II.3. Le consentement
Selon le Larousse, le consentement se définit par le
fait de donner son accord à une action, à un projet, par une
approbation ou un acquiescement. Il est tout de même intéressant
d'approfondir cette définition de manière à comprendre son
implication dans le soin, car il est important de ne pas confondre «
approuver » et « ne pas empêcher », c'est-à-dire
distinguer « permettre passivement » et « adhérer
activement ».
II.3.1. L'histoire du consentement et le code de
Nuremberg
Le consentement apparaît dans la pensée
stoïcienne et se rapproche de l'idée de résignation. En
effet, il se traduirait par « l'acte d'acceptation dirigé
à l'endroit de quelque chose qui nous dépasse, contre quoi on ne
peut rien, mais que l'on fait paradoxalement sien acquiesçant à
sa présence 1». Epictète définit
alors « ce qui dépend de nous » et « ce qui
ne dépend pas de nous », et conseille de consentir (dans le
sens de nous résoudre) à ce qui ne dépend pas de nous car,
pour les stoïciens, nous devons nous soumettre à ce qui est
extérieur à nous.
Aristote, lui, ne mentionnera pas le consentement comme un
acte de volonté ou un acte d'acceptation mais à travers l'acte
consenti2. Cet acte serait fait de plein gré, guidé
par le désir associé à la raison. Si l'acte était
seulement réalisé selon son désir alors ce serait agir
malgré soit et sous contrainte.
John Locke, philosophe du XVIIème
siècle, définit l'autorité comme un protecteur des lois
naturelles, les hommes doivent respecter les lois pour qu'ils puissent
bénéficier en échange de la protection de leur
liberté.3 Il introduit alors la notion de « trust »
qui signifie que le peuple donne sa confiance et son consentement au
gouvernement afin d'éviter tout pouvoir absolu. Le consentement est au
centre de sa réflexion : pour lui, seul un pouvoir se fondant sur le
consentement de son peuple est légitime.
1 MONTEILS-LANG, L.2008 p 31-43
2 MONTEILS-LANG, L., 2013,tome 76, n°3 pp.
441-457.
3 JAUNAIT,A, 2003,no 11, p. 59-79
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L'importance accordée au corps et à l'autonomie
de l'individu, à la capacité de décision et au respect de
l'intégrité du sujet s'inscrit en grande partie grâce au
code de Nuremberg, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, le
procès de Nuremberg dénonce et punit les expérimentations
effectuées par des médecins nazis sur les prisonniers des camps
de concentration en éditant une liste de dix critères. Ces dix
critères1 énumèrent les conditions que les
expérimentations doivent suivre pour être
considérées comme acceptables et permettent de poser les
premières bases de la bioéthique.
Suite au procès d'Eichmann2, Hannah Arendt,
politologue, philosophe et journaliste du XXème
siècle, dénonce le manque de responsabilité3 et
la négligence du consentement. Dans sa philosophie morale, elle
différencie la notion du consentement à celui de
l'obéissance, elle rappelle que le consentement est propre à
l'adulte par son approbation en connaissance de cause alors que
l'obéissance serait propre à l'enfant par l'acquiescement sous
contrainte.
Dans les années 70, le rejet du modèle
médical paternaliste se fait entendre grâce aux débats
bioéthiques modernes. Gerald Dworkin, célèbre professeur
de philosophie et d'éthique, définit le paternalisme tel
« une intervention sur la liberté d'action d'une personne, se
justifiant par des raisons exclusivement relatives au bien-être, au bien,
au bonheur, aux besoins, aux intérêts ou aux valeurs de cette
personne contrainte ». Autrement dit, le paternalisme médical
est une attitude qui refuse l'autodétermination du patient ainsi que ses
droits et son autonomie décisionnelle. Cette conduite ne donne donc pas
de place au consentement. Cette déviance peut s'expliquer par le statut
du professionnel de santé face à un individu
considéré comme vulnérable en raison de sa maladie : de ce
fait, il interprèterait que le patient soit inapte à prendre une
décision et donnerait alors au soignant le pouvoir de décision.
Cette explication trouve sa source dans le serment d'Hippocrate qui induirait
que le praticien devait préserver l'usager des informations qu'il avait
pour l'intérêt présumé de l'usager. Ce paternalisme
médical est seulement remis en question législativement en France
en 1995 dans le code de déontologie médicale. Il aura fallu
attendre 50 ans pour que le concept paternaliste du diagnostic (article 30 code
1947) laisse place à l'exigence du consentement.
1 Cf. Annexes I
2 Eichmann : Adolf Eichmann, haut fonctionnaire du
Troisième Reich, officier 55 et membre du parti nazi. Le 11 avril 1961,
à Nuremberg, il est déclaré coupable des quinze chefs
d'accusation, dont ceux des crimes contre les juifs et crimes contre
l'humanité. Il est alors condamné à mort.
3 Responsabilité morale : pouvoir personnel de
jugement
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La question du consentement, qu'il soit dans le domaine
médical, juridique ou politique, relève la problématique
de ce qui est jugé acceptable ou non sur le plan normatif1.
Alan Wertheimer, écrivain américain, parle alors de
caractère « moralement transformateur » du
consentement2, c'est-à-dire la capacité que le
consentement a pour modifier la légitimité d'une action en la
rendant acceptable alors qu'elle ne le serait pas autrement. Dans son article
« Consent to sexual relations », A. Wertheimer relie la notion du
consentement à celle de l'autonomie, la non-exploitation et la
non-coercition. Pour lui, la non-validité du consentement conduit
à un manque de respect de l'autonomie de l'individu. De ce fait, pour
être valide, le consentement devrait être libre,
éclairé et fournit par un sujet compétent. Ces trois
critères sont primordiaux et inscrit désormais dans la loi.
Pourtant, malgré l'évolution de la
considération de l'autonomie et le pouvoir de décision de
l'individu, le respect du consentement reste tout de même instable.
L'affaire Weinstein en est une illustration actuelle. En effet, la
révolte historique de nombreuses femmes révèle de
multiples cas d'agressions sexuelles perpétrés par Harvey
Weinstein, célèbre producteur de cinéma américain.
Cette révolte a fait naître les mouvements féministes
« #MeToo » ou « #BalanceTonPorc » en France pour
dénoncer le harcèlement et les agressions sexuelles subies par
les femmes dans leur vie quotidienne. Ces dénonciations ont permis de
relancer le débat de la définition et de la place du consentement
dans la société.
Ce mouvement s'étend dans le milieu médical
notamment dans le domaine gynécologique et obstétrical où
« un sexisme ordinaire » est révélé. Des
documents de l'université de médecine Lyon Sud
révèlent qu'il est attendu par les étudiants de
réaliser des touchers vaginaux sur des patientes endormies (donc
non-consentante) dans le cadre de leurs études. Depuis, sur les
réseaux sociaux, de nombreux témoignages voient le jour avec
l'hashtag « Paye ton gynéco » ou «
BalanceTonHôpital ». Une enquête du Haut Conseil à
l'égalité entre les hommes et les femmes dresse alors un
état des lieux en juin 2018. Parmi les actes dénoncés par
les femmes lors de leur suivi, l'un d'eux concernent l'absence de consentement
éclairé de la patiente : une meilleure formation des
gynécologues et personnels soignants est alors proposée.
Le consentement est donc une question largement
répandue dans différents domaines notamment celui médical
et paramédical. Ainsi, afin de protéger les individus et les
patients, il
1 Plan normatif : qui concerne les règles, les
normes.
2 BARD, G. 2016 dans L'Encyclopédie
philosophique
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est primordial de connaître leurs droits en
matière de consentement pour ne pas entraver leur volonté.
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