect concret par un processus de comparaison des deux. Si l'enseignement théorique des règles de grammaire et de conjugaison ne favorisent guère l'acquisition des connaissances en matière de graphie des mots, la section suivante nous permettra de comprendre que les difficultés liées aux apprenants ne sont pas les moindres.

? Difficultés d'apprentissage liées aux apprenants

A la difficulté d'apprentissage du langage parler, qui est de moins en moins utilisée au sein même des établissements scolaires, à l'exception de certaines structures privées, se greffent celles de la lecture et de la graphie correcte des mots qui exige une multitude d'activités au nombre desquelles la compréhension et l'application des règles de grammaire et de conjugaison. Les apprenants ont de plus en plus de difficulté de comprendre les règles d'accord et surtout de les mettre en pratique dans les productions écrites tant leur niveau de compréhension s'est effondré durant ces dernières années. Il ressort que les apprenants sont de moins en moins motivés à fournir des efforts pour chercher à comprendre et apprendre. Cette situation est aggravée par un manque de rigueur dans la transmission des savoirs.

Un autre facteur non moins important est l'augmentation exponentielle des effectifs dans les classes. Cette situation inhibe l'effort des enseignants dans la transmission des savoirs tant le défi à relever est immense, les activités nombreuses et complexes.

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Anne-Marie BARDI ; Myriem BOUZAHER et Al., 2005 : 66, soutiennent que « quand on est élève, savoir ce que l'on va apprendre ou apprendre à faire avant de s'y engager, savoir ce qu'il convient de retenir ou d'être capable de réaliser à la fin, c'est avoir les moyens de progresser, non pas en suivant aveuglément le chemin du professeur mais en étant conscient du but à atteindre et en appréciant la difficulté des étapes et le franchissement des obstacles.». Dans le domaine de l'acquisition des compétences orthographiques, il est fondamental que les apprenants sachent l'utilité de ce qu'ils vont apprendre, d'où la nécessité de préciser l'objectif du savoir à enseigner et du savoir, effectivement, enseigné. Cette situation implique les apprenants au coeur du processus d'apprentissage. Ces auteurs concluent que le premier et principal objectif de l'enseignement donné, est sans nul doute, l'apprentissage des apprenants. Ce qui corrobore qu'un enseignement est donné pour que le maximum d'apprenants puisse en tirer des compétences indispensables pour leur mise en pratique efficace dans les productions écrites à travers lesquelles les élèves sont évalués. Tout enseignement qui ne prend pas en compte cet objectif n'est qu'une simple communication dont les élèves ne tireront aucun profit. C'est à travers cette approche qu'il donnera un enseignement efficace susceptible de favoriser un apprentissage soutenu de la part des apprenants. L'enseignement, dans le contexte scolaire, s'exerce dans une synergie d'actions entre l'enseignant et l'apprenant autour du savoir à enseigner. La section suivante nous donnera quelques éclairages sur ce concept.

3.1.6-Enseignement

Les concepts enseignement et apprentissage constituent les deux faces d'une même monnaie. Ils sont les deux pôles du processus qui porte leur nom. L'on enseigne à travers la communication verbale qui s'établit entre un enseignant et un apprenant autour d'un savoir à enseigner. L'enseignement est donné, selon la théorie de Marguerite ALTET, 2001, pour provoquer, favoriser, faire réussir l'apprentissage dans une situation donnée ; c'est une pratique relationnelle finalisée. Car enseigner, c'est faire apprendre et, sans sa finalité d'apprentissage, l'enseignement n'existe pas ; mais c'est faire apprendre par la communication et la mise en situation ; l'enseignant est un professionnel de l'apprentissage de la gestion des conditions d'apprentissage de la régulation interactive en classe. Aussi, nous, nous alignons derrière la théorie de Françoise DARGIROLLE, 2002 : 237, qui soutient que « tant que l'enseignement/apprentissage [...] ne sera défini que comme une activité présentielle éparpillée sur une semaine où l'enseignant reste l'initiateur, l'évaluateur, le décideur, le régulateur, en un mot l'acteur principal, la passivité et le désintérêt de la majorité des élèves ne pourront que se renforcer. » avec tout son corolaire de désintérêt, d'incompréhension, de

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non apprentissage des notions enseignées et d'échec scolaire. L'acquisition des compétences de l'orthographe reste un vain mot pour des apprenants de 12 à 21 ans qui constituent l'échantillon de notre enquête. Aussi, pour être efficace dans l'activité de transmission des connaissances : savoir, savoir-faire, savoir-être, le « besoin de rationaliser l'enseignement de l'orthographe, de sélectionner les objectifs précis à atteindre à chaque étape, de mettre en oeuvre une approche scientifique dans un domaine miné par les passions. »51 est un défi majeur. Tout enseignement de l'orthographe qui ne fonde pas son intérêt sur les difficultés des apprenants afin de favoriser l'acquisition des compétences sur des notions à enseigner conduit inéluctablement à la confusion, au désintérêt et à l'échec scolaire. L'acquisition des compétences orthographes par les apprenants se réalise à travers les activités de lecture, par la transmission des règles de grammaire et de conjugaison et au maniement de la graphie des mots. Nous tenterons d'élucider le concept très polysémique de grammaire dans la prochaine section.

3.1.7-Grammaire

De nombreux auteurs soutiennent que le terme grammaire est «hautement polysémique. »52, « souvent synonyme de pensum, de bêtise, d'obsolescence pour bon nombre de Francophones. »53. C'est cette polysémie qui explique non seulement la diversité de conceptions élaborées autour du mot grammaire mais aussi la complexité la multiplicité des méthodes de transmission de cette discipline. Pour Bronckart, (2014 :10) la grammaire renvoie à l'étude de la syntaxe : « qui prend en compte tous les aspects de l'organisation et de l'interprétation des énoncés : fonctionnement des textes, du lexique, de l'orthographe et de la conjugaison. »54 Cette clarification du concept de grammaire prend en compte la grammaire structurale, lexicale et fonctionnelle. Selon B. Combettes, 2006 : 4, la confusion grammaire/bon usage aboutit à un échec dans sa visée pratique et soutient que « l'absence d'une réelle réflexion sur l'apprentissage, l'accent mis sur les certaines pratiques pédagogiques (mémorisation, analyse...), l'inadéquation même du contenu grammatical font que les résultats concrets dans le domaine de l'expression ou de la compréhension (savoir écrire, savoir lire) demeurent minces. ». De ce fait, l'inadaptation des contenus d'enseignement et des pratiques pédagogues, l'absence de tout objectif d'enseignement de la grammaire « ne laisse aucune place à la

51 Catherine Brissaud « Didactique de l'orthographe : avancées ou piétinements ? Pratiques, 149-150/2011,207226.

52 Elalouf, 2006, cité par Ecaterina, Roxane Gagnon, 2017, Former à l'enseignement de la grammaire, p.10

53 Chartrand Suzanne, 2012, Quelles finalités pour l'enseignement grammatical à l'école ? Une analyse de vue des didacticiens du français depuis 25 ans, p.49.

54 . Ecaterina Bulea Bronckart § Roxane Gagnon, Former à l'enseignement de la grammaire, p.10.

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créativité, à la remise en cause, à la découverte. »55 des apprenants. L'inadaptation des contenus d'enseignement et l'absence de tout objectif constituent des difficultés d'apprentissage de l'orthographe grammaticale dans le système éducatif malien au second cycle de l'enseignement fondamental. Bernard COMBETTES, (2006 : 43), soutient que « l'enfant possède sa grammaire personnelle du français, que l'école tente d'améliorer en lui faisant intérioriser un système de règles et en s'appuyant sur une description. ». Il revient donc à l'école de remplir sa mission de continuité et de renforcement des acquis des apprenants grâce à une méthode de transmission efficace, accessible aux apprenants.

Selon Suzanne Chartrand (2012 : 49), plusieurs didacticiens du français préfèrent parler de « l'enseignement de la langue » ou des « savoirs langagiers » plutôt que d'enseignement grammatical. Karine Bonnal (2016 : 49), soutient que « La grammaire et l'orthographe sont ici intimement liées du fait que la connaissance venant de « l'étude particulière » de la première conditionne et suffit pour la maitrise de la deuxième » Cette connexion logique et naturelle fait de la grammaire un tremplin à la compréhension et à l'acquisition des compétences orthographiques par des apprenants. Si l'orthographe est le but qui oriente notre enseignement, la grammaire en est un moyen pour atteindre ce but. Bernard Combettes, (2006 : 3), va plus loin en affirmant que la grammaire dépasse le simple objectif orthographique pour s'étendre à l'art d'écrire correctement. Nous nous alignons derrière la théorie de Bernard Combettes (2006 : 3), qui affirme que « enseigner la grammaire, c'est enseigner la langue. » dans la mesure où une grammaire bien transmise et bien assimilée favorise l'acquisition des notions permettant le bon usage oral et écrit de la langue. L'enseignement théorique de la grammaire est certes important car il permet aux apprenants de comprendre les subtilités des notions grammaticales mais ce n'est pas suffisant. Il faudrait donner, aux apprenants, l'opportunité d'un maniement des mots à travers de des exercices permanents et soutenus. A ce titre, le Plan Rouchette, 1970, cité par Karine Bonnal (2016 : 53), affirme qu'« Il ne s'agit donc pas d'enseigner des règles, mais de les faire pratiquer [...] La démarche de l'enseignement grammatical ne doit pas se fonder sur la réception passive par l'enfant de connaissances transmises par le maitre, mais sur la découverte par un élève actif guidé par un maitre attentif, du fonctionnement de sa langue maternelle » Cette orientation pratique de l'enseignement grammatical se fonde sur une claire articulation selon le même auteur entre l'étude de la langue et l'apprentissage de la production écrite et met en exergue l'activité de l'apprenant pour atteindre des compétences orthographiques escomptées. En tout état de cause, la transmission des règles de grammaire aux

55 Bernard COMBETTES, Grammaire et enseignement du français, p.4

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apprenants, c'est très important mais ce n'est pas suffisant pour leur permettre de comprendre, d'apprendre et de mettre en pratique les savoirs transmis. Dans le processus d'enseignement/apprentissage, il est fondamental, de notre point de vue, de se débarrasser du poids des méthodes traditionnelles qui transmettent de façon théorique des règles de grammaire et de conjugaison, méthodes qui sont toujours vivaces dans les établissements, et placer les apprenants au coeur de leur apprentissage en favorisant la transposition didactique. A cet effet, « Les compétences enseignées sont ciblées et adaptées. »56, aux besoins réels des apprenants à chaque niveau de l'enseignement fondamental. Car « mieux vaut un savoir limité, mais durable, qu'un savoir copieux, mais incertain » (Karine Bonnal, 2016 : 54), et qui plonge les apprenants dans l'incertitude puis à commettre des erreurs dans leurs productions écrites.

Sur ce chapitre, nous nous reconnaissons dans la théorie d'Eveline Charmeux, 2007, qui affirme qu'en matière d'orthographe, seule la familiarisation avec l'usage, qu'il soit grammatical ou lexical, permet la certitude, et l'on peut dire que toute graphie erronée est une entrave à l'acquisition de l'usage. Pour se familiariser avec l'orthographe des mots, enrichir leur vocabulaire, les apprenants doivent pratiquer la lecture courante et systématique à l'école puis que le constat révèle qu'en dehors des séances de lecture en classe, très peu d'élèves lisent.

En tout état de cause, la grammaire d'une langue, qu'elle soit traditionnelle, moderne, intuitive, fonctionnelle, nouvelle ou active, doit permettre à l'apprenant d'acquérir des compétences langagières et orthographiques qui lui facilitent l'expression orale et écrite. Si la grammaire est un moyen d'acquisition de l'orthographe, la lecture, dont le concept sera élucidé dans la section suivante, demeure le tremplin dans l'acquisition des compétences de l'orthographe française, qu'elle soit d'usage ou de grammaire.

Lecture

Dans le cadre de notre étude, il nous a paru important d'élucider le concept de lecture qui est une activité dont la maitrise favorise l'acquisition des compétences orthographiques des apprenants.

Kalai Lassad, 2011 : 282, rapporte que la lecture, est une grande « pourvoyeuse de mots » qui « contribue fortement à l'installation de ces connaissances et permet à l'élève de stocker en mémoire un lexique susceptible d'être investi dans des productions ultérieures. » La pratique permanente de la lecture par les apprenants, à l'école comme en dehors d'elle, augmente

56 Bonnal, Karine, 2016, L'orthographe telle qu'elle s'enseigne : pratiques d'enseignement de l'accord sujet-verbe observées à la fin de l'école primaire, Université Toulouse le Mirail -Toulouse II, p.54.

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considérablement la capacité de graphie des mots. Et il revient à l'école de jouer cette responsabilité première d'aider les apprenants à aimer la lecture et de la pratiquer de façon constante pendant les heures consacrées à cette activité. Selon le rapport n°2005-123, de

novembre (2005 p.10), « apprendre à lire, c'est d'abord (mais pas seulement) apprendre à

identifier les mots écrits au point de pouvoir faire à partir d'un message écrit ce qu'on sait faire à partir de l'oral. » Le rapport (p.23) constate toutefois que l'enseignement de l'identification des mots est le plus souvent insuffisant (temps trop court, entraînement trop rare [...], avant de conclure que « savoir lire pour comprendre et apprendre, savoir écrire pour montrer que l'on a compris et appris deviennent des compétences essentielles » (p.32) à faire acquérir à l'apprenant engagé dans le processus d'apprentissage de l'orthographe. A ce titre nous rejoignons Kalai, 2011 : 283, qui soutient que « le bon apprentissage de la lecture aidera à l'acquisition de l'orthographe d'usage ; la bonne pratique de la lecture aidera à l'acquisition de l'orthographe de règles, puisque la bonne compréhension du texte demande la connaissance des rapports des mots entre eux. ». Pour y parvenir, il faut établir une corrélation constante entre les activités de lecture et la production écrite afin de donner aux apprenants le goût de la lecture et l'art d'écrire correctement les mots.

La lecture est une activité qui met, certes, en oeuvre les facultés visuelles, cognitives des apprenants, toutefois, il faudrait que ceux-ci disposent d'un temps suffisant pour pratiquer « une lecture lente, courante, mais très attentive57, qui favorise la bonne prononciation et la meilleure vison des mots nouveaux que les élèves transcriront dans leur petit carnet afin de les utiliser en cas de besoin.

Michel Fayol, (2006), en réponse à la question d'un participant aux journées de l'Observatoire Nationale de la Lecture (ONL) en Mars 2006, affirme que la corrélation entre les performances relevées en lecture et celles enregistrées en orthographe lexicale est très élevée.

A ce titre, nous nous alignons sur la théorie de Danièle Manesse et Danièle Cogis 2007, citées, qui soutiennent que les apprenants qui lisent, perçoivent visuellement les mots, mais apprennent aussi à les reproduire dans leur forme normée. Les images graphiques des mots associées à leur sens sont stockées en mémoire, dans cette sorte de dictionnaire interne. Ainsi, selon Kalai, Lassaad, (2011 : 105) « lors de la production écrite, le scripteur ira puiser d'un dictionnaire interne pour produire la graphie correcte ». Ainsi, ajoute-t-il, « l'acquisition de l'orthographe dépend du degré de fréquentation des textes écrits : plus l'apprenti-scripteur côtoie des textes

57 Kalai Lassaad, 2011, L'erreur orthographique dans les productions écrites des élèves tunisiens : origine du dysfonctionnement et contribution à la maîtrise de la compétence orthographique, p.283.

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plus son « stock lexical » sera enrichi. La rencontre de mots nouveaux en lecture étoffera le stock des connaissances dont l'apprenti-scripteur aura besoin dans sa tâche de production écrite. ». (Kalai Lassaad, 2011 : 105). La fréquence de la lecture par les apprenants et le temps suffisant accordé à ceux-ci sont facteurs importants qui favorisent l'acquisition des connaissances sur l'orthographe lexicale et grammaticale. Aussi les résultats de nombreuses recherches (Philippe et Jesus Alegria, 1999, M. Fayol, 2002, R. Brissiaud, 2006, D. Manesse et D. Cogis, 2007), certifient que la pratique courante de la lecture permet aux apprenants d'acquérir des compétences orthographiques grâce à l'activité visuelle et à la constitution d'un « stock lexical » dans lequel ils (les apprenants) puisent en cas de besoin au cours des productions écrites. Sans cette acticité qui, de notre point de vue, constitue le tremplin de toute acquisition d'un « savoir-orthographier » lexical ou grammatical, il est très incertain d'espérer que les apprenants puissent écrire sans erreurs des mots qu'ils n'ont jamais vus, des accords qu'ils n'ont jamais compris et appris lors de la transmission des règles de grammaire et de conjugaison. Si savoir lire un texte n'est pas synonyme de savoir orthographier correctement les mots, la lecture est sans nul doute le fondement de l'acquisition de l'orthographe. Il revient donc à l'enseignant de français d'accorder plus de temps aux apprenants afin qu'ils pratiquent couramment la lecture dans le but d'enrichir leur dictionnaire intérieur et favoriser l'acquisition des compétences en orthographe. Pour des apprenants qui ne consacrent le moindre temps à la lecture en dehors du cadre scolaire, l'approche qui vaille pour leur permettre d'acquérir des connaissances et des compétences orthographiques est de consacrer plus de temps à cette discipline à l'école en cultivant le goût de la lecture.

L'orthographe est le concept autour duquel s'articule notre étude ; sa compréhension permettra de savoir sa place dans le processus enseignement/apprentissage du français mais de son rang social. La section suivante sera consacrée à l'élucidation de ce concept.

3.1.8-Orthographe.

Si pour Danièle COGIS, (2005 : 2), « la maitrise de l'orthographe n'est pas le simple résultat d'une mise en application des règles apprises par coeur, mais une affaire de conceptualisation, autant que de répétition ; les procédures ne s'automatisent qu'à terme », Evelyne Charmeux, 2007, soutient que « l'orthographe est un savoir surtout opératoire (savoir écrire sans erreurs), et non un savoir conceptuel, même si la connaissance théorique joue un rôle important. »58. Il

58 Oui ou non, peut-on dire que le niveau en orthographe baisse chez les élèves ? À propos de l'ouvrage de Danièle Manesse et Danièle Cogis, Orthographe : à qui la faute ?, p.2, http://www.charmeux.fr , visité le 12-06-2018.

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ne s'agit pas, soutient cette auteure, « d'une connaissance au sens strict du terme, mais la mise en place d'un comportement intégré où la connaissance a une part importante, mais ne constitue, ni le départ, ni l'arrivée du travail d'apprentissage. ». L'acquisition des compétences en orthographe lexicale ou grammaticale, nécessite des activités de découverte à travers la lecture, de mémorisation et de maniement permanent de la graphie des mots à travers des exercices collectifs sous la direction de l'enseignants et personnels que les apprenants doivent réaliser à l'école ou en dehors d'elle. « Son acquisition nécessite une attention constante, en situation, à la forme de ce qu'on écrit, même si écrire ne se réduit pas à orthographier, comme le montrent par exemple les pratiques de dictée à l'adulte. »59 soutient Danièle Cogis 2011, lors d'une conférence sur le thème « Enseigner l'orthographe aujourd'hui » en Novembre 2011.

Selon une théorie pédagogique, rapportée par Charmeux Evelyne (2007), et dont elle est une des adeptes, l'orthographe transcrit majoritairement le sens, suivant deux axes : l'axe vertical des substitutions qui définit un rôle sémantique lexical (le sens des mots : poids / pois) et l'axe horizontal, celui des relations entre les mots, qui définit un rôle sémantique grammatical (un ami sincère / des amis sincères). Et pour cette auteure, « Apprendre l'orthographe devient dès lors une science d'observation, qui s'étudie en situation de lecture et d'observation des écrits qui ont été lus. Sa connaissance se construit par des situations d'observation réfléchie et de manipulations aidées de documentations diverses, des textes qui ont été lus, vers la recherche de constats à ériger en règles provisoires, non généralisables de fonctionnement » Charmeux Evelyne, 2007 : 2. Cette théorie met en exergue les activités visuelles à travers la lecture, cognitives à travers la mémorisation des faits observés au cours des lectures et de la transmission des règles de grammaire et de conjugaison, du maniement de la graphie des mots dans des exercices collectifs réalisés avec l'aide de l'enseignant et personnels faits par les apprenants eux-mêmes. Cette connexion des différentes activités d'apprentissage de l'orthographe met en oeuvre les facultés intellectuelles de l'apprenant et conduit à un apprentissage efficace. Il est donc impossible d'imaginer l'un sans l'autre pour des apprenants engagés dans un processus d'apprentissage de l'orthographe. La lecture favorise le renforcement des capacités visuelles et phonologiques des apprenants, capacités qui renforcent leurs habilités à la meilleure graphie d'un mot ou d'un son. L'orthographe française étant très immuable dans sa forme comme dans son fond, son enseignement/apprentissage « est un travail

59 Cogis Danièle, 2011-enseigner l'orthographe aujourd'hui. Université Paris IV, IUF de l'Académie de Paris, MoDyCo UMR7114, CNRS-Université Paris Ouest- daniele.cogis@paris.iufm.fr. Visité le 14 Septembre 2018.

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exigeant, un processus continu, non linéaire et dynamique. Enseigner sera accompagné l'élève dans son trajet, trajet souvent labyrinthique » (Danièle Cogis, 2005 : 150)

L'apprentissage est un processus qui s'étend dans la durée, il convient donc d'envisager son acquisition sur le long terme pour des apprenants qui doivent apprendre à parler, à lire, à comprendre les mécanismes du système d'une langue complexe comme le français. A cet effet, le soutien d'un enseignant de français qui met en oeuvre de meilleures stratégies de transmission de connaissances basées sur des objectifs précis et adaptés aux apprenants, est indispensable. L'enseignement de l'orthographe par objectif est le concept que nous tenterons d'élucider dans la section suivante.

Enseignement Par Objectifs

Il est important, au moment où nous abordons le concept d'Enseignement de l'Orthographe par Objectifs (EOO), de rappeler, de façon succincte, le programme officiel de grammaire du second cycle de l'enseignement fondamental au Mali. Il instruit, selon son édition de 2005, l'exécution d'un ensemble de tâches réparties comme suit dans les classes de 7ème, 8ème et 9ème années :

? En 7ème année, le programme prévoit :

-l'étude du nom, ses genres, ses nombres ;

-les déterminants du nom : articles, adjectifs possessifs, démonstratifs, numéraux. ;

-l'adjectif qualificatif : genre, nombre et fonction ;

-les substituts du groupe nominal ;

-les fonctions dans le groupe nominal.

? En 8ème année, le programme instruit l'étude du verbe : les groupes de verbes, la

conjugaison des verbes aux temps simples, aux temps composés, aux différents modes

du français ;

-les tournures pronominales et impersonnelles ;

-les sens transitifs et intransitifs ;

-les constituants de la phrase : opposition complément d'objet/complément

circonstanciel ; complément d'objet/attribut ; complément d'objet direct/complément

d'objet indirect, complément circonstanciel.

? En 9ème année, le programme de la grammaire instruit l'enseignement des types de

phrases et de la coordination puis de la subordination dans la phrase. Il plonge les

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enseignants et les apprenants dans des notions ambigües de l'analyse logique des propositions indépendantes, des propositions principales et subordonnées.

Le programme ne prévoit pas, de façon formelle, l'enseignement de l'orthographe comme une discipline.

En effet, en 7ème année, le programme n'instruit pas de façon explicite l'enseignement de l'orthographe. De façon implicite, l'enseignement du genre et du nombre des noms, permet aux apprenants d'acquérir des notions du féminin et du pluriel par -s, par -x ou de l'invariabilité de certains noms masculins terminés par -z, -x. Le verbe n'étant pas au programme, les apprenants font son accord sur la base des enseignements reçus dans les classes antérieures. Aussi, les erreurs commises par les apprenants sur les verbes lors des dictées de contrôle faites durant les fins de trimestre sont-elles sanctionnées. A ce titre, nous nous retrouvons dans les propos de KONATE THiény Ousmane60 qui soutient qu'« il est facile pour tout élève d'avoir zéro en dictée de contrôle : il suffit, comme on le fait, de lui donner un texte avec des mots difficiles à faire ou des accords impossibles à trouver » et au demeurant sur la base des enseignements donnés une ou deux années plutôt. Puis, il conclue qu' « à ce jeu, même les meilleurs professeurs de français pourraient, eux aussi, avoir leur zéro. »61

Par ailleurs, en 8ème année, le programme est centré sur le verbe, noyau de la phrase verbale, sa conjugaison aux temps simples, aux temps composés et aux modes personnels et impersonnels du français. Les apprenants doivent accumuler, en une année académique, des compétences sur les verbes, leur groupe, leurs désinences aux temps et modes du français. Face à cet imbroglio des terminaisons des verbes aux temps et modes que compte la langue française, les apprenants doivent subir une pression cognitive importante pour écrire sans erreurs les verbes dans les phrases.

Quant au programme de 9ème année, il est centré sur la structure de la phrase, l'analyse logique de la phrase. Toute l'année est consacrée à l'analyse logique des propositions indépendantes, principales ou des propositions subordonnées conjonctives, relatives, infinitives ou participiales si complexes, si incohérentes et si inappropriées qu'elles n'apportent que frustrations, confusions et mauvais résultats. Pour des apprenants qui peinent à identifier les mots à l'intérieur d'une phrase, comprendre et réussir l'analyse dite logique d'une proposition principale, indépendante ou subordonnée n'est qu'une chimère. L'enseignement de l'analyse

60 - Eminent professeur de Lettres du Mali aujourd'hui, conseiller à la présidence

61 https://maliactu.net/combien-aviez-vous-en-dictée-de-contrôle visité le 21/03/2018.

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logique n'est qu'une perte de temps et au regard du niveau extrêmement bas des apprenants, en orthographe en particulier, en cette fin de cycle de l'enseignement fondamental, il serait plus utile de consacrer ses heures à donner un enseignement efficace de manière à faire acquérir aux apprenants des compétences en orthographe en vue de rehausser leur niveau.

En outre, le programme ne prévoit aucun enseignement de l'orthographe d'usage ou de grammaire. Paradoxalement, il (le programme) reconnait que « l'épreuve d'orthographe n'est pas une sanction. La multiplication des dictées de contrôle n'améliore pas toujours l'orthographe. »62. Le programme conclut qu' « il faut donc chercher méthodiquement l'origine des difficultés rencontrées par les élèves afin de leur trouver une solution. »63. Ces instructions souffrent d'une ambigüité qui laisse libre court aux interprétations de la part des enseignants et nous amènent à poser des questions suivantes : si l'orthographe est une épreuve, comment est-elle enseignée ? Quelles sont les leçons prévues par les programmes officiels pour l'enseignement de l'orthographe, qu'elle soit d'usage lexical ou grammatical au second cycle de l'enseignement fondamental au Mali ? Quel est le cumul de compétences orthographiques que les apprenants de 7ème, 8ème et 9ème années doivent acquérir sur la base desquelles ils sont évalués en dictée de contrôle notée lors des compositions et de l'examen du DEF ?

Au regard de piètres notes d'orthographe que nous avons relevées au niveau du groupe scolaire second cycle de Darsalam, nous sommes en droit de penser que la pratique de la dictée de contrôle sans objectif préalable que celui d'attribuer des notes en fin du mois ou du trimestre, reste en vigueur. Prises sous cet angle, les notes attribuées suite à l'épreuve d'orthographe constituent la pire sanction que l'on puisse infliger à des apprenants qui ne disposent pas d'un temps suffisant de lecture et ne bénéficient guère d'une bonne transmission des règles de grammaire et de conjugaison. Face à l'absence d'un programme précis d'enseignement de l'orthographe et partant de vision exacte d'acquisition de compétences de l'orthographe française par les apprenants du second cycle de l'enseignement fondamental au Mali, la meilleure solution qui vaille est la détermination d'un cumul de compétences orthographiques pour les élèves de 7ème, 8ème et 9ème années, l'élaboration d'un programme par objectif du français et l'Enseignement de l'Orthographe par Objectif 64 (EOO). Cette approche consiste à

62 Programmes officiels du second cycle de l'enseignement fondamental, Juillet 2005, p.22

63 Ibid.p.22.

64 L'Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) est notre nouvelle approche dans l'enseignement de l'orthographe basée sur des objectifs précis, successifs et cohérents qui permet une acquisition efficace des compétences orthographiques. Cet Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) est suivi d'une Evaluation par Objectif des notions enseignées afin de permettre aux apprenants d'acquérir des compétences en orthographe lexicale et ou grammaticale.

