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Les échanges transfrontaliers entre la ville de Rosso Sénégal et la Mauritanie: Organisation et impacts

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par M. Souleymane DIALLO
Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal) - DEA de Géographie 2004
  

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2. Des indépendances nationales au conflit frontalier de 1989

a) La réalité des frontières nationales

Les années soixante sont témoins en Afrique de l'émergence et du développement de mouvements nationalistes plus ou mois exacerbés. Cette aspiration à la souveraineté est suivie d'un vaste mouvement d'indépendance. Les colonies du Sénégal et de la Mauritanie accédèrent presque toutes ensemble à l'indépendance. Pour le Sénégal, les services centraux de l'Etat sont transférés à Dakar. En ce qui concerne la Mauritanie, la nouvelle capitale sera Nouakchott au détriment de Saint-Louis. Les rapports entre les deux Etats nouvellement indépendants vont se détériorer au cours des ans. L'approvisionnement à partir de Saint-Louis des villes mauritaniennes va disparaître petit à petit même si une vie des relations est entretenue par la voie terrestre jusqu'au début des années 1970 grâce à l'ouverture de la grande route reliant l'ex capitale du Sénégal et la ville de Nouakchott.

Les frontières commencèrent alors à peser de tout leurs poids sur les relations entre les deux Etats. En 1966, la Mauritanie déicide de passer à une nationalisation de son commerce et de se départir de l'alliance douanière qui le liait avec le Sénégal. Cette alliance douanière faisait passer toutes les importations et exportations mauritaniennes par le Sénégal qui avait hérité de la colonisation d'une solide infrastructure portière. L'affirmation de son indépendance vis à vis du Sénégal est sans doute, plus que tout autre chose, l'expression de la souveraineté nationale. Les mêmes raisons l'amèneront à quitter la zone du franc de la Communauté Financière Africaine (f CFA), à créer sa banque centrale et à émettre sa monnaie: l' UGUYA Mauritanien (UM).

Dans le cadre géographique de la vallée, il existait une organisation économique et sociale essentiellement fondée sur les ethnies et leur statut dans la société en général. Pour l'individu, l'appartenance à une famille conférait un rôle et un statut dans l'ensemble social. Les familles étaient lignagères et « elles établissaient entre elles des relations de ségrégation par rapport à leur activités des ordres de prééminence différemment justifié, de liens de simple contact, des rapports de souveraineté, et de dominance ou de subordination à conséquence économique plus ou moins étendues.» On pouvait donc distinguer une certaine division du travail qui était le socle sur lequel reposait tout le système social avec des classes d'hommes libres, des hommes de caste et des esclaves.

Le prestige et la représentativités des familles dépendaient beaucoup de l'envergure des possessions en terre surtout celles du Walo, réputés plus fertiles et de loin les plus convoitées. Contrairement aux terres du « djiéry », les parties inondables du fleuve étaient dotées d'un régime foncier coutumier qui conférait le droit de propriété. Même après les indépendances et la définition des cadres nationaux qui les ont suivies, les populations de la vallée continuaient d'exercer ce droit coutumier sur ces superficies sans tenir compte des nouvelles limites imposées par la naissance des nouveaux Etats.

Les nouveaux gouvernements, aussi bien celui du Sénégal que celui de la Mauritanie, à la suite des gouvernements coloniaux, avaient eux aussi, acquis la conviction que le développement économique et social ne saurait se faire sans le développement de l'agriculture dans la zone de la vallée du fleuve sénégal. Cependant, il était clair que cette promotion de l'agriculture ne pouvait avoir lieu sans une modernisation du secteur qui, nécessairement, devait passer par la réalisation d'aménagements plus conformes à l'air du temps. La réalisation de ces ambitions étatiques se heurtait à une forme d'agriculture ancienne, fortement ancrée dans une tradition millénaire mais aussi et surtout à une nature juridique des terres, qui ne laissait pas aux Etats la liberté d'action sur le territoire.

Au Sénégal les autorités vont promulguer la loi sur le domaine national en 1964 mais en Mauritanie la gestion des terres est dévolue à l'autorité administrative.

-L'explication du conflit par la loi sur le domaine national

L'Etat du Sénégal a adopté au mois de juin 1964 une loi portant sur le domaine national. Cette loi avait comme objectif principal de permettre à l'Etat de réaliser la politique de planification et de développement du pays initiés après son accession à la souveraineté international. Elle lui a permis d'avoir, au moins, les coudées franches en annihilant les contraintes relatives au sol. En effet, la loi sur le domaine national fait de la Nation le propriétaire de plein droit de toutes les terres non classées et de celles qui n'ont pas été immatriculées avant l'entrée en vigueur de ladite loi. Elle aurait ainsi permis à la puissance publique de s'accaparer de presque 45% du territoire du pays.

Cette loi qui venait remettre en cause une coutume de plusieurs générations aura du mal à s'appliquer puisque contestée par les classes qui étaient les véritables détenteurs du pouvoir en milieu rural. L'Etat du Sénégal essayera de contourner ces difficultés en adoptant la loi sur la décentralisation de 1972. Il s'agit là d'une décentralisation administrative et territoriale qui donne le pouvoir à la communauté rurale par délégation de pouvoirs parmi lesquels celui de la gestion des terres. Le décret N° 80-86 /MINT/DCL du 29 janvier 1980 mettra cette loi en application et permet ainsi, aux conseils ruraux de gérer et de contrôler les zones de terroirs. Par la même occasion il sera confié à la SAED (société d'aménagement et d'exploitation des terres du Delta), la mise en valeur des zones pionnières dans la vallée36(*). A partir de se moment il à été plus loisible à l'Etat de mettre en oeuvre ses projets d'aménagement. En regardant cette loi, on peut dire qu'elle a été plus respectueuse et moins brutale pour les populations aussi bien sénégalaises que mauritaniennes. Puisque il faut aussi le souligner, les mauritaniens, même si c'est à des proportions plus faibles étaient propriétaires de terres sur la rive gauche. Il sera difficile de dire la même chose pour la gestion de l'administration mauritanienne des terres de la vallée.

-La gestion administrative des terres en Mauritanie

En Mauritanie l'attribution des terres en rive droite est dévolue à l'administration qui élabore et adopte des textes législatifs. C'est le cas de l'ordonnance N°83-127/CSMN du 05 juin 1983, du décret N°84-009 du 19janvier 1984 et circulaire N° 0005 avril 1984. Comme ont le verra ces textes n'eurent aucun mal a entrer en vigueur et se verront même appliquer par les représentants de l'administration mauritanienne dans la région de la vallée. En effet, « le préfet mauritanien de Bogué a décidé par arrêt N° 119/DB du 10 mai 1988 d'affecter des terres, neuf (9) lots de terrains de 20 à 689 ha à de nouveaux arrivants maures (béydanes) ». C'était là une mesure d'expropriation, de facto, des anciens propriétaires en l'occurrence les paysans négros mauritaniens et Haalpoulars. Les mouvements d'humeur ne se firent point attendre de la part des sénégalais qui revendiquaient leur droit de propriété coutumière. La négation de ce droit par la Mauritanie est un élément important et constitue un facteur essentiel dans la genèse du conflit.

En réalité, les programmes d'aménagement entrepris sur les deux rives n'ont pas pris suffisamment en compte le préoccupations des populations locales et surtout les rapports de celles ci avec la terre. Les réformes foncières de 1984 en Mauritanie sont venues mettre un terme sur le droit de propriété que détenaient les populations sénégalaises sur la rive gauche alors que, pendant ce temps là, au Sénégal, des mauritaniens étaient toujours en possession de terres qu'ils continuaient à exploiter. Les frustrations n'en étaient que plus exacerbées du coté des sénégalais.

L'attitude du gouvernement mauritanien a l'endroit des négros mauritaniens et surtout des Haalpoulars n'est pas étrangère au contrôle plus ou moins total des instances supérieurs de l'Etat par la composante arabo-bèrebère. En plus d'être au sommet de l'Etat elle détenait aussi le pouvoir économique notamment les secteurs du grand commerce et de l'industrie. Cette position stratégique pourrait expliquer l'utilisation de l'administration dans la « compétition et la rivalité ethnique ». Ceci a inévitablement aiguisé les sentiments de haine et augmenté les frustrations au sein des communautés marginalisées.

La dégradation des rapports entre les Haalpoulars et les Maures va s'accentuer surtout avec les crises politiques et économique du milieu des années 1980. Pour exprimer leur mécontentement et en guise de protestation il sera publié le « Manifeste du Negro mauritanien opprimé »  par le FLAM (Front de Libération de Africains de Mauritanie)37(*). Le FLAM sera accusé de tentative de coup d'Etat le 22 octobre 1987. Celle-ci conduira à l'arrestation de plusieurs personnes appartenants au mouvement surtout les Haalpoulars. Ce précédent sera aussi un argument pour réprimer une nouvelle fois des Haalpoulars lors du nouveau tentative de putsch survenu en Août 1988 alors qu' elle était cette fois ci le fait d' opposants du mouvement bassiste. L'année 1988 précédent l'année du déclanchement du conflit sera jalonnée de toute sorte d'incidents d'ampleurs différentes entre agriculteurs et pasteurs, entre populations noires et populations blanches, elle a été une année marquée par de fortes tensions dans les relations diplomatiques entre les deux Etats voisins.

-L'éclatement du conflit ou la mise a nu de la haine raciale

La superposition de petites querelles dans l'espace transfrontaliers sénégalo-mauritanien « du fait de l'organisation territoriale ancienne, des perspectives nouvelles créées par les nouvelles législations sur le foncier », s'ajoutant à ces point les arbitrages exercés sur les zones aménagées ont aboutit à l'explosion d'un conflit entre deux pays liés par l'histoire et la géographie et qui s'emblaient être voué  au même destin, un conflit aux relents fratricides

* 36 Décret cité par MAIGA, 1995, p 110

* 37En 1984, trois parties de cadres et d'intellectuels noirs fusionnent pour créer le FLAM. Mouvement politique clandestin en majorité composé de Haalpoulars. Ce mouvement fut accusé de plusieurs actions jugés porter atteinte à l'Etat mauritanien. C'est le cas de la tentative de Coup d' Etat du 28 octobre1987.

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