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Les échanges transfrontaliers entre la ville de Rosso Sénégal et la Mauritanie: Organisation et impacts

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par M. Souleymane DIALLO
Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal) - DEA de Géographie 2004
  

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c) Le différend frontalier de 1989

Le conflit entre le Sénégal et la Mauritanie n'a pas seulement comme cause les débordements de 1989 à Diawara. Il prend racine dans la grande crise politico économique occasionnée par les politiques discriminatoires des autorités mauritaniennes à la défaveur des populations noires autochtones (Wolofs, Haalpoulars, Soninkés). Suite aux désastres causés par les multiples cycles de sécheresse qui ont jalonné les premières décennies de l'indépendance. En effet, l'économie mauritanienne est à dominante pastorale. Celle-ci se trouvait entre les mains des maures (blancs) qui ont toujours adopté la vie nomade. Les années 1968 et 1973 ont été caractérisées par des piques de sécheresse qui ont laminés les troupeaux des maures blancs. Ces pasteurs nomades habitués des zones plus au Nord, se retrouvent dans une situation qui leur impose de migrer vers le sud de la Mauritanie aux fins de profiter des terres du « walo ». Cette situation va se traduire par une concurrence accrue entre les populations autochtones et les nouveaux arrivants. Les cycles de sécheresse ont donné aux maures blancs des arguments supplémentaires de s'implanter d' autant plus que leurs modes de vie étaient rudement remis en cause par les aléas de la nature. La tendance à la sédentarisation devient pour beaucoup d'entre eux une option pour la survie. La population des nomades en Mauritanie passera de prés de 80% de la population totale dans les années 1970 à 23% en 198041(*). Cette sédentarisation n'a pas uniquement concerné les régions côtières qui enregistrent les densités les plus fortes. Elle intéresse aussi le Sud-ouest mauritanien qui est le prolongement naturel de la vallée du fleuve. Ce vaste mouvement de sédentarisation a beaucoup influencé la structuration économique et sociale dans l'ensemble de la vallée.

Les maures blancs (béydanes) vont exercer une pression de plus en plus grande sur des terres qui, traditionnellement, n'étaient pas les leurres. Par ailleurs, leur principale activité, l'élevage, va progressivement être remplacée par l'agriculture. Naturellement la méfiance allait grandissante chez les occupants traditionnels des terres de la vallée plus particulièrement les Haalpoulars et les Wolofs. Ces populations habitaient la rive gauche mais détenaient des possessions coutumières sur les terres de la rive droite qu'ils ont pendant longtemps exploité.

Toute cette situation découle de la démultiplication des enjeux dans la région. Comme on pouvait bien s'y attendre, ils n'ont pas laissé les autorités politiques indifférentes. Un signe évident de leur prise de conscience, est l'organisation et la tenue de rencontres entre les représentants déconcentrées des deux gouvernements dans la région. En effet, le 28 Août 1988, auront lieux à Aleg (Mauritanie) des assises qui ont regroupés le gouverneur de la région de Saint-Louis et les gouverneurs d'Aleg, du Gorgol, et de Rosso Mauritanie. Cette rencontre avait débouché sur la signature d'un accord sur cinq points saillants :

1) création d'une commission mixe chargée de recenser les terres exploitées par les ressortissants sénégalais en terre mauritaniennes et vice versa.

2) intégration des ressortissants sénégalais en Mauritanie dont les terres ont fait partie des programmes d'aménagement dans les zones aménagées.

3) maintient du statu quo partout où les aménagements n'ont pas été effectués, c'est à dire les occupants conservent leurs terres.

4) Libre circulation des biens et des personnes entre et sur les deux rives

5) Les gouverneurs ayant participé à cette rencontre organiseraient des tournées conjointes dans les localités des départements sénégalais (Matam, Podor, Dagana) et mauritaniennes (Kaédi, Bogué) pour expliquer les accords d'Aleg aux populations et calmer les esprits.42(*)

Comme le souligne MAIGA, ces accords auront beaucoup de mal à être appliqués par les deux parties. Du même coup, les populations n'étant pas très bien informées et souvent n'étant même pas au fait des dits accords, il va sans dire que, les incidents n'ont donc pas cessés d'exister entre les deux parties et de détériorer l'état de leurs relations.

Un regard sur cette analyse ne faite que confirmer l'idée que le conflit entre le Sénégal et la Mauritanie a aussi comme fondement la question du foncier. Ce dernier en est, sans doute, le principal élément d'explication.

L'incident qui met le feu aux poudres survient à Diawara, un village du département de Bakel, suite à une simple confrontation entre des cultivateurs et des pasteurs au mois d'avril 1989. Ce qui était au début une simple altercation va dégénérer en un conflit sanglant où seront massacrés des dizaines de milliers de citoyens appartenants aux deux pays43(*) sans compter les immenses pertes en biens matériels et immatériels. Tout semble être parti de l'intervention des gardes frontalières mauritaniennes qui vont abattre deux sénégalais et prendre aussi de nombreux autres en otage à la préfecture de Silibabi (Mauritanie). A cette répression musclée des autorités mauritaniennes sur des sénégalais, va suivre un vaste mouvement d'humeur qui très vite se transformera en des émeutes qui vont rapidement gagner les autres localités de la vallée mais surtout les capitales des deux pays.

Au Sénégal ont s'en prit surtout aux boutiquiers maures facilement repérables par l'activité. Des commerçants maures ont été dépouillés de leurs biens au cours des scènes de pillage. Nombre d'entre eux seront aussi victime de lynchage par des foules hystériques en soif de vengeance.

Le mois d'avril aura été aussi très chaud pour les milliers de ressortissants sénégalais vivants, en grande partie, dans les quartiers pauvres de Nouakchott. Ils seront victimes de nombreux sévices. Beaucoup seront tués, des milliers d'autres blessés et mutilés. A l'époque de nombreuses témoignages recueillis à chaud par la presse auprès des premiers réfugies faisait état d'une complicité de l'Etat mauritanien dans les exactions commises contre les sénégalais. Pour les plus extrémistes, il aurait même organisé les massacres. Ce qu'il faut retenir c'est que: au cours des événements de 1989, de nombreuses personnes seront déplacées dans les deux sens de la frontière. Des populations furent expulsées de Mauritanie alors qu'elles pouvaient attester d'une présence en terre mauritanienne antérieure aux indépendances nationales. Selon SAM. Kh. (1996-1997)44(*) 60000 négro mauritaniens se retrouveront sur la rive gauche et 15000 autres au Mali. Se considérant comme des mauritaniens ils se retrouverons au Sénégal comme des réfugiés. D'ailleurs il est difficile de les qualifier d'où cette profusion de vocabulaire pour les désigner: « réfugiés », « rapatriés », « refoulés »45(*). C'est là toute l'explication des difficultés qu'ont éprouvé les autorités à leur donner une nationalité et simplement à régulariser leur situation. Les deux gouvernements vont mettre un terme à leurs relations diplomatiques suite ces événements tragiques.

Le conflit de 1989 ont surviennent dans un contexte politique et ethnique bien particulier. Ils ont beaucoup affectés les relations diplomatiques et simplement de voisinage entre les deux nations. Ils ont aussi permis de prendre la mesure des différances qui les sépares et ont démontré combien le chemin qu'il restait à parcourir était long dans la réussite de l'intégration des deux pays.

Le conflit va remettre au goût du jour la question de la frontière longtemps éludée par les deux parties. C' set là une question difficile à laquelle devront répondre les autorités. Suites aux événements le Sénégal a évoque la question en en brandissant un décret datant du 08 Décembre 1933 et stipulait que la frontière entre les deux colonies du Sénégal et de la Mauritanie passait sur la rive droite du fleuve sénégal. Ainsi, compte tenu des dispositions régissant les deux Etats de l'Organisation de l' Unité Africaine (OUA) aujourd'hui transformé en Union Africaine (UA) sur le principe sacro-saint de l' « intangibilité des frontières »46(*) le fleuve Sénégal devrait normalement revenir au Sénégal ainsi qu'une patrie des terres longeant le fleuve sur sa rive droite. A ce décret, les autorités mauritaniennes opposeront un autre décret datant de 1905 signé par l'administration coloniale faisant du fleuve la frontière naturelle entre les deux pays et qui plus est n'aurait pas été abrogé. Ce qui rend le problème du tracé des frontières très complexe pour espérer une résolution facile.

Quoi qu'il en soit, les deux gouvernements reprendront leurs relations diplomatiques le 02 mai 1992 sans avoir résolu « l'équation frontière » de même, la situation des populations expulsées est toujours à l'ordre du jour.

Malgré le réchauffement des relations diplomatiques, la reprise des échanges officiels et le redéploiement de la coopération, les deux Etats ne sont pas à l'abri de problèmes dont la source principale ne serait rien d'autre que les contentieux non encore vidés. Les responsables au sommet ont sans doute affiché la volonté de surpasser et de transcender les questions difficiles mais tel n'est certainement pas le cas pour les milliers de personnes qui ont toujours le sentiment d'avoir été spoliées de leurs terres, dépossédées de leurs biens. D'ailleurs si le problème des réfugiés peine à être solutionné c'est certainement à cause des multiples écueils sur les quelles buttent les autorités pour la satisfaction des conditions que posent ces derniers pour leur retour en terres mauritaniennes.

* 41 Mahamadou MAIGA, (1992), ibid. p113

* 42 Les termes de l'accord d' Aleg signé le 28 Août 1988 repris ici pour avoir une ide de l'esprit dans lequel le conflit a été gr en amont. Cité par Mahamadou MAIGA, 1995, ibid. p 115.

* 43 120 à 160 000 mauritaniens qui vivaient au Sénégal 76 000sénégalais habitants en Mauritanie, 25 à 45 000 Mauritaniens noirs.

* 44 Khadissatou SAM, (1996-1997), Mémoire déjà cité.

* 45 Termes désignait les populations qui ont été victimes du conflit sénégalo-mauritanien. Jusqu' à présent le statut d'une partie de ces populations n'est pas clair. L'association des réfugiés aux Sénégal lutte depuis 1989 pour régulariser cette situation. La question est aussi délicat pour les dirigeants des deux pays tant elle est sensible.

* 46 Principe retenu par l'Organisation de l'unité Africain et reconnu par l'ensemble des Etats membres pour prévenir les risques de conflits pouvant découler de la question des frontières. C'est aussi un moyen d'annihiler toutes les velléités de conquête ou d'invasion d'un pays membre à un autre. Selon ce principe, les frontières héritées de la colonisation sont accepté et maintenus.

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