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élaborer un objectif précis de compétences à faire acquérir aux apprenants et leurs évaluations à la fin du processus d'apprentissage. Dans le cadre de notre étude, l'objectif était de jauger les capacités des élèves à accorder correctement les verbes, contenus dans un texte de dictée, à l'imparfait de l'indicatif. Les compétences orthographiques ainsi acquises par les apprenants et évaluées à travers l'épreuve de dictée de par objectif doivent correspondre effectivement au savoir enseigné à travers la lecture, la grammaire ou la conjugaison. Seules les erreurs commises par les élèves sur la notion enseignée seront corrigées puis sanctionnées. Les autres erreurs seront soulignées, classifiées et feront l'objet des enseignements ultérieurs d'orthographe. Ainsi, il convient de « définir clairement les objectifs d'apprentissage de la séquence et les rendre visibles aux élèves. Communiquer aux élèves les objectifs des évaluations en amont pour leur permettre de prendre du recul et de s'auto évaluer, de manière à baliser leur travail et renforcer leur confiance. »65. Le constat, in situ, est que les enseignants sont plus préoccupés à achever un programme que de faire acquérir des compétences orthographiques aux apprenants toujours nombreux dans les salles de classe à la faveur de la massification et à la démocratisation de l'éducation au Mali. Si la tendance à la réduction des effectifs excessivement élevés au collège (60 à 118 élèves par classe au collège contre 25 élèves par classe en France ) n'est pas envisageable face à une augmentation de 138% du nombre d'enfants de moins de 18 ans à l'horizon 205066, à la demande exponentielle d'éducation, si la création des établissements scolaires suffisants pour réguler les effectifs relève d'une illusion, la seule solution qui vaille pour améliorer l'apprentissage des compétences orthographiques est l'Enseignement et l'Evaluation de l'Orthographie par des objectifs spécifiques.

Les résultats de nombreuses études certifient que l'acquisition des compétences en orthographe de la part des apprenants se réalise au terme de plusieurs années d'étude. Toutefois, aucune structure scolaire ne permet d'atteindre les compétences escomptées en matière d'apprentissage de l'orthographe, la compréhension se consolident et les acquis se renforcent progressivement et au-delà du cursus scolaire. Aussi, le temps d'apprentissage d'une orthographe aussi complexe que celle du français doit prendre en compte le niveau des apprenants, des pressions cognitives que cet apprentissage exige, le tout fondé sur une transmission efficace des notions enseignées. Dans la section suivante, nous nous tenterons d'élucider le concept de temps.

3.1.9-Temps

65 Les dossiers pédagogiques de l'académie de Nantes, 2014, Evaluer pour faire réussir les élèves, p.13.

66 Afrique Génération 2030, la démographie enfantine en Afrique, UNICEF, Août 2014, Division des données, de la recherche, des politiques, ISBN : 978-92-806-4766-2, p.19.

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Dans le cadre de notre étude, il est important d'élucider le concept du temps. Dans son champ conceptuel en didactique, nous tenterons d'élucider les concepts de temps institutionnel, de temps didactique, de temps d'apprentissage et de temps insuffisant. Dans le processus enseignement/apprentissage, l'intention de transmettre des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être de la part de l'enseignant et d'apprendre de la part des apprenants se réalise dans un temps bien précis. Si le temps institutionnel est rigide et imposé par l'autorité éducative, le temps didactique et sa meilleure gestion relève de la compétence et de la conscience professionnelle dont fait preuve l'enseignant dans sa classe. Selon Alain Mercier, (2001 : 1) : « Cette organisation du temps scolaire permet, de synchroniser les activités sociales et les activités scolaires et se mesure donc en temps d'horloge. »67. Nous nous intéressons, dans la prochaine section, au temps institutionnel

? Le temps didactique

Dans l'exécution de l'acte d'enseignement, l'enseignant est responsable de la gestion du temps qui est lui est attribué. Cette gestion efficace du temps prend en compte la complexité des savoirs à enseigner, des compétences à faire acquérir, du niveau des apprenants et de l'objectif assigné à l'enseignement. Il produit ainsi « l'espace-temps didactique. »68, indispensable à la transmission, à la compréhension des savoirs enseignés par les apprenants. L'enseignant doit faire preuve d'habilités organisationnelles, de compétences professionnelles pour « assurer une progression visible et tonique du temps didactique. »69

Dans le temps qui lui est attribué par l'institution (temps institutionnel) pour assurer un enseignement, l'enseignant « doit organiser la progression du temps didactique de manière à faciliter l'étude du savoir que les élèves auront à conduire, pour réaliser l'apprentissage c'est-à-dire des progrès, ce qui est l'enjeu réel de l'enseignement. »70Le principal et l'unique objectif de l'enseignement étant l'acquisition des savoirs par les apprenants, il revient au maître de français d'utiliser le temps didactique de façon efficiente afin de leur permettre d'acquérir des compétences orthographiques et d'éviter le maximum d'erreurs dans leurs productions écrites. Si selon Reuter, 2007, cité par Karine Bonnal, (2016 : 99), « le temps de l'enseignement [n'étant] pas le temps de l'apprentissage », sa meilleure organisation au bénéfice des

67 Alain Mercier, 2001, Le temps didactique, https://recherche.aix-mrsiufm.fr/publ/voc/n1/mercier3/index.html visité le 12-09-2018.

68Idem visité le 12-09-2018.

69 Idem. Visité le 12-09-2018, p.7.

70 Idem.p.6.

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apprenants permet d'asseoir et de consolider les apprentissages. Puisque l'on prend plus de temps à apprendre qu'à enseigner, la durée de l'apprentissage est fonction de la notion à apprendre, de son intérêt pour les apprenants, de la capacité cognitive et de la volonté de ceux-ci à apprendre. Dans la section suivante, nous éluciderons le concept de temps d'apprentissage.

? Le temps d'apprentissage

Selon Karine Bonnal, 2016 : 100, le temps d'apprentissage est « le temps que les élèves consacrent réellement à la tâche d'apprentissage ». C'est le temps dont dispose l'apprenant pour comprendre le savoir enseigné, le mémoriser pour pouvoir le mettre en pratique lors des productions écrites. Dans le cadre de notre étude, il est essentiel pour les apprenants de comprendre d'abord les graphies des mots français rencontrés lors des séances de lectures faites en classe et/ou en dehors d'elle, ou au cours des leçons de grammaire et de conjugaison ; de les assimiler et de les mettre en pratique pour éviter des erreurs dans leurs productions écrites. Le temps d'apprentissage impose donc « retours, reprises, reconstructions permettant d'adapter les rapports anciens aux usages nouveaux des objets pertinents.»71 L'apprentissage est un processus qui s'appuie sur les compétences déjà acquises par les apprenants qui puisent perpétuellement dans leur mémoire des formes orthographiques stockées lors des séances de lecture ou des leçons de grammaire et de conjugaison, pour ne citer que ces trois matières. Faut-il encore que la mémoire ait stocké des formes orthographiques au cours de la pratique de la lecture approfondie des textes, de la visualisation des mots, des leurs formes et de leur graphie à travers des exercices de maniement. Selon Danièle Manesse, (2007), pour bien orthographier, il est nécessaire, non seulement de connaître toutes les formes d'un mot donné, de connaître les marques graphiques propres à chaque classe de mots, mais aussi d'avoir conscience des relations syntaxiques que ce mot entretient avec les autres, de combinaison ou de dépendance. Le postulat d'une bonne graphie d'un mot pris dans un ensemble tient à son identification à travers des activités de lecture, à la compréhension des relations que ce mot entretien avec les autres mots puis à son histoire. Ce qui nécessite un temps d'apprentissage, long, rigoureux et plein d'embuches.

? Le temps insuffisant

Face à la complexité des tâches à exécuter par les enseignants, à un niveau de compréhension limité des apprenants, le temps d'enseignement devient plus rigoureux et celui d'apprentissage

71 Idem.p.7.

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plus long et plus lent. Nous partons du constat in situ que le temps accordé, aux apprenants lors des trois heures de lecture par semaine, est très insuffisant pour leur permettre de se familiariser avec le texte ; de découvrir de nouveaux mots, de comprendre leur graphie et de les stocker dans leur mémoire interne en vue de les exploiter lors des productions écrites. Or cette phase de l'apprentissage de l'orthographe d'usage lexical par la lecture est fondamentale. Les apprenants ont besoin de plus temps de visualisation, d'identification, de bonne prononciation et de maniement correct des mots. Si ce postulat n'est pas acquis, il est difficile à des apprenants qui arrivent au collège avec des tares en lecture de pouvoir surmonter leurs insuffisances et d'apprendre l'orthographe lexicale. Ces difficultés des apprenants en lecture ont des incidences sur leur capacité de comprendre les résumés donnés par les maîtres et d'apprendre les leçons.

De l'incapacité de nombreux apprenants à parler couramment le français vient se greffer une faiblesse notoire en lecture, le tout aggravé par des effectifs élevés dans les classent de 7ème, 8ème et 9ème années. Ces multiples entraves à l'apprentissage de l'orthographe du français recommandent que les maîtres de français accordent des heures entières aux apprenants à la lecture permanente et systématique des textes afin de leur permettre de découvrir, comprendre, mémoriser et appliquer les accords de l'orthographe. Or le constat in situ a révélé que seulement deux ou trois élèves lisent pendant trois à quatre minutes lors d'une séance de lecture d'une heure sur un effectif de 60 élèves. Lorsque nous prenons compte des trois heures de lecture par semaine, il faut environ sept semaines pour que chaque élève de la classe puisse lire au moins une partie d'un texte. Et pour des effectifs de 118 élèves, les apprenants doivent attendre plus d'un trimestre pour avoir la chance de lire une partie du texte lors des séances de lecture en classe sous la conduite de l'enseignant. Ce qui crée un désintérêt des apprenants pour cette activité pourtant indispensable à l'acquisition des compétences de l'orthographe française. Selon le Rapport de l'Observatoire national de la lecture, Novembre 2005 : 9, « Apprendre à lire, c'est d'abord (mais pas seulement) apprendre à identifier les mots écrits au point de pouvoir faire à partir d'un message écrit ce qu'on sait faire à partir de l'oral. » En lisant de façon assidue, on apprend à lire, à parler une langue, à découvrir son orthographe et à l'utiliser correctement dans les productions écrites. Pour atteindre cet objectif de l'apprentissage de l'orthographe par les apprenants à travers les activités de lecture, il revient aux enseignants de leur accordé un temps suffisant.

3.2- Revue critique de la littérature

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L'acquisition des apprentissages fondamentaux tels que la lecture, l'écriture, le calcul et le langage oral est l'objectif prioritaire des enseignements donnés dans les classes dès l'inscription des apprenants dans les établissements d'enseignement. Ces apprentissages s'acquièrent progressivement dans les premières années de la scolarité et se consolident à mesure que les apprenants franchissent les différentes classes du premier cycle puis du second cycle qui marque la fin du bloc unique de l'enseignement fondamental au Mali. Cet apprentissage se fait sur le long terme à travers une conjonction d'activités de lecture, de grammaire, de conjugaison et de maniement de l'orthographe lexicale et grammaticale.

Dans cet ordre, l'orthographe d'usage lexical et grammatical occupe une place importante dans l'enseignement du français et des autres disciplines. Elle aide à la compréhension, au bon usage et à la graphie correcte des mots.

L'orthographe française a fait couler et fait couler beaucoup d'encres. De nombreuses recherches ont révélé la complexité de cette orthographe et les difficultés liées à son enseignement et à son apprentissage. Les didactiques de l'orthographe, de la lecture, de la conjugaison et de la grammaire constituent des champs d'investigations pour de nombreux praticiens, didacticiens et chercheurs. Malgré les riches et diverses théories élaborées par ceux-ci pour faciliter l'enseignement et l'apprentissage de l'orthographe, les niveaux des apprenants connaissent, depuis quelques années, une baisse inquiétante dans le maniement de la langue d'enseignement. Le phénomène de la baisse des niveaux des apprenants en orthographe lexicale et grammaticale dans l'enseignement fondamental au Mali prend des proportions inquiétantes à telle enseigne que des observations remettent en cause le niveau des enseignants, leur manque de rigueur dans la transmission des compétences et les effectifs pléthoriques des apprenants. A ces difficultés, les observateurs font le constat de la détérioration de l'autorité dans l'espace scolaire et de la situation des apprenants qualifiés de « partisans du moindre effort »

Face à la multiplicité des raisons avancées pour expliquer la baisse de niveau des apprenants consécutive aux difficultés d'apprentissage de l'orthographe, il nous a paru fondamental de mener des investigations pour comprendre les mobiles du phénomène inquiétant de la baisse des niveaux en orthographe. Pour mieux cerner les difficultés d'apprentissage de l'orthographe, nous avons choisi une structure d'enseignement public : le groupe scolaire de Darsalam, dans le CAP de Koutiala. Le cadre de notre nous permettra de mieux mesurer l'ampleur du phénomène et de proposer des solutions susceptibles d'améliorer l'apprentissage de l'orthographe d'usage lexical et grammatical par les apprenants maliens au second cycle de l'enseignement fondamental.

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La présente revue critique de la littérature nous permettra de porter un regard plus étendu sur les difficultés d'apprentissage de l'orthographe française à travers quelques écrits pertinents des certains auteurs. Les difficultés d'apprentissage, ainsi répertoriées et analysées nous aideront à comprendre les difficultés spécifiques des apprenants des 12 à 21 ans du groupe scolaire second cycle de Darsalam.

En 1948, Grevisse, (rapporté par Sony MAYARD, 2007 : 4) affirmait, en parlant de l'orthographe française, que « Notre orthographe est donc difficile ; elle est savante, trop savante. Que ne s'est-elle libérée, comme l'a su faire celle des Italiens, des Espagnols, et des Portugais de certaines servitudes étymologiques, qui l'empêchent si fâcheusement de mieux se conformer à la prononciation. » Ces propos, tout aussi accablants, selon le terme S. MAYARD, 2007, expriment toute la complexité de l'orthographe du français et de son enseignement/ apprentissage. Et les études effectuées durant ces dernières années se sont penchées sur l'orthographe, les difficultés liées à son enseignement et surtout à son apprentissage par des apprenants.

En 2005 les chercheures Danièle Manesse et Danièle Cogis, bouclaient une enquête, débutée en 1987, sur le niveau orthographique des élèves de 10 à 16 ans. Cette étude comparative du niveau des élèves en orthographe a permis d'aboutir, à des résultats entre 1987 et 2005 qui « témoignent d'une chute importante du niveau. Les erreurs ont considérablement augmenté : là où les collégiens en faisaient huit en 1987, ils en font treize en 2005. Là où les élèves de CM2 faisaient douze erreurs, ils en font dix-huit. En 1987, 50 % des élèves faisaient moins de six fautes. Ils ne sont plus que 22 % en 2005. »72. Cette chute de 28% du nombre d'élèves faisant moins de six fautes en moins de vingt ans révèle des difficultés persistantes d'apprentissage de l'orthographe pour cette tranche d'âge. E. Charmeux, 2007, rapporte que « l'écart entre les résultats des élèves de 1987 et ceux de 2005 est en moyenne de deux niveaux scolaires. »73

Les heures qui ont suivi la publication de l'ouvrage de Danièle Manesse et Danièle Cogis en 2005, intitulé : Orthographe : A qui la faute ?, de nombreux détracteurs ont émis le doute sur d'une réelle baisse de niveau des apprenants en orthographe sur base des dictées. D. Manesse et D. Cogis (2007), donnent trois raisons pour expliquer les résultats obtenus par les apprenants en orthographe lexicale et grammaticale. La première raison serait liée au temps réduit pour

72 Eveline Charmeux-oui ou non peut-on dire que le niveau en orthographe baisse chez les élèves ? à propos de l'ouvrage de Danièle Manesse et Danièle Cogis, Orthographe : à qui la faute ? http://dcalin.fr/publications/charmeux5.html#haut, visité le 30 Septembre 2018.

73 Idem. Visité le 30 Septembre 2018.

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l'étude de la langue, principalement dans ses dimensions formelles de l'écrit, les théories de l'énonciation ont fait en sorte que le travail grammatical a porté davantage sur l'analyse du texte et du discours serait la deuxième raison. Puis la troisième cause, d'ordre institutionnel, relèverait de la mauvaise articulation école-collège dans l'enseignement de l'orthographe et la formation des maîtres, ridiculement courte, pour ce qui concerne l'étude de la langue. Entre les trois raisons évoquées, les deux premières retiennent notre attention, pour la simple raison que l'apprentissage des fondamentaux de la lecture, de l'écriture, du calcul, pour la plupart des enfants maliens, commence à l'âge de sept ans et se renforce progressivement à la fin du bloc unique de l'enseignent fondamental. Ce processus requiert un temps suffisant accordé dans le maniement de l'orthographe française en vue d'atteindre une acquisition progressive et optimale des compétences orthographiques permettant aux apprenants d'éviter le maximum d'erreurs dans leurs productions écrites. Malgré les nombreux détracteurs, D. Manesse et D. Cogis, 2007, ont eu le mérite de donner la sonnette d'alarme sur les difficultés actuelles d'apprentissage de l'orthographe française dans nos établissements scolaires.

Par ailleurs, les résultats de nombreuses recherches permettent d'affirmer que l'orthographe française est incohérente et inconsistante. A cet titre, M. Fayol, 2006, soutient que « la difficulté de l'orthographe française vient notamment des mots inconsistants et des pluriels muets. »74. L'inconsistance de l'orthographe lexicale tient aux multiples formes qu'un seul mot peut prendre à l'écrit pour le même son. A titre d'exemple, le mot « descendent » dans la phrase « Les passagers descendent du car. », est inconsistant dans son graphème « scen-» dans la mesure où les apprenants peuvent l'orthographier :-ssen-ssan-çan-çen-cen- ou encore -san en tenant compte de la prononciation. Rien ne laisse envisager une graphie en scen- pour des apprenants qui n'ont pas eu la possibilité de rencontrer et de mémoriser l'orthographe de ce verbe. Cette inconsistance est très marquée dans de nombreux homophones grammaticaux tels que : vers, vert, ver, verre, ou air, aire, ère et erre que seuls l'usage et le sens permettent d'identifier et d'orthographier sans faute. Les difficultés de l'orthographe d'usage grammatical, en général, liées des pluriels muets des noms, des verbes ou des adjectifs, pour ne citer que ceux-ci, sont multiples et complexes. La phrase : « Les deux grands adversaires sportifs se rencontrent dans ce stade depuis une dizaine d'années. » renferme plusieurs pièges des pluriels muets qui réclament une connaissance approfondie de l'accord du pluriel au sein de la phrase. A ce titre que Michel Fayol, 2006, soutient que l'« orthographe française est truffée de

74Michel Fayol, « L'orthographe française est une des plus difficiles au monde. Comment les enfants en déjouent-ils les pièges ? Les difficultés de l'orthographe » -(c) Cerveau &Psycho - N° 3.

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pièges. »75, et « l'une des plus grandes difficultés vient du fait que de nombreux phonèmes (unités sonores) peuvent être transcrits de différentes manières. ». Les pièges de l'orthographe française sont relatifs aux désinences muettes des verbes ou des noms au pluriel, de la graphie imprévisible de certains mots. Pour M. Fayol, 2006, « du point vue de la production, le système orthographique français fait partie avec l'anglais des deux systèmes les plus complexes. »76 Cet auteur avance trois raisons pour expliquer les difficultés qui amènent les apprenants à commettre des fautes :

- primo, « l'orthographe du français est extrêmement difficile et truffée de pièges », elle est « difficile car irrégulière ».

-secundo, « l'orthographe mobilise différents processus », elle « requiert de l'attention, de la mémoire, et une bonne maîtrise de la langue ».

- tertio, « une école qui voudrait mettre l'accent sur l'apprentissage de l'orthographe y consacrerait beaucoup de temps », or « le temps disponible pour l'apprentissage et la mise en oeuvre de l'orthographe a diminué » (Michel Fayol in Kalai Lassaad, 2011 : 210). Aussi, lors des journées de l'ONL, sur le thème Enseigner la langue : orthographe et grammaire, tenues en Mars 2006, Michel Fayol, 2006 :58, soutient que « du fait du caractère irrégulier du système orthographique français, l'enseignement et l'apprentissage explicites des correspondances phonèmes graphèmes n'assurent pas des connaissances suffisantes pour écrire correctement les mots et pour réaliser les accords. » Cette complexité de la langue française constitue une difficile d'apprentissage de l'orthographe lexicale et grammaticale, très irrégulière, imprévisible et parfois incohérente nécessitant plus de temps, plus de pression cognitive de la part des apprenants et plus de clarté de la part des enseignants dans la transmission des règles de grammaire et de conjugaison socle d'une acquisition et d'une consolidation des compétences à l'écrit. La complexité, l'inconsistance et parfois l'incohérence de l'orthographe française sont des obstacles majeurs à la maitrise de l'orthographe par les apprenants. Ces difficultés ont fait l'objet de nombreuses recherches.

Selon Nina Catach, 1980, les lettres muettes, en français, représentent environ 12 à 13% des graphèmes écrits. Cette théorie est reprise par Kathy Wilkinson, 2009 :32, qui affirme « l'existence des lettres muettes constitue un obstacle dans le processus d'apprentissage de l'orthographe ». Pour Brissaud et Besssonat, (2001 p.150), la grande difficulté, qui rend

75 Michel Fayol- « L'orthographe française est une des plus difficiles au monde. Comment les enfants en déjouent-ils les pièges ? Les difficultés de l'orthographe. » -(c) Cerveau &Psycho - N° 3.

76Michel, Fayol- L'orthographe et son apprentissage, Les journées de l'ONL, Enseigner la langue : orthographe et grammaire, mars 2006.

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l'orthographe du français particulièrement opaque, réside dans le fait que sa morphologie est largement silencieuse : les marques ne s'entendent pas. Il s'ensuit que le scripteur privé du secours de l'oral pour décider de la distinction des lettres morphologiques le plus souvent muettes (-s, -t, e, notamment) doit recourir à un calcul nécessairement couteux. Avec l'habitude, l'exposition à des patrons syntaxiques dominants va le conduire à traiter de manière automatisée la distribution des marques d'accord conduire à traiter de manière automatisée la distribution des marques. Les cas des pluriels muets en -s, -x, ou -z, pour ne retenir que ceux-ci, constituent des entraves à certains accords grammaticaux. Certains groupes tels : bisou caillou, chou, genou, hibou, joujou, pou, dont la marque du pluriel est en -x recommandent de la part des apprenants une mémorisation et un usage permanent des mots qui pour être au pluriel doivent curieusement porter d'autres marques. Selon Nina Catach, 1989 in LEGROS Georges et MOREAU Marie-Louise, 1990 : 36, « L'x des sept pluriels en -oux (...) n'est qu'un grigri ridicule, fantaisie abréviative pour -us au Moyen-âge, dont la conservation depuis dix siècles tient du miracle de Lourdes. (...) On dresse nos enfants à adorer ces bêtises, au point qu'ils en demeurent tout rassotés comme Thomas Diafoirus. Il est temps, grand temps, de ravaler ces façades, de dégager les lignes élégantes de l'architecture d'ensemble, de rejeter ces superstitions d'un autre âge pour une religion plus raisonnable. »

Ces caractères silencieux et imprévisibles des désinences qui marquent la fin des mots représentent des risques importants d'erreurs pour des apprenants dans la graphie des mots inconsistants, et imprévisibles dont la maitrise réclame une bonne transmission des règles de grammaire et de conjugaison et une pratique régulière de la lecture source d'acquisition, en particulier, de l'orthographe lexicale.

Angoujard, 1994 p 7, l'orthographe française provoque souvent des effets de blocage, chez les maitres comme chez les élèves à telle enseigne qu'écrire sans faute constitue un défi majeur pour de nombreux usagers. Ces effets de blocage résident dans son inconsistance qui conduit de nombreux apprenants à faire des fautes erronées dans leurs productions écrites, notamment lors des évaluations. Kathy Wilkinson, 2009 : 7, va plus loin en affirmant que l'orthographe grammaticale est « source de conflits chez les apprenants et c'est au collège que ces tensions deviennent de plus en plus importantes. ». Mal orthographier le pluriel d'un nom, d'un adjectif, ne pas réussir l'accord d'un verbe et revoir sa copie de dictée remplis de traces de Bic rouge crées des sentiments d'impuissance, d'insécurité et de mésestime. C'est au niveau du collège où les apprenants doivent consolider leurs acquis en orthographe et orienter leur choix pour des études dans l'enseignement secondaire général, technique et professionnel. Or, leurs faiblesses

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notoires, dans l'expression orale et surtout dans la graphie des mots, créent des sentiments d'impuissance et d'insécurité.

Christian SURCOUF, (2011), relève qu'à la difficulté de l'apprentissage de la langue se greffe celle de l'acquisition de l'orthographe, notamment de sa lecture chez les apprenants du Français Langue Etrangère (FLE). La dualité de cette difficulté d'apprentissage de l'orthographe impose aux apprenants une stratégie d'apprentissage qui prend en compte la maitrise de la lecture expressive et permanente et la graphie des mots en respectant les accords, le tout fondé sur un objectif d'apprentissage. Pour des apprenants engagés dans le processus d'apprentissage de l'orthographe, il est fondamental qu'il ait un temps suffisant de lecture au cours de laquelle ils auront l'opportunité de mettre non seulement en oeuvre leur intelligence visuelle pour enregistrer la graphie des mots mais aussi leur intelligence cognitive pour comprendre, apprendre et stocker un certain nombre de mots dont ils se serviront lors des productions écrites. Karine Bonnal, 2016 : 8, rapporte que dans l'apprentissage de l'orthographe, la « multiplicité de tâches entraine une surcharge cognitive, avec des difficultés accrues notamment selon la position des mots et la longueur de la chaine d'accord. » Par conséquent, l'acquisition des compétences orthographiques se réalise sur le long terme, dans la pratique constante des activités de lecture, de grammaire et de conjugaison. Or, il est difficile pour des apprenants qui ne maitrisent pas la lecture et qui ne disposent pas d'un temps suffisant consacré à cette activité ou qui ne bénéficient pas d'une transmission claire des règles de grammaire et de conjugaison d'acquérir des compétences orthographiques. Il est d'autant plus important de consacrer plus de temps à la lecture et d'habituer les apprenants au maniement de l'orthographe des mots lors des leçons de grammaire et de conjugaison quand il s'agit des apprenants pour lesquels l'école est le principal lieu d'acquisition du savoir-orthographier correctement des mots.

Bara, 2004, soutient que « l'apprentissage de l'écrit repose sur trois pieds : la connaissance des lettres, la conscience phonologique et le vocabulaire.»77. Ces différentes étapes de l'apprentissage de l'orthographe lexicale et grammaticale s'appuient sur une coordination des activités de lecture, de grammaire et de conjugaison. Si les séances de lecture soutenue permettent aux apprenants de visualiser, de prononcer et de mémoriser l'orthographe d'usage lexicale des mots, la meilleure transmission des règles de grammaire et de conjugaison permet de consolider les compétences en orthographe grammaticale. Cette approche dans l'apprentissage de l'orthographe demande une coordination entre les différentes activités ci-

77 Michel Fayol-compte-rendu de conférence, apprendre et utiliser l'orthographe du français du C.P au C.M.2.

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dessus énumérées. A ce titre, Michel Fayol, 2006 : 60 soutient que « lorsque la lecture d'un mot permet à la fois son décodage et le maintien de l'ensemble de ses constituants (lettres, mêmes celles qui sont muettes) dans une focalisation unique de l'attention, la forme de ce mot peut être stockée en mémoire. » Dans la pratique courante de la lecture, le lecteur apprend l'orthographe d'usage lexical par l'attention qu'il porte sur la graphie des mots qu'il rencontre. Il apprend par le principe de décodage et d'encodage des mots. Reuter, 2000, et Routman 2009, soutiennent qu'il existe une corrélation entre les performances des élèves en écriture et en lecture et les pratiques enseignantes gagnantes. Ils considèrent que ces pratiques jouent un rôle important et peuvent aider les élèves, même en difficulté, vers un apprentissage réussi du lire-écrire. Cet auto-apprentissage de l'orthographe lexicale ou grammaticale n'est possible que lorsque les apprenants disposent d'un temps suffisant de lecture leur permettant de visualiser les nouveaux mots, d'identifier leur nature, de comprendre leur graphie avant de les stocker dans la mémoire afin de s'en servir en cas de besoin. Pour atteindre cet objectif, Rakia Laroui, Magalie Morel et Stéphanie Leblanc, 2014, rappellent la théorie socioconstructiviste de l'apprentissage qui soutient que la « tâche de médiation de l'enseignant qui doit interagir avec l'élève pour le supporter et l'accompagner dans son apprentissage [...j » constitue une phase importante dans l'acquisition de l'orthographe lexicale à travers la pratique de la lecture et de l'orthographe grammaticale à travers la meilleur transmission des règles de grammaire et de conjugaison.

Evelyne Charmeux, 2007 : 2, rapporte deux difficultés majeures dans l'apprentissage de l'orthographe française. La première difficulté repose sur une « hypothèse linguistique qui pose que l'orthographe transcrit majoritairement la prononciation. »78, tandis que la deuxième s'appuie sur « une hypothèse pédagogique qui pose que l'orthographe transcrit majoritairement le sens ». Ces difficultés d'ordre linguistique et pédagogique dans l'apprentissage de l'orthographe française requièrent non seulement une attention accrue de la part des apprenants mais aussi une clarté dans la transmission de règles de de grammaire et de conjugaison.

Champoux Ménaïc, 2011 : 10, rapporte une étude menée par Marie-Claude Boivin et Reine Pinsonneault, 2011, que « 15 % de toutes les erreurs de langue qui peuvent être attribuées à l'orthographe des homophones. » Dans son étude, il fait ressortir l'importance des difficultés orthographiques chez les élèves du secondaire québécois et mis en relief la proportion de ces erreurs attribuées à l'orthographe des homophones. L'orthographe française renferme de

78 Eveline Charmeux-Grammaire, Conjugaison et Orthographe, Les modèles théoriques, www.occe.coop/--ad03/spip.php/article49. Visité le 30 Septembre 2018.

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nombreux homophones grammaticaux dont chacun a une histoire pour justifier sa graphie. Les maîtres de français usent de nombreuses astuces pour aider les apprenants à les identifier et à les orthographier sans erreurs. A titre d'exemple, la phrase : « Le docteur se dirige vers le verre vert contenant un ver destiné à l'étude. » contient les homophones grammaticaux : vers (la direction), verre, (récipient), vert, (la couleur) et ver (petit animal au cops mou). Cet usage astucieux de ces homophones grammaticaux dans une même phrase aide les apprenants attentifs à retenir l'orthographe lexicale sur la base du sens de chaque homophone. Pour le même son, le scripteur peut transcrire quatre mots dont les graphies sont différentes. Cette méthode d'enseignement et d'apprentissage de l'orthographe lexicale une clarification des concepts de la part de l'enseignant mais nécessite, de la part des apprenants, une conjonction d'activités de vision, de compréhension, d'indentification, de mémorisation et de graphie des mots.

Au chapitre de la conjugaison des verbes, Abderrazac AMARA, 2001, soutient que les élèves Algériens de 1ère A.S., « influencés par la langue maternelle, [nos apprenants] commettent beaucoup d'erreurs de temps verbaux : tantôt ils confondent le présent avec le passé, l'imparfait avec le passé composé ; tantôt ils utilisent l'infinitif au lieu de conjuguer le verbe. Les erreurs de conjugaison ne manquent pas dans leur production. ». Ces « erreurs d'interférence » selon sa terminologie conduisent les lycéens de 1ère A.S. à commettre des erreurs telles que : « Il était voyagé », « Il était nagé » ou « J'était partir. » ou encore « J'étais faire. ». Les productions des élèves a permis à A. AMARA, 2014, de répertorier des « Erreurs de type intra lingual (certains emplois erronés à l'imparfait à la place du passé composé et vice-versa). » et celles « de type interlingual (emploi du présent à la place de l'un des temps du passé) ». Cet auteur identifie le facteur linguistique et le facteur pédagogique pour expliquer les erreurs commises par les élèves. Cet auteur soutient en premier lieu que l'existence, en français, de plusieurs temps du passé dont l'imparfait et le passé composé (et le passé simple) avec des valeurs et des emplois différents constituent un facteur de perplexité pour les apprenants algériens. Ceci explique leur tendance, soit à généraliser, soit à simplifier l'utilisation de ces temps. Puis l'articulation entre la valeur temporelle des temps verbaux et celle des indicateurs chronologiques explicites reste souvent implicite. Ceci provoque une confusion chez nos élèves quant à l'emploi de certains indicateurs. . Si, dans le cadre de notre étude, nous ne disposons pas d'indice permettant d'affirmer le degré d'influence des langues maternelles avec l'orthographe française, (le Mali compte treize langues nationales mais plus de langues maternelles,), les erreurs commises par les apprenants dans la graphie des désinences des verbes révèlent d'une mauvaise transcription des terminaisons des verbes aux différents temps. Ces erreurs sont consécutives à une mauvaise transmission des terminaisons des verbes,

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notamment à l'imparfait de l'indicatif. En effet les erreurs commises par les apprenants dans leurs productions démontrent une méconnaissance pour certains et une confusion pour d'autres des terminaisons des différents groupes de verbes à l'imparfait de l'indicatif. Ce qui permet de déduire que les terminaisons des verbes à l'imparfait de l'indicatif ne sont mal transmises par les enseignants et mal ou pas comprises par les apprenants. Cette mauvaise transmission les place dans une situation de doute orthographique et les amène à commettre des erreurs grammaticales dans les terminaisons des verbes à l'imparfait de l'indicatif. Lorsqu'« un mot sur quatre ou cinq est un verbe en français. »79, comme le soutient Nina Catach, 1995, rapportée par Christian SURCOUF, 2011, savoir accorder correctement les désinences des verbes à un temps et apprendre l'orthographe grammaticale constitue l'un des défis auquel sont confrontés les apprenants du groupe scolaire second cycle de Darsalam.

Si Koughougli, cité par Harzelli Assia, 2010 : 24 soutient que « le principe fondamental de l'écriture arabe est que la graphie normale d'un mot reflète exactement sa prononciation. », ce qui n'est pas le cas dans le système français, J.L.Maume, 1973 : 92 affirme que les déficiences orthographiques, la confusion de mots entraînent contresens ou, non-sens non pour raison d'ignorance de la règle, elles proviennent simplement des carences phonétiques de l'arabe par rapport au système du français. Cette différence entre les deux systèmes de langue constitue une entrave à l'apprentissage de l'orthographe française par des apprenants arabophones.

Dans cet ordre d'idée, Abusharifa, Yousra, 2011, relève chez les apprenants palestiniens « une incapacité à développer un système d'associations phonographiques qui suppose une double opération : associer et dissocier la phonie et la graphie. » Ces apprenants d'âge disparate de 11 à 45 ans dont certains au niveau de Licence, font face, selon cet auteur, aux difficultés d'« identification des phonèmes dans la mesure où la forme sonore d'un mot en évoque un autre qui n'a parfois hélas aucun lien avec le premier. ». Ces difficultés de graphie de l'orthographe lexicale les conduit à commettre des erreurs telles que : « examin » au lieu de « examen », ou « painture » au lieu de « peinture ». Selon cet auteur, les difficultés résident dans la différenciation entre « le système vocalique du français » qui a beaucoup de voyelles dont « la majorité s'articule dans la partie antérieure de la bouche, alors que le système phonique de la langue arabe est considéré comme étant postérieur. »80. Les erreurs telles : « Il est intilligent. »

79 SURCOUF Christian -Travaux neuchâtelois de linguistique, 2011, 54, 93-112 L'enseignement et l'apprentissage de la conjugaison en FLE: comment réduire les difficultés engendrées par l'orthographe? École de français langue étrangère (EFLE), Université de Lausanne, Faculté des lettres UNIL.)

80 Abusharifa Yousra, 2016, Les difficultés spécifiques du français pour les élèves palestiniens

DOI : 10.13140/RG.2.1.2823.7843. https://www.researchgate.net/profile/yousra_abusharifa. Visité le 02 Octobre 2018.

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au lieu de « Il est intelligent. » ou « Il est vriment très sympa. » au lieu de « Il est vraiment sympa. », ou encore « J'ai acheté beaucoup de vitements. » au lieu de « J'ai acheté beaucoup de vêtement » commises par les apprenants dans leurs productions et rapportées par Abusharifa, Yousra, sont caractéristiques de cette incompatibilité entre les systèmes orthographiques français et arabe. Si pour les enfants palestiniens de telles erreurs s'expliquent par la différence des systèmes vocaliques entre le français et l'arabe, celles commises par les apprenants du groupe scolaire second cycle de Darsalam relèvent, en grande partie, d'une méconnaissance de l'orthographe d'usage lexical et grammatical.

Eveline Charmeux, 2007, rapporte les propos de l'équipe INRP de Nancy, 1981, qui affirme que la performance orthographique constituait pour l'enfant une épreuve complexe et délicate. L'enfant qui écrit doit réaliser d'une manière constante et continue une synergie de fonctions mentales exigeant de sa part une tension psychique élevée. Jean Pierre Jaffré 1997, évoque cette complexité de l'orthographe française, en soutenants que la "mixité" de l'orthographe du français pèse de tout son poids sur la manière dont les élèves appréhendent le fonctionnement du système, car elle leur offre un éventail problématique de possibilités fonctionnelles (notation de phonèmes, de syllabes, de morphèmes, de lexèmes). Fondamentalement, les systèmes d'écriture oscillent entre deux tendances, selon le principe dominant qui les structure, principe phonographique ou principe sémio graphique. Danièle Cogis, 2001, ajoute qu'en français, les deux principes sont particulièrement intriqués, rendant l'ensemble et le détail des plus opaques. Michel Fayol et Largy, 1992, cités par Danièle Cogis 2001, soutiennent que c'est cette complexité qui provoque une tension cognitive chez les apprenants et qui avance qu'une partie des erreurs s'expliquerait par ce que la psychologie cognitive appelle la surcharge mentale et qui tient aux capacités limitées de la mémoire de travail (est aussi La pratique constante de la lecture est une activité précieuse d'acquisition de l'orthographe lexicale. Face à la complexité de l'orthographe et à la multiplicité des notions à retenir, « il leur (les apprenants) est difficile, en effet, de veiller à tous les aspects du texte en même temps, de l'inventio au respect des normes linguistiques, à un âge où tout est en germe : ils n'ont pas encore eu le temps d'intérioriser la nécessité sociale des conventions ; ils n'ont pas encore toutes les connaissances orthographiques ; ils n'ont pas encore développé une compétence de révision des textes.81». Danièle Cogis, 2001. Il convient d'accorder plus de temps aux apprenants pour parvenir à un apprentissage, tant soit peu acceptable, du savoir-orthographier les mots dans une phrase.

81 Op. Cité. Visité le 26 Septembre 2018.

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Face à une orthographe complexe, incohérente et imprévisible qui conduit les apprenants à commettre de nombreuses erreurs dans les productions écrites, hypothéquant ainsi leur chance de réussir, la première préoccupation du praticien c'est : comment peut-il rendre son enseignement plus efficace ? A ce titre Danièle Cogis, 2005 : 144, soutient que « si les fautes persistent c'est que les conceptions qui en sont l'origine persistent. L'enseignement traditionnel de l'orthographe ne s'occupe pas des raisonnements des élèves. La seule technique proposée, c'est répéter. » La stratégie consiste, ici, à rechercher avec les apprenants et sur la base de leurs productions leurs conceptions de la graphie des mots, afin de proposer des solutions qui les aiderai à mieux maitriser l'orthographe conformément à leur niveau d'apprentissage. Et selon la théorie de Anne-Marie BARDI ; Myriem BOUZAHER et Al., 2005 : 66, « quand on est élève, savoir ce que l'on va apprendre ou apprendre à faire avant de s'y engager, savoir ce qu'il convient de retenir ou d'être capable de réaliser à la fin, c'est avoir les moyens de progresser, non pas en suivant aveuglément le chemin du professeur mais en étant conscient du but à atteindre et en appréciant la difficulté des étapes et le franchissement des obstacles. » Ces auteurs concluent que « l'objet de l'enseignement est l'apprentissage des élèves. » Aussi, l'enseignement et l'apprentissage de l'orthographe sera plus efficace si les apprenants « peuvent découvrir progressivement les principales caractéristiques. »82 et s'en servir dans leur « activité de production de textes écrits et dont il s'agit de s'assurer une maitrise raisonnable. 83». Ce qui doit nous amener à nous « affranchir du poids des traditions scolaires et mettre enfin l'orthographe à sa juste place : importante mais seconde. » selon le terme de Agoujard, 1994 : 7.

Bessonat, Corday et Ducard, 2002, mettent en garde qu'un enseignement des règles d'orthographe ne suffit pas à résoudre des difficultés qui relèvent davantage du maniement que du savoir. Cet « enseignement déclaratif » est certes important mais insuffisant pour permettre aux apprenants de rentrer dans l'univers des privilégiés qui savent orthographier avec moins d'erreurs dans leurs productions écrites. Dans le cadre de l'acquisition des compétences de l'orthographe du français par les apprenants, Georges, 1988, rapporté Danièle Cogis, 2001, rappelle que la psychologie cognitive distingue les connaissances déclaratives (rattachées aux savoirs) des connaissances procédurales (rattachées aux savoir-faire). Les premières énoncent des faits, des propriétés, des règles d'action ; les secondes se manifestent dans les comportements ; il n'y a pas de continuité entre ces deux types de connaissances, même si les

82 Angoujard, 1994, cité par Karine Bonnal, 2016, p.10.

83 Angoujard, 1994, cité par Karine Bonnal, 2016, p.10.

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secondes peuvent s'appuyer sur les premières. Danièle Cogis, 2001, conclut que les élèves peuvent donc être capables d'énoncer une règle, mais ne pas être capables de l'appliquer. Le postulat de toute bonne application des règles de grammaire ou de conjugaison est que « la compréhension précède de beaucoup la production - le savoir ce qu'il faut faire avant le savoir-faire effectif. Si par contre, les apprenants ne comprennent pas les règles que les maîtres leur expliquent à cause de leur mauvaise transmission, il est très aléatoire de leur demander d'orthographier sans les fautes les mots qu'ils rencontrent dans leurs productions écrites.

Ce qui laisse comprendre que l'enseignement de l'orthographe doit reposer sur des activités pratiques, le maniement de la graphie des mots : verbes, noms ou adjectifs par des apprenants eux-mêmes en vue d'une maitrise progressive et efficace de la langue orale et surtout de la langue écrite qui dévoile leur niveau réel dans les productions écrites. Ces auteurs cités par Kathy Wilkinson, 2009 : 7, soutiennent qu'« Il est nécessaire de changer de perspective et de partir des productions et des stratégies des élèves. Cela exige un travail plutôt classique sur le produit (repérage et classification des erreurs) et une pratique de l'entretien d'explicitation destinée à éclaircir les cheminements qui peuvent conduire aux erreurs et aux logiques sous-jacentes. » Ce changement de stratégie dans la transmission des notions d'orthographe consiste à met en contribution les apprenants, comme nous avons précédemment évoqué, car ce sont eux qui commettent les erreurs et il est très aléatoire de proposer des solutions sans mettre comprendre les mécanismes de référence pour écrire avec des erreurs.

C'est ce que soutiennent L. Pelletier et E. Le Deun, 2004, lorsqu'ils affirment que c'est en conférant à tous les élèves cette capacité à agir et à réfléchir ensemble sur les problèmes d'orthographe que les enseignants pourront les aider à repérer leurs erreurs et en analyser les causes, à développer leur écoute et leur attention, à acquérir des représentations sur les mots et les textes, à intégrer des informations nouvelles et à les réinvestir, à mémoriser les formes rencontrées sur le long terme, à raisonner, à accroître le nombre et l'efficacité de leurs stratégies. C'est travers cette méthode et à cette seule condition que l'enseignant peut s'assurer de l'adhésion de l'apprenant dans le processus d'enseignement/acquisition de l'orthographe à travers un temps suffisant accordé à la lecture et une transmission efficace des règles de grammaire et de conjugaison. En matière d'apprentissage de l'orthographe française, Jaffré, Bessonnat, 1993, soutiennent que la multiplicité de tâches entraine une surcharge cognitive, avec des difficultés accrues notamment selon la position des mots et la longueur de la chaine d'accord. Cette tension cognitive est d'autant plus grande que pour des apprenants les apprenants qui passent d'une classe à l'autre avec des tares amènent des nombreux praticiens à se demander « comment certains élèves sont parvenus à un niveau d'étude ? »

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Il revient donc à l'enseignant de comprendre et de prendre en compte ces différents paramètres pour conduire efficacement l'apprenant vers une acquisition sûre et progressive des compétences orthographiques. Cela ne saurait se réaliser sans une méthode de transmission efficace qui implique les apprenants au coeur de la graphie des mots.

De toute évidence, les difficultés d'apprentissage de l'orthographe inhérentes à la complexité de la langue française constituent une obsession pour de nombreux praticiens, élèves et parents. Cette obsession est résumée par un constat inquiétant de Monsieur Amadou Sanogo, 2018, ancien conseiller pédagogique au CAP de Koutiala, lorsqu'il affirme que la sous-discipline du français qu'est l'orthographe, est devenue un véritable cauchemar pour nos élèves tant leur contre-performance, fort, inquiétante et préoccupante semble anormalement se pérenniser. En amont de ces contre-performances en orthographe se trouve la non maitrise de la lecture consécutive à l'insuffisance du temps accordé aux apprenants, la mauvaise transmission des règles de grammaire et de conjugaison puis en aval les piètres notes obtenues par les apprenants dans leurs productions écrites, notamment en dictée, la détérioration de leurs niveaux, l'échec scolaire.

La deuxième difficulté d'apprentissage de l'orthographe réside dans la mauvaise transmission des règles de grammaire et de conjugaison. Le constat, in situ, révèle que les enseignants de français portent le titre de la leçon au tableau sans en énoncer oralement ou par écrit l'objectif de la leçon, comme le recommande la méthode de préparation et d'exécution des leçons selon la pédagogie par objectif. Nous notons que beaucoup d'enseignants trouvent la méthode de préparation et d'exécution des leçons par objectif (OPO), rigoureuse, exigeante et augmente leurs tâches avec ses multiples objectifs spécifiques et d'objectifs intermédiaires à chaque étape de la leçon. Il ressort que de nombreux enseignants n'ont jamais bénéficié d'une formation continue dans ce domaine. Face à ces difficultés, ils adoptent la méthode de transmission la moins contraignante, la moins efficace, celle qui consiste à donner des explications théoriques, sur le modèle transmission-écoute passive et incompréhension des notions transmises de la part des apprenants. Il en résulte un désintérêt total de la part de ceux pour lesquels l'enseignement est donné, avec son corolaire de mal compréhension, de retard dans l'apprentissage de l'orthographe toujours repoussé, sine die.

Ainsi, sur la base de deux ou trois phrases produites par l'enseignant dans un corpus, le maître explique la notion à enseigner. Les élèves répondent à quelques questions sans prendre part véritablement à l'application des règles à travers la multiplication des exercices pratiques qui

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les impliquent au coeur de l'apprentissage. Les explications théoriques sont suivies d'un résumé que les apprenants transcrivent dans leur cahier avec de nombreuses fautes. La contribution de l'enseignant dans cet apprentissage à court, moyen ou long doit être fondée sur sa capacité de transmission des règles de façon compréhensible quel que soit le niveau des apprenants. L'absence d'une « évaluation formative », « corrective », « nivéllatoire », « continue » ou « critériée » selon les termes de Touhami Ladjili, (2009) rend aléatoire la compréhension des règles qui se fonde beaucoup plus sur le maniement de la graphie que sur la théorie. Car il s'agit, pour les apprenants, d'apprendre à apprendre les compétences de l'orthographe dont il fera bon usage tout au long de son cursus.

Arnaud Hoedt et Jérôme Piron842018, anciens professeurs de français de Wallonie Bruxelles, affirmaient dans une tribune du journal Libération que « les règles d'accord du participe passé actuelles sont obsolètes et compliquées jusqu'à l'absurde. »85 et que leur enseignement n'est qu'une perte de temps. Ces auteurs soutiennent qu'il serait tellement plus riche de le (le temps) consacrer à développer du vocabulaire, apprendre la syntaxe, goûter la littérature, comprendre la morphologie ou explorer l'étymologie, bref, à apprendre à nos enfants tout ce qui permet de maîtriser la langue plutôt qu'à faire retenir les parties les plus arbitraires de son code graphique.86 Ces récents débats autour de la simplification de l'orthographe française en Wallonie Bruxelles portaient sur l'accord du participe passé employé avec l'auxiliaire « avoir », ses complexes et absurdes exceptions de « verbes exclusivement, essentiellement ou accidentellement pronominaux. »87.

En somme, les difficultés d'apprentissage de l'orthographe évoquées dans ce chapitre, relèvent de la complexité de la langue française qualifiée de « plurisystème », de « systèmes intereliés »88 par les uns, d'« opaque », « truffée des pièges »89, « retorse et byzantine. »90, par les autres. A ces difficultés d'apprentissage inhérentes à la langue française et à son orthographe viennent se greffer l'inadaptation des méthodes de transmission théorique des règles de grammaire et de conjugaison, l'insuffisance du temps accordé aux apprenants lors des séances de lecture afin de leur permettre, tant soi peu, de se familiariser avec l'orthographe lexicale et apprendre à manier

84 Anciens professeurs de français de Wallonie Bruxelles.

85 www.liberation.fr/debats/2018/09/02/les-repes-que-j-ai-mangé-un-nouvel-accord-pour-le-participe-
passe_1676135, Visité le 25 Septembre 2018.

86 Tribune de Libération « Les crêpes que j'ai mangé » : un nouvel accord pour le participe passé, 2 Septembre 2018, 20h46.

87 Bon usage de Grevisse, Info/Tribune de Libération, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, anciens professeurs de français, 02 Septembre 2018.

88 Nina Catach, 1990, citée par Karine Bonnal, 2016, p.7.

89 Michel Fayol- L'orthographe française est une des plus difficiles au monde. Comment les enfants en déjouent-ils les pièges ? (c) Cerveau & Psycho - N° 3, p.1.

90 Danièle Manesse, 2007, citée par Karine Bonnal, 2016, p.7.

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la graphie des mots dans des productions écrites. Si la maitrise de l'orthographe est un facteur de réussite scolaire, faire de nombreuses erreurs d'orthographe lexicale et grammaticale dans les productions écrites, notamment la dictée notée, révèle des difficultés d'apprentissage qui entrainent des sentiments de mésestime et d'impuissance de la part de nombreux apprenants, sentiments qui se résument à travers un de leurs témoignages recueillis lors de nos investigations, « Moi, je suis abonné aux zéros en dictée. (Rire) »

Pour la plupart des apprenants du groupe scolaire second cycle de Darsalam, la première difficulté réside de la non maitrise de la lecture consécutive à l'insuffisance du temps qui leur est accordé. La majeure partie de ces élèves prononcent difficilement les mots ce qui rend difficile leur identification, leur mémorisation et leur graphie dans les productions écrites. De nombreux apprenants ont accusé des insuffisances en lecture dans les classes antérieures à telle enseigne que certains ont de la peine à lire correctement une phrase dans les classes de 7ème, 8ème et 9ème années. Face à une telle situation, il apparait difficile pour les apprenants qui ne disposent que de très peu de temps de lecture puissent orthographier sans erreurs les mots qu'ils ont à peine vus lors des heures consacrées à cette activité. Il ressort qu'une grande majorité des apprenants qui ne savent ni lire, ni parler ni orthographier sans erreurs des mots. L'activité de lecture : lecture expliquée et suivie dirigée91, qui devrait être une opportunité pour les apprenants de corriger des insuffisances accumulées pendant des années et maitriser l'orthographe d'usage lexical, est exécutée à la sauvette par les maîtres de français au nom de l'achèvement d'un programme, laissant ainsi très peu de chance à ceux qui devraient visualiser, comprendre et apprendre à orthographier certains mots qu'ils garderaient dans leur mémoire et ferrait usage en cas de besoin..

De nombreuses études permettent d'affirmer que la pratique régulière et consistante de la lecture permet d'enrichir le stock de l'orthographe lexical des praticiens. Les séances de lecture faites en classe ont pour objectif, non seulement, de renforcer les capacités des apprenants en expression orale par la découverte et l'emploi de nouveaux mots dont les sens sont donnés dans la partie vocabulaire et exploités dans le volet grammaire et orthographe, mais surtout l'apprentissage des compétences en orthographe à travers la section orthographe et conjugaison des textes proposés. Même si certaines études, notamment, celles de Morin M.-F, 2005, cités par Kalai Lassaad, 2011 : 102, ont montré que « lire c'est bien, c'est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. » 92, pour permettre d'acquérir une bonne orthographe, les avantages que les

91La lecture à elle seule compte trois heures par semaine, dont une heure de lecture expliquée et deux heures de lecture suivie dirigée, soit la moitié de la masse horaire du français.

92 Morin M.-F, 2005, cité par Kalai Lassaad, 2011, p.102.

94

apprenants peuvent tirer d'une pratique consistante de la lecture en classe pour apprendre, l'orthographe lexicale n'est plus à démontrer. Cet auto-apprentissage de l'orthographe par la lecture intervient dans la seule condition que les apprenants disposent d'un temps suffisant de pratique de la lecture à l'école, car, de toute évidence, de nombreuses observations affirment qu'ils ne lisent pas en dehors du domaine scolaire.

Ces difficultés d'apprentissage l'orthographe auxquelles sont confrontées les apprenants du groupe scolaire second cycle de Darsalam, dans le CAP de Koutiala, imposent l'adoption de nouvelles stratégies d'enseignement fondées sur l'élaboration des objectifs précis d'acquisition de compétences orthographiques sur la base d'un socle de connaissances et de compétences à chaque niveau d'enseignement. Pour ce faire, il convient d'accorder aux apprenants de heures entières de lecture systématique pour leur permettre de découvrir, de visualiser et de mémoriser l'orthographe de certains mots qu'ils rencontrent dans les textes et d'adopter une stratégie participative des apprenants dans la graphie des accords grammaticaux au cours des leçons de grammaire et de conjugaison.

Nous nous joignons à Nina Catach, 1978, qui affirme que l'orthographe du français est une orthographe difficile, et le restera, et que « bien orthographier nécessite de connaitre toutes les formes d'un mot, de connaitre les marques grammaticales propres à chaque classe de mots, mais aussi d'avoir conscience des relations syntaxiques que ce mot entretient avec les autres (de combinaison ou de dépendance) », selon la théorie de D. Manesse et D. Cogis, 2007, p.101. La complexité, l'incohérence et l'inconsistance de l'orthographe sont indéniables, le dire relève du truisme, tant les résultats des recherches, dans ce domaine, ces dernières années, ont été concluants ! Aucune réforme ne peut simplifier cette orthographe. Le seul défi qui s'impose aux praticiens et aux didacticiens est l'adoption de stratégies innovantes de transmission des savoirs pour une meilleure acquisition des compétences orthographiques par les apprenants. Des stratégies innovantes qui prennent en compte le niveau des apprenants ; les notions à transmettre, leurs objectifs spécifiques, les fautes commises par les élèves et le cumul de compétences que cet enseignement peut faire acquérir.

Cette investigation menée sur les difficultés d'apprentissage de l'orthographe dans une structure scolaire d'enseignement public : le groupe scolaire second cycle de Darsalam, dans le Centre d'Animation Pédagogique (CAP) de Koutiala, auprès des enseignants, des élèves, qui constituent une partie de notre échantillon mais aussi auprès des enseignants de français à la retraite, du conseiller pédagogique nous permet de comprendre un pan important du cas typique du Mali.

95

A travers le chapitre suivant, nous présenterons, analyserons les données de recherche et interpréterons les résultats d'enquête sur le terrain.

Chapitre IV : Présentation, analyse des données et interprétation des résultats d'enquête sur le terrain.

Dans les chapitres précédents, nous avons évoqué les difficultés d'apprentissage de l'orthographe ; difficultés liées, à sa nature et considérée comme l'une des plus difficiles au monde, du fait de son opacité aux méthodes de transmissions théoriques des règles de grammaire et de conjugaison et un temps de lecture insuffisant accordé aux apprenants qui ne leur permet pas d'acquérir des compétences en orthographe d'usage lexical ou grammatical (Jaffré, 1999).

Dans ce chapitre, nous présenterons les résultats bruts des données recueillies sur le terrain d'enquête. Il s'agit notamment des données recueillies suite au questionnaire adressé aux élèves, celles de l'entretien réalisé auprès des maitres de français du groupe scolaire second cycle de Darsalam, du conseiller pédagogique de français, des enseignants de français à la retraite. Nous présentons les données de l'observation directe des leçons assurées par des maîtres de français en lecture, en grammaire, en conjugaison et ceux du test et du post test soumis aux élèves lors de la phase d'expérimentation. Nous avons soumis les données chiffrées, les pourcentages obtenus suite au questionnaire et aux différents tests à une analyse quantitative, tandis que les discours recueillis suite à l'entretien réalisé auprès des enseignants de français, du conseiller pédagogique de français et des enseignants de français à la retraite ont fait l'objet d'une analyse qualitative.

Nous interpréterons les résultats de notre étude afin de déterminer s'ils confirment ou infirment nos hypothèses. Nous ferons ensuite nos suggestions en vue d'améliorer l'enseignement/apprentissage de l'orthographe dans la perspective de faciliter sa maitrise par les apprenants dans le système éducatif au Mali.

4.1- Présentation des données

Dans ce chapitre, nous présentons les données quantitatives recueillies suite à la passation du questionnaire soumis aux élèves enquêtés.

96

4.1.1-Les données du questionnaire

Cette technique de collecte des données quantitatives a été soumise à 120 élèves du groupe scolaire second cycle de Darsalam second. La tranche d'âge des enquêtés est de 12 à 21 ans repartie dans les classes de 7ème, 8ème et 9ème années. Les enquêtés comptaient 64% de réguliers, 36% de redoublants, dont 42% de garçons et 58% de filles, 71% des enquêtés ont 12 à 16 ans, ce qui correspond approximativement à l'âge des apprenants au second cycle tandis que 29% des enquêtés sont âgés de 17 à 20 ans.

Le questionnaire leur a été distribué et un temps (une semaine) leur a été donné pour répondre aux questions. Au regard d'un niveau de compréhension très faible des enquêtés, des explications leur ont été fourni en français mais aussi en langue Bamanan. La collecte des données fut plus tôt que prévu, car au bout de quatre jours, la plupart des enquêtés avait remis les réponses aux questions. Nous présentons les réponses quantitatives

A la question 1 : Combien d'heure de lecture disposez-vous en classe par semaine ? Les réponses données par les enquêtés se présentent selon le tableau ci-après :

Tableau 8 : résultats de la première question

Effectif des enquêtés

Type de réponse

Pourcentage

2

30mn

2%

67

1h

56%

1

1h30 mn

1%

48

2h

40%

2

Autre, à préciser/ 3h

2%

Total : 120

 

100%

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018

Au regard des données quantitatives du tableau ci-dessus, 56% des enquêtés soutiennent qu'ils disposent d'une heure de lecture par semaine contre 40% de ceux qui affirment disposer de deux heures. Seulement 2 % des enquêtés soutiennent qu'ils disposent de trois heures par semaine. La différence des réponses révèle soit une méconnaissance du temps réel de lecture par semaine en classe, ce qui, à ce niveau d'étude, nous parait curieux, soit le temps réellement consacré à la pratique de cette activité.

A la question 2, Combien d'élèves, sur l'effectif de la classe, sont interrogés pour lire au moins une partie du texte au cours d'une séance d'une heure de lecture ? Les enquêteurs répondent :

Tableau 9 : résultats de la deuxième question.

Effectif des enquêtés

Types de réponse

Pourcentage

2

3

2%

1

4

1%

62

5

52%

97

11

 

6

9%

1

9

1%

35

10

29%

2

15

2%

6

20

5%

Total : 120

 

100%

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018

Au regard des résultats de ce tableau, 56% des enquêtés, c'est-à-dire plus de la moitié, affirment que seulement cinq élèves lisent au moins une partie du texte lors d'une séance de lecture tandis que, 29 % soutiennent que dix élèves lisent lors d'une séance de lecture. Avec des effectifs élevés, faire lire seulement cinq élèves ne profite pas aux nombreux autres qui ne savent pas lire. Ce qui confirme les tares accumulées par les apprenants dans ce domaine indispensable à l'acquisition des compétences en orthographe.

A la question 3 : Le temps accordé aux apprenants lors des séances de lecture est-il suffisant ? Insuffisant ? Très insuffisant ?

Tableau 10 : résultats de la troisième question.

Type de réponse

Effectif des enquêtés

Pourcentage

Suffisant

47

39%

Insuffisant

58

48%

Très insuffisant

15

13%

Total

120

100%

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018.

Si 39% des enquêtés soutiennent que le temps accordé aux apprenants à la lecture est suffisant, 48% des enquêtés le trouvent insuffisant et 13% le trouve très insuffisant. Ce qui permet d'affirmer que pour plus de la moitié des enquêtés le temps accordé aux apprenants est soit insuffisant soit très insuffisant pour leur permettre de visualiser les mots et apprendre l'orthographe. De toute évidence, l'activité de lecture qui devrait leur permettre de consolider leurs acquis en orthographe n'est guère assurée de façon rigoureuse.

A la Question 4 : comprenez-vous les règles de grammaire transmises par le maître dans votre classe lors des leçons de grammaire ?

Tableau 11 : résultats de la quatrième question.

Type de réponse

Effectif des enquêtés

Pourcentage

Oui

14

12%

Non

103

86%

Sans réponse

3

2%

Total

120

100%

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018

Avec 86% des enquêtés qui ne comprennent pas les règles théoriques de grammaire transmises par les maîtres de français, une de nos hypothèses sur les difficultés d'apprentissage de

98

l'orthographe se confirme. Ce qui permet d'affirmer que les méthodes de transmission théorique des règles de grammaire ne favorise pas l'acquisition des compétences en orthographe et il convient d'adopter de nouvelles stratégies efficaces d'enseignement des règles grammaticales.

A la Question 5 : Vous permettent-elles d'accorder correctement les mots lors des évaluations, notamment en dictée de contrôle notée ?

Tableau 12 : résultats de la cinquième question.

Type de réponse

Effectif des enquêtés

Pourcentage

Oui

54

45%

Non

62

52%

Sans réponse

4

3%

Total

120

100%

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018.

Si 45% des participants à notre enquête soutiennent que les règles de grammaire leur permettent d'accorder correctement les mots lors des évaluations de dictées de contrôle, 52%, soit plus de la moitié des enquêtés affirment le contraire. Les résultats in situ des épreuves de dictées de contrôle permettent de confirmer que les règles de grammaire ne sont pas comprises par la plus part des apprenants.

A la question 6 : l'incompréhension des règles de grammaire dans votre classe est-elle une difficulté d'apprentissage de l'orthographe ?

Tableau 13 : résultats de la sixième question.

Type de réponse

Effectif des enquêtés

Pourcentage

Oui

101

84%

Non

17

14%

Sans réponse

2

2%

Total

120

100%

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018.

Avec 84% des participants qui affirment que l'incompréhension des règles de grammaire est une difficulté d'apprentissage de l'orthographe, cette méthode théorique a montré ses limites. Il nous revient de l'améliorer pour une meilleure acquisition des compétences orthographiques par les apprenants.

A la question 7 : comprenez-vous les règles de conjugaison transmises par le maître dans votre classe lors des leçons de conjugaison ? Les enquêtés répondent :

Tableau 14 : résultats de la septième question.

Type de réponse

Effectif des enquêtés

Pourcentage

Oui

31

26%

Non

88

73%

Sans réponse

1

1%

99

Total

 

120

100%

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018.

La maitrise de la conjugaison des verbes est essentielle pour un apprenant à ce niveau d'étude. Toutefois, au regard des résultats de ce tableau, 73% des participants soutiennent que les règles de conjugaison ne sont pas comprises. Cette incompréhension des règles de conjugaison constitue, sans nul doute, une entrave à la graphie correcte de cet élément essentiel qu'est le verbe dans la phrase.

A la question 8 : Vous permettent-elles d'accorder correctement les terminaisons des verbes lors des évaluations notamment en dictée de contrôle notée ? Les enquêtés répondent :

Tableau 15 : résultats de huitième question.

Type de réponse

Effectif des enquêtés

Pourcentage

Oui

27

22%

Non

90

75%

Sans réponse

3

2%

Total

120

100%

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018.

Pour 75% de nos enquêtés, la transmission théorique des règles de conjugaison ne permettent pas d'accorder correctement les verbes lors des productions écrites de dictées de contrôle notée. Les fautes commises par les apprenants sur les verbes sont, en effet, nombreuses et constituent une difficulté de maîtrise de la graphie du verbe.

A la question 9 : l'incompréhension des règles de conjugaison dans votre classe est-elle une difficulté d'apprentissage de l'orthographe ?

Tableau 16 : résultats de la neuvième question.

Type de réponse

Effectif des enquêtés

Pourcentage

Oui

89

74%

Non

25

21%

Sans réponse

6

5%

Total

120

100%

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018.

Avec 74% des participants qui soutiennent que l'incompréhension des règles de conjugaison est une difficulté d'apprentissage de l'orthographe, une de nos hypothèses de recherche, à savoir ; les mauvaises méthodes de transmission des règles de grammaire et de conjugaison, se confirme. Les fautes d'accord grammatical et de conjugaison commises lors des épreuves de dictée sont consécutives à cet enseignement théorique qui ne tient compte ni du niveau des apprenants ni des besoins réels des apprenants en matière en matière d'apprentissage de l'orthographe.

En somme, avec 84% et 74% des participants qui soutiennent que l'incompréhension des règles de grammaire et celle des règles de conjugaison est une difficulté d'apprentissage de

100

l'orthographe, les méthodes théoriques in situ de transmission de règles de grammaire et de conjugaison sont inefficaces dans l'acquisition des compétences en orthographe de la part des apprenants. Cette situation est aggravée par le manque de rigueur dans la pratique de la lecture, activité indispensable à l'acquisition de l'orthographe d'usage lexical et grammatical de la part des apprenants. Il revient alors de revaloriser la pratique systématique et constante de la lecture afin de donner aux apprenants le goût de cette activité et apprendre l'orthographe. Dans la section suivante, nous présenterons les données recueillies suite aux différents entretiens.

4.1.2-Les données de l'entretien

L'entretien est une technique de collecte de données qualitatives. Elle permet le recueil des discours qui valident ou invalident nos hypothèses de recherche. Cette technique a été attribuée aux enseignants de français, aux enseignants de français à la retraite, aux conseillers pédagogiques de français et au responsable chargé de la formation et des curricula au niveau de l'académie d'enseignement de Koutiala. Les discours ont été enregistrés à l'aide d'un dictaphone puis transcrits et traités manuellement. Certains entretiens ont été apportés sous forme de verbatim. L'entretien portait sur les thématiques suivantes :

-l'insuffisance du temps accordé aux élèves pour la lecture en classe comme difficulté d'apprentissage de l'orthographe dans le système éducatif malien, cas du groupe scolaire de Darsalam.

-la mauvaise transmission des règles de grammaire, de conjugaison comme difficulté d'apprentissage de l'orthographe dans le système éducatif malien, cas du groupe scolaire de Darsalam.

-l'enseignement et l'évaluation de l'orthographe par objectif comme solution aux difficultés d'apprentissage de l'orthographe dans le système éducatif malien.

Les enseignants ayant participé à la présente enquête sont présentés dans le tableau ci-dessous. Les participants sont identifiés par la voyelle E. pour désigner l'enquêté : suivie d'un numéro. L'élaboration de ce tableau répond à une question de visibilité de l'âge, de l'ancienneté et du nombre d'heure assuré par les enseignants.

Tableau 17 : Liste des enseignants enquêtés selon l'âge, le diplôme, le nombre d'heure par semaine et l'ancienneté dans le service.

Enquêtés

Age

Diplôme

Nombre d'heure par semaine

Ancienneté dans le service

E.1

36

BAC/SARPE

12h

11 ans

E.2

29

IFM/Maitrise

Détaché

4 ans

E.3

33

IFM/Maitrise

15h

3 ans

E.4

32

IFM/BT2

9h

7ans

E.5

42

IFM

9h

14 ans

101

E.6

 

39

IFM

9h

13 ans

E.7

34

IFM

15h

9ans

E. 8 M.C

34

IFM

12h

8ans

E. 9

33

IFM

15h

8 ans

Source : Enquête Personnelle, Koutiala, Mai 2018

Au regard de ce tableau, à l'exception de l'enquêté n°1 qui est recruté dans le cadre de la Stratégie Alternative pour le Recrutement du Personnel Enseignant (SARPE), après le BAC, tous les autres enseignants de français enquêtés sont issus de l'Institut de Formation des Maitres (IFM) où Ils ont reçu une formation initiale pour exercer la fonction d'enseignement. Ces praticiens âgés de 29 à 42 ans ont exercé la fonction enseignante de trois à quatorze ans. Seuls trois enseignants de français ont dépassé le cap des dix années de service. Par ailleurs, trois enseignants ont une masse horaire de 15 h, deux assurent 12 h et trois ont une masse horaire de 9 h. contre 24 heures par semaine prévues par la législation scolaire pour les enseignants du second cycle de l'enseignement fondamental. L'enquêté n° 7 était initialement maître du 1er cycle, mais suite à sa demande de reconversion, il est déployé au second où il enseigne le français.

Les autres enquêtés se présentent comme suit : un conseiller pédagogique Naya DAO, 53 ans, diplômé de l'Ecole Normale Secondaire Rurale (ENSec R.), 25 ans de pratique enseignante dont trois années de responsabilité de conseiller pédagogique et les quatre enseignants de français à la retraite : Norbert DEMBELE, 66 ans, 40 ans de service dont 11 ans de responsabilité de Directeur d'école, Bougounon COULIBALY, 65 ans, diplômé de l'Ecole Normale Supérieure (ENSup), 35 ans dans l'enseignement du français ; Botigui MALET, 61ans, diplômé de l'ENSec, 33 années de service dont 24 années dans l'enseignement du français et 9 années au poste de conseiller pédagogique au CAP de Koutiala ; Amadou SANOGO, 70 ans, Diplômé de l'ENSec, 36 années de service dont 8 années dans l'enseignement du français, 9 années à la direction d'un cycle complet, 19 années au poste de conseiller pédagogique au CAP de Koutiala.

Les entretiens nous ont permis de recueillir les données qualitatives que nous soumettrons à une analyse qualitative.

? Insuffisance du temps de lecture en classe.

« Avec les effectifs qui dépassent largement les soixante élèves, beaucoup n'ont pas la chance de lire, une partie du texte lors d'une séance de lecture. Le français compte six heures dont une heure de lecture expliquée et deux heures de lecture suivie et dirigée. Mais avec des classes de 60 à plus de 100 élèves, je fais lire un nombre réduit d'élèves puis je passe aux questions de compréhension, au vocabulaire, à la grammaire et à l'expression écrite. Avec les effectifs élevés, il est très difficile voire impossible d'avoir le calme des élèves. Pendant qu'un élève lit, les autres bavardent. Dans ce climat j'ai de la peine à imposer le calme, donc je fais lire deux ou trois, parfois cinq élèves puis je leur dicte le résumé. Et puis à la fin de l'année, ton responsable te demande si tu as fini le programme, il ne te demande pas si les élèves ont lu ou s'ils ont compris les textes lus. » S. S., 39 ans, DEF/IFM, 13 ans de service.

102

Les effectifs pléthoriques dans les classes sont régulièrement évoqués comme difficulté de maintien d'un climat de sérénité indispensable à la concentration et à l'apprentissage. Les classes sont surchargées, les bavardages sont fréquents. Face à ce climat de trouble et d'absence de toute sérénité, le maître de français doit faire preuve de rigueur pour imposer le calme afin que les élèves puissent lire à tour de rôle dans le calme. Sans cette rigueur, aucun égard n'est porté sur le maître, moins encore sur l'objet de l'apprentissage. Lorsque le maître adopte une solution de facilité en faisant lire deux ou trois élèves et procède à des explications oiseuses, il en résulte une banalisation de la matière à enseigner et un désintérêt pour les apprenants. Le premier objectif pour l'enseignant ce n'est de faire lire le maximum d'élèves afin de favoriser l'acquisition des compétences orthographes mais d'adopter une politique de l'autruche face à une responsabilité qui lui incombe d'instaurer un climat qui facilite l'apprentissage. C'est à l'enseignant que revient la lourde tâche d'instaurer un climat de travail dans la classe afin de retenir l'attention des apprenants pour leur permettre de comprendre, mémoriser et mettre en application leurs connaissances transmises. Les bavardages et autres formes de troubles non maitrisées par les apprenants sont de nature à entamer l'efficacité le travail de l'enseignant.

« La lecture est une discipline très importante dont la pratique régulière permet aux élèves d'avoir un bon niveau en français. Mais les élèves d'aujourd'hui n'aiment pas lire et lors des heures de lecture, ils ne font que bavarder. Tu as beau leur dire de se taire, ils ne respectent pas les menaces des enseignants et nous n'avons plus le droit de frapper un élève, ils se moquent des punitions. De ce fait, après une lecture magistrale du texte, je donne un temps deux à cinq minutes, souvent moins aux élèves pour faire la lecture silencieuse du texte, deux ou trois élèves lisent le texte et je passe aux questions de compréhension puis au résumé. Je ne dépasse pas le temps dont j'ai parlé tantôt, parce que de toute façon, ils ne lisent pas ou ils ne font que bavarder pendant qu'un camarade lit. Le temps que nous leur donnons est vraiment très insuffisant et les élèves qui nous viennent du premier cycle ne savent ni lire ni écrire. Donc, avec ce niveau, nous pouvons passer des heures à leur faire lire mais on n'avancera pas, c'est une perte de temps. » C. R., 36 ans, BAC, SARPE, 11 ans de service.

Le temps accordé aux apprenants pour pratiquer une lecture bénéfique pour tous les élèves est très insuffisant. Aussi, est-il courant d'entendre certains enseignants de français dire : « les élèves n'aiment pas lire. ». Ce faux procès conduit par ceux-là mêmes qui doivent créer le goût de la lecture chez apprenants relève d'une méconnaissance de leur rôle. Ce désintérêt pour la lecture de la part des apprenants doit, au contraire, conduire les enseignants à leur accorder plus de temps à pratiquer cette discipline indispensable à l'acquisition de l'orthographe d'usage grammatical et lexical.

« Je pense que le temps que nous accordons aux élèves est suffisant parce qu'au de-là, ils ne font que bavarder et faire du bruit. Ils sont nombreux et on ne peut pas les canaliser. Ils n'aiment pas la lecture et ils ont un temps de concentration très limité. Leur accorder plus de temps que ce que je fais c'est une perte de temps. » F. S., 32 ans, BT2/IFM, 7 ans de service.

103

Le maître prend pour prétexte le bavardage des apprenants pour leur accorder un minimum de temps pour pratiquer la lecture. Or la pratique efficace de la lecture requiert plus de temps et de concentration de la part des apprenants.

« Le temps accordé aux élèves pour la lecture est largement suffisant. Mais ce sont les élèves qui ne s'intéressent à rien. Pendant qu'un élève lit les autres se mettent à bavarder ou à jouer avec leur téléphone en cachette. Cela signifie que la lecture ne les intéresse pas. Or, à quelques exceptions, les élèves sont assez grands pour comprendre ce pour quoi ils sont là. Dans cette situation même si l'enseignant leur donne plusieurs heures pour lire c'est une perte de temps. C'est pour cela, après la lecture silencieuse, je fais la lecture magistrale puis je demande à deux ou trois élèves de lire et je leur donne quelques explications puis le résumé. Si les élèves ne savent pas lire au niveau du second cycle c'est de leur faute parce que lorsqu'ils viennent à l'école c'est pour apprendre à lire et à écrire. » C. T., 29 ans, IFM/Maitrise en Géographie du développement, 4 ans de service.

Si pour ce participant à notre enquête, le temps accordé aux apprenants, lors des séances de lecture, est suffisant, il revient sur le désintérêt manifesté par ceux-ci pour la lecture. Il indexe les tares avec lesquelles ils sont arrivés au second cycle où ils ne savent ni lire ni écrire. Dans ce jeu d'accusation, les apprenants sont les seuls victimes d'un système qui les condamne sur la base des enseignements qu'ils devraient recevoir mais qu'ils n'ont jamais obtenu par la faute des enseignants. L'école qui est chargée de leur donner des compétences dont ils ont besoin à un moment donné de leur croissance sous la responsabilité des enseignants se résume à jeter l'accusation sur les mêmes apprenants qui ont pour tort de n'avoir pas été bien enseigné par des certains enseignants. De notre point de vue, un début de solution réside dans la prise de conscience des enseignants de français des tâches qui leur incombent afin d'accorder aux apprenants plus de temps de lecture à l'école et favoriser l'intérêt pour cette activité puis apprendre.

« Le temps que nous accordons aux élèves pour pratiquer la lecture est suffisant. Mais avec le niveau actuel des élèves en lecture, on peut passer des jours entiers à leur apprendre à lire ils ne sauront pas lire correctement. Lors d'une séance de lecture, lorsque deux ou trois élèves lisent, je pense que c'est largement suffisant. S'ils ne savent pas lire, ils doivent faire des efforts pour apprendre à lire à la maison. (Un peu nerveux). Et puis avec des effectifs élevés, un niveau médiocre, c'est une perte de temps que de vouloir faire lire aux apprenants pour qu'ils découvrent l'orthographe des mots. Ils ne s'intéressent même pas à la lecture. Alors, on ne peut pas perdre le temps à faire lire à certains élèves de 8ème année qui n'ont même pas le niveau de la troisième année. » A. T. M., 34 ans, IFM, 9 ans de service.

Cet enseignant affirme que lorsque deux ou trois élèves lisent au cours d'une séance de lecture c'est largement suffisant. Toutefois, il évoque l'immensité des tâches à accomplir pour relever le niveau des apprenants dans cette discipline et leur permettre d'apprendre l'orthographe. Nous notons une prise de conscience des tâches à accomplir, mais un manque de volonté à faire face à cette réalité, accomplir des tâches qui sont les siennes et qui ne demandent qu'une organisation et une planification efficaces. Ce n'est pas la lecture faite par deux ou trois élèves qui va cultiver un intérêt des apprenants pour cette activité, bien au contraire, le désintérêt est aminé par le peu de rigueur appliqué par de nombreux enseignants de français.

104

« Le temps que les enfants consacrent à la lecture est, bien sûr insuffisant, car ils ne savent pas lire. On n'a beau accordé plus de temps aux élèves qui arrivent du premier cycle sans pouvoir lire la moindre phrase, c'est du temps perdu. Le problème c'est au niveau du premier cycle, il faut que les enfants maitrisent le B.a.ba de la lecture avant d'arriver au second cycle. Le plus souvent, en constatant niveau extrêmement bas des enfants, je suis totalement découragé et je préfère achever ma leçon de lecture après avoir interrogé deux ou trois élèves. » D. I., 33ans, IFM/Maitrise en Anthropologie, 3 ans de service.

Cet enquêté évoque la situation dramatique des apprenants qui arrivent au second cycle sans savoir lire la moindre phrase. Pour lui leur accorder plus de temps de lecture n'est qu'une perte de temps. Or sans apprendre le B.a.ba de lecture, il est difficile d'acquérir des compétences en orthographe, d'où le niveau extrêmement bas des apprenants. Toutefois, c'est à l'enseignant de la classe que revient la tâche de donner un niveau aux enfants grâce à une pédagogie qu'il adaptera aux apprenants. En ce qui concerne la lecture, cette approche consiste à faire lire tous les apprenants à tour de rôle lors des heures consacrées pour cette discipline. Par cette approche, il pourra acquérir l'adhésion des apprenants pour la lecture et faire comprendre son intérêt pour apprendre dans l'acquisition des compétences lexicales et grammaticales.

« Le temps accordé aux élèves pour la lecture est très insuffisant. Les élèves ne savent pas lire, donc nous perdons beaucoup de temps à leur faire lire des textes entiers mais on ne constate aucune amélioration. C'est au premier cycle qu'ils doivent apprendre à lire correctement mais ce n'est pas le cas. Au niveau du second cycle, ils doivent savoir lire couramment ! C'est ce que disent les anciens livres de lecture : Mamadou et Binéta lisent et écrivent couramment. Ils font six ans au premier cycle et ils ne savent même pas lire correctement une bonne phrase. Dans cette situation même si vous leur accordez trois heures continues par semaine, ils ne sauront pas lire et nous perdons du temps. C'est ce qu'il faut corriger, il faut leur apprendre à lire correctement depuis le premier cycle. C'est à cause de cette situation que beaucoup d'enseignants ne perdent pas leur temps à faire lire à des élèves qui ne savent pas lire. Nous sommes tenus à terminer les programmes en fin d'année c'est cela l'objectif. Mais donner plus de temps pour que les élèves lisent correctement et découvrir par cette pratique l'orthographe des mots, ce n'est pas le souci de beaucoup d'enseignants. » S. S. 42 ans, IFM, 14 ans de service.

Accorder plus de temps aux apprenants pour leur permettre de renforcer leurs capacités en lecture et apprendre l'orthographe grammaticale et lexicale est, selon cet enquêté, une perte de temps. Il préfère achever le programme même si les apprenants, grâce à ces efforts et de nouvelles stratégies de renforcement de capacités en lecture pouvaient améliorer certaines insuffisances et apprendre l'orthographe. Ainsi, chaque année les compétences qui devraient être acquises à chaque niveau sont retardées, sine die. C'est sur la base de ce cumul de retard dans l'apprentissage que de nombreux observateurs n'hésitent pas à comparer le niveau de certains apprenants de la neuvième année à ceux de la quatrième année du premier cycle d'il y'a une trentaine d'années.

« Au contraire, j'accorde plus de temps aux élèves pour lire les textes au cours des séances de lecture expliquée et de lecture suivie-dirigée. Les séances de lecture sont d'ailleurs des pertes de temps parce que les enfants ne savent pas lire. Je passe tout mon temps à les corriger. Certains élèves ne savent lire

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aucun mot dans une phrase et les camarades se moquent d'eux. On se demande comment certains sont arrivés au second cycle. » C., M., 34 ans, IFM, 12 ans de service.

Le faible niveau des apprenants constitue, selon cette enquêtée, un poids à la pratique efficace de la lecture. Ce qui constitue plus une perte de temps lors des séances de lecture. Toutefois, il faut accepter de perdre du temps pour aller à ce qui constitue l'essentiel dans l'enseignement/apprentissage de l'orthographe plutôt de hâter la fin d'un programme duquel les apprenants ne tireront aucun profit.

Verbatim 1 : Vision d'un professionnel sur la détérioration de la pratique de la lettre

« Au moment où j'enseignais, j'accordais au moins 45 minutes sur une heure de lecture aux élèves pour lire le texte proposé. Ils lisaient à tour de rôle, par rangée et je m'assurais que la majorité lisait le texte. Au cas contraire, ceux qui ne lisaient pas une partie du texte, cette fois-ci, étaient prioritaires à la lecture du prochain texte. Avant de finir l'explication d'un texte, la majorité des élèves le lisaient en classe. Il fallait plus d'autorité et de fermeté face à ceux qui profitaient pour créer le trouble mais lorsque je me montrais ferme, ils suivaient. Par contre ce à quoi j'ai assisté durant mes années de direction, les maîtres accordent maintenant très peu de temps aux élèves pour leur permettre de lire, découvrir les mots, comprendre leur orthographe et apprendre à les écrire. Ils font lire deux ou trois élèves qui savent lire généralement et la grande majorité est ignorée. Ceux qui ne savent pas lire sont découragés parce qu'on ne leur accorde pas d'importance, donc ils font du bruit, c'est pour eux une façon de réclamer leur droit. En leur accordant plus de temps à la lecture, ils sauront mieux lire et aimer la lecture, leur niveau va s'améliorer considérablement en français. C'est reconnu que les élèves ne lisent pas à la maison, or si aux heures de lecture le maître ne leur donne même pas 10 minutes de lecture systématique des textes, je ne vois pas comment, ils vont apprendre à lire correctement et surtout à apprendre l'orthographe des mots à travers cette activité. Je constate que les enseignants de maintenant n'ont pas la patience de conduire les apprenants vers la connaissance, ils sont très pressés et se découragent très vite. Or plus les apprenants ont un niveau bas, plus il leur faut du temps pour comprendre et apprendre. Lorsque nous disons que l'enseignement est un sacerdoce, ce n'est pas un vain mot. » D, N. 66 ans, ENSec, 40 ans de service dont 11 ans de responsabilité de Directeur d'école.

Durant 29 années passées dans l'enseignement du français, cet enseignant de la première heure explique sa stratégie de gestion des heures de lecture au cours desquelles il combine rigueur, discipline, ordre et cohésion en accordant plus de temps de lecture aux apprenants. Cette stratégie ne laisse pas de place au bavardage des apprenants. Les apprenants suivent avec intérêt les séances de lecture, renforcent leurs capacités et apprennent progressivement l'orthographe des mots. En accordant quarante-cinq minutes de lecture sur une heure, le maître offre aux apprenants plusieurs avantages :

-primo, il accorde une opportunité au maximum d'élèves de lire au moins une partie du texte, -secundo, il s'assure de leur adhésion à la pratique de cette discipline,

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-tertio, il crée ainsi chez eux un intérêt particulier pour cette activité indispensable à leur formation.

-et quarto, il donne aux apprenants l'opportunité de découvrir l'orthographe de certains mots qu'ils vont stocker dans leur mémoire intérieure afin de les exploiter en cas de besoin. Toutefois, la pratique actuelle de la lecture qu'il présente, laisse entrevoir un désintérêt des enseignants pour la lecture. Ce qui crée, de facto, le même désintérêt chez les apprenants.

Verbatim 2 : Détérioration de la lecture : une responsabilité partagée

« En réalité, le temps d'apprentissage pour la lecture est insuffisant. Les enfants d'ailleurs n'aiment pas la lecture, ils n'aiment pas lire. Et quand on leur demande de lire, ils ne font que regarder la graphie des mots. En réalité, c'est une matière que les maîtres mêmes n'aiment pas, raison pour laquelle on ne peut pas obliger les enfants à la lecture. Les maîtres sont paresseux. Avec la nouvelle méthodologie, certains ont de la peine même. Quand vous prenez la nouvelle méthode, il y'a trois niveaux. Le maitre est obligé de se « décarcasser », c'est-à-dire fournir assez d'efforts supplémentaires qui demandent des recherches, or les maîtres n'aiment plus fournir d'efforts. Par exemple en lecture expliquée, quand vous prenez le niveau 1 qu'on appelle Approche globale on se base sur l'observation du texte et le maître pose de petites questions. Et à chaque étape de la lecture, le maître pose des questions et les enfants ne font que s'amuser. » N. D., 53 ans ENSEC. R. De San, Conseiller Pédagogique, CAP de Koutiala.

Ce conseiller pédagogique évoque la paresse des enseignants à faire des recherches pour améliorer leur méthode d'exécution des activités de lecture or, la nouvelle démarche méthodologique est rigoureuse, exigeante. Face à la complexité de cette tâche, les enseignants optent généralement pour une solution de facilité, celle qui consiste à faire lire pendant cinq à dix minutes puis achever la leçon de lecture. Avec cette démarche, il est très facile d'installer un désintérêt pour la lecture chez les apprenants qui ne tireront aucun avantage de cette activité indispensable à l'acquisition de l'orthographe grammaticale et lexicale.

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Verbatim 3 : La défaillance du système et des acteurs clés

« Au second cycle, les maîtres de français disposent de trois heures de lecture dont deux heures de lecture suivie et dirigée et une heure de lecture expliquée par semaine. Mais concrètement combien de temps les maîtres accordent aux élèves pour qu'ils apprennent à lire ou qu'ils renforcent leur maîtrise de cette activité dans les classes ? Très peu ! très peu ! Les nouvelles approches de la lecture exigent que les élèves consacrent plus de temps à la visualisation, à la prononciation des mots et à leur orthographe. Or si dans la pratique, les enseignants accordent très peu de temps aux élèves, il va de soi qu'ils ne savent ni lire ni parler ni écrire dans la langue d'enseignement. D'ailleurs beaucoup d'enseignants ne savent pas lire, voilà pour quoi, ils ne perdent pas leur temps à lire ou à faire lire des textes. Et l'enseignement actuel, c'est un gagne-pain, ce n'est plus un bon résultat qu'on

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cherche mais un temps que l'on cherche à passer. » B. C. , 64 ans dont 35 ans de service, enseignant de français à la retraite.

Les trois approches de la lecture évoquées par cet enquêté, à savoir : visualisation, prononciation et graphie des mots, rigoureusement exploitées par les enseignants, permettent aux apprenants une acquisition progressive et efficace de l'orthographe française. Aussi, le désintérêt des apprenants pour la lecture résulte-t-il de la banalisation de cette activité par certains enseignants de français, qui, par manque d'initiatives, tombent dans une exécution routinière des leçons auxquelles les élèves assistent, parfois, sans rien comprendre. Par cette manière de procéder, la lecture ne peut pas être un outil d'apprentissage de l'orthographe lexicale ni grammaticale.

Verbatim 4 : La lecture prise à contre-courant

« Le temps accordé aux élèves pour qu'ils apprennent à bien lire ou renforcer leurs capacités dans cette activité et découvrir l'orthographe des mots est très insuffisant. Trois heures de lecture au second cycle c'est très bien mais la plupart du temps est consacré pour faire autres choses, notamment pour achever le programme de la grammaire qui est très vaste. Prenons, par exemple, le programme de 9ème année qui prévoit de nombreuses leçons d'analyse logique pour une heure par semaine. Certains enseignants préfèrent donc utiliser les heures de lecture pour achever les leçons de grammaire plutôt que de se soucier de savoir si les élèves lisent bien ou pas. D'autres utilisent une partie de ce temps pour porter un texte au tableau dans le but de le soumettre aux élèves sous forme de dictée. Concernant la lecture, nous les maîtres de français, nous avons trop de problèmes face à un niveau extrêmement bas des élèves en français. En effet beaucoup d'élèves ne savent même pas lire correctement une phrase, on se demande comment ils ont fait pour arriver en 9ème année. Donc les maîtres sont impuissants face à ces insuffisances des élèves, ils préfèrent achever leur programme de grammaire et de conjugaison plutôt que de perdre leur temps à faire lire des textes entiers aux élèves. C'est assez triste mais c'est la réalité. Les élèves ne savent ni lire, ni parler, ni écrire dans la langue d'enseignement et le premier souci des enseignants c'est d'achever le programme de grammaire et de non de savoir si les élèves savent lire ou écrire l'orthographe. D'ailleurs les directeurs ne cherchent pas à savoir si les élèves savent bien lire un texte ou écrire correctement l'orthographe des mots mais de savoir si vous avez achevez ou non le programme. Alors si l'enseignement du français se résume à achever le programme sans se soucier du niveau d'apprentissage des élèves, il va de soi que les élèves n'aient pas le niveau. »D. J.-M. K., 33 ans, IFM, 8 ans de service.

Il ressort des propos de cet enquêté que très peu de temps est accordé aux apprenants lors des heures de lecture. Le nouvel indice qui apparait dans son discours pour expliquer le peu de temps accordé aux apprenants par certains enseignants de français lors des heures de lecture est que de nombreux enseignants se servent des heures de lecture pour achever le programme de grammaire, considéré plus vaste. Nous sommes, de ce fait, en face d'un enseignement peu

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productif où les enseignants peuvent, de leur propre choix, décider d'ignorer l'enseignement d'une matière si importante au détriment d'une autre dont la compréhension réside, le plus souvent, dans la réussite de la première.

Verbatim 5 : La responsabilité des enseignants dans l'échec en dictée

« Dans l'exercice de mes fonctions de conseiller pédagogique, Il nous (mes collègues et moi) a été donné de constater que les enseignants prolongent les heures de récréation. En les prolongeant, on empiétait sur les heures de lecture qui viennent immédiatement. Par ce comportement, les maîtres pensent, le plus souvent, que les heures de lecture c'est des moments de repos pour eux. Ce qui fait qu'ils manquent un peu de rigueur dans cet enseignement. Or sans cette rigueur on ne peut rien construire de sérieux surtout en matière d'instruction. Or, la plupart des enseignants ignore qu'à travers une séance de lecture, ils doivent préparer non seulement la rédaction mais également l'orthographe à travers la dictée. La lecture est un des moments privilégiés pour fixer la graphie des mots dans la mémoire des élèves. Donc son heure doit être judicieusement exploité au profit des élèves. Il y'a donc un déficit dans l'enseignement de la lecture. Quant aux élèves, ils ne savent pas lire et ils ne lisent pas. Quand ils ne lisent pas, ils ne comprendront pas la graphie des mots qui repose sur la mémoire visuelle. » S. A., 70 ans, ENSec, 36 ans de service.

Le peu de rigueur dans l'exécution des leçons de lecture par les enseignants de français a été, très souvent, évoqué comme une difficulté d'apprentissage de l'orthographe par la lecture. Dans la pratique, la lecture est considérée comme une discipline secondaire par les enseignants de français. Or elle est une discipline fondamentale qui se situe à la croisée de chemin entre le langage parlé et le langage écrit. Elle est le tremplin qui permet d'accéder plus facilement, à la grammaire, à la conjugaison et à l'orthographe. Enseigner la grammaire ou la conjugaison sans s'assurer que les apprenants savent lire correctement, comprennent la nature des mots rencontrés c'est comme le dit un adage « mettre la charrue avant le boeuf ». Et le constat, in situ, permet d'affirmer de nombreux enseignants perdent plus de temps à donner des explications que les apprenants ne comprennent même pas que de leur donner plus de temps à pratiquer une lecture courante et systématique, gage d'une bonne acquisition efficace de l'orthographe grammaticale et lexicale.

Verbatim 6 : Les pratiques de classe en déphasage avec l'efficacité

« La lecture est le point culminant du français mais malheureusement avec les innovations les lacunes des élèves commencent dès le premier cycle où ils doivent apprendre à lire. Un élève qui n'arrive pas à lire au premier cycle, ce n'est pas au second cycle qu'il faut lui apprendre à lire, il ne pourra pas. Et s'il ne peut pas lire, il ne peut pas apprendre, s'il n'apprend pas il va échouer. D'une façon générale, les enseignants exploitent très mal les heures de lecture sinon avec la nouvelle

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méthodologie de la lecture à trois niveaux93, si les heures sont bien exploitées, il n'y a pas de raison que les élèves ne sachent pas lire et renforcer leurs capacités en orthographe. Mais les maîtres sont réticents à mettre en application cette méthodologie parce qu'elle nécessite une préparation rigoureuse. » B. M. , 61 ans, ENSec, 33 ans de service.

Pour cet ancien conseiller pédagogique, la pratique de la lecture doit être acquise depuis le premier cycle. Ce qui nous amène à dire que la lecture est le point de départ de la maitrise même de la langue d'enseignement. Sans cette maitrise, il est difficile, pour un apprenant de comprendre et d'apprendre l'orthographe de la langue d'enseignement. Le manque de rigueur dans l'exécution des leçons, la mauvaise exploitation des heures et la réticence des enseignants à mettre en application la nouvelle méthodologie de lecture sont des facteurs qui expliquent le fait que les heures de lecture ne profitent pas aux apprenants qui savent de moins en moins correctement et de moins en moins écrire sans fautes d'orthographe. Ce constat doit nous amener à accorder aux apprenants quarante-cinq minutes de lecture par heure au second cycle sous la conduite du maître afin de développer chez eux le goût de la lecture et leur permettre d'acquérir des compétences en orthographe grammaticale et lexicale.

Il ressort des discours recueillis auprès des enquêtés que le temps accordé aux apprenants afin de leur permettre de renforcer leurs capacités en lecture et apprendre l'orthographe est insuffisant. La lecture qui est à la base et à la croisée de l'enseignement des disciplines du français se trouve bâclée et reléguée au second plan. Elle est bâclée pour la simple raison que les maîtres accordent très peu de temps aux apprenants qui devraient être les premiers bénéficiaires pour en tirer le maximum de profit ; puis reléguée au second plan parce que ces heures sont mises à profit pour achever des leçons de grammaire. Dans cette démarche, l'apprentissage de la lecture qui devrait faciliter l'acquisition des compétences en orthographe lexicale et grammaticale n'est pas assurée faute de temps suffisant accordé aux apprenants. Il en résulte un désintérêt pour cette activité indispensable à la maitrise de la langue. Nous reprenons la théorie de Michel Fayol, (2002), qui soutient que toute approche qui aboutit à faire que les élèves puissent lire, conduit à l'acquisition d'un lexique orthographique, qui devient lui-même source d'accroissement du dit lexique. Toutefois, il faudrait que les apprenants disposent d'un temps suffisant pour leur permettre de visualiser, de comprendre et de mémoriser l'orthographe de nouveaux mots rencontrés lors des séances de lecture.

93 L'approche globale, l'approche textuelle et l'approche linguistique, qui aide les élèves à être des lecteurs autonomes.

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? Mauvaise transmission des règles de grammaire et de conjugaison.

« Les règles de grammaire et de conjugaison sont bien transmises. Après les explications des leçons de grammaire et de conjugaison, les élèves me disent qu'ils ont bien compris, mais quand je fais une évaluation, je trouve que ça n'a pas marché, moi-même je ne comprends pas ce phénomène, je ne comprends pas. Quand j'explique, les élèves montrent qu'ils ont compris mais quand je fais une évaluation c'est la minorité qui a la moyenne. Je ne comprends pas, s'ils font semblant de comprendre ou s'ils ne veulent pas travailler. Avec ces effectifs, je fais un devoir par trimestre pour avoir des notes. » S. S., 39 ans, DEF/IFM, 13 ans de service.

La transmission efficace des règles de grammaire réside dans la compréhension même des apprenants de la notion enseignée. Le maître ne doit pas se fier à l'affirmation des apprenants pour conclure qu'ils ont compris ou pas la leçon. Les moyens de contrôle de niveau de compréhension des apprenants peuvent être appliqués avant, pendant et après la leçon. C'est à travers une coordination des activités de transmission, de contrôle que le maître peut se rassurer de la bonne compréhension de la leçon dispensée.

« Les règles de grammaire sont bien transmises mais les apprenants ont un niveau très bas et surtout n'ont aucune volonté de chercher à comprendre et d'apprendre. Lorsque vous expliquez la leçon ils ne suivent même pas, ils ne s'intéressent pas et lorsque vous les grondez, ils se mettent à rire. Pour ma part je passe des heures à donner des leçons de morale face à des actes d'indiscipline que de transmettre des règles de grammaire ou de conjugaison. Il faut se dire la vérité, le maître à beau appliquer les meilleures méthodes de transmission de connaissances, si les apprenants n'ont pas la volonté d'apprendre, c'est peine perdue. Et avec des effectifs qui dépassent largement la centaine dans certaines classes, on a beau crier, les élèves sont pressés que le temps passe. Etre enseignant maintenant c'est un parcours de combattant ; les élèves ne sont pas disciplinés, ils ne respectent aucune autorité et ne font aucun effort pour apprendre, les effectifs sont extrêmement élevés. » R. C., 36 ans, BAC, SARPE, 11 ans de service.

La meilleure transmission des règles de grammaire et de conjugaison tient compte du niveau des apprenants. C'est à l'enseignant d'adapter un langage qui tienne compte du niveau des apprenants afin de leur permettre de comprendre et d'apprendre. Aussi, les enseignants doivent-ils comprendre que la grammaire et la conjugaison s'acquièrent plus dans la pratique que dans la transmission des règles théoriques, trop fictives pour les apprenants.

« Les règles de grammaire et de conjugaison sont bien transmises. Mais pour que les élèves comprennent, il faut qu'ils aient un niveau de compréhension acceptable. Or ils ne comprennent rien. Nous perdons des heures à leur expliquer certaines règles mais ils sont souvent indifférents et n'ont aucune volonté de faire des efforts pour faire des exercices. Donc tu as beau expliquer la règle si celui qui doit apprendre n'a pas de niveau ou ne s'intéresse même pas à ce que vous dites c'est vraiment décourageant. » S. F., 32 ans, BT2/IFM, 7 ans de service.

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Si cette enquêtée affirme que les règles de grammaire et de conjugaison sont bien transmises, elle remet en cause le niveau des apprenants. La détérioration du niveau des apprenants au second cycle de l'enseignement fondamental est un fait incontestable. Les résultats des évaluations et les faibles pourcentages des passages apprenants aux examens sont des indices d'appréciations. Et toute bonne transmission du savoir-faire, surtout en orthographe, se fait en fonction du niveau réel des apprenants sans lequel, l'enseignement se résume à une communication stérile, un dialogue de sourd.

« Il faut reconnaitre que beaucoup d'enseignants ne se donnent pas la peine d'expliquer correctement les règles de grammaire et de conjugaison de manière à ce que cela soit compris par les élèves. Le deuxième problème c'est qu'ils ne font pas d'exercice à la fin de chaque leçon. Pour qu'une leçon soit bien comprise, les enseignants doivent faire des évaluations formatives faites au cours de la leçon et des évaluations sommatives à la fin. C'est en analysant les résultats des élèves, qu'ils remettent en cause sa méthode de transmission mais si tout cela n'est pas pris en compte et si le maître se contente de donner des explications théoriques, il va de soi que les élèves ne comprennent pas grand-chose. Or l'enseignement des règles de la grammaire et de conjugaison est basé sur des accords concrets qu'il faut démonter aux élèves. Rien ne sert de répéter que l'adjectif qualificatif s'accorde en genre et en nombre avec le nom qu'il qualifie si cette règle n'est pas suivie de nombreux exemples concrets donnés par le maître et par les élèves. Mais, de nombreux enseignants ne font même pas de devoir à la fin d'une leçon. Or c'est à travers les résultats de l'exercice que le maître peut savoir si les élèves ont compris ou non l'enseignement qu'il a donné. Mais il faut que les élèves aient la volonté de travailler et fassent des efforts pour retenir les règles et les apprendre, sinon les efforts fournis par le maître sont vains. » C., T. 29 ans, IFM/Maitrise en Géographie du développement, 4 ans de service.

Cet enquêté reconnait que les enseignants ne se donnent pas la peine d'expliquer correctement les règles, ce qui résume la solution de facilité dont nous avons parlé un peu plus haut. Cette insuffisance dans la transmission de règles de grammaire et de conjugaison est aggravée par le manque d'exercices pratiques soumis aux apprenants avant, pendant et après l'enseignement donné, exercices qui sont un moyen de contrôle de la compréhension ou non des notions enseignées.

« Les règles sont bien transmises mais le niveau des élèves ne leur pas de comprendre ce qu'on leur enseigne. L'élève c'est l'élève. Beaucoup ne s'intéressent pas aux explications que nous leur donnons, ils préfèrent s'amuser. (Difficultés d'exprimer ses idées) » M. A. T., 34 ans, IFM, 9 ans de service.

Pour cet enseignant généraliste converti en maître de français au second cycle, les règles sont bien transmises mais il rejette la responsabilité sur les apprenants qui, de notre point de vue, ne sont pas placés dans une situation d'apprentissage. Le savoir doit avoir de la saveur, affirme-t-on. Mais s'il perd de sa saveur, les apprenants ne trouvent aucun intérêt à suivre un enseignement auquel ils ne croient plus.

« Je pars toujours d'un corpus pour dégager des règles de grammaire et de conjugaison. Puis je donne la parole aux élèves pour qu'ils me donnent des exemples. Beaucoup parviennent à le faire mais dès qu'ils ferment les cahiers, ils ne révisent plus, donc ils perdent facilement les notions enseignées. En

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plus, il faut reconnaitre que beaucoup d'élèves ne parviennent même pas à comprendre ce que nous leur expliquons tant le niveau est bas. Donc, tu peux utiliser les meilleures méthodes de transmission des règles, si les apprenants ne comprennent même pas ce que vous dites, ça devient un dialogue de sourd ! Il faut que l'enseignement de base soit solide. » I. D., 33ans, IFM/Maitrise en Anthropologie, 3 ans de service.

Le niveau très bas des apprenants, très souvent remis en cause par les enquêtés, est tenu pour responsable de la mauvaise compréhension des règles de grammaire ou de conjugaison. Or en matière d'enseignement des savoir-faire en orthographique, le maître gagnerait à donner de explications claires en tenant compte du niveau de compréhension des apprenants que des donner des explications théories desquelles ils ne retiendront presqu'aucune notion. En matière de transmission des savoirs, la capacité de l'enseignant à rendre accessible son langage aux apprenants est une des qualités fondamentales.

« Les règles de grammaire et de conjugaison sont bien transmises mais ce sont les élèves qui n'ont pas de niveau pour comprendre ce que nous leur disons. Oui la meilleure méthode d'enseignement des connaissances doit tenir compte du niveau de compréhension des élèves mais si au cours de l'enseignement les élèves affirment qu'ils ont compris, le maître donne son résumé puis il passe à la leçon suivante. Mais nous nous rendons vraiment compte que ce n'est qu'une minorité qui a compris les explications données lors des évaluations. Ils font beaucoup de fautes et ramassent de mauvaises notes. Or avec des effectifs pléthoriques nous ne pouvons pas multiplier les évaluations pour vérifier si les élèves ont compris ou non les explications que nous donnons. C'est cela, il y a beaucoup de choses qui ne favorisent pas la compréhension et l'apprentissage de ces règles notamment les niveaux très bas, les effectifs pléthoriques et surtout le manque de volonté des élèves dans l'apprentissage. » S. S. 42 ans, IFM, 14 ans de service.

Le niveau de compréhension très bas des apprenants est régulièrement signalée par les enquêtés comme difficulté de compréhension des explications données par les maîtres. Ce qui souligne avec acuité la détérioration des niveaux des apprenants, consécutive à un enseignement donné au rabais depuis le premier cycle d'où ils arrivent sans savoir ni parler ni lire ni écrire sans faute la langue d'enseignement.

« Les règles sont bien enseignées mais les élèves ne s'intéressent à ce qu'on leur enseigne. Et puis, ils ne retiennent pas les règles que nous leur communiquons pour éviter des fautes dans les dictées. » M. C., 34 ans, IFM, 12 ans de service.

Le désintérêt des apprenants face à l'enseignement donné relève d'un certain manque de rigueur de la part des enseignants. Le constat, in situ, nous permet de relever un laxisme de la part de nombreux enseignants face à l'indiscipline des apprenants. Ceux-ci se donnent lieu à des actes d'indiscipline qui restent, le plus souvent, impunis.

Verbatim 7 : La responsabilité collective aux sources des difficultés

« Les niveaux des élèves se sont détériorés ces dernières années, c'est un fait réel. Cette situation est aggravée par la baisse de niveau des enseignants de tout bord, du manque de rigueur dans

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l'administration, dans les classes. Il n'y a plus de discipline à l'école. Or sans la rigueur des enseignants dans leur travail, sans la volonté et la discipline des élèves dans l'apprentissage, il y aura toujours des difficultés dans l'apprentissage de l'orthographe. Un enseignant qui n'a pas le niveau, comment il va bien transmettre les règles de grammaire ou de conjugaison ? Il transmet mal et les enfants apprennent mal. Et il faut reconnaitre qu'un enseignant qui n'a pas le niveau, les élèves le savent, il n'a aucune autorité sur ceux-ci. En retour, ceux-ci ne le respecteront pas. Les meilleurs maîtres se sont imposés par leurs compétences et leurs manières de transmettre les connaissances et les élèves ont du plaisir à suivre leurs cours. Mais ceux qui sont hésitants, qui commettent beaucoup de fautes sont connus des enfants qui ne donnent plus du crédit à leur enseignement et adoptent des attitudes d'indiscipline et des sentiments de mésestime non seulement pour le maître mais pour la matière qu'il enseigne mal. (Rires) » N. D., 66 ans, ENSec, 40 ans de service dont 11 ans de responsabilité de Directeur d'école.

Ce participant à notre enquête a une opinion plus étendue sur la question. Il prend en compte plusieurs difficultés dans la meilleure transmission des règles de grammaire et de conjugaison, au nombre desquelles, le niveau très bas des apprenants et celui des enseignants, le manque de rigueur de la part des enseignants et de volonté de la part des apprenants.

« En réalité les méthodes de transmission des règles de grammaire et de conjugaison sont efficaces. Le problème est que les enfants d'aujourd'hui ne cherchent pas à retenir les règles. Ils n'apprennent le plus souvent que pour les notes. Dès que les apprenants obtiennent une note, ils ne cherchent plus à retenir cette connaissance pour les activités futures. Ce qui fait qu'enseigner est devenu un perpétuel recommencement sur des notions déjà transmises. Mais pour aider les enfants à retenir les maîtres doivent prendre du courage. En dehors du cahier de grammaire, les enseignants doivent faire noter les règles sur des carnets et les faire répéter par les apprenants. » N. D., 53 ans ENSEC. R. De San, Conseiller Pédagogique, CAP de Koutiala.

Le manque d'effort de la part des apprenants est remis en cause par cet enquêté qui soutient que les règles de grammaire et de conjugaison sont bien transmises par les enseignants. Les apprenants n'apprennent que pour obtenir une note dans une évaluation. Toutefois, les mauvaises notes obtenues par les apprenants lors des évaluations de l'orthographe permettent d'affirmer qu'ils comprennent très peu les règles transmises par les enseignants.

Verbatim 8 : Méconnaissance des règles d'enseignement

« Les règles de grammaire ne doivent pas être apprises par coeur. Elles doivent d'abord être appliquées et démontrées par l'enseignant par de nombreux exemples, puis par les élèves parce que c'est eux qui doivent comprendre et apprendre. C'est l'application qui démontre la règle. Et l'enseignement de la grammaire, de la conjugaison et de l'orthographe en général, tel que cela se

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fait actuellement, abruti les enfants avec d'inutiles règles qu'ils savent souvent citer par coeur mais qu'ils ne comprennent pas et qu'ils ne pourront jamais appliquer. Certains maîtres partent d'un exemple ou de deux exemples pour dégager une règle ou une définition que les élèves mémorisent par coeur sans rien comprendre des autres facettes de cet accord. La meilleure transmission des règles d'orthographe lexicale ou de grammaticale réside en leur application et leur démonstration plus qu'en une communication théorique de connaissances. En matière de transmission de compétences en orthographes, c'est l'emploi qui permet de dégager une règle que les élèves doivent comprendre, savoir appliquer correctement dans les dictées, dans les rédactions et dans le langage oral. Toute transmission des compétences de l'orthographe qui ne tient pas compte de ce paramètre est médiocre et plutôt nocif comme enseignement. Or nous marchons aujourd'hui dans cette médiocrité dans l'enseignement fondamental donc ne soyons surpris du niveau médiocre des élèves en orthographe. Dans nos écoles, les enseignants viennent avec des résumés qu'ils dictent aux élèves qui les apprennent par coeur sans rien comprendre et l'on dit qu'on enseigne, c'est la catastrophe. (Rire). Les règles de grammaire, d'orthographe et de conjugaison sont très mal transmises par de nombreux enseignants et très mal comprises par la majeure partie des élèves. Le comble c'est qu'on laisse faire, les directeurs n'ont plus d'autorité pour faire appliquer aux enseignants ce qui relève de la déontologie même de la profession enseignante, c'est la permissivité au grand-dame de ceux qui sont venus dans l'enseignement pour avoir un gagne-pain et faire autre chose. » (Mouvements négatifs de la tête) B. C., 64 ans dont 35 ans de service, enseignant de français à la retraite.

Ce praticien de la première heure évoque une stratégie efficace dans l'enseignement des règles de grammaire et de conjugaison, stratégie qui consiste à démontrer et à appliquer les règles de grammaire à travers des exercices pratiques qui mettent les apprenants au coeur de la pratique. Or le constat, in situ, permet d'affirmer que sur la base de deux ou trois phrases, les enseignants tentent de dégager une règle que les apprenants ne comprendront jamais dans toutes ses facettes et ne pourront jamais appliquer sans commettre des erreurs. Aussi, soutient-il que la meilleure transmission des règles de grammaire et de conjugaison se fonde sur la démonstration et l'application que les apprenants pourront mieux voir, comprendre puis apprendre

« Chaque enseignant qui dispense un cours a reçu, je crois, une formation de base pour exercer la fonction enseignante. Aussi, une leçon bien préparée et bien dispensée avec l'implication des élèves leur est plus profitable et parce qu'ils apprennent mieux. Mais, nous savons comment le travail se fait, beaucoup d'enseignants ne préparent même pas les leçons a fortiori bien transmettre les règles de grammaire ou de conjugaison. Le plus souvent, les enseignants ont des préparations vielles de plus dix ans ou ils improvisent une leçon. Or l'enseignement ne s'improvise pas, ça se prépare. Donc une leçon pas ou mal préparée ne peut pas être bien dispensée. (Rire). Les maîtres passent leur temps à accuser les enfants en disant qu'ils sont nuls, ils ne connaissent rien ! C'est un faux procès, comme on dit, pour la simple raison que pour qu'ils aient des connaissances ou des compétences en orthographe, par exemple, il faut qu'on leur enseigne bien des notions qu'ils comprennent bien et qu'ils apprennent afin

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de leur permettre d'éviter le maximum de fautes dans des évaluations de dictée et de rédaction. » J.-M. K. D., 33 ans, IFM, 8 ans de service.

Cet enquêté, après 8 ans de service a fait le constat que de nombreux enseignants ne préparent pas les leçons. Cette situation conduit à l'improvisation, à un travail bâclé et dont les seuls perdants sont les apprenants. La préparation des leçons est une activité très rigoureuse qui prend beaucoup de temps de lecture, de recherche et de synthèse. Elle permet à l'enseignant d'adopter des stratégies dans la conduite de la leçon en fonction des apprenants. Or si cette activité n'est pas bien exécutée, il donne lieu à des improvisations, à la légèreté de la part du maître et à l'incompréhension des notions transmises de la part des apprenants. Face à une telle situation, l'on ne peut pas parler de bonne transmission des règles de grammaire ou de conjugaison.

Verbatim 9 : Des pratiques mal en point conduisant à des confusions

« C'est regrettable, nous avons constaté que le niveau des enseignants baisse de plus en plus. Ils ne font pas de recherche pour se mettre à la hauteur, si bien que par rapport à la transmission, le plus souvent, il y'a beaucoup de légèreté, de manque de rigueur dans le travail. Les règles d'orthographe d'usage ou grammatical sont citées et sommairement expliquées et on passe. Or il serait bon que les élèves possèdent des carnets réservés pour l'orthographe où les règles sont mentionnées, apprises et contrôlées par le maître. On se contente d'évoquer hâtivement certaines règles lors des préparations des dictées ou des leçons de grammaire et de conjugaison puis on impose une dictée. Sur cette manière de procéder, il va de soi que les élèves ne profitent véritablement pas de cette transmission et commettent des fautes dans les dictées. Tout repose sur la bonne communication entre maître et élèves : que les maîtres communiquent de façon compréhensible et que les élèves fournissent des efforts pour apprendre. Sinon, la mauvaise transmission des règles de grammaire et de conjugaison, pour ne citer que ces deux matières, engendrera toujours de nombreux échecs en orthographe. » A. S., 70 ans, ENSec, 36 ans de service.

Après 36 ans de service dont 17 ans dans l'enseignement du français et 19 ans dans l'appui-conseil des enseignants, en sa qualité de conseiller pédagogique, ce praticien à la retraite parle de légèreté et de manque de rigueur dans la transmission des règles de grammaire et de conjugaison sommairement et hâtivement expliquées. Pour lui, une bonne transmission de règles repose sur la qualité de communication entre le maitre et les apprenants quel que soit leur niveau.

« Nous avons appris tous à lire et à consolider nos connaissances en lecture grâce à des méthodes rigoureuses d'enseignement. C'est cette rigueur qui n'existe plus dans l'enseignement aujourd'hui, c'est ce qui explique les niveaux très bas et le nombre de plus en plus élevé d'échec des élèves. Il est vrai que le châtiment corporel est formellement interdit, mais quand il n'y a pas de rigueur, les enfants n'apprennent pas. Et la leçon, même si elle est très bien enseignée par l'enseignant le plus chevronné au monde, si les leçons ne sont pas apprises par les enfants, c'est un échec. Nous échouons parce qu'il n'y a plus de rigueur et lorsque quelqu'un veut appliquer la rigueur, l'on fait face à certains enseignants ou certains parents qui s'opposent. Or, l'enseignement ne peut pas réussir sans cette rigueur, la rigueur dans la transmission des règles, la rigueur dans l'apprentissage sinon même les meilleurs pédagogues

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ne peuvent pas réussir sans la rigueur. Il faut reconnaitre que les jeunes enseignants eux-mêmes ils ne maitrisent pas ce qu'on doit enseigner, il y'a trop de lacunes, ils n'arrivent pas à corriger les élèves. Or tout enseignant qui ne parvient pas à corriger ses élèves n'est pas un enseignant en réalité. Si j'étais un décideur final, j'allais écarter beaucoup de ces gens-là ! » B. M., 61 ans.

Cet ancien maître de français et ancien conseiller pédagogique met en exergue la méconnaissance des règles de grammaire et de conjugaison par certains enseignants, le manque de rigueur dans leur transmission et la non implication des élèves dans l'acquisition des compétences de l'orthographe. Cette méconnaissance des règles par les enseignants, aggravée d'un manque de rigueur dans leur transmission et de la non-implication des apprenants dans l'acquisition du savoir orthographier sans erreurs des mots dans un texte constituent des entraves à un enseignement efficace d'un savoir-faire en ce qui concerne l'orthographe.

Au regard des discours recueillis auprès des enquêtés, il ressort que les règles de grammaire et de conjugaison sont bien transmises par les enseignants mais mal ou pas comprises par les apprenants à cause de leur niveau faible. Or, la meilleure transmission des règles doit tenir compte, en premier lieu, du niveau de compréhension des apprenants et en second lieu des objectifs à atteindre. Les résultats des évaluations permettront de confirmer l'efficacité de l'enseignement donné. En dehors des facteurs d'appréciation ci-dessus énumérés, l'on ne peut guère parler de bonne transmission des règles de grammaire et de conjugaison. Une analyse approfondie des mauvaises notes obtenues par les apprenants en d'orthographe, l'on peut, sans conteste, affirmer que les règles de grammaire et de conjugaison ne sont pas bien transmises par les enseignants de français. Ce constat nous amène à affirmer que si les apprenants continuent à faire de plus en plus des fautes d'orthographe lexicale ou grammaticale c'est qu'ils n'ont pas un enseignement efficace qui leur permette de les éviter.

? L'Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) comme solution aux difficultés d'apprentissage de l'orthographe dans le système éducatif malien au niveau du second cycle de l'enseignement fondamental.

« L'Enseignement de l'Orthographe par Objectif peut s'avérer une méthode efficace pour trouver une solution aux difficultés d'apprentissage de l'Orthographe. Le maître doit se fixer un objectif précis pour enseigner l'orthographe ; par exemple l'accord des verbes à un temps précis, du participe passé, celui des adjectifs qualificatifs ou encore le pluriel des noms avec les changements qu'il engendre sur les verbes. Ainsi, la dictée qui est l'épreuve d'évaluation de l'orthographe doit porter sur un objectif précis, elle doit être ciblée sur un accord précis sur lequel le maître a donné son enseignement. L'évaluation portera exclusivement sur les erreurs commises par les apprenants sur la notion enseignée. Si l'enfant arrive à faire correctement les accords, il a ses points, toutefois, s'il commet des fautes sur la nation enseignée, le maître tirera la décision qui s'impose. Mais ce qui se déroule présentement dans les classes, le maître choisit un texte qu'il impose aux élèves sans leur enseigner au préalable la notion concernée et sanctionne toutes les erreurs commises par les élèves. Cette méthode d'évaluation de la dictée pénalise les enfants. Par cette méthode nous pouvons améliorer considérablement le niveau des

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apprenants en orthographe, mais les choses se déroulent autrement sur le terrain. » S., S., 39 ans, DEF/IFM, 13 ans de service.

Cette praticienne reconnait que la méthode actuelle de contrôle de l'orthographe par la dictée est contre-productive dans l'apprentissage de l'orthographe et pénalise les élèves. En effet, souligner toutes les fautes commises par les élèves dans un texte de dictée n'entraine que des mauvaises notes, mésestime et échec dans l'apprentissage de l'orthographe. L'apprentissage de l'orthographe grammaticale et lexicale doit reposer sur l'enseignement fondé sur un objectif précis.

« Si l'enseignement est rendu compliqué à cause des situations que j'ai évoquées un peu plus haut, celui de l'orthographe est encore plus rude car les élèves arrivent au second sans aucune base. Mais en faisant un enseignement par objectif, nous pouvons évaluer les élèves sur la base de ce que nous leur avons enseigné peut-être nous pouvons améliorer leurs connaissances en orthographe. L'orthographe pose d'énormes problèmes et les élèves ne font ramasser que des zéros dans les dictées. Nous ne pouvons pas tout enseigner aux enfants mais en allant étape par étape ils peuvent suivre mieux et éviter des fautes. Mais, il y'a un mais (rire), parce que tout se passe dans la classe entre les élèves et les enseignants. Si chacun ne joue pas son rôle nous retombons dans le même cercle de médiocrité. » R. C., 36 ans, BAC, SARPE, 11 ans de service.

L'enseignement et l'évaluation de l'orthographe par objectif pourraient être une solution aux difficultés d'apprentissage de cette sous-discipline du français, à la seule condition que chacun : enseignant et apprenant joue son rôle. L'enseignement de l'orthographe sur la base des objectifs spécifiques et successifs permet un apprentissage plus cohérent et une évaluation plus juste.

« C'est possible que l'enseignement par objectif de l'orthographe puisse aider les élèves à mieux comprendre et d'apprendre l'orthographe. L'orthographe d'usage et de grammaire c'est la bête noire des élèves. Ils commettent de nombreuses fautes dans les dictées et dans les rédactions ce qui représente en grande partie une cause de leur échec. Donc c'est à l'enseignant de comprendre les fautes couramment commises par les élèves dans les devoirs et leur donner un enseignement fondé sur un objectif précis à partir duquel ils seront évalués. Ainsi, progressivement, les élèves pourront maitriser une série d'accord de verbes, de noms, d'adjectifs qualificatifs ou de participe passé avant la fin du trimestre ou de l'année. On a beau enseigné la conjugaison si les apprenants ne maitrisent pas les terminaisons des verbes à tel ou tel temps, notre enseignement ne sert à rien. » S. F., 32 ans, BT2/IFM, 7 ans de service.

Si orthographe sans faute constitue la bête noire des apprenants, comme le reconnait cette enquêtée, il est urgent de notre de point de vue, de rendre plus efficace son enseignement afin de rendre plus facile son acquisition par les apprenants à travers un enseignement par objectifs successifs. Cette stratégie permettra aux apprenants d'acquérir, progressivement et sûrement, un cumul de compétences requis pour chaque niveau d'apprentissage. Ce cumul de connaissance et compétences en orthographe doit être déterminée pour chaque classe par les curricula.

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« Pour être efficace, l'enseignement de l'orthographe doit être orienté par un objectif. Car il s'agit de donner aux élèves des compétences dont ils vont se servir dans le langage oral comme dans le langage parler. Si à travers le langage parlé les erreurs commises ne sont pas visibles, dans le langage écrit, par contre, les fautes sont visibles et démontrent le niveau d'instruction de la personne qui les a commises. Les connaissances des élèves en orthographe sont évaluées à travers la dictée, aussi en donnant un enseignement sur un accord précis, les apprenants ont plus de chance de comprendre et d'apprendre cette notion. Aussi une évaluation sur cet accord à travers une dictée de contrôle permet - elle de jauger le niveau de compréhension des élèves. Une évaluation de l'orthographe fondée sur cette base est plus efficace et plus juste que la vieille formule de dictée de contrôle où le maître souligne toutes les fautes commises par les élèves et leur distribue des zéros. On ne peut pas tout enseigner aux élèves mais en allant étape par étape, on peut leur permettre d'éviter certaines fautes graves à ce niveau. Ils vont découvrir le reste dans la vie. » Ti. C., 29 ans, IFM/Maitrise en Géographie du développement, 4 ans de service.

« Ça pourrait être une solution mais tout dépend des élèves parce que c'est à eux qui doivent apprendre. » M. A. T., 34 ans, IFM, 9 ans de service.

Cet enseignant généraliste du premier cycle a été reconverti en enseignant du français au niveau du second cycle. Il met en cause la mauvaise volonté des élèves. Il a des difficultés d'exprimer ses idées et ses réponses sortent en dehors du cadre de la question posée. Il est surtout resté très critique à l'endroit des élèves qui, selon lui, sont à la base de leur ignorance.

« L'enseignement du français est rendu difficile pour nous maîtres du second cycle parce que les élèves arrivent sans aucun niveau. Concernant l'orthographe que nous évaluons à travers les dictées préparées ou de contrôle, nous devons donner un enseignement plus précis aux élèves par classe et par niveau. Je le pratique depuis quelques temps parce que je me rends compte que même dans les dictées préparées, les enfants font beaucoup de fautes et obtiennent de mauvaises notes. Je fais deux dictées préparées au cours desquelles j'enseigne aux élèves des accords précis sur des verbes ou sur des noms, je rétiens ainsi leur attention sur les notions enseignées. Et en fin de semaine, je fais une dictée de contrôle sur ce que je leur ai enseigné. Ils prennent cela au sérieux surtout lorsque je leur annonce que le prochain devoir de dictée de contrôle portera sur ces notions. A l'exception de certains qui ratent la moyenne, beaucoup parviennent à faire correctement les accords et avoir de bonnes notes. » I. D., 33ans, IFM/Maitrise en Anthropologie, 3 ans de service.

Les tares accumulées par les apprenants dans les classes antérieures constituent des raisons suffisamment avancées pour expliquer les difficultés d'apprentissage de l'orthographe au second cycle de fondamental. Nous remarquons une prise de conscience de la part de cet enquêté qui donne un enseignement précis qu'il soumet à une évaluation. C'est par une série d'objectifs précis et successifs que l'on peut conduire les apprenants à acquérir des compétences orthographiques.

« Tout enseignement efficace doit être fait sur la base d'un objectif. Cela facilite la compréhension et l'apprentissage de la part des élèves. L'enseignement de l'orthographe d'usage ou de grammaire doit être fait sur cette même base. C'est pour cela au premier cycle, le programme prévoit l'enseignement des noms contenant deux t, deux p, deux s ou deux c. Vu le niveau très bas des élèves, le programme doit permettre de poursuivre l'enseignement de ces notions très utiles qui aident les élèves à éviter des fautes. Que ce soit l'orthographe d'usage ou de grammaire, l'enseignement doit porter sur des objectifs clairs compris par les élèves. Cela permettra de faire une évaluation objective des élèves au cours des devoirs. » S. S. 42 ans, IFM, 14 ans de service.

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Après 14 ans de service, ce diplômé de l'Institut de Formation des Maîtres (IFM) reconnait que l'enseignement de l'orthographe doit se faire selon des objectifs. Cela permettra de l'évaluer par objectif. Toutefois, il recommande un suivi permanent des enseignants dans l'exercice de leur profession. Il ne faut pas attendre des difficultés pour chercher à trouver des solutions mais tenter de les prévenir à travers des formations pédagogiques.

«Avec les élèves d'aujourd'hui, on ne peut pas les aider. On fait ce qu'on peut. » M. C., 34 ans, IFM, 12 ans de service.

Nous sentons un sentiment d'impuissance de la part de cet enquêtée face à l'ampleur du travail à accomplir. Ce qui réduit son acte d'enseignement à rendre un service minimum quitte aux apprenants de recevoir un enseignement au rabais qui engendre incompréhension, baisse de niveau et échec scolaire. Face à ce cul de sac, il convient de notre point de donner un enseignement progressif et efficace de l'orthographe par objectif qui prend en compte les erreurs des apprenants afin de les impliquer dans le processus d'apprentissage dont ils sont les grands bénéficiaires.

« Ce qui rend un enseignement efficace c'est sa transmission et son évaluation par objectif en plus des conditions que j'ai ci-dessus évoquées. L'enseignement surtout celui de l'orthographe d'usage ou de grammaire doit être basé sur des compétences à faire acquérir aux élèves, compétences dont ils vont se servir après. Donc c'est du concret que les élèves sauront appliquer et non des définitions théoriques. Mais si l'on veut sanctionner toutes les fautes dans un texte de dictée, ils vont toujours ramasser des mauvaises notes et nous les poussons à l'échec. L'évaluation de l'orthographe à travers la dictée a toujours posé des problèmes et les élèves ont toujours ramassé de zéros. Nous devons donc changer notre manière d'enseigner l'orthographe et surtout de l'évaluer. » N. D., 66 ans, ENSec, 40 ans de service dont 11 ans de responsabilité de Directeur d'école.

Après quarante ans de service, cet enseignant de la première heure, retraité, évoque les difficultés d'enseignement et d'apprentissage du français en général et de son orthographe en particulier. Si l'enseignement de l'orthographe requiert de la part des enseignants une formation nécessaire pour transmettre des compétences, l'apprentissage de cette discipline exige de la part des apprenants de la volonté de la consistance. Il reconnait que, pour permettre aux apprenants d'apprendre efficacement l'orthographe, il convient de l'enseigner et de l'évaluer selon des objectifs précis.

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Verbatim 10 : Analyse des pratiques de classes des enseignants à propos des stratégies utilisées

« Bien entendu, l'enseignement par objectif de l'orthographe peut être une solution aux difficultés d'apprentissage du français en général et de son orthographe en particulier. Avec les apprenants d'aujourd'hui, les maîtres doivent aller étape par étape. Rappelez-vous que les années 1990 ont été marquées par l'introduction des nouvelles méthodes pédagogiques ; l'on parlait de Pédagogie Par Objectifs, (PPO), d'Objectifs Pédagogiques Opérationnels (OPO). Une application sérieuse des OPO demande, certes, un travail rigoureux de la part des enseignants mais favorise une transmission plus efficace des connaissances et une acquisition plus rapide de ces mêmes connaissances de la part des élèves. En réalité, ce n'est pas ce qui se passe dans les classes. Lors de nos suivis pédagogiques, nous faisons l'appui-conseil aux enseignants sur les bonnes méthodes de transmission de savoirs mais dès que nous tournons le dos, ils font ce qu'ils veulent. L'enseignement de l'orthographe, s'il est fondé sur un objectif précis, par exemple : l'accord du verbe au présent ou à un autre temps, l'accord du participe passé employé sans auxiliaire, avec l'auxiliaire être ou avoir, ou encore l'accord du pluriel des noms, permet aux apprenants de retenir plus facilement les notions enseignées. Et c'est étape par étape, sur la base des difficultés en orthographe des enfants qu'un enseignant doit donner ces enseignements. Les évaluations de l'orthographe doivent porter sur ces notions enseignées contrairement à ce que les enseignants font dans leurs classes. Ils choisissent un texte de dictée, sans donner au préalable aucun enseignement fondé sur un besoin réel des apprenants, et ils soulignent toutes les fautes. C'est ce qui donne des résultats catastrophiques en orthographe que nous enregistrons en fin de chaque trimestre ou de chaque fin d'année. » N. D., 53 ans ENSEC. R. De San, Conseiller Pédagogique, CAP de Koutiala.

L'enseignement par objectif peut être une solution aux difficultés d'apprentissage de l'orthographe, selon ce participant. Face à la complexité de l'orthographe française, seul un enseignement progressif fondé sur des objectifs précis favorise une acquisition cohérence de la graphie correcte des mots.

« L'enseignement doit se faire par objectifs. Celui de l'orthographe du français exige encore plus de rigueur, plus de pédagogie pour atteindre des résultats escomptés. L'enseignement de l'orthographe ne doit pas être un enseignement théorique mais un enseignement pratique car les élèves doivent s'en servir correctement dans les devoirs ou dans toute autre production écrite. Donc l'enseignement de l'orthographe doit être concret fondé sur des compétences orthographiques à faire acquérir aux élèves. Et chaque compétence à faire acquérir aux élèves doit être formulée sous forme d'objectif à atteindre. Et tant que cet objectif n'est pas atteint, l'enseignement donné est un enseignement fictif sans aucun intérêt pour les élèves qui écoutent mais qui ne retiennent rien de ce que le maître leur enseigne. Comme, je le disais plus haut, les règles de grammaire ne doivent pas être apprises par coeur mais doivent être comprises et appliquées. » B., 64 ans dont 35 ans de service, enseignant de français à la retraite.

Après 35 ans de service cet enquêté soutient que l'enseignement de l'orthographe doit se faire par objectif. Il affirme qu'il doit être un enseignement pratique c'est-à-dire qui implique les apprenants dans le maniement de l'orthographe lexical et grammaticale des mots à travers des exercices permanents et soutenus, collectifs et individuels. C'est à ce prix que nous permettrons aux apprenants d'acquérir, progressivement et surement, des compétences en orthographe et de réduire considérablement le nombre d'échec lié au non maitrise de cette discipline.

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« Avec l'évolution de la didactique et de la pédagogie, les méthodes évoluent et s'adaptent selon les enseignements, les circonstances et les élèves. Les enseignements de l'orthographe doivent viser les compétences que les élèves doivent avoir pour réussir leurs devoirs. Ils doivent être donc fondés sur des objectifs précis pour donner aux élèves des notions très claires. D'ailleurs c'est sur cette base que les élèves doivent être évalués. Par contre les maîtres pratiquent la dictée, aujourd'hui lorsque l'administration leur réclame des notes de fin de trimestre. Ils imposent alors une épreuve de dictée de contrôle qui répond à aucun enseignement donné entièrement. Les élèves font de nombreuses fautes pour obtenir de mauvais résultats. C'est décourageant pour les élèves. L'évaluation de l'orthographe se fait à travers l'épreuve de dictée de contrôle, aussi, en donnant progressivement un enseignement par objectif, l'on doit évaluer aussi par objectif et aider les élèves à améliorer considérablement leur niveau. » J.-M. K. D., 33 ans, IFM, 8 ans de service.

L'enseignant est un professionnel de l'éducation qui adapte, de façon constante, ses stratégies d'enseignement en fonction des objectifs d'enseignement et du niveau des apprenants. Cette capacité d'adaptation et d'adoption constante de nouvelles stratégies en fonction des difficultés d'apprentissage doit être toujours mise en exergue par les enseignants afin de juguler les entraves à l'apprentissage. C'est dans ce contexte que l'Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) pourrait être, selon cet enquêté, une solution aux difficultés d'apprentissage de cette discipline dont la maîtrise aide, sans nul doute, les apprenants à acquérir un niveau requis dans l'expression écrite mais à favoriser leur réussite scolaire.

« L'enseignement pas objectif est venu dans l'enseignement au Mali, dans les années 1990. Mais, je ne suis pas partant pour un enseignement de l'orthographe par objectif. Une dictée réussie c'est écrire sans fautes l'orthographe d'usage et de grammaire de tous les mots : noms, verbes, adjectifs ou participes. En matière spécifique de préparation à la dictée, le maître préparera les élèves sur l'orthographe des mots commençant par acc-, app, ass-, all- ou encore att-, les mots ainsi enseignés seront évalués à travers une dictée de contrôle. Là, je suis pour l'enseignement de l'orthographe par objectif mais pour ce qui est de la dictée elle-même, je suis très conservateur parce que la dictée c'est l'écriture correcte des mots, donc il faut tout sanctionner mais le maître doit tenter d'améliorer le niveau à travers la correction de la dictée. Il faut que les maîtres corrigent avec les élèves. » A. S., 70 ans, ENSec, 36 ans de service.

Cet enseignant de français, ancien conseiller pédagogique est sceptique quant à l'efficacité de l'enseignement de l'orthographe et de son évaluation par objectif. Une telle réserve de la part des aînés dans la profession enseignante n'est pas surprenante, tant l'esprit de conservation demeure vivace et le déphasage avec les défis actuels de l'apprentissage de l'orthographe par les apprenants restent, méconnu.

« Toutes les matières doivent être enseignées et évaluées par objectif. Cela pourrait être une solution aux difficultés d'apprentissage de l'orthographe en particulier. Mais je reviens sur la rigueur dont j'ai parlée sans laquelle, la meilleure méthode didactique ne pourrait jamais réussir. Le meilleur moyen d'évaluer le niveau d'un élève en orthographe, c'est la dictée, or cette vieille pratique n'a jamais permis

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d'améliorer le niveau des apprenants dans cette discipline, bien au contraire, donc il faut chercher à améliorer l'enseignement de l'orthographe elle-même. » B. M., 61 ans, ENSec, 33 ans de service.

Pour ce participant, l'enseignement et l'apprentissage de l'orthographe par des objectifs pourrait être une solution aux difficultés d'apprentissage de l'orthographe. Toutefois, il met en exergue la rigueur non seulement dans la transmission des connaissances de la part des enseignants mais aussi le sérieux et de la volonté de la part des apprenants.

4.1.3-Les données de l'observation directe de leçons

La technique de l'observation directe nous a permis d'examiner in situ des faits, des gestes et des comportements qui corroborent ou non nos hypothèses de recherche. Au cours de cette étape de notre enquête, nous avons observé l'exécution des leçons de lecture expliquée, de lecture suivie dirigée, de grammaire, de conjugaison afin de déceler si l'insuffisance du temps accordé aux apprenants à la lecture en classe et les mauvaises méthodes de transmission des règles sont des difficultés réelles ou non d'apprentissage de l'orthographe dans le système éducatif malien à travers l'étude du cas du second cycle de Darsalam. Du Mercredi 16 Mai au Vendredi 31 Mai 2018, nous avons observé l'exécution des leçons de lecture, de grammaire et de conjugaison en vue de mieux comprendre les difficultés d'apprentissage de l'orthographe qui expliquent les mauvaises notes obtenues par les élèves en dictée de contrôle. Nous soumettrons les données de l'observation directe à une analyse qualitative.

4.1.3.1-Les données de la première séance d'observation directe de leçon de lecture

La première leçon de lecture expliquée d'une durée d'une heure que nous avons observée portait sur un texte intitulé : Vertu du travail tiré du roman Kocoumbo, l'étudiant noir, de l'écrivain ivoirien Gérard Aké Loba. Le texte est tiré du livre de Français 8ème année des éditions DONNIYA. Elle s'est déroulée dans une classe de 8ème année (4ème année) avec un effectif de 73 élèves. Nous signalons, de passage, l'erreur commise dans le livre sur la nationalité de l'auteur considéré comme un auteur gabonais tandis que Gérard Aké Loba est de nationalité ivoirienne, né en 1927 à Abobo en République de Côte d'Ivoire. Le texte comptait 253 mots. Les élèves ont procédé à une lecture silencieuse du texte qui a duré 4 minutes. Puis le maitre interroge un élève âgé de 16 ans qui lit tout le texte en 11 minutes. Or, le temps mis par un lecteur lent du niveau primaire est de 110 à 150 mots à la minute. Avec un temps de 11 minutes pour lire 253 mots, ce lecteur adolescent de 16 ans, de la 8ème année (4ème), est 7 fois plus lent qu'un lecteur lent du primaire. Puis un deuxième lecteur qui lit une partie du texte de 46 mots en 3 minutes et enfin un troisième lecteur qui achève le reste du texte composé de 207 mots en

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3 minutes. L'objet de notre étude n'est, certes, pas d'établir une performance en lecture, mais, les difficultés d'identification et de prononciation des mots par les apprenants à ce niveau d'étude sont des entraves à l'acquisition des compétences de l'orthographe. Au cours de la lecture des élèves commettent de nombreuses erreurs de prononciation. Le maitre corrige certaines erreurs et laisse passer d'autres. L'objectif de la lecture expliquée n'est pas énoncé ni oralement ni par écrit aux apprenants. En tout, pour cette séance d'une heure de lecture expliquée, trois élèves sur un effectif de 73 ont fait la lecture à haute voix pour un total de 17 minutes. Puis le maître consacre 30 longues minutes au chapitre de la compréhension du texte. Nous avons relevé d'énormes difficultés des élèves dans les tâches de décodage des mots, ce qui compromet la compréhension générale du texte. Les autres chapitres ne sont pas étudiés.

Le livre de lecture en usage au second cycle de Darsalam est conçu de manière à permettre au maître de faire une étude textuelle et grammaticale approfondie. Il prévoit, en effet cinq chapitres comportant la compréhension du texte composé des sous-chapitres : familiarise-toi et relis attentivement le texte puis réponds par vrai ou faux, les chapitres du vocabulaire, de la grammaire et/ou de l'orthographe, de la conjugaison et de l'expression écrite. Tous les livres de lecture des éditions DONNIYA, en usage au second cycle de Darsalam, sont l'oeuvre des mêmes auteurs et élaborés suivant la même structuration. Ils constituent des outils pédagogiques importants pour donner un enseignement cohérent du français à travers la lecture. Cette précision est de taille. Elle prouve que l'élaboration de ce livre de lecture, répond à un souci de cohésion dans l'enseignement/apprentissage des différentes disciplines du français. Il faut, comme le recommande le programme officiel de français au 2ème cycle fondamental du Mali, « éviter les clivages stériles entre les différentes disciplines de français (grammaire-rédaction-lecture expliquée-lecture suivie et dirigée-dictée préparée-récitation-vocabulaire) »94 Et « Ces éléments si harmonieusement conjugués doivent aider l'élève à s'exprimer correctement. »95 Il s'agit de l'expression orale et écrite de la langue française. Ainsi, à travers la lecture d'un texte, toutes notions indispensables à la maitrise du français, à ce niveau d'étude, sont prises en compte.

Aucun élève n'est interrogé pour écrire au tableau les mots difficiles, l'accord des verbes ou d'autres mots tirés du texte. Le maitre a écrit tout au tableau à mesure qu'il expliquait la leçon.

94 Programme officiel du second cycle de l'enseignement fondamental du Mali, p. 19.

95 Idem., p. 19.

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4.1.3.2-Les Données de la deuxième séance d'observation directe de leçons de lecture

Dans le souci de vérifier si l'insuffisance du temps accordé aux apprenants à la lecture est une difficulté d'apprentissage de l'orthographe, nous avons procédé à l'observation directe d'une deuxième leçon de lecture expliquée dans une classe de 7ème année avec une effectif 109 élèves le Jeudi 17 Mai 2018, de 8h45 à 9h45 mn. Elle portait sur le texte intitulé « Gnathon » comprenant 708 mots, tiré de l'oeuvre « les caractères » de Jean de La Bruyère (1645-1696). L'objectif de la lecture n'est pas énoncé.

Après une lecture silencieuse de 5 mn par les apprenants, le maître fait une lecture magistrale. Puis trois élèves sont interrogés pour faire une lecture à haute voix du texte. Le premier élève lit une partie du texte comprenant 202 mots en 3 mn puis le deuxième, une partie de 147 mots en 2 minutes, le troisième lecteur, suite à de nombreuses mauvaises prononciations, sur presque chaque mot, a été remplacé par un quatrième. Il lit 47 mots en 3 minutes tandis que le quatrième élève achève le reste du texte, soit 312 mots en 5 minutes. Notre objectif n'est pas d'établir une performance des apprenants en lecture, mais prouver que le temps accordé aux apprenants pour se familiariser avec un texte, découvrir les mots et comprendre leur graphie à travers la lecture, est insuffisant. Au total, la lecture à haute voix du texte de la part des élèves dure 13 minutes pour un effectif de 109 élèves. Le maitre procède par une série de 13 questions de compréhension auxquelles il a, le plus souvent donné, des réponses pour « avancer, ajoute-t-il ! ». La leçon se limite à cette série de questions de compréhension. Aucune séance de graphie n'est prévue. Les élèves lisent avec des doigts, les mauvaises prononciations sont nombreuses mais le maître laisse faire. « Si je dois corriger toutes ces erreurs de prononciation, je vais passer toute l'année à lire le même texte ! Ironisa-t-il, le sourire aux lèvres ! »

La prononciation du verbe « embarrasser » au lieu de « embrasser », dans le texte, par les trois lecteurs, a donné une bonne occasion au maître d'envoyer des élèves au tableau pour leur permettre non seulement de mieux maitriser leur orthographe mais aussi de savoir leur prononciation, leur sens pour ne plus les confondre. Toutefois, le maître n'a pas saisi cette opportunité pour permettre aux apprenants d'identifier les deux verbes, de les prononcer et de les orthographier correctement.

4.1.3.3 -Les données de l'observation directe de leçons de grammaire et de conjugaison

La technique d'investigation de l'observation directe nous a permis comprendre les pratiques de la transmission des règles de grammaire et de conjugaison au groupe scolaire second cycle

125

de Darsalam. Elle nous a permis de comprendre les méthodes de transmission des règles de grammaire et de conjugaison, leur efficacité et surtout leur insuffisance. Les sections suivantes présentent les résultats des séances d'observation directe des leçons de grammaire puis de conjugaison.

4.1.3.4-Les données de l'observation directe d'une leçon de grammaire sur les pronoms possessifs

La leçon de grammaire observée a été exécutée le Jeudi 17 Mai 2018 dans une classe de 7ème année. Elle portait sur les pronoms possessifs. Le maître a porté un corpus de trois phrases au tableau. Il souligne les pronoms possessifs contenus dans les phrases en fonction des réponses données par les élèves. L'objectif de la leçon n'est pas énoncé. Suite à une série de questions posée par le maître, les élèves citent les autres pronoms possessifs. Le maître porte au tableau les réponses données par les élèves. Aucun apprenant n'est envoyé au tableau pour souligner ni pour écrire les pronoms possessifs. En l'absence de toute activité de verbalisation96 de la part des apprenants sur la notion enseignée par le maître, le processus d'acquisition et de consolidation devient, le plus souvent, difficile et les apprenants se contentent d'assister à leur enseignement. Ainsi, Kathy Wilkinson, (2009 : 25), dans le cadre de la dictée 0 faute, soutient que « l'enseignant qui initie un questionnement pour amener les élèves à verbaliser un raisonnement en grammaire ou en orthographe suscite ainsi la verbalisation pour avoir accès à l'activité mentale des élèves. ».

Aussi, les tentatives vaines des élèves de donner une définition au pronom possessif relèvent de la non implication de ceux-ci dans le processus enseignement/acquisition de compétences orthographiques. Le maître se résume à donner une définition des pronoms possessifs puis il la porte au tableau. Aucune évaluation formative n'est donnée pour vérifier si la notion enseignée est bien comprise et assimilée par les apprenants. Or tout enseignement doit être suivi d'une évaluation permettant de vérifier l'efficacité ou l'inadaptation des méthodes de transmission du savoir en fonction des apprenants au regard non seulement des objectifs fixés mais aussi des résultats atteints. Le manque d'évaluation constitue une insuffisance fondamentale dans le processus d'enseignement-apprentissage. L'efficacité de l'enseignement d'une et même notion est le résultat d'une conjonction des facteurs indispensables à sa réussite. Elle est, le plus

96 Boyer, 1997, cité par Kathy Wilkinson, 2009, conçoit que la verbalisation peut inclure toute forme de témoignage obtenu, notamment la réponse à des questions plus ou moins ouvertes portant sur les activités mentales du sujet durant une tâche donnée.

126

souvent, fonction des apprenants, des circonstances d'apprentissage, des méthodes et transmission de connaissances, du milieu et de l'enseignant.

Suite à la leçon de grammaire sur les pronoms possessifs, le maître ayant renoncé à donner un devoir, et pour des fins de notre étude, nous avons soumis les apprenants à un devoir de grammaire sur les pronoms possessifs en vue de vérifier l'efficacité de l'enseignement. Nous avons soumis deux exercices : le premier est un exercice à trou dont la consigne était : remplace les pointillés par un pronom possessif convenable ; le deuxième avait pour consigne : remplace le nom répété dans la phrase par le pronom possessif convenable. Les résultats de ce devoir soumis à 91 apprenants sont classés en ordre décroissant de 14 à 00 sur 20, aucun élève n'a obtenu une note supérieure à 14 sur 20.

Graphique 6 : résultats du devoir de grammaire sur les pronoms possessifs.

00 sur 20 01 à 09 10 à 14

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Mai 2018.

Notes sur 20 nombre d'élèves ayant obtenu la note pourcentage

00 24 26%

01 à 09 64 70%

10 à 14 3 3%

Total 91 99%

Les résultats de ce devoir montrent, à suffisance, que l'enseignement théorique donné par le maître n'est ni compris ni assimilé par les élèves. Ils corroborent, sans nul doute, que 97% des élèves qui ont suivi le cours sur le pronom possessif ne l'ont pas compris. Ils sont les résultats

d'une mauvaise transmission où l'enseignant est le seul maître et donne son enseignement théorique qui n'implique pas les apprenants engagés dans le processus d'apprentissage.

4.1.3.5 -Les données de l'observation directe d'une leçon sur la conjugaison des verbes à l'imparfait de l'indicatif

Nous avons observé l'exécution d'une leçon de conjugaison sur l'imparfait de l'indicatif dans une classe de 8ème année (4ème année), le Lundi 21 Mai 2018. Le maître a produit un corpus de trois phrases contenant des verbes à l'imparfait de l'indicatif. Il a procédé à une série de questions pour avoir les terminaisons des verbes à l'imparfait. Les réponses données par les élèves sont portées au tableau par le maître : -ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient. Puis après plusieurs tentatives manquées de définition de l'imparfait par les élèves, le maître donne la définition. Aucun objectif de la leçon n'est énoncé. La participation des élèves s'est limitée à citer les terminaisons des verbes à l'imparfait. Les élèves n'ont pas été invités à se familiariser à la graphie des terminaisons des verbes selon leur groupe. Suite à cette leçon de conjugaison sur l'imparfait de l'indicatif, un texte de dictée contenant vingt verbes est porté au tableau avec la consigne : mettez les verbes entre parenthèses à l'imparfait de l'indicatif.97 Nous avons adopté cette stratégie afin d'éviter des erreurs de diction de la part du maître et d'audition de la part les apprenants. L'évaluation a donné les résultats quantitatifs suivants : sur un effectif de 65 élèves 16 ont obtenu une note de 10 à 19 sur 20, ce qui représente 25%, 34 élèves ont obtenu une note comprise entre 01 et 09, soit 52%, tandis que 15 qui ont obtenu une note de 00/20 soit 23%. Trois quart des apprenants ont raté la moyenne.

Graphique 7 : résultats du devoir de grammaire sur l'imparfait de l'indicatif : les notes sont classées de 00 sur 20 ; 01 à 09 sur 20 et de 10 à 19.

127

97 La copie du devoir en Annexe, p.

0.00

01 à 09 10 à 19

128

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Mai 2018.

Notes sur 20 élèves ayant obtenu la note pourcentage

00

15

23%

01 à 09

34

52%

10 à 19

16

25%

Les résultats du devoir de grammaire nous a permis de répertorier un ensemble d'erreurs liées aux terminaisons des verbes conjugués à l'imparfait. Deux confusions de taille dans l'enseignement de l'imparfait ont induit les apprenants à commettre de nombreuses fautes de grammaire :

-la première est liée à la globalisation des terminaisons : ais, ais, ait, ions, iez, aient pour tous les verbes des différents groupes. Or, une précision des terminaisons : -issais-issais, -issait,-issions, -issiez,-issaient, des verbes du 2ème groupe ayant pour participe présent issant était nécessaire. Les erreurs commises suite à cette mauvaise transmission des terminaisons des verbes à l'imparfait de l'indicatif se présentent dans les tableaux 21 et 22 suivant deux typologies :

Tableau 18 : les erreurs liées au non maitrise des terminaisons des verbes du 2ème groupe.

129

Verbes

 

Terminaisons à

l'imparfait des

verbes du texte.

Fautes commises

par les élèves

Nombre d'élèves

ayant commis la
faute

Pourcentage

Blanchir

L'aube

blanchissait l'horizon

L'aube blanchait

26

40%

l'horizon.

Gravir

Tu gravissais la

côte.

Tu gravais la côte à

29

45%

pied.

retentir

La sirène

retentissait.

La sirène retentait.

32

49%

 

Remplir

Je remplissais la

marmite de viande.

Je remplais la

33

51%

marmite de viande

Réussir

Nous réussissions

notre devoir.

Nous réussions

37

57%

notre devoir.

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Mai 2018.

Au regard de ce tableau, les erreurs commises par les apprenants sont celles relatives à un manque de précision dans la transmission des terminaisons de verbes du deuxième groupe. Avec des pourcentages allant de 40 à 57% des apprenants ayant mal écrit les terminaisons des verbes du deuxième groupe, l'insuffisance de l'enseignement théorique et la non implication des apprenants doivent être remis en cause.

Tableau 19 : les erreurs liées à la confusion des terminaisons des verbes au conditionnel présent : -rais et à celles de l'imparfait -ais.

130

Verbes

 

Terminaison de verbes du texte à l'imparfait

Fautes

commises par
les élèves

Nombre

d'élèves ayant
commis la faute

Pourcentage

Envahir

Les herbes

envahissaient la cour.

Les herbes

envahiraient la

18

28%

cour.

Suspendre

Je suspendais

mon

imperméable

Je suspendrais

21

33%

mon

imperméable.

Défendre

Je défendais

mes amis.

Je défendrais

27

42%

mes amis.

Attendre

Il attendait le

train.

Il attendrait le

27

42%

train.

Mettre

La terre se

mettait à
trembler.

La terre se

mettrait à

42

65%

trembler.

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Mai 2018.

Les erreurs commises sont consécutives aux confusions faites, suite à un enseignement qui, loin de démystifier la pratique de la conjugaison, plonge les apprenants dans un doute orthographique. Au-delà des erreurs commises, cette mauvaise transmission, des terminaisons, installe de façon durable la confusion sur ce que les apprenants auraient pu éviter si l'on se souciait de leurs besoins réels en orthographe.

4.1.4-Les données du Test et au post Test sur la dictée par objectif

Ce point de notre recherche présente les données recueillies suite aux différents tests réalisés afin de vérifier l'efficacité de l'Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) qui est notre troisième hypothèse. Nous avons réalisé deux tests entre deux groupes témoins et deux groupes expérimentaux. L'instrument du test était la dictée par objectif. La stratégie consistait à fixer un objectif spécifique de l'enseignement de l'orthographie à travers la leçon sur l'accord des

131

verbes à l'imparfait de l'indicatif. Le test et le post test se sont déroulés selon le même protocole décrit au chapitre du choix des instruments et de leur justificatif.

4.1.4.1-Les résultats du premier test sur l'évaluation de l'orthographe à travers une dictée par objectif

Le premier test a été réalisé le 24 Mai 2018 avec un groupe témoin de 76 élèves et un groupe expérimental de 87 élèves. Avant le test, un enseignement a été donné par deux enseignants de français en grammaire/conjugaison sur le thème : l'imparfait de l'indicatif. Le programme prévoit l'« étude des temps verbaux et des modes : -le mode indicatif, -le présent, -les futurs : le futur simple et le futur antérieur, -les temps du passé. « 98.

Le groupe témoin a suivi leçon de grammaire/conjugaison sur l'imparfait de l'indicatif selon la méthode traditionnelle basée sur la transmission théorique des connaissances tandis que le groupe expérimental suivra une leçon dont le thème est : Savoir accorder les verbes à l'imparfait de l'indicatif. La section suivante présente le déroulement des leçons puis les résultats du test du groupe témoin et du groupe expérimental.

? Les données du test du groupe témoin

L'enseignement est donné par un maître de français d'une classe de 9ème année. Le programme officiel ne prévient pas l'enseignement de la conjugaison des verbes dans cette classe, toutefois, les erreurs commises par les apprenants sur l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif, suite à un contrôle en dictée de contrôle, nous ont conduits à donner un Enseignement sur l'accord des verbes à ce temps simple. Nous avons suivi avec intérêt la leçon dispensée par le maître sur l'imparfait de l'indicatif. Après avoir porté le corpus, le maître a donné des informations sur les valeurs temporelles de l'imparfait de l'indicatif. Les apprenants ont énuméré les terminaisons des verbes à l'imparfait de l'indicatif. L'exercice de définition de l'imparfait a été pénible pour le maître, tant la notion enseignée est restée ambiguë pour les apprenants. La méthode de transmission de connaissances : enseignement/réception a prévalu. Cet enseignement théorique fait de transmission et de réception des connaissances conduit à une absorption passive des règles par des apprenants. Les évaluations formatives qui devraient intervenir après chaque phase de la leçon de grammaire n'ont pas été soumises aux apprenants. Aucune évaluation

98 Centre National de l'Education, Programmes officiels du second cycle de l'enseignement fondamental, Juillet 2005, p.25.

132

finale n'a été soumise aux apprenants, ce qui leur permettrait de corriger les lacunes de cet enseignement. Le résumé de la leçon a été dicté aux élèves.

Suite à cette leçon de grammaire sur l'imparfait de l'indicatif, nous avons soumis aux élèves du groupe témoin un texte de dictée contenant vingt verbes à écrire correctement à l'imparfait de l'indicatif à mesure que le maître dicte. Le texte a été lu lentement par le maître afin de permettre aux apprenants de suivre la diction et d'écrire sans précipitation les terminaisons. Les résultats du test du groupe témoin se présentent selon le graphique suivant :

Graphique n° 8 : résultats du test de dictée par objectif du premier groupe témoin.

RÉSULATS DU TEST DU GROUPE TEMOIN

10 à 19

25%

01 à 09 sur 20

49%

00 sur 20

26%

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Mai 2018.

Les résultats du test du groupe témoin montrent l'insuffisance des méthodes théoriques de transmission des règles de conjugaison. Or, dans le domaine de la conjugaison, ce qui importe c'est le maniement des terminaisons des verbes par les apprenants eux-mêmes à travers la conjugaison des verbes dans les phrases. Cela permettrait aux apprenants de corriger leurs erreurs et d'améliorer leurs graphies. Avec plus de 25 % d'apprenants ayant obtenu la note éliminatoire de zéro sur 20 et 49% de ceux ayant obtenu une note allant de 01 à 09, la méthode théorique de transmission des terminaisons en conjugaison a montré ses limites.

? Les résultats du groupe expérimental

Pour orienter l'apprentissage de l'orthographe, il est fondamental de s'appuyer sur les erreurs commises par les apprenants dans leurs productions en début d'année, du mois, du trimestre ou au début de tout nouvel apprentissage. Les erreurs commises par les élèves dans une ou deux productions ne sont, certes, pas suffisantes pour comprendre toutes les difficultés qu'ils

133

rencontrent dans la bonne graphie des mots et dans l'accord grammatical, toutefois, elles permettront de faire un diagnostic de la typologie des erreurs récurrentes et de comprendre les causes qui en sont à l'origine en vue d'apporter des solutions adéquates.

Tout commence par un contrôle de niveau des apprenants en orthographe à travers une dictée de contrôle. La correction systématique des fautes commises lors de cette dictée de contrôle a permis de répertorier les erreurs d'accord grammatical commises par les apprenants sur les verbes à l'imparfait de l'indicatif. Les erreurs sont relatives à la mauvaise graphie des terminaisons des verbes à l'imparfait de l'indicatif. Cette stratégie permet de « mieux repérer les obstacles et à les faire repérer aux élèves. » selon la théorie de Manesse D. et Cogis D., (2007 : 250). Ces évaluations diagnostiques constituent un outil pédagogique qui permet à l'enseignant de français de comprendre non seulement les difficultés d'apprentissage de l'orthographe mais aussi de proposer des solutions appropriées pour aider les apprenants à les surmonter de façon progressive. Ce sous-programme de l'orthographe n'est pas un de plus mais plutôt un tremplin permettant aux apprenants une acquisition rapide et soutenue de la même notion qui pourrait être enseignée en grammaire, lors des séances de lecture et de conjugaison. Il n'est pas non plus une perte de temps, bien au contraire, une stratégie efficace pour asseoir plus progressivement et sûrement les apprentissages des compétences en orthographe du français. Dans le domaine de l'enseignement-apprentissage de l'orthographe en particulier, rien ne sert de courir pour achever un programme si les notions enseignées ne sont ni comprises ni assimilées par les apprenants.

Pour l'Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) donné au groupe expérimental composé de 87 apprenants, nous avons choisi le thème : accorder correctement les verbes à l'imparfait de l'indicatif. Cette formulation de thème est, de notre point de vue, plus active et permet d'orienter l'attention des apprenants sur la relation sujet-verbe et les changements que cette relation engendre tandis que le titre : l'imparfait de l'indicatif retient l'attention des apprenants sur l'enseignement d'un temps. L'objectif de cet enseignement est libellé comme suit : à la fin de la leçon les apprenants doivent être capables d'accorder, sans se tromper, tous les verbes d'un texte à l'imparfait de l'indicatif.

L'élaboration par le maître d'un corpus99 composé de treize verbes a permis d'avoir des éléments de chaque groupe. Les verbes à accorder à l'imparfait sont recopiés à l'infinitif et mis entre parenthèses dans le corpus. Les élèves, à tour de rôle, ont passé au tableau pour accorder

134

le verbe à l'imparfait de l'indicatif après avoir lu la phrase. A chaque étape de la leçon, une évaluation formative a été exécutée permettant aux apprenants de consolider la notion enseignée. Les apprenants ont classé les verbes du corpus par groupe. Les terminaisons des verbes à l'imparfait de l'indicatif sont recopiées selon leur groupe d'appartenance. Ce qui a permis d'avoir deux groupes de terminaisons : -ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient pour les verbes du premier et du troisième groupe et -issais, -issais, -issait, -issions, -issiez, -issaient pour les verbes du deuxième groupe. Pour chaque cas, les apprenants ont donné un exemple qu'ils ont porté au tableau à tour de rôle, car il fallait impliquer les apprenants dans le maniement de la conjugaison de verbes aux différents temps. Au terme de la leçon, une évaluation finale a été soumise aux apprenants, évaluation à laquelle nous avons constaté une forte participation des élèves.

Suite à cette leçon de grammaire/conjugaison sur : savoir accorder les verbes à l'imparfait de l'indicatif, un devoir de dictée par objectif a été soumis aux apprenants du groupe expérimental. Le même texte de dictée du groupe témoin a été soumis aux apprenants du groupe expérimental. Le texte a été dicté lentement afin de permettre aux participants d'entendre les mots et de les orthographier sans précipitation. A la correction des copies, chaque verbe bien accordé donne droit à un point tandis que chaque verbe dont la terminaison est mal écrite était sanctionné du retrait d'un point. Puisque le texte compte vingt verbes, le décompte est plus aisé. Cette évaluation par objectif porte exclusivement sur les erreurs commises par les apprenants sur l'accord des verbes conjugués à l'imparfait de l'indicatif. Les autres fautes d'orthographe lexicale ou grammaticale sont soulignées mais pas sanctionnées. Elles feront l'objet d'un nouvel enseignement et d'une autre évaluation de l'orthographe par objectif. Les résultats de ce test sont présentés dans le graphique ci-après :

Graphique 9 : résultats du test de dictée par objectif du premier groupe expérimental.

RÉSULTATS DU TEST DU GROUPE EXPÉRIMENTAL

10 à 20

02 à 09

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Mai 2018.

135

Note Nombre d'élève ayant obtenu la note Pourcentage

02 à 09 19 22%

10 à 20 68 78%

Au regard de ces résultats, plus de trois quart des apprenants ayant participé au test ont obtenu une note comprise entre 10 et 20 sur 20. Les apprenants ayant obtenu une note inférieure à 10 sur 20, représentent 22%. A l'issue de la correction des copies, nous avons répertorié des erreurs dont nous présentons certaines typologies :

Dans la phrase : « la même âme les liait, les reliait. », 57% des élèves ayant obtenu la moyenne contre 100% des apprenants ayant manqué la moyenne ont commis l'erreur d'accorder les deux verbes avec le pronom personnel « les ». Ils ont écrit : « La même âme les liaient, les reliaient ». Lors de la correction commune en classe, les apprenants affirment avoir accordé les deux verbes en fonction du pronom personnel « les » qui est placé juste devant. Cette erreur relève de la difficulté des apprenants à identifier le sujet d'un verbe.

Dans la phrase : « Nous les saluions », 42% des apprenants ayant obtenu la moyenne ont écrit « Nous les saluons » contre 100% des apprenants ayant manqué la moyenne. Cette confusion de désinences entre le présent et l'imparfait a conduit les apprenants à commettre cette erreur. Dans la phrase « ...le couscous, brûlant du fait des épices, disparaissait, s'engouffrait. », 63% des apprenants ayant obtenu la moyenne contre 100% de ceux ayant manqué la moyenne ont commis les erreurs « ...le couscous, brûlant du fait des épices, disparaissaient, s'engouffraient. ». Lors de la correction, les apprenants affirment avoir accordé les deux verbes avec le nom « épices » qui pourtant séparé des verbes par une virgule et non son véritable sujet « couscous » placé à cinq mots avant. Nous constatons que beaucoup d'apprenants ne se soucient pas de chercher le sujet du verbe en posant une des questions « qui est ce qui ?, pour les personnes et qu'est ce qui ?, pour les choses » posées avant le verbe mais ils accordent les verbes avec le mot qui est plus proche. Ce qui permet de déduire que le principe d'accord du verbe en fonction de son sujet n'est pas compris ni maitrisé. Cette difficulté d'apprentissage de l'accord du verbe avec son sujet doit faire l'objet d'un enseignement de l'orthographe grammaticale par objectif. Nous présenterons les données de du post test dans la section suivante.

136

4.1.4.2-Les données du post test

Après le premier test, il nous ait paru important de réaliser un post test à un autre groupe témoin et un autre groupe expérimental. Toutefois, suite aux mouvements de grèves des enseignants qui ont marqué la fin de l'année 2017-2018 et la programmation des compositions du troisième trimestre des classes de 9ème année, nous n'avons pu réaliser le post test que le 06 Novembre 2018. Le post test portait sur les mêmes leçons et le même texte de dictée du test. Il a été réalisé sur la base du même protocole que les tests précédents. Il portait sur un effectif de 140 enquêtés dont 68 du groupe témoin et 72 du groupe expérimental. La section suivante présente les résultats du groupe témoin.

? Les résultats du post test du groupe témoin

Les erreurs commises par les apprenants ont été systématiquement corrigées. Celles qui concernent l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif ont été répertoriées. Chaque verbe bien orthographié donne droit à un point tandis que toute erreur d'accord du verbe avec son sujet est sanctionnée d'un retrait d'un point. Les résultats issus de cette évaluation se présentent selon le graphique 9 ci-après :

Graphique 10 : résultats du test de la dictée par objectif du deuxième groupe témoin.

RÉSULTATS DU POS TEST DU GROUPE TÉMOIN

01 à 09

10 à 19

55%

16%

00 sur 20

29%

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Octobre 2018.

Les résultats du groupe témoin corroborent, sans nul doute, que la transmission théorique des règles de conjugaison sans l'implication des apprenants est improductive et ne favorise pas l'acquisition des compétences orthographiques. Il faut impliquer les apprenants dans le maniement des terminaisons des verbes des différents groupes. Avec 83% des apprenants ayant obtenu une note inférieure à 10 sur 20, l'adoption d'une méthode plus efficace de transmission

137

des savoir-faire en orthographe s'impose. L'enseignement et l'évaluation de l'orthographe par objectif pourrait contribuer, de façon efficace, à l'amélioration de l'acquisition par les apprenants des compétences en orthographe. Cela pourrait prendre plus de temps à prendre dans l'enseignement/apprentissage de l'orthographe, toutefois, les résultats sont encourageants même si les compétences acquises sur le court, moyen et long terme reste à vérifier.

? Les résultats du post test du groupe expérimental

Le post test du groupe expérimental réalisé sur un effectif de 72 élèves s'est déroulé selon les mêmes conditions que les tests précédents. Les apprenants du groupe expérimental ont bénéficié du même enseignement sur le thème : savoir accorder correctement les verbes à l'imparfait de l'indicatif. Les apprenants sont envoyés au tableau à tour de rôle afin d'accorder les verbes du corpus à l'imparfait de l'indicatif. Les erreurs commises par certains apprenants sont systématiquement corrigées par les camarades. Les évaluations formatives ont été exécutées à chaque étape de l'enseignement.

A la suite de cet enseignement donné sur l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif, un test de dictée par objectif a été soumis aux apprenants, vingt-quatre heures après. Les copies ont été corrigées. Le maître a pris de souligner toutes les fautes. Seules les fautes concernant l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif ont été sanctionnées. La correction de l'épreuve de dictée par objectif a été faite avec les apprenants le lendemain. Les élèves, à tour de rôle, sont allés au tableau pour recopier chaque verbe à l'imparfait de l'indicatif. Les résultats issus de la correction des copies se présentent selon le graphique 10 ci-après :

Graphique 11 : résultats du post test de la dictée par objectif du deuxième groupe expérimental.

Résultats du pos test du groupe deuxième groupe expérimental

01 à 09

18%

10 à 19

82%

01 à 09

10 à 19

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Octobre 2018.

138

Au regard des résultats très appréciables du pos test, présentés dans le graphique ci-dessus, l'Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) et son évaluation par le même objectif favorise une meilleure acquisition des compétences en orthographe. Avec 82% des apprenants ayant obtenu une note comprise entre 10 et 19 sur 20, cette nouvelle stratégie dans l'apprentissage progressif de l'orthographe et de son évaluation permet d'obvier, dans une certaine mesure, aux difficultés d'apprentissage de cette discipline dont la maitrise est un indice de succès scolaire.

4.2-Analyse des données

4.2.1-Analyse quantitative des données

4.2.1.1-Analyse quantitative des résultats du questionnaire

Le questionnaire soumis aux élèves enquêtés a permis de recueillir des données quantitatives : chiffres et pourcentage.

A la question 1, combien d'heure de lecture disposez-vous en classe par semaine ?, 56% des apprenants affirment disposer d'une heure de lecture par semaine contre 40% qui affirment disposer de deux heures de lecture. Les réponses données par les enquêtes suscitent une hypothèse qui laisse affirmer qu'il existe une différence de masse heure de lecture effectivement assurée par les maitres de français dans les classes.

A la question 2, combien d'élèves, sur l'effectif de la classe, sont interrogés pour lire au moins une partie du texte au cours d'une séance d'une heure de lecture ?, 52% affirment que 5 élèves sont interrogés pour lire au moins une partie du texte contre 29% qui affirment que 10 élèves sont interrogés.

A la question 3, Le temps accordé aux apprenants lors des séances de lecture est-il suffisant ? Insuffisant ? Très insuffisant ?, 39% trouvent que le temps accordé aux apprenants pour pratiquer la lecture en classe est suffisant tandis que 48% et 13% considèrent les temps respectivement insuffisants et très insuffisants. Avec 61% d'enquêtés qui reconnaissent que le temps accordé aux apprenants lors des séances de lecture est insuffisant et très insuffisant, nous notons un besoin réel de pratiquer la lecture en classe mais le temps qui est mis à la disposition des élèves est insuffisant.

A la question 4 : comprenez-vous les règles de grammaire transmises par le maître dans votre classe lors des leçons de grammaire ?, seulement 12% des enquêtés affirment comprendre les

139

règles transmises par les enseignants en classe contre 86% d'élèves qui soutiennent ne pas comprendre les règles de grammaire transmises par les maîtres lors des leçons de grammaire et de conjugaison. Ce pourcentage très élevé des apprenants qui ne comprennent pas les règles transmises par les enseignants de français est une des sources des difficultés d'apprentissage de l'orthographe.

A la question 5, vous permettent-elles d'accorder correctement les mots lors des évaluations, notamment en dictée de contrôle notée ?, si 45% de affirment pouvoir accorder correctement les règles de grammaire lors des évaluations, notamment en dictée de contrôle notée, 52% des élèves soutiennent ne pas pouvoir accorder correctement les mots lors de ces évaluations d'orthographe. Toutefois, les résultats des évaluations que nous avons réalisés, lors de notre enquête, permettent d'affirmer que la transmission théorique des règles de grammaire et de conjugaison ne permet pas à de nombreux apprenants d'orthographier sans erreurs les mots dans un texte.

A la question 6 : l'incompréhension des règles de grammaire dans votre classe est-elle une difficulté d'apprentissage de l'orthographe?, 84% des enquêtés affirment que l'incompréhension des règles de grammaire et de conjugaison est une difficulté d'apprentissage de l'orthographe d'usage grammatical et lexical. Ce pourcentage très élevé révèle que les règles de grammaire théoriquement transmises ne sont pas comprises par les apprenants et ne leur permettent pas d'écrire sans erreurs dans les productions écrites.

A la question 7 : comprenez-vous les règles de conjugaison transmises par le maître dans votre classe lors des leçons de conjugaison ?, seulement 26% des enquêtés déclarent comprendre les règles de conjugaison, contre 73% qui soutiennent qu'ils ne comprennent pas les règles de conjugaison transmises par les apprenants. Or la compréhension des règles n'est certes pas suffisante, mais elle est fondamentale pour des apprenants qui lisent de moins en moins et parlent très peu la langue d'enseignement. Avec 73% des apprenants qui ne comprennent point les règles qui leur sont enseignés, accorder sans erreurs les verbes employés dans une phrase relève d'une utopie. C'est ce qui explique en grande partie les graphies erronées que l'on rencontre dans les productions des apprenants au second cycle de l'enseignement fondamental.

A la question 8 : Vous permettent-elles d'accorder correctement les terminaisons des verbes lors des évaluations notamment en dictée de contrôle notée ?, Si seulement 23 % des apprenants affirment pouvoir accorder sans fautes les verbes dans les productions écrites, trois quart des enquêtés affirment ne pas pouvoir accorder correctement les verbes. Ce qui constitue une

140

difficulté majeure des apprenants dans la maitrise de l'accord des verbes, difficulté qui les amène à commettre des erreurs dans leurs productions écrites.

A la question 9 : l'incompréhension des règles de conjugaison dans votre classe est-elle une difficulté d'apprentissage de l'accord du verbe ?, si 21% trouvent que l'incompréhension des règles de conjugaison n'est pas une difficulté d'apprentissage de la graphie des verbes, 74% des enquêtés soutiennent qu'elle est une difficulté de maitrise de l'accord des verbes dans les phrases. Si l'on sait que sur trois à quatre mots, un mot est un verbe, comme nous l'avons annoncé plus haut, la non maitrise des terminaisons de ce noyau central de la phrase est une difficulté d'apprentissage de l'orthographe grammaticale.

4.2.1.2-Analyse quantitative des résultats du test et du post test

Les résultats des tests réalisés dans les groupes témoins et les groupes expérimentaux et présentés dans les tableaux 21 et 22 permettent de déduire qu'un enseignement théorique de l'orthographe d'usage lexical et grammatical donné par les maîtres de français ne favorise pas l'acquisition par les apprenants des compétences dans cette discipline. Cette théorie est corroborée par les mauvais résultats obtenus par les apprenants et dont nous allons faire allusion au cours de cette analyse. Par contre un Enseignement de l'Orthographe (EOO) donné sur la base d'un objectif précis permet d'attirer l'attention des apprenants sur la notion à enseigner et de les impliquer plus efficacement dans le processus d'apprentissage pour atteindre des résultats efficaces. Nous résumons les résultats des deux tests dans le graphique 11 ci-dessous dont nous analyserons quantitativement les données chiffrées.

Graphique 12 : résultats du test et de post test entre les groupes témoins et les groupes expérimentaux.

100%

40%

80%

60%

20%

0%

Résultats comparatifs des tests des groupes temoins 1 et 2 et des groupes expérimentaux 1 et 2.

26%

00 SUR 20 01 À 09 SUR 20 10 À 19 SUR 20

29%

0%

0%

GT1 GT2 GE1 GE

55%

49%

22%

18%

25%

16%

78%

82%

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Octobre 2018.

141

Ce graphique permet d'établir une comparaison des résultats des tests des groupes témoins et des groupes expérimentaux. Si 26 et 29% des apprenants des groupes témoins 1 et 2 ont obtenu des notes de zéros sur 20 lors des tests, les notes des apprenants des groupes expérimentaux commencent à partir de 01 sur 20. Ces pourcentages représentent plus du tiers des apprenants ayant fait le test. De 75 à 84% des apprenants des groupes témoins 1 et 2 ont mal orthographié les verbes à l'imparfait de l'indicatif et obtenu des notes inférieures à 10 sur 20 tandis que dans les groupes expérimentaux 1 et 2 seulement 18 à 22% des apprenants ont manqué la moyenne.

Par ailleurs, seulement 19 à 25% des apprenants des groupes témoins 1 et 2 ont obtenu une note supérieure à 10 sur 20 contre 78 à 82% respectivement pour les apprenants des groupes expérimentaux 1 et 2. Ces résultats très appréciables sont le fruit d'un enseignement de l'orthographe qui part des erreurs commises par les apprenants pour élaborer un spécifique qui place l'apprenant au centre de l'acquisition de la graphie des mots. Car si c'est aux apprenants d'apprendre à manier l'orthographe, il convient donc de les impliquer au coeur de cet apprentissage. Une évaluation faite sur cette base est plus productive et plus juste, le critère de notation étant déterminé et expliqué aux apprenants.

4.2.2- Analyse qualitative

4.2.2.1- Analyse qualitative de l'observation directe des leçons de lecture

L'observation directe des deux leçons de lecture expliquée nous a permis de relever de nombreuses difficultés qui entravent l'apprentissage de l'orthographe. Il s'agit notamment de :

? L'absence d'objectif précis de lecture. En effet, lorsque l'objectif d'une leçon n'est pas énoncé, le maître exécute sa tâche sans impliquer les apprenants dans le processus de réception et d'acquisition de connaissances et de compétences. Ils demeurent passifs, prêts à répondre par l'affirmatif dès que le maître leur pose la question : « avez-vous compris ? » Les apprenants pourraient répliquer par la question : « ...compris quoi ? ». En n'énonçant pas l'objectif de la leçon, les apprenants sont embarqués vers une destination qu'ils ignorent, l'enseignant demeure le seul maître de ce qu'il transmet théoriquement.

Par contre, lorsque l'objectif d'une leçon est clairement énoncé et expliqué aux apprenants, il y'a une forte chance de les voir impliqués dans le processus d'apprentissage, ils apprennent.

142

? L'indifférence des apprenants face à l'importante activité de la lecture. En effet, au cours de cette séance de lecture, les apprenants ont affiché un désintérêt pour la lecture. De nombreux apprenants ont mis à profit cette heure de lecture pour bavarder et faire autre chose que suivre dans le texte. La preuve est que certains élèves ont été interrogés mais ils ne suivaient pas le fil de la lecture. Ce laxisme dans la conduite d'une leçon porte préjudice sur sa compréhension par les apprenants, qui à ce niveau ont besoin d'un peu de sérieux et de rigueur de la part du maître.

? Le temps accordé aux apprenants pour pratiquer la lecture au cours de cette séance est insuffisant. Pour une activité de lecture, il est important que la majorité des apprenants lisent, ce qui donne plus de chance à chaque apprenant de s'intéresser à la lecture, de lire au moins une partie du texte et d'apprendre par cette même occasion l'orthographe de certains mots rencontrés. Or, au cours de cette séance de lecture, seulement trois élèves, sur un effectif de 73 ont lu au moins une partie du texte pour un temps variant entre 3 à 11 minutes. Le temps mis pour la lecture est de dix-sept (17) minutes, les quarante-trois autres sont consacrées aux questions de compréhension, à la vie et aux oeuvres de l'auteur puis le résumé. Les difficultés rencontrées par les apprenants pour répondre aux questions de compréhension sont consécutives à l'insuffisance du temps qui ne leur a pas permis de comprendre et de s'approprier le contenu du texte.

L'observation directe de deux leçons de lecture a révélé que le temps attribué aux apprenants par les enseignants pour une pratique sérieuse de la lecture est très insuffisant. En moyenne, trois à quatre élèves sur des effectifs de plus de 60 élèves ont la chance de lire au moins une partie du texte durant trois à quatre minutes chacun. Ce temps ne permet pas de corriger les graves insuffisances des apprenants en matière de lecture à fortiori favoriser l'acquisition des compétences sur l'orthographe des mots qu'ils ont, à peine, bien prononcés. Il leur faut plus de temps pour apprendre à bien prononcer les mots, à comprendre leur nature, leur lien avec les autres mots de la phrase et les changements qu'ils subissent. Le processus d'apprentissage de l'orthographe par la lecture requiert des activités soutenues d'indentification du mot, de prononciation et de graphie de la part des apprenants sous la conduite de l'enseignant mais aussi et surtout un temps plus long de pratique systématique de cette activité qui est, de notre point de vue, le tremplin pour acquérir des compétences orthographiques. Il est courant d'entendre dire que : « Les élèves ne lisent plus, ils n'aiment pas la lecture ! ». Ce douloureux constat pourrait trouver sa solution à l'école si les heures programmées à cet effet sont réellement mises à profit pour que les apprenants lisent couramment et découvrent la graphie des mots rencontrés.

143

En accordant, cependant, deux à trois minutes aux apprenants pour faire lire trois à quatre élèves par heure, que l'on ne soit point surpris qu'à la fin du bloc unique de l'enseignement fondamental qui dure neuf ans, que de nombreux apprenants ne savent ni lire, ni parler moins encore écrire l'orthographe de la langue d'enseignement. Il est important de consacrer des heures entières à la lecture systématique des textes par les apprenants afin de leur permettre de comprendre et de découvrir l'orthographe des mots plutôt que de remplir leurs cahiers d'inutiles résumés sur la vie et l'oeuvre des auteurs ou de la compréhension du texte, ou encore de la structure du texte qu'ils ne liront jamais et qui ne leur seront d'aucune importance pour acquérir des compétences orthographiques.

4.2.2.2-Analyse qualitative de l'observation directe de la leçon de grammaire sur les pronoms possessifs

L'observation directe de la leçon de grammaire sur les pronoms possessifs a démontré que l'élaboration et l'énonciation d'un objectif précis opérationnel avant toute transmission de connaissance n'est pas la préoccupation de nombreux enseignants. Il ne suffit de porter le titre de la leçon et de donner quelques explications à la volée suivies d'un résumé pour que des élèves apprennent comment orthographier tel ou tel mot ou assurer sans erreurs l'accord de tel ou tel verbe, d'un tour de baguettes magiques. Il faut énoncer et expliquer l'objectif précis de l'enseignement et de l'apprentissage qui place les apprenants au coeur de l'apprentissage. Les difficultés d'apprentissage de l'orthographe sont encore plus importantes lorsque de nombreux élèves rentrent au second cycle avec « beaucoup de tares. »100, consécutives à une formation de base « incomplète, insuffisance, et incontrôlée»101, en lecture, en conjugaison et en grammaire ; « des insuffisants, prédisposés à échouer. »102, dans leur grande majorité. Un enseignement qui ne repose sur aucun objectif connu des apprenants n'est qu'une simple communication, un « enseignement au rabais. »103, qui conduit à l'incompréhension et/ou à la déformation de la notion enseignée, au retard pris par les élèves dans le processus d'apprentissage. Les piètres résultats obtenus par les apprenants suite à l'exécution de la leçon de grammaire corroborent l'hypothèse selon laquelle la mauvaise transmission des règles de grammaire est une difficulté d'apprentissage de l'orthographe. Tandis que l'énonce d'un

100 TRAORE, Idrissa S., La pré-exclusion et l'exclusion des élèves et étudiants au Mali, les paradigmes d'une disqualification par le bas, Juin 2018, ISSN : 1991-8666, Lettres d'Ivoire n°027. 377-389.

101 Idem. p.379.

102 Idem. p.379.

103 Idem.p.381

144

objectif opérationnel d'un enseignement lui donne un cachet particulier et un tonus pour les apprenants engagés dans le processus d'apprentissage.

A la suite de l'observation directe de la leçon grammaire sur les pronoms possessifs et afin de vérifier l'efficacité de l'enseignement donné, deux exercices d'évaluation ont été soumis aux apprenants. Le premier est un exercice à trou dont la consigne était : remplace les pointillés par un pronom possessif convenable ; le deuxième avait pour consigne : remplace le nom répété dans la phrase par le pronom possessif convenable. Les résultats de ces exercices de grammaire soumis à 91 apprenants sont classés en ordre décroissant de 14 à 0 sur 20, aucun élève n'a obtenu une note supérieure à 14 sur 20.

Les résultats de cette évaluation sont révélateurs d'une méthode de transmission, des connaissances et compétences, qui ne se préoccupe point de l'acquisition de celles-ci par les apprenants. Plus de 96% des apprenants n'ont ni compris ni appris la notion que le maître leur a transmise. Au-delà du nombre élevé des apprenants qui ont raté la moyenne, les mauvais usages qu'ils font des pronoms possessifs démontrent une mauvaise compréhension de la notion communiquée. Nous avons retenu quelques-unes des fautes d'orthographe lexicale et de grammaire commises par les apprenants sur les pronoms possessifs. Elles sont textuellement transcrites et soulignées : les notres, la tien, les tiennent, nos leur, nos siens, leurs votres, leur sien, la tien, la siene, le tienne, la miene, leurs tiens, nos miens, ma tien, le mient, nos tiennes, leur tient, ma mien, nos miennes. Ces graphies erronées du pronom possessif sont le résultat d'un enseignement théorique qui ne se préoccupe pas des acquisitions des apprenants. Elles n'ont rien de surprenant car elles sont consécutives à une mauvaise compréhension des pronoms possessifs, de la non maitrise de leur orthographe suite à une mauvaise transmission de la notion enseignée. L'incompréhension de la formation des pronoms possessifs les amène à faire la confusion avec les verbes : les tiennent, leur tient ou à écrire des graphies erronées telles que : leur sien, nos tiennes, nos leur, nos siens, ou encore leurs votres. Les fautes d'orthographe d'usage telles que : la miene, la siene, ou l'absence des accents circonflexes sur les pronoms : le notre ou le votre démontrent que les apprenants ne se sont pas familiarisés avec la graphie des pronoms possessifs. La relation traditionnelle maître-élève, c'est-à-dire, transmetteur-récepteur a prévalue au cours de cette transmission. Les résultats obtenus par les apprenants sont révélateurs de trois « situations inadéquats d'apprentissages » : primo, la leçon ne portait sur aucun objectif précis d'enseignement, secondo, les apprenants n'étaient pas mis au centre de leur apprentissage, tercio, aucun exercice d'évaluation ni formative, ni finale permettant de vérifier le niveau d'appropriation de la notion enseignée n'est soumis aux apprenants.

145

A la fin de la semaine, le maître donne un devoir de dictée de contrôle aux élèves de 8ème année. La dictée de contrôle ne portait sur aucune évaluation spécifique de l'orthographique d'usage lexical ou grammatical. La pratique de la dictée dite traditionnelle est en vigueur dans l'enseignement fondamental au Mali. Ce qui explique, en grande partie, les mauvaises notes enregistrées par les apprenants à ce niveau d'étude. Cinquante-sept élèves sur un effectif de soixante avaient effectué le devoir de dictée. Le texte de la dictée comportait 98 mots. Le texte a été lu une fois par le maître puis dicté aux élèves. Des questions de compréhension et de grammaire et de conjugaison ont été posées. A la fin de la diction, quarante-cinq minutes ont été accordé aux apprenants pour leur permettre de répondre aux questions de grammaire comme le recommande les instructions officielles de la pratique de la dictée. Toutes les fautes ont été systématiquement soulignées : les fautes de grammaire sont sanctionnées par le retrait d'un point tandis que les fautes d'orthographe lexicale sont sanctionnées par retrait d'un demi-point.

Les résultats de la dictée de contrôle se présentent comme ils suivent dans le graphique ci-après :

Graphique 13 : les résultats de la dictée de contrôle. Les notes sont classées de 00 à 10 : 00 sur 20, de 01 à 09, 10 sur 20.

01 à 09

3%

00 sur 20

95%

10 sur 20

2%

00 sur 20 01 à 09 10 sur 20

Source : Enquête Personnelle : Koutiala, Mai 2018.

A la lecture de ce graphique, nous constatons que la grande majorité des élèves a fait plus de 20 fautes et obtenu la note 0 sur 20. Seul un élève est parvenu à faire 10 fautes et obtenir 10 sur 20. En parlant de la dictée, Simard, 1996, cité par Kathy Wilkinson, (2009 : 11), affirme que c'est « une ineptie relevant de la pensée magique de croire que faire transcrire tant bien que

146

mal des textes tout-venant sans travail préalable et ne proposer pour toute aide que d'illusoires notes accompagnées de marques rouges suffisent pour faire apprendre l'orthographe. »

4.2.2.3-Analyse qualitative de l'observation directe d'une leçon de conjugaison sur l'imparfait de l'indicatif

L'observation directe des leçons de conjugaison nous a permis de nous en quérir des pratiques in situ des méthodes de transmission théorique des connaissances sur la conjugaison des verbes. L'exécution de cette leçon sur l'imparfait de l'indicatif a révélé de nombreuses insuffisances de la part de l'enseignant. Elle souffrait d'un manque d'objectif précis d'enseignement, d'une transmission théorique des connaissances et d'un manque d'implication des apprenants dans l'apprentissage de l'orthographe. La présence passive des apprenants est caractéristique d'une telle transmission où le maître est le seul détenteur du savoir. Or dans le domaine de l'enseignement de l'orthographe, il est capitale d'apprendre les apprenants à faire plutôt qu'à leur transmettre des théories et des règles plus fictives. Cette transmission sur la conjugaison des verbes à l'imparfait de l'indicatif n'a pas permis aux apprenants d'acquérir le savoir sur les terminaisons des verbes. Le savoir a été transmis, certes, mais le savoir n'a pas été acquis par ceux pour qui l'enseignement a été donné : les apprenants. Les résultats du devoir de grammaire sur l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif confirment ce constat.

L'observation directe in situ des leçons de lecture, de grammaire et de conjugaison, réalisées dans cadre de notre étude, nous ont permis de découvrir une méthode théorique de transmission des connaissances et des compétences en matières de la graphie des mots. « La relation traditionnelle maître-élève. »104, c'est-à-dire « transmetteur-récepteur. »105, a prévalu durant l'exécution des leçons observées. L'observation des deux leçons lectures expliquées nous a permis de comprendre que deux objectifs fondamentaux de la lecture ne sont pas atteints. Il s'agit de la maitrise d'une bonne prononciation des mots et de leur graphie correcte. La lecture est exercice qui consiste à en l'identification et en la prononciation des mots contenus dans un texte. Trois fonctions essentielles de la lecture sont mises à l'épreuve : la fonction visuelle des mots à lire, la fonction cognitive qui aide l'apprenant à combiner les phonèmes et graphèmes et la fonction phonologique, celle qui consiste à la produire le son correct. La traditionnelle méthode de transmission des connaissances où le maître est le seul détenteur du savoir, persiste, demeure, malgré l'évolution des méthodes actives qui placent l'apprenant au centre de son

104 Contribution à l'élaboration d'un curriculum dans l'enseignement secondaire en Afrique subsaharienne. Schéma conceptuel et processus de mise en oeuvre, Souleymane N'Diaye, Dakar, Juin 2004, p.21.

105 Idem.

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apprentissage. Elle s'est révélée inefficace eu égard aux mauvais résultats enregistrés par les apprenants lors des évaluations qui ont suivi ces enseignements. Face à cette situation, il convient de mettre en place une approche qui favorise « la restitution à l'élève sa place centrale dans les activités d'apprentissage. »106, des compétences orthographiques.

4.3- Interprétation des résultats d'enquête sur le terrain

Dans le chapitre précédent, nous avons présenté les données brutes recueillies suite aux différentes techniques d'enquête. Dans les sections qui ont suivi, nous avons soumis les données quantitatives recueillies suite au questionnaire et aux tests à une analyse quantitative, tandis que les discours recueillis auprès des enseignants de français du groupe scolaire second cycle de Darsalam, des enseignants de français à la retraite et du conseiller pédagogique au CAP de Koutiala à une analyse qualitative.

Notre hypothèse « l'Enseignement de l'Orthographe par Objectif est une solution aux difficultés d'apprentissage de cette discipline dans le système éducatif malien » nous a conduits à exécuter, dans la phase expérimentale, une leçon sur le thème : « Savoir accorder les verbes à l'imparfait de l'indicatif. L'évaluation de cet enseignement à travers la pratique d'une dictée par objectif a eu un impact positif sur la réussite des apprenants dans l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif.

Dans le processus d'acquisition des compétences orthographiques, il était important de comprendre les fréquentes erreurs d'orthographes lexicales et grammaticales commises par les apprenants dans leurs productions écrites. Les résultats de ces productions ont révélé des difficultés des apprenants d'accorder les verbes à l'imparfait de l'indicatif en fonction du ou des sujets. Ces erreurs grammaticales nécessitent une appropriation des mécanismes d'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif de la part des apprenants. Une enseignante et un enseignant ont exécuté la leçon de conjugaison sur le thème : savoir orthographier correctement les verbes à l'imparfait de l'indicatif selon la stratégie de l'enseignement de l'orthographe par Objectif, tandis que deux autres enseignants ont exécuté la même leçon selon la méthode de transmission théorique des connaissances. Nous sommes partis du constat que lorsqu'un enseignement est donné sur la base des erreurs faites par les apprenants, il se fixe un objectif précis, celui d'aider les mêmes apprenants à les éviter. Le maître s'assure, de de ce fait, de l'implication des apprenants dans le processus d'apprentissage afin de maximiser

106 Curriculum de l'enseignement fondamental au Mali, considérations générales, juin 2004, p.6.

148

l'efficacité de son enseignement. La méthode d'intervention des apprenants à tour de rôle les valorise et les invite à participer activement au processus d'apprentissage de l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif. Car il convient de tenir en haleine tous les apprenants et de les faire participer à leur propre apprentissage. Une telle implication des apprenants dans leur propre apprentissage conduit à des résultats

Dans la section suivante nous interprèterons les résultats des deux tests réalisés suite à l'Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) donné sur le thème : savoir accorder correctement les verbes à l'imparfait de l'indicatif.

? L'interprétation des résultats des groupes témoins dans l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif

La correction des copies des groupes témoins a révélé de nombreuses difficultés des apprenants à écrire correctement les terminaisons des verbes à l'imparfait de l'indicatif. Ainsi, selon nos constats sur de nombreuses copies, l'accord du verbe en fonction du sujet n'est pas un principe maitrisé par de nombreux apprenants de ce groupe.

Dans la phrase « Lorsque midi approchait... » 47 élèves sur 144 élèves des deux groupes témoins ayant subi le test, soit 33% avaient écrit « Lorsque midi approchais », tandis que 39 élèves soit 27% avaient orthographié « Lorsque midi approchaient... ». Ce qui fait un total de 74% de l'effectif du groupe qui ignorent la règle d'accord du verbe, ce qui les conduit à faire des fautes de grammaire.

Les erreurs commises sur les verbes apercevoir, saluer et prendre sont relatives à l'absence du -i de la première personne du pluriel à l'imparfait de l'indicatif. La graphie retenue par les apprenants est celui de la première personne du pluriel au présent de l'indicatif. Ainsi, 60 élèves sur 144 ont commis l'erreur sur le verbe apercevoir, 102 élèves sur le verbe saluer et 97 élèves sur le verbe prendre. Ce qui permet de constater que, respectivement, 42%, 71% et 67% des élèves ont retenu les graphies « apercevons », « saluons » et « prenons » du présent de l'indicatif au lieu de « apercevions », « saluions », et « prenions ». Cette confusion entre les terminaisons du présent et de l'imparfait de l'indicatif relève, de notre point de vue, d'une mauvaise assimilation des règles.

Dans la phrase : « Les femmes quittaient le village et se dirigeaient en file indienne », 99 élèves sur 144, soit 69% ont écrit « se dirigaient », ignorant la présence du -e avant la terminaison - aient, 56 autres soit, 39% ont écrit « se dirigeais ».

149

Dans les deux cas, les erreurs commises sur l'accord des verbes « approcher » et « tenir » relèvent, d'une part, de la méconnaissance totale de la règle d'accord du verbe, d'autre part du manque de maniement des verbes lors des exercices pratiques de la part des apprenants. Danièle Cogis, (2005), rapportée par Kathy Wilkinson, (2009 : 158), résume cette situation en affirmant que «Les graphies semblent flotter en apesanteur, sans relations entre elles, uniquement rattachées à l'idée du verbe.» Tout se présente pour ces apprenants comme si écrire une terminaison à la fin d'un verbe à un temps relève d'un fait de hasard.

? L'interprétation des résultats des groupes expérimentaux dans l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif

L'Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) a permis aux apprenants des groupes expérimentaux d'acquérir des performances remarquables constatées suite à la pratique de la dictée par objectif. Cette nouvelle approche a placé les apprenants au centre de l'apprentissage de la conjugaison des verbes à l'imparfait de l'indicatif.

Les résultats des dictées par objectif ont permis de constater une réduction considérable de nombres de fautes commises dans l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif.

Sur le verbe s'engouffrer, seulement 12% des apprenants des deux groupes expérimentaux ont commis la faute en écrivant « le couscous du fait des épices, [...] s'engouffraient ». Si 74% des apprenants des groupes témoins ont commis la faute en écrivant « Lorsque midi approchaient », ils sont 6% seulement des groupes expérimentaux à commettre la même erreur. Les résultats ont révélé que 55% des apprenants des groupes témoins ont obtenu la note éliminatoire de 00 sur 20 pendant qu'aucun apprenant des groupes expérimentaux n'a enregistré cette note. Ce qui nous permet d'inférer que l'Enseignement de l'orthographe par l4objectif et son évaluation à travers la pratique d'une dictée par objectif contribuent de façon efficace à l'apprentissage de l'orthographe française et améliore le niveau des apprenants dans les classes de 7ème, 8ème et 9ème années de l'enseignement fondamental au Mali.

La différence très significative entre le groupe témoin et le groupe expérimental en ce qui concerne la réussite de l'accord des verbes à l'imparfait de l'indicatif nous permet de confirmer notre hypothèse qui soutient que l'Enseignement de l'Orthographe par Objectif (EOO) a un impact positif chez les élèves dans l'apprentissage de l'orthographe.

Le chapitre suivant présente la synthèse des analyses et les suggestions susceptibles d'améliorer l'apprentissage de l'orthographe au second cycle de l'enseignement fondamental au Mali.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle