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Les résistances judiciaires à la primauté du droit communautaire

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2006
  

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Partie I : L'aménagement de la définition du principe à la base de sa reconnaissance.

Certes, si des résistances ont pu se manifester à l'encontre de la primauté du droit communautaire, il s'agit avant tout d'une réappropriation du principe de primauté qui n'est en aucun cas exclu dès lors que le fondement ( A ), ainsi que la portée ( B ) qui lui sont reconnus sont modifiés.

A. Le fondement constitutionnel de la primauté du droit communautaire.

Il est vrai que l'acceptation du principe de primauté du droit communautaire par le pouvoir judiciaire interne de certains Etats membres s'est opérée à l'appui de l'approbation constitutionnelle.

Section 1 : L'acceptation du principe sur la base de l'article 55 de la Constitution française.

Depuis l'arrêt Costa rendu par la CJCE en 19648(*), la jurisprudence constante de la CJCE énonce le principe fondamental de la primauté du droit communautaire. C'est ici une innovation prétorienne importante dans la mesure où le juge communautaire élabore ainsi un ordonnancement juridique selon lequel le droit communautaire doit prévaloir sur le droit interne des Etats membres au sein de leur propre système juridique.

Et le fondement sur lequel elle pose un tel principe tient à la spécificité même de l'ordre juridique communautaire et son caractère autonome9(*). En effet, le juge communautaire considère que la primauté du droit communautaire découle nécessairement de l'originalité du système de l'intégration en ce qu'il constitue un nouvel ordre juridique distinct et tout à fait autonome dans la mesure où il procède de l'attribution limitative mais définitive de compétences relevant par essence de la souveraineté inhérente à l'Etat. Autrement dit, les Etats membres, en ayant consenti à un tel transfert de certaines compétences, ont admis qu'un ordre juridique indépendant soit mis en place en vue d'exercer en commun ces compétences.

Dès lors, la nature proprement singulière de cet ordre induit, selon la Cour, la primauté du droit communautaire comme un élément essentiel.

Or, si les juridictions ordinaires françaises ont bien admis la primauté du droit communautaire10(*), parfois après de longues réticences, c'est le fondement sur la base duquel elles opèrent un tel alignement qui est révélateur d'une certaine défiance.

En effet, aussi bien le juge judiciaire que le juge administratif ne se fondent pas sur la spécificité propre à la nature de l'ordre juridique communautaire telle que soutenue par le juge communautaire, mais sur la base de l'art. 55 de la Constitution française qui prévoit la supériorité des engagements internationaux par rapport aux lois. Cette "substitution de motifs" opérée par ces juridictions ordinaires est significative d'une certaine désobéissance à l'égard de la construction jurisprudentielle de la CJCE, sans pour autant constituer une obstruction à la reconnaissance du principe même de primauté. Ainsi, ces juridictions ont abouti au même résultat que la CJCE, au sens où le principe de primauté est symétriquement consacré, mais tout en ayant adapté ce principe à l'exigence d'un fondement constitutionnel.

S'agissant tout d'abord du juge judiciaire suprême, en l'espèce de la Cour de cassation, on observe que, dans son arrêt de principe11(*), il consacre le principe de primauté du droit communautaire et renonce ainsi à sa jurisprudence selon laquelle la loi qui lui serait postérieure doit prévaloir. Il refuse néanmoins d'admettre le fondement tenant à la spécificité de l'ordre juridique communautaire dans la mesure où il retient explicitement l'art. 55 de la Constitution française12(*). Dès lors, s'il accepte d'appliquer la norme de droit communautaire en cas de conflit de celle-ci avec une norme de droit interne, ce n'est pas en raison de la spécificité de l'ordre juridique communautaire comme le prétend la CJCE, mais en vertu des dispositions de la constitution nationale, et plus exactement de cet art. 55. Il s'agit bien d'une résistance du juge judiciaire à l'égard de la solution dégagée par la Cour de Luxembourg dans la mesure où le fondement de la spécificité n'est manifestement pas retenu13(*).

Ainsi, doit-on souligner que, si des résistances du juge judiciaire ont pu s'exprimer à l'encontre de la solution jurisprudentielle communautaire, le principe même de primauté du droit communautaire n'a pas fait l'objet d'une exclusion inconditionnelle au sens où il est tout à fait approuvé dans le cadre d'un fondement différent, à savoir la base constitutionnelle issue de l'art. 55.

Il en est de même pour la haute juridiction administrative française dont le cheminement s'est avéré bien plus long que celui du juge judiciaire mais qui, in fine, a accepté de retenir la même solution14(*). Outre la circonstance que le juge administratif a affirmé son "hostilité" à reconnaître le principe de primauté du droit communautaire plus longtemps que le juge judiciaire, c'est dans son revirement par lequel il consacre ledit principe que l'on peut identifier une certaine résistance qu'il a opposé au juge communautaire.

En effet, à l'instar du juge judiciaire, le Conseil d'Etat, à travers la jurisprudence initiée par l'arrêt Nicolo, se soumet bien à l'exigence de primauté du droit communautaire dès lors que cette exigence ne découle pas de la nature spécifique de l'ordre juridique communautaire. A cet égard, le fondement qu'il retient à l'appui de la reconnaissance de ce principe n'est autre que l'art. 55, ainsi selon lui, il ressort de cet art. 55 que le juge national doit faire prévaloir les engagements internationaux, et partant le droit communautaire, sur le droit interne des Etats membres.

Dans cet ordre d'idées, on peut observer que le juge administratif opère une "confrontation" plus affirmée que celle du juge judiciaire car, contrairement à la Cour de cassation, il ne s'attache pas même à prendre acte ou à examiner le bien-fondé du critère de la spécificité. Il se borne exclusivement à fonder la reconnaissance dudit principe sur un raisonnement par lequel il vise explicitement "la constitution, notamment son article 55", et c'est ici une véritable "relecture" des dispositions de la constitution nationale15(*). La "rectitude juridique" d'un tel raisonnement est révélatrice d'une certaine résistance, laquelle n'est pas de nature à refuser l'existence même de la primauté du droit communautaire mais à en aménager la base sur laquelle celle-ci repose.

Par ailleurs, on peut relever que cette attitude subtile consistant à résister au fondement retenu par la CJCE à la base du principe de primauté tout en admettant le principe même, a pour "reflet" l'attitude du Conseil constitutionnel.

* 8 Arrêt Costa, ibid.

* 9 Dans l'arrêt Costa, ibid., la cour adopte un raisonnement comme suit : "qu'issu d'une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même".

* 10 Après une série de réticences, elles ont admis in fine le principe de la primauté du droit communautaire. A cet égard l'arrêt de principe rendu par le juge judiciaire suprême est l'arrêt Société des cafés Jacques Vabre , C. Cass, ch. Mixte 24 mai 1975. Pour la haute juridiction administrative, il s'agit de l'arrêt Nicolo CE 20 octobre 1989.

* 11 Arrêt Sté des cafés J. Vabre, ibid., cette solution de principe constitue un revirement de la jurisprudence initiée depuis longtemps, notamment sous l'impulsion de l'avocat général Matter, qui consistait à faire prévaloir sur les engagements internationaux la loi qui leur serait postérieure.

* 12 A la différence de l'avocat général Touffait qui, dans ses conclusions, invitait la Cour à suivre la CJCE sur le fondement de la spécificité, la C. cass. se contente d'en tenir compte et ne retient comme fondement à part entière que l'art. 55 C.

* 13 C'est ici une résistance, certes moins évidente que celle du juge administratif, en ce que le juge judiciaire semble réticent à admettre ce fondement tenant à la singularité de l'ordre juridique communautaire.

* 14 Après avoir résisté à la reconnaissance du principe de primauté du droit communautaire sur les lois postérieures, la jurisprudence administrative, par l'arrêt Nicolo, fait sienne la solution de la CJCE en ce qu'elle accepte ce principe de primauté.

* 15 Alors qu'il refusait de se reconnaître lié par l'art. 55 C, de contrôler la conformité de la loi postérieure au regard du droit communautaire et plus généralement du droit international, il renonce à ce paradigme dans l'arrêt Nicolo. On peut noter que Paul Sabourin estime qu'il s'agit d'une méthode tout à fait réflechie et fondée entreprise par le juge administratif car, il s'agissait de l'appréhension de son propre rôle qui présidait à l'évolution d'une telle jurisprudence. On peut renvoyer aux remarques pertinentes de cet auteur : Sabourin Paul, « Le conseil d'Etat face au droit communautaire, méthodes et raisonnements », RDP, 1993, pp. 398-430.

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