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Gestion de la pollution azotée de la ressource en eau en milieu agricole: Influence des dispositifs agri-environnementaux territorialisés dans le bassin versant de la Seille

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par Romain BOURGUE
Université du Maine - Faculté de Géographie et d'Aménagement  - Master 2 Politiques Territoriales du Développement Durable 2013
  

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Partie 4 : Perspectives d'évolution des dispositifs

agri-environnementaux : adaptation territoriale et

gestion de la pollution azotée.

L'étude de l'évolution des teneurs en azote d'origine agricole dans le bassin versant de la Seille a montré l'insuffisance des dispositifs agri-environnementaux mis en place à ce jour.. L'analyse des conditions de mise en oeuvre du programme agri-environnemental, couplée aux retours d'expériences menées sur d'autres territoires, devrait permettre d'envisager les axes de satisfaction et de progrès des mesures proposées. A l'échelle du bassin versant, quels sont les facteurs de réussite et d'échec de la contractualisation avec les agriculteurs ? Comment augmenter et garantir techniquement l'efficacité des dispositifs ? Quels leviers mettre en oeuvre pour l'adaptation d'un programme agri-environnemental répondant plus précisément aux spécificités territoriales ?

1. Adhésion des agriculteurs aux dispositifs agri-

environnementaux

La réponse des agriculteurs et les modalités de leur insertion dans le processus agri-environnemental proposé conditionnent de manière prédominante l'efficacité de ce dernier. L'adaptation des mesures aux enjeux territoriaux dépend directement de l'appropriation par les agriculteurs de règles co-construites avec les gestionnaires autour d'une perception partagée des enjeux.

Les échanges réalisés avec les gestionnaires et conseillers du monde agricole (Chambre d'agriculture 57 et 54, Laboratoire de contrôle agricole) permettent d'appréhender les motifs d'adhésion ou de refus des contrats agri-environnementaux.

1. Facteurs d'échec

La contrainte majeure pour l'exploitant est de pouvoir vivre de son activité. Les marges étant réduites et l'aspect financier au coeur de la problématique, les agriculteurs ne montreront un intérêt qu'envers des mesures déjà éprouvées et peu risquées pour la production. Aussi, sur le bassin versant de la Seille où la plupart des agriculteurs montrent un attachement fort à leur patrimoine, l'adhésion reste toutefois plus aisée pour des mesures qui en plus de présenter un meilleur bilan environnemental, allient un maintien voire une progression de la rentabilité économique et une amélioration des conditions de travail.

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Quatrième partie :

Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

La perception des dispositifs agri-environnementaux et des gestionnaires

L'adhésion des exploitants repose sur la confiance qu'ils portent aux contrats proposés par les acteurs territoriaux. La perception des agriculteurs et l'image qu'ils se font des processus qui les entourent est, en ce sens, un aspect primordial de la réussite du programme agri-environnemental.

Vis-à-vis des gestionnaires, la relation de confiance reste hétérogène sur le bassin versant comme sur d'autres territoires. Les professionnels du secteur amont du bassin versant, cibles d'une gestion prioritaire, font relativement confiance aux techniciens locaux de la Chambre d'agriculture à force de contacts. Les techniciens rivière ou les agents des services déconcentrés de l'Etat (DDT, ONEMA, AERM) ne bénéficient pas majoritairement de cette relation de confiance. La multiplicité des acteurs, publics ou privés, à laquelle peut être confronté l'exploitant peut accroire le sentiment de méfiance au détriment du sentiment de confort et entrainer un phénomène de repli corporatiste (non présent sur le bassin versant de la Seille). Plus les agriculteurs sont regroupés en syndicats puissants, plus il est délicat de faire évoluer leur pratiques professionnelles.

L'image dont bénéficient les contrats agri-environnementaux auprès des agriculteurs n'est pas au meilleur niveau en raison de la lourdeur des aspects administratifs d'une part, et de la multiplication des dispositifs d'autre part. En effet, le manque d'ergonomie administrative et la lenteur des démarches sont un critère de non-adhésion majeur et inhérent au système français qui multiplie les interlocuteurs au détriment de la clarté du circuit administratif. Il est ainsi plus facile administrativement parlant de bénéficier des subventions de la PAC que des aides environnementales. Auprès des agriculteurs, la saturation des services administratifs et l'absence de solution contribuent à véhiculer une image de volonté politique peu marquée et en manque de moyens.

D'autre part, la succession et la multiplication des contrats a contribué à discréditer les programmes agri-environnementaux. Les exploitants, pourtant volontaires, hésitent à s'investir dans des mesures qui paraissent ponctuelles, garanties sur un terme trop court ou pour lesquelles la sécurité d'être financés parait aléatoire. La dispersion des conseils provenant des acteurs publics, ou des réseaux privés aux techniques plus commerciales, contribuent à masquer la cohérence des mesures aux exploitants.

La perception des pratiques agricoles et de l'environnement

Les campagnes d'information et de sensibilisation ont fortement réduit la perception erronée de l'environnement par les agriculteurs. Sur le bassin versant de la Seille, le phénomène semble relativement minoritaire. Bien souvent, les agriculteurs réfractaires tendent à minimiser l'impact de leurs pratiques sur la dégradation de la qualité de l'eau. Sur la Seille, certains exploitants persistent à nier la pollution nitratée de l'eau puisqu'elle « ne se voit ni se sent pas ». Le rôle des effluents d'élevage est parfois remis en cause puisque ces derniers sont perçus comme des déchets de production au pouvoir fertilisant moindre qui ne justifie pas d'en faire un apport complémentaire des engrais minéraux, mais supplémentaire. De même, certains agriculteurs de la tranche d'âge supérieure privilégient encore le sens pratique,

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Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

la routine et la connaissance empirique du milieu pour orienter leurs pratiques professionnelles.

Les difficultés rencontrées par les gestionnaires dans la mise en oeuvre du programme de renaturation de la Seille montrent à quel point cette mauvaise perception peut être délicate à résoudre. La « mauvaise foi » ou le simple manque d'information sur le fonctionnement du milieu naturel favorise le scepticisme quant à l'intérêt de la restauration, notamment sur les affluents plus discrets comme la petite Seille, qualifiée de « fossé » par quelques agriculteurs. Certains exploitants s'y opposent, d'autres négocient les aspects de la renaturation en leur faveur ou réclament une visibilité immédiate et une garantie d'efficacité dès la fin des travaux. Les droits et devoirs sont parfois mal connus ou rejetés.

2. Facteurs d'adhésion

En dépit de défauts inhérents à leur conception, plusieurs aspects des contrats agri-environnementaux constituent un avantage non négligeable pour les agriculteurs qui les considèrent comme des motifs suffisants pour contractualiser.

Les bénéfices financiers représentent l'argument principal des agriculteurs lors de l'adhésion. Moins la mesure est financée, moins elle rencontre de succès, quel que soit le territoire. Les mesures subventionnées constituent une aubaine pour les agriculteurs volontaires qui y voient l'occasion de faire financer des pratiques qu'ils ont, pour beaucoup d'entre eux, déjà adoptées partiellement. C'est également l'opportunité de capter des capitaux en vue de moderniser leur outil de travail par des investissements infrastructuraux.

L'adhésion à un dispositif peut favoriser l'amélioration des conditions de travail lorsqu'elle est source de réorganisation fonctionnelle. Elle peut également apporter à l'exploitant un ensemble d'outils technico-économiques (analyse des sols, logiciels de fertilisation...) et un encadrement confortable. La recherche de ce type de relation « donnant - donnant » entre agriculteurs et gestionnaires est une des raisons du succès des mesures agri-environnementales dans le secteur amont du bassin versant de la Seille : une mutualisation des efforts a pu donner aux exploitants l'assurance de s'insérer dans une démarche construite et collective autour d'enjeux locaux qui leur sont chers. La tendance de contractualisation s'est alors propagée, l'enjeu pour les exploitants devenant de ne plus rester à l'écart de l'encadrement, des conseils et de la proximité offerte notamment par la chambre d'agriculture.

La contractualisation permet de pallier à la crainte d'un renforcement de la règlementation et des moyens de contrôle des pratiques professionnelles par les pouvoirs publics. Les agriculteurs peuvent avoir tendance à s'engager pour éviter une sanction future et bénéficier des crédits disponibles par la même occasion.

De manière générale, tous les facteurs d'adhésion et les leviers possibles pour les renforcer reposent sur la qualité et la précocité de la communication développée par des acteurs comme la Chambre d'agriculture. Plus tôt les exploitants sont insérés dans le processus d'implantation des mesures agri-environnementales, plus forte sera la relation de confiance établie. Les échanges visant à comprendre l'attachement de l'exploitant à son environnement pour adapter les démarches d'orientation des pratiques sont alors facilitées.

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3. Le cas des stratégies d'adaptation

Lorsque qu'un programme agri-environnemental est mis en place selon une démarche intégrée et dans la recherche d'une adaptation territoriale, il permet aux agriculteurs de transformer des contraintes à finalité environnementale en opportunités pour la conduite de leur exploitation. Néanmoins, il arrive que certains exploitants, notamment par corporatisme, déploient un comportement offensif d'adaptation des programmes publics. Une négociation entre les organisations professionnelles les plus influentes et les préconiseurs des pouvoirs publics a lieu. Les prescriptions techniques et environnementales sont alors déviées pour être adaptées aux réalités économiques et sociales des exploitations. Le programme agri-environnemental perd donc en partie sa vocation environnementale. Ce phénomène a pu être observé dans des départements en déclin socio-économique comme les Vosges. De manière générale, lorsque les mesures sont trop standardisées, le jeu d'acteurs tend à les infléchir sur son territoire, et lorsque les mesures sont réellement flexibles, le phénomène d'instrumentalisation peut être majoritaire. L'acceptation sociale de tout programme d'action permet d'éviter la dégradation de sa finalité environnementale.

Rappelons toutefois que la démarche intégrée et l'adhésion forte d'une partie des agriculteurs d'un territoire ne suffisent pas à réduire de manière significative la pollution azotée sur un bassin versant. En effet, ces leviers ne permettent pas de faire évoluer les pratiques peu respectueuses d'une minorité d'agriculteurs ne se sentant pas concernés par les problématiques environnementales. C'est là le défaut des mesures volontaires qui possèdent un succès de contractualisation et pérennisent les bonnes pratiques déjà en place chez les professionnels sensibilisés, mais ne permettent pas à ce jour la réduction très significative de la pollution azotée.

2. Perspectives d'évolution des mesures pour une efficacité accrue 1. Amélioration des pratiques agricoles

La recherche d'une meilleure efficacité des programmes agri-environnementaux laisse envisager des perspectives d'amélioration des pratiques agricoles proposées. Sur le bassin versant de la Seille, les agriculteurs respectent, dans leur grande majorité, les normes mises en place. La réglementation imposée par la Directive nitrate a permis de réduire les pratiques les moins respectueuses de l'environnement, particulièrement en ce qui concerne l'épandage des effluents. Les programmes départementaux successifs se sont améliorés au cours du temps : le premier programme départemental (1996-2000) ne prenait pas suffisamment en compte les spécificités territoriales du bassin versant ; le deuxième programme intégrait des paramètres supplémentaires concernant les infrastructures et la mise en place des CIPAN ; le troisième programme misait sur la pédagogie en faveur d'une gestion facilitée pour l'exploitant, en plus

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de prévoir le maintien de bandes de végétation rivulaires ; enfin, le quatrième programme prévoit la couverture végétale des sols depuis 2011.

Des marges de progression sont encore possibles sans remettre en cause la productivité. Elles permettraient de se rapprocher des objectifs de qualité de l'eau :

y' Mieux valoriser les déjections par la prise en compte de la complémentarité entre fertilisation minérale et fertilisation azotée organique. Un contrôle plus élaboré des pratiques d'épandage et des plans de fumure pourrait être envisagé.

y' Encourager le maintien ou la réimplantation des éléments paysagers structuraux qui réduisent le ruissellement et les flux de nitrates vers le cours d'eau : bandes enherbées suffisamment larges et haies arbustives. Un effort de promotion autour des MAEt « Haies » devrait être fourni pour pallier à l'échec de contractualisation rencontré sur le bassin versant.

y' Généraliser de manière encore plus efficace le couvert végétal en hiver.

y' Encourager l'allongement des rotations.

y' Poursuivre les études en cours de drainage sur filtres végétaux (botte de paille à la sortie des drains par exemple).

y' Poursuivre les efforts engagés pour la préservation des zones humides qui constituent des zones de dénitrification naturelles.

De manière plus générale, il pourrait être intéressant de réfléchir à une meilleure adaptation des pratiques professionnelles aux enjeux économiques et environnementaux :

y' Expérimenter, financer et encourager le partage d'expériences des nouvelles pratiques agricoles favorables à la qualité de l'eau : mécanisation, rotations, équipements de pointe...

y' Mener une réflexion sur les opportunités d'échanges de parcelles ou d'assolement en commun.

y' Réviser la prime à l'herbe pour une politique de l'herbe économiquement viable et favorable au maintien des prairies sur les parcelles hors périmètres MAE et Natura 2000.

y' Envisager la mesure régulière des reliquats d'azote après récolte sur les parcelles afin d'orienter les exploitants vers un ajustement des apports.

y' Equilibrer les orientations des MAEt, trop dirigées vers la préservation de la faune et de la flore remarquables, et faisant de la qualité de l'eau un objectif secondaire.

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2. Evolution des relations entre acteurs

L'interrelation entre acteurs est un aspect primordial de l'efficacité d'un programme agri-environnemental et de la dynamique territoriale dans lequel il s'insère. A ce titre, trois structures principales sont à même d'établir des liens entre les politiques publiques et les agriculteurs dans un rôle d'impulsion et de dynamisation : les Chambres d'agriculture, les Agences de l'eau et les Collectivités.

Par ses atouts de communication et sa proximité avec les agriculteurs, la Chambre d'agriculture départementale constitue une interface de choix à même d'assurer la promotion des PAE, comme en témoigne le programme Agri-Mieux qui connait un fort dynamisme sur le bassin versant de la Seille grâce à l'effort de ses gestionnaires. Aucune structure ne pourrait substituer ce type d'interface.

Les collectivités et les Agences de l'eau doivent également coordonner et articuler leurs actions afin de faire gagner en efficacité aux dispositifs.

Le cas du programme de renaturation de la Seille illustre à quel point il peut être laborieux d'établir un consensus autour d'un projet pourtant essentiel. Trois syndicats se partagent la Seille : le Syndicat Intercommunal d'Aménagement Hydraulique de la Seille en aval, le Syndicat Interdépartemental d'Assainissement et de Curage de la Seille en secteur médian et le Syndicat Intercommunal du Bassin Versant Amont de la Seille. La sensibilisation autour de la nécessité d'un programme de renaturation, initiée il y'a plus de 10 ans par l'Agence de l'Eau Rhin-Meuse, a eu un impact hétérogène sur les différents syndicats. Suite à l'absence de soutien des élus, des représentants des différents syndicats, de la DDAF et des riverains de longue date des communes concernées, ce sont finalement les agriculteurs qui ont contribué à débloquer le projet. Sensibilisés par le chantier de démonstration mis en place par l'AERM et définitivement convaincus par les effondrements de berges en bordure des parcelles par l'érosion de la rivière, les exploitants sont parvenus à faire entendre raison au syndicat de curage.

Tout projet territorial à finalité environnementale voit son efficacité conditionnée par la présence non seulement utile, mais obligatoire de chacune des parties concernée.

3. Vers la coordination et l'adaptation territoriale La coordination des mesures agri-environnementales

Les dispositifs agri-environnementaux permettant la lutte contre la pollution azotée d'origine agricole sont nombreux et présentent leurs avantages et leurs inconvénients respectifs. Néanmoins, seules leur coordination et leur généralisation à l'échelle du territoire mènent à une gestion pérenne et efficace de la qualité de l'eau.

A titre d'exemple, le succès du dispositif CTE « Collectif du Saulnois » sur le bassin versant de la Seille est imputable à l'action collective qui a été menée. Sur bien d'autres territoires, le CTE fait l'objet d'un bilan mitigé résultant d'un manque de moyens et d'efforts pour la maitrise financière du dispositif et la coordination de sa mise en place. En résulte une implantation fondée sur des démarches individuelles et privilégiant l'aspect quantitatif à l'aspect qualitatif.

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Les périmètres Natura 2000, notamment sur la vallée de la Seille, témoignent dans ce sens. Les résultats obtenus en termes de réduction de la pollution azotée d'origine agricole montrent l'intérêt d'une bonne articulation des dispositifs agricoles. Ils constituent un exemple de gestion agri-environnementale concertée.

En dépit du zonage de la Directive nitrate qui induit déjà des restrictions en termes de pratiques agricoles à l'échelle de bassins versants, l'absence de généralisation des mesures au sein d'un programme d'action cohérent est à déplorer sur la majorité des territoires concernés. A ce titre, la réalisation d'un SAGE permet de prendre en compte un ensemble d'actions telles que la restauration de cours d'eau et les opérations d'assainissement. Il peut constituer un outil efficace pour l'amélioration de la qualité de l'eau. La possibilité pour les collectivités locales de s'associer en Etablissements Publics Territoriaux de Bassin permet également d'homogénéiser les pratiques en surmontant le morcellement administratif et des compétences. De manière plus générale, la mise en place des Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE) pour la conditionnalité des aides de la PAC dès 2013 devrait apporter une certaine généralisation des pratiques favorables à la qualité de l'eau et resituer l'objectif de bon état des eaux prévu par la DCE au premier plan.

A l'échelle des parcelles, la forme des contrats agri-environnementaux rend leur articulation complexe, notamment en ce qui concerne les MAEt. Ces mesures territorialisées, pourtant efficaces, ne peuvent être cumulées avec les autres engagements agri-environnementaux « de base » que sont la PHAE, le CTE, le CAD ou les MAE de type rotationnelles. De même, la forme des contrats de type CTE et CAD n'est pas directement négociée à l'échelon locale mais avec les représentants du secteur agricole à l'échelon national. Dans ce contexte, comment adapter les programmes agri-environnementaux aux spécificités territoriales tout en permettant leur coordination ?

L'adaptation des politiques agri-environnementales aux enjeux territoriaux

La territorialisation des programmes agri-environnementaux est une des clés de la gestion de la qualité de l'eau. Elle permet de répondre au mieux aux enjeux locaux en conciliant politiques publiques agricoles et politiques de préservation de la ressource en eau.

La mise en place des MAEt est une première étape dans la volonté de renforcer les échelons régionaux et locaux avec la mise en place de zonages prioritaires où l'adéquation entre les mesures proposées et les enjeux territoriaux de préservation est censée être optimal. Dans ce cas, comment élaborer un programme agri-environnemental d'ensemble sachant que chaque zonage possède ses particularités ? Autrement dit, les zonages proposés par les MAEt sont-ils cohérents avec la généralisation des mesures recommandée à l'échelle du bassin versant ? Si non, quel compromis trouver entre des zonages très spécialisés où sont appliqués des MAEt à l'échelle de la parcelle, et un programme agri-environnemental à l'échelle du bassin versant ne pouvant pas prendre en compte toutes les spécificités territoriales ?

La localisation des MAEt dans des zones éligibles aux critères de délimitation variables dans le temps et l'espace est un inconvénient souvent évoqué dans le bilan mitigé du dispositif. Ces mesures font pourtant parties des dispositifs les plus efficaces dans les périmètres où elles sont appliquées en complément d'autres mesures et soutenues par une gouvernance locale (périmètres Natura 2000 + suivi Agri-mieux par exemple). Les MAEt ne sont cependant pas

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transposables telles quelles à l'ensemble du bassin versant en raison de leur spécialisation à l'échelle de la parcelle et de la difficulté qui en résulterait pour leur coordination.

Ainsi, sur un bassin versant de grande taille relativement hétérogène, il parait favorable, dans un premier temps, d'assurer une coordination globale des dispositifs agri-environnementaux, tout en ciblant des zones spécifiques aux enjeux primordiaux pour lesquelles sont conçues des mesures adaptées. Ce fonctionnement avec zonages permet de résoudre les problèmes liés à la fertilisation azotée dans les secteurs les plus soumis à la pression agricole, sans suffire à améliorer durablement la qualité de l'eau de manière significative sur l'ensemble du bassin versant. En ce sens, ce système peut éventuellement constituer une première étape, mais ne peut pas être une finalité en soi vis-à-vis des objectifs de la DCE.

3. Vers le développement d'une MAEt « Systèmes de culture économes en intrants » ?

Comme de nombreuses politiques publiques, les MAEt sont élaborées selon un schéma « top-down ». Leur cahier des charges est construit à partir d'engagements unitaires élémentaires par concertation au niveau national et doit ensuite être adapté localement pour répondre de manière optimale aux enjeux locaux. Cependant, comme évoqué précédemment, la transition de l'échelon national à local comporte des risques : stratégies d'appropriation, adaptation sommaire aux enjeux locaux, non-adhésion des exploitants par manque de confiance envers leurs interlocuteurs... La mise en place de la gouvernance locale est rarement sans obstacle. Plus rarement dans les politiques agri-environnementales, les mesures naissent d'une démarche « bottom-up ». Une succession d'initiatives locales réussies par les exploitants est portée jusqu'au niveau national. Dans ce cas, l'instrumentalisation des mesures ou la réticence des agriculteurs pour la contractualisation est limitée.

Récemment, un tel procédé a montré des caractéristiques intéressantes pour près de 1500 agriculteurs de l'ouest de la France : la MAE « Systèmes fourragers économes en intrants » (SFEI). Construite par les agriculteurs selon un ensemble cohérent d'engagements, la SFEI s'applique à l'ensemble de l'exploitation (de l'assolement à l'alimentation du troupeau en passant par la fertilisation) contrairement aux MAEt qui concernent le plus souvent les parcelles. L'intérêt d'une telle approche est de pouvoir reconcevoir le fonctionnement d'une exploitation sans les blocages occasionnés par les démarches partielles et monothématiques. Dès lors, l'idée d'élaborer une seconde MAE généralisable à plusieurs types d'exploitations a fait son chemin en respectant la même démarche ascendante. La MAE « Systèmes de culture économes en intrants » (SCEI), applicable aux exploitations à dominante grandes cultures (aux céréaliers comme aux éleveurs de monogastriques), a été testée de 2008 à 2012 dans 56 exploitations volontaires aux conditions pédoclimatiques, aux orientations technico-économiques et au mode de gestion (intensif à agriculture biologique) différents. Le cahier des charges initial, difficile à mettre en oeuvre pour la plupart des exploitants par son exigence, a été amendé et simplifié en 2012 afin de le rendre performant au niveau environnemental et réalisable sur le plan technico-économique (Cf. Annexe). L'avantage

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Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

second de cette MAE est l'utilisation de leviers agronomiques qui ont une certaine portée pédagogique et modifient progressivement et « en cascade » les pratiques sources d'azote. A titre d'exemple : l'interdiction de l'usage d'un raccourcisseur de tiges implique la réduction de la fertilisation azotée ; l'obligation de diversification des cultures induit la mise en place de cultures de printemps ... La réussite d'une telle mesure implique la mise en action simultanée de tous les leviers. L'accompagnement de l'exploitant, sans toutefois lui imposer une solution « clés en main », est indispensable à ce type d'opération.

Les études en cours témoignent toutefois des difficultés de mise en place de telles mesures à grande échelle : modifications profondes de l'organisation du travail, augmentation des déplacements entre parcelles plus petites et diversifiées ou encore investissements en matériel qui « devraient » être compensées économiquement par la réduction des charges liées à l'achat d'intrants. Les SCEI possèdent le deuxième inconvénient d'être spécialisées aux régions du grand Ouest dont les systèmes de production bénéficient d'un atelier d'élevage. Leur transposition aux exploitations spécialisées en grandes cultures pourrait poser un problème de débouché pour les cultures de diversification (fourrages, légumineuses) pour lesquels il n'existe pas toujours de filière ou d'atelier d'élevage pour valoriser la production. Ce type de MAE pourrait cependant convenir aux exploitations présentes sur le bassin versant de la Seille. La SCEI nécessite également une adhésion de long terme qui doit être rendue possible par les politiques nationales.

Comme pour toute politique publique susceptible d'être implantée à grande échelle, il conviendrait d'évaluer les conséquences économiques de la généralisation des SCEI, non seulement sur les agriculteurs, mais également sur les acteurs économiques en amont et en aval des exploitations.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Type de MAE

Entrée de gamme

Ciblage

Echelle d'application

Niveau d'exigence

Type d'impact attendu

PHAE

Pratiques ayant des effets

A la parcelle, plus

Moyen et identique pour

Amélioration individuelle d'ampleur modérée mais

concernant un grand nombre d'exploitations. Permet la

MAE rotationnelle

Territorialisée

simultanés sur plusieurs

enjeux

rarement à l'ensemble

de l'exploitation

tout l'hexagone

consolidation de pratiques simples et respectueuses

dans une majorité de contextes

 

Un enjeu prioritaire

Parcelles comprises

dans un territoire cible

Elevé et adapté au territoire

Résolution d'un problème agri-environnemental

MAEt

unique et bien identifié

défini en fonction de

visé

 

(eau ou biodiversité)

l'enjeu

prioritaire et spécifique d'un territoire

Ensemble intégré d'enjeux

et de pratiques à l'échelle

de l'exploitation

A l'exploitation, dans

une région donnée ou

un bassin de production

Moyen à élevé s'il implique

un changement de système

Accompagnement intégré de la transition de certains

systèmes de production communs vers une agriculture

durable en utilisant des leviers simultanés

Tableau X : Récapitulatif des logiques d'action des différentes MAE

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Quatrième partie :

Perspectives d'évolution des dispositifs La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

La démarche « bottom-up » apparait comme une démarche originale et plutôt pertinente pour l'élaboration de systèmes agricoles économes en fertilisation azotée. La réussite bretonne des SFEI et des SCEI ne garantit toutefois pas leur transposabilité à tous les systèmes de culture. En ce sens, une solution envisageable pourrait être de s'inspirer à la fois des MAEt et des SFEI. La définition des unités d'engagement dans les MAEt pourrait se doter d'un processus d'amélioration efficace et fondé sur les retours d'expérience inspirés de la démarche « bottom-up » à l'origine des SFEI. Inversement, la formation et l'animation inhérentes au dispositif MAEt devrait favoriser la diffusion des SFEI.

Il conviendrait donc, pour les gestionnaires, d'utiliser les MAE comme une « boite à outils » et non comme une solution « clé en main », figée. Il s'agit de ne pas privilégier une approche (biodiversité, eau...) sur une autre mais de réussir à les équilibrer et à considérer leur interaction avec les MAE voisines pour apporter de la cohérence au dispositif agri-environnemental (Par exemple, coordonner tous les volets « Eau » des MAEt d'un territoire) Dans ce contexte, la caractéristique principale d'une politique publique agri-environnementale efficace en termes de réduction de la pollution azotée devrait être sa possibilité d'allier une démarche « top-down » qui assurerait la transposition d'un cadre commun au niveau local, et une démarche « bottom-up » qui laisserait la possibilité aux exploitants et aux acteurs locaux de définir eux-mêmes la forme des MAEt les plus à même de constituer des outils pour répondre aux spécificités de leur territoire.

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Conclusion La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway