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Du patient objet au patient sujet.


par Marie Jutteau
IFSI des diaconesses - Université Paris Descartes - Diplôme d'état infirmier 2019
  

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II.3. Le consentement

Selon le Larousse, le consentement se définit par le fait de donner son accord à une action, à un projet, par une approbation ou un acquiescement. Il est tout de même intéressant d'approfondir cette définition de manière à comprendre son implication dans le soin, car il est important de ne pas confondre « approuver » et « ne pas empêcher », c'est-à-dire distinguer « permettre passivement » et « adhérer activement ».

II.3.1. L'histoire du consentement et le code de Nuremberg

Le consentement apparaît dans la pensée stoïcienne et se rapproche de l'idée de résignation. En effet, il se traduirait par « l'acte d'acceptation dirigé à l'endroit de quelque chose qui nous dépasse, contre quoi on ne peut rien, mais que l'on fait paradoxalement sien acquiesçant à sa présence 1». Epictète définit alors « ce qui dépend de nous » et « ce qui ne dépend pas de nous », et conseille de consentir (dans le sens de nous résoudre) à ce qui ne dépend pas de nous car, pour les stoïciens, nous devons nous soumettre à ce qui est extérieur à nous.

Aristote, lui, ne mentionnera pas le consentement comme un acte de volonté ou un acte d'acceptation mais à travers l'acte consenti2. Cet acte serait fait de plein gré, guidé par le désir associé à la raison. Si l'acte était seulement réalisé selon son désir alors ce serait agir malgré soit et sous contrainte.

John Locke, philosophe du XVIIème siècle, définit l'autorité comme un protecteur des lois naturelles, les hommes doivent respecter les lois pour qu'ils puissent bénéficier en échange de la protection de leur liberté.3 Il introduit alors la notion de « trust » qui signifie que le peuple donne sa confiance et son consentement au gouvernement afin d'éviter tout pouvoir absolu. Le consentement est au centre de sa réflexion : pour lui, seul un pouvoir se fondant sur le consentement de son peuple est légitime.

1 MONTEILS-LANG, L.2008 p 31-43

2 MONTEILS-LANG, L., 2013,tome 76, n°3 pp. 441-457.

3 JAUNAIT,A, 2003,no 11, p. 59-79

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L'importance accordée au corps et à l'autonomie de l'individu, à la capacité de décision et au respect de l'intégrité du sujet s'inscrit en grande partie grâce au code de Nuremberg, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, le procès de Nuremberg dénonce et punit les expérimentations effectuées par des médecins nazis sur les prisonniers des camps de concentration en éditant une liste de dix critères. Ces dix critères1 énumèrent les conditions que les expérimentations doivent suivre pour être considérées comme acceptables et permettent de poser les premières bases de la bioéthique.

Suite au procès d'Eichmann2, Hannah Arendt, politologue, philosophe et journaliste du XXème siècle, dénonce le manque de responsabilité3 et la négligence du consentement. Dans sa philosophie morale, elle différencie la notion du consentement à celui de l'obéissance, elle rappelle que le consentement est propre à l'adulte par son approbation en connaissance de cause alors que l'obéissance serait propre à l'enfant par l'acquiescement sous contrainte.

Dans les années 70, le rejet du modèle médical paternaliste se fait entendre grâce aux débats bioéthiques modernes. Gerald Dworkin, célèbre professeur de philosophie et d'éthique, définit le paternalisme tel « une intervention sur la liberté d'action d'une personne, se justifiant par des raisons exclusivement relatives au bien-être, au bien, au bonheur, aux besoins, aux intérêts ou aux valeurs de cette personne contrainte ». Autrement dit, le paternalisme médical est une attitude qui refuse l'autodétermination du patient ainsi que ses droits et son autonomie décisionnelle. Cette conduite ne donne donc pas de place au consentement. Cette déviance peut s'expliquer par le statut du professionnel de santé face à un individu considéré comme vulnérable en raison de sa maladie : de ce fait, il interprèterait que le patient soit inapte à prendre une décision et donnerait alors au soignant le pouvoir de décision. Cette explication trouve sa source dans le serment d'Hippocrate qui induirait que le praticien devait préserver l'usager des informations qu'il avait pour l'intérêt présumé de l'usager. Ce paternalisme médical est seulement remis en question législativement en France en 1995 dans le code de déontologie médicale. Il aura fallu attendre 50 ans pour que le concept paternaliste du diagnostic (article 30 code 1947) laisse place à l'exigence du consentement.

1 Cf. Annexes I

2 Eichmann : Adolf Eichmann, haut fonctionnaire du Troisième Reich, officier 55 et membre du parti nazi. Le 11 avril 1961, à Nuremberg, il est déclaré coupable des quinze chefs d'accusation, dont ceux des crimes contre les juifs et crimes contre l'humanité. Il est alors condamné à mort.

3 Responsabilité morale : pouvoir personnel de jugement

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La question du consentement, qu'il soit dans le domaine médical, juridique ou politique, relève la problématique de ce qui est jugé acceptable ou non sur le plan normatif1. Alan Wertheimer, écrivain américain, parle alors de caractère « moralement transformateur » du consentement2, c'est-à-dire la capacité que le consentement a pour modifier la légitimité d'une action en la rendant acceptable alors qu'elle ne le serait pas autrement. Dans son article « Consent to sexual relations », A. Wertheimer relie la notion du consentement à celle de l'autonomie, la non-exploitation et la non-coercition. Pour lui, la non-validité du consentement conduit à un manque de respect de l'autonomie de l'individu. De ce fait, pour être valide, le consentement devrait être libre, éclairé et fournit par un sujet compétent. Ces trois critères sont primordiaux et inscrit désormais dans la loi.

Pourtant, malgré l'évolution de la considération de l'autonomie et le pouvoir de décision de l'individu, le respect du consentement reste tout de même instable. L'affaire Weinstein en est une illustration actuelle. En effet, la révolte historique de nombreuses femmes révèle de multiples cas d'agressions sexuelles perpétrés par Harvey Weinstein, célèbre producteur de cinéma américain. Cette révolte a fait naître les mouvements féministes « #MeToo » ou « #BalanceTonPorc » en France pour dénoncer le harcèlement et les agressions sexuelles subies par les femmes dans leur vie quotidienne. Ces dénonciations ont permis de relancer le débat de la définition et de la place du consentement dans la société.

Ce mouvement s'étend dans le milieu médical notamment dans le domaine gynécologique et obstétrical où « un sexisme ordinaire » est révélé. Des documents de l'université de médecine Lyon Sud révèlent qu'il est attendu par les étudiants de réaliser des touchers vaginaux sur des patientes endormies (donc non-consentante) dans le cadre de leurs études. Depuis, sur les réseaux sociaux, de nombreux témoignages voient le jour avec l'hashtag « Paye ton gynéco » ou « BalanceTonHôpital ». Une enquête du Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes dresse alors un état des lieux en juin 2018. Parmi les actes dénoncés par les femmes lors de leur suivi, l'un d'eux concernent l'absence de consentement éclairé de la patiente : une meilleure formation des gynécologues et personnels soignants est alors proposée.

Le consentement est donc une question largement répandue dans différents domaines notamment celui médical et paramédical. Ainsi, afin de protéger les individus et les patients, il

1 Plan normatif : qui concerne les règles, les normes.

2 BARD, G. 2016 dans L'Encyclopédie philosophique

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est primordial de connaître leurs droits en matière de consentement pour ne pas entraver leur volonté.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo