b- Libéralisation financière
et économie réelle
Le bilan de la libéralisation financière induit
un paradoxe : la surliquidité bancaire et le rationnement du
crédit. Le rationnement du crédit est d'autant plus paradoxal que
la libéralisation financière est supposée entrainer une
explosion de crédit. Le boom du crédit encore appelé
« le syndrome de l'excès d'emprunt »
(overborrowingsyndrome) mesuré par le ratio crédit/PIB
résulte du passage d'une économie réprimée à
une économie libéralisée. Ce ratio était
particulièrement élevé pendant les périodes de
répression financière -avec un pic de 31,24 en 1982- du fait de
l'allocation sectorielle et incontrôlée des crédits de la
part des banques.
Tableau 8: Ratio de
liquidité des banques camerounaises (en %)
Année
|
2011
|
2012
|
2013
|
2014
|
2015
|
Ratio
|
164
|
162
|
128
|
139
|
148
|
Source : COBAC
Tableau 9: crédits
privés en pourcentage du PIB, 1980-1991
Année
|
1980
|
1981
|
1982
|
1983
|
1984
|
1985
|
1986
|
1987
|
1988
|
1989
|
1990
|
1991
|
Ratio
|
29.54
|
31.15
|
31.24
|
30.89
|
25.23
|
22.87
|
24.01
|
25.86
|
24.39
|
25.07
|
26.37
|
26.41
|
Source : annuaire fonds monétaire
international, 2016
Mais le ratio crédits privés/PIB a brutalement
chuté à partir de 1992 en pleine restructuration bancaire pour se
situer à 12,52%. Depuis lors il n'a plus jamais atteint ses niveaux des
années 80, se situant toujours en deçà de 15%, jusqu'en
2013 (14,13 en 2012 et 14, 70 en 2013).
Tableau 10 :
crédits privés en pourcentage du PIB, 1992-2011
Année
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
Ratio
|
12,52
|
10,27
|
9,22
|
8,19
|
7,91
|
6,53
|
7,37
|
7,80
|
8,22
|
8,90
|
Année 2002 2003 2004
2005 2006 2007 2008 2009 2010
2011
|
Ratio
|
9,15
|
9,63
|
9,28
|
9,87
|
9,45
|
9,69
|
10,93
|
11,47
|
12,53
|
14,18
|
Source : annuaire fonds monétaire
international, 2016
On observe néanmoins une tendance haussière de
ce ratio ces dernières années : 15,46% en 2014, 16,31% en
2015 et 20, 79% en 2016.
Le rationnement qui pénalise particulièrement
les PME, est d'autant plus préjudiciable que le financement bancaire est
la principale source de financement, le marché financier -dans le cas du
Cameroun- étant encore embryonnaire et mal organisé. Trois
raisons justifient cette situation selon Avom et Eyeffa (2007). D'abord ce
paradoxe est la conséquence des restructurations bancaires ayant
entrainé le rapatriement des capitaux spéculatifs qui avaient
été massivement placés hors de la zone BEAC pour se
protéger contre la dévaluation, ainsi que des recettes
d'exportation qui n'étaient plus domiciliées dans les banques.
Ensuite le mauvais climat des affaires crée une incertitude qui accroit
le risque des projets susceptibles d'être éligibles au financement
bancaire, décourageant ainsi les potentiels concours des banques
à l'économie. Avant de prendre leurs décisions d'octroi
de crédit, les banques ont besoin de disposer de données fiables
sur leurs clients, ce qui est rarement le cas (asymétrie d'information).
Enfin les banques sont généralement inaptes à transformer
les ressources courtes en emplois longs. Les crédits accordés
sont majoritairement à échéance courte. De ce fait les
entreprises bénéficiaires n'ont pas assez de temps pour les
rentabiliser. La principale source de rentabilité des banques est
devenue l'ensemble des placements effectués auprès de la banque
centrale (Avom et Eyeffa, 2007).
Figure 1 : évolution des crédits
bancaires à l'économie (en millions de FCFA)
Construit à partir du dépouillement des
statistiques de la BEAC (voir tableau 2 en annexe)
Les crédits accordés à courte
période dominent largement les montants de crédits
octroyés. Les banques n'arrivent pas à opérer une
véritable transformation de maturité
Une autre raison justifiant les difficultés
d'accès au crédit par les PME est aussi la hausse des taux
d'intérêt débiteurs consécutive à la
libéralisation financière. Le relèvement des taux
d'intérêt débiteurs à des niveaux parfois
très élevés suite à leur libéralisation, a
rendu l'accès au crédit encore plus prohibitif pour la plupart
des emprunteurs potentiels. Même si le montant des crédits
octroyés est en constante augmentation, il ne reflète pas les
besoins réels de l'économie. Il se peut également que ce
rationnement du crédit soit la conséquence de la crise bancaire.
En effet certaines banques ont fait faillites suite à la
réalisation des nombreuses créances douteuses. De ce fait celles
en activités aujourd'hui préféraient ne pas prendre trop
de risques, en jouant la carte de la prudence. Ce d'autant plus que le secteur
des entreprises est fortement dominé par les PME, qui présentent
un risque plus élevé. Les banques préfèrent ainsi
financer les grandes entreprises aux garanties meilleures, et ayant fait leurs
preuves. La difficulté d'octroi des crédits peut aussi
résulter de l'aléa moral : les banques sont dans
l'incapacité d'observer les actions menées par les PME ayant
reçus les fonds. Les dirigeants très souvent orientent les fonds
reçus vers des activités autres que celles initialement
convenues. Toute chose qui accroit la réticence du banquier surtout que
les PME demandeuses de crédits n'ont pas souvent d'informations
comptables fiables (asymétrie d'information), ne fournissent pas assez
de garanties...
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