WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le rétablissement de l'Etat de droit dans une société en reconstruction post-conflictuelle: l'exemple de la sierra léone

( Télécharger le fichier original )
par Jukoughouo Halidou Ngapna
Institut des Droits de l'Homme de Lyon & Université Pierre Mendès France de Grenoble - Master 2, Recherche, Histoire du Droit, Droit et Droits de l'Homme 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. Les accusés devant la Cour

La Cour Spéciale pour la Sierra Léone, crée pour poursuivre ceux qui portent « la plus grande responsabilité » dans les crimes commis dans ce pays n'aura finalement procédé qu'à treize inculpations qui permettront l'ouverture de trois procès. La volonté du Procureur de remplir pleinement sa mission a surpris un bon nombre d'observateurs quant il a décidé d'inculper les membres de la CDF (1) alors que les inculpations édictées contre les membres de la RUF (3) et de l'AFRC ont sucité un certain soulagement (2) au sein de la population.

1. La surprise et la controverse autour de l'inculpation des membres de la CDF

Une certaine stupeur s'est emparée des populations de Freetown lorsque l'inculpation de Chief Sam Hinga NORMAN a été rendue publique le 7 mars 2003 par le Procureur de la Cour. La tension était intense dans les rangs des chasseurs traditionnels lorsque les deux dernières inculpations, celles de Moinina FOFANA et Allieu KONDEWA ont été publiées le 26 juin. Le 28 février 2004, la Chambre de jugement a ordonné au Procureur de joindre ces trois instances en une seule111(*). Les audiences ont commencé le 3 juin 2004, le procureur a fini avec la présentation de ses preuves et témoins le 20 septembre 2006 pendant que celles réservées aux avocats112(*) de la défense se termineront en novembre. Les premières solutions sont en cours de mise en état.

Il faut dire que les Kamadjors sont jusqu'à présent considérés comme des véritables héros qui ont défendu la capitale contre les assauts des milices de l'AFRC, et surtout des rebelles du RUF. La plupart des Sierra léonais ne comprenaient pas pourquoi le vice-ministre de la défense était inculpé alors que son supérieur hiérarchique, le ministre de la défense qui a ordonné la création de l'entité qui est en cause restait en liberté. Or, il est important de bâtir une société juste pour les victimes car, comme le dit l'actuel Procureur de la Cour spéciale, « ... même si l'on combat aux cotés des anges, l'on est soumis à des règles qu'on ne doit transgresser. Les populations civiles sont sacrées : on ne doit pas les prendre pour cible, quelle que soit la situation113(*) »

L'origine de la CDF remonte au coup d'Etat du 1997, lorsque le président KABBAH a dû quitter le pays pour de réfugier à Conakry. C'est alors, qu'il décide de solliciter la participation des chefs traditionnels dans la lutte contre la junte AFRC au pouvoir. Leur implication dans le conflit était sous la responsabilité à la fois des forces restées loyales au président en exil et des militaires de l'ECOMOG. Les CDF étaient déployées dans les régions du Sud-Est (des Kamadjors de la tribu des Tamaboros), au Nord avec les Gbettis et à l'Est chez les Donsos. Le gouvernement en exil les pourvoyait en logistique, armes, nourriture et formation. A leur tête, se trouvait Chief Hinga NORMAN, l'un des chefs Kamadjors du Sud qui a toujours apporté son soutien au président KABBAH et occupait avant le coup d'Etat le poste de vice-ministre de la défense. Selon certains témoins au procès de NORMAN, la formation de la CDF avait obtenu le soutien financier et la caution morale des grandes puissances comme la Grande Bretagne, les Etats-Unis et le Nigéria. Les champs de bataille ont été visités à plusieurs reprises par le conseiller militaire du Haut commissariat de Grande Bretagne en Sierra Léone114(*).

Les membres de la CDF étaient les derniers remparts qui protégeaient la population civile contre les assauts du RUF. Ils sont encore considérés comme des libérateurs par la population, et, selon les rapports des ONG comme Human Rights Watch, ils ont commis peu d'exactions et surtout des crimes sexuels contre les populations civiles. Il y a plusieurs raisons à cet état de fait :

En premier lieu, la formation des membres de la milice comprenait un module relatif au traitement des populations civiles et interdit les mauvais traitements à leur égard. Les nouvelles recrues étaient obligées de prêter le serment de respecter cet engagement avant d'obtenir les bénédictions des anciens qui faisaient d'eux des Kamadjors à part entière. Lors de cette cérémonie, ceux-ci recevaient des fétiches sensées les protéger contre toutes les attaques, les rendant ainsi invincibles et immortels. C'est en second lieu la crainte de la perte de ces pouvoirs surnaturels qui explique que les soldats de la CDF ne se livraient pas à des violences sexuelles. Selon ces mêmes règles, les Kamadjors, n'ont pas le droit d'entretenir des rapports sexuels ni avec leurs femmes, ni avec une quelconque autre personne avant ou pendant les opérations militaires. Si l'un d'eux enfreignait cette règle, celui-ci perdrait ses pouvoirs115(*). Cependant, les Kamadjors qui s'éloignaient de leurs communautés respectives devenaient de moins en moins respectueux des règles et s'adonnaient à des violences contre la population civile. Lors de l'intervention des forces de l'ECOMOG, les miliciens de la CDF considéraient que les membres des tribus Temne et Lembas étaient des soutiens de la junte RUF / AFRC et s'empennaient à eux. Selon certaines interviews menées par l'organisation Human Rights Watch, des témoins affirment avoir assisté, en mars 1998 dans la ville de Kenema à un viol suivi des mutilations et du meurtre d'une femme dénommée Djenaba qui était considérée comme épouse d'un membre des rebelles. Certains autres dires rapportés par la même organisation faisaient état d'actes de cannibalisme car, certaines croyances soutiennent que manger les organes vitaux de l'ennemi attribuait au consommateur les pouvoirs de la victime116(*). Ces actes, lorsqu'ils faisaient l'objet de plaintes devant les chefs supérieurs de ces soldats, donnaient lieu à des jugements sommaires et conduisait, en cas d'établissement de la culpabilité, à une condamnation à l'emprisonnement ou à subir l'épreuve de Walking the Higway117(*).

L'inculpation des membres de la CDF a fait craindre de vives désapprobations voire de nouvelles violences dans le but de les libérer. C'est pourquoi les lieux de leur détention ont été tenus secrets pendant la construction des nouveaux locaux pénitentiaires du centre-ville. Tel n'a cependant pas été le cas lors de l'annonce des inculpations des membres de l'AFRC. Au contraire, la plupart des populations ont éprouvé un certain soulagement.

2. L'inculpation des membres de l'AFRC : une évidence

La publication des inculpations des anciens membres de l'AFRC a semblé pour beaucoup être logique vu les exactions dont ceux-ci se sont rendus coupables et la mauvaise réputation qu'ils avaient à cause de leurs relations avec les rebelles du RUF. Suite à la fuite et au décès présumé de Johnny Paul KOROMA sur les autres fronts en Côte d'Ivoire ou au Libéria118(*), la Cour a constaté l'extinction des poursuites contre ce dernier et n'a finalement retenu que trois personnes à inculper des 17 chefs d'inculpation constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. C'est ainsi que Alex Tamba BRIMA sera inculpé le 7 mars 2003, Brima Bazzy KAMARA le 28 mai 2003 et Santigie Borbor KANU le 16 septembre 2003. Comme pour les deux cas précédents, les juges de la première Chambre de jugement demanderont au Procureur de joindre ces instances en raison de leur connexité évidente et des besoins de la bonne administration de la justice119(*). C'est ce qui sera fait le 28 septembre 2003. L'instruction du dossier prendra deux ans et les audiences commenceront le 7 mars 2005 avec les présentations des preuves et des témoins à charge par la partie poursuivante. L'équipe de la défense120(*)a quant à elle commencé à plaider devant le tribunal en mai 2006 et finira probablement en décembre.

L'AFRC est arrivé au pouvoir par le coup d'Etat du 25 mai 1997 qui a suscité de vives condamnations de la part des grandes puissances (Grande Bretagne, France et Etats-Unis) et a fait l'objet d'un rapport sévère de Secrétaire général devant le Conseil de sécurité. Le 19 mai, une déclaration du président du Conseil de sécurité a « vivement déploré la tentative de renversement du Gouvernement élu et demandé instamment que soit immédiatement rétabli l'ordre constitutionnel ». Cette condamnation rapide et solennelle témoigne de l'intérêt par le Conseil de sécurité au cas sierra léonais. Ce coup d'Etat, selon le rapport de la Commission vérité et réconciliation était prévisible121(*)à cause de la purge que le président KABBAH avait entamé dans son armée après son arrivée au pouvoir122(*). Il avait aussi décidé, pour des raisons économiques, de réduire les rations des miliaires. S'étant mis à dos l'armée et dépourvu du soutien militaire qu'auraient pu lui apporter les Sud-africains de la Executive Outcomes dont il s'est séparé, le président KABBAH ne pouvait que prendre la route de l'exil après que des mutins, soutenus par le RUF aient attaqué l'ECOMOG, causé l'évacuation des civils occidentaux et la fuite de dizaines de milliers de Sierra léonais vers la Guinée.

Johnny Paul KOROMA est nommé à la tête de la junte qui prendra le nom de AFRC (Armed Forces Revolutionnary Council) le 7 juin 1995 avec, comme vice président Foday SANKOH du RUF. La plupart de pays ont éprouvé un certain mépris pour ce gouvernement d'ailleurs jamais reconnu comme représentant légitime de la Sierra Léone. Le Nigéria et les Etats-Unis ont à plusieurs reprises tenté de convaincre ceux que les Britanniques qualifiaient123(*) « d'assez naïfs, un peu dépassés par les évènements et dénués d'idées précises » de quitter le pouvoir, mais en vain. Ces efforts seront repris par les ministres des affaires extérieures de la CEDEAO réunis en session extraordinaire à Conakry qui proposeront le 26 juin un programme de rétablissement de l'ordre constitutionnel en trois phases : d'abord le dialogue, ensuite les sanctions, y compris le recours à l'embargo et enfin l'emploi de la force armée.

Face au refus de la junte militaire de tenir compte de ces propositions qui ont reçu l'appui de l'ONU124(*), le président du Conseil de sécurité125(*) fera une déclaration pour le moins ferme qui juge « inacceptable que la junte militaire cherche à fixer des conditions au rétablissement du gouvernement démocratiquement élu (...) et lui demander de renoncer à son intension déclarée de rester au pouvoir et de reprendre sans tarder les négociations (...) » Il rappellera que le Conseil est prêt à prendre « des mesures voulues » pour rétablir l'ordre constitutionnel si la junte n'apportait pas de réponses satisfaisantes. Les mesures ont dès alors commencé à être évoquées par les représentants des délégations africaines et Britannique à New York. Ce n'est qu'au sortir du sommet d'Abuja du 26 au 28 août 1997 que les chefs d'Etat de la CEDEAO établissent des sanctions régionales contre la Sierra Léone. En résumé, ces sanctions portent sur l'interdiction de voyage des autorités dirigeantes de la junte et l'embargo sur la vente d'armes, munitions et de produits pétroliers. La déclaration finale du sommet précise en outre que « les forces sous-régionales emploieront tous les moyens nécessaires pour imposer l'application de la décision ». Cette décision pour le moins ferme et radicale suscitera des réserves de la part de certaines délégations aux Nations Unies.

La Suède, le Costa-Rica, la Russie et le Brésil déploreront le manque d'information dont la CEDEAO a fait preuve avant de prendre ces sanctions et étaient surtout préoccupés par l'effet catastrophique qu'elle aurait sur la situation humanitaire qui était pour le moins dramatique. Cette décision à été prise non sans la violation de la Charte des Nations Unies. En effet, lorsqu'il s'agit du maintien de la paix et de la sécurité internationales, toute sanction prise par une organisation régionale doit l'être avec l'accord du Conseil de sécurité126(*). Cette lacune sera comblée par la résolution du 8 octobre 1997127(*) qui réaffirme le besoin de respecter le Chapitre VIII de la Charte et le soutien à accorder aux efforts de la CEDEAO dans la résolution de la crise et confirme les sanctions prises au sommet d'Abuja128(*). Les modalités de mise en oeuvre de ces sanctions seront précisées dans l'accord de Conakry qui prévoyait en outre un cessez-le feu immédiat, la poursuite des négociations et la mise en place des mécanismes de DDR pour toutes les factions armées du pays. L'accord de Conakry sera vain et les exactions continueront de la part des membres de l'AFRC. L'effort combiné des Kamadjors et de l'ECOMOG permettra la reprise de Freetown le 13 février 1998. Le président KABBAH reviendra dans son pays le 10 mars et le Conseil de sécurité votera une résolution129(*) qui lèvera l'embargo sur les produits pétroliers et le maintiendra pour ce qui est des armes et des munitions.

L'AFRC a commencé à commettre des exactions sur les populations civiles dès le début du coup d'Etat de 1997 et ces exactions ont continué au-delà de leur éviction avec la création d'une nouvelle unité baptisée les West Side Boys qui utilisait les mêmes procédés que le RUF.

3. L'inculpation des membres du RUF : un soulagement

Dans l'esprit des autorités Sierra léonaises, le demande d'aide à la communauté internationale pour établir un tribunal en Sierra Léone était destinée au jugement des membres de l'ex-rébellion et de la junte militaire autrefois au pouvoir qui étaient soit en cavale, soit en prison à Pademba Road130(*). L'opinion était aussi plus favorable aux poursuites contre les membres du RUF et des sobels131(*) qui s'étaient rendus célèbres pour leurs exactions systématiques sur les populations civiles.

Le 7 mars 2003, le Procureur David CRAINE a publié les inculpations contre quatre anciens leaders pour 17 chefs d'accusation constitutifs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité : Foday SANKOH, Sam BOCKARIE, Issa Hassan SESSAY et Morris KALLON. Augustine GBAO, quant à lui, a été inculpé le 16 avril. Avec l'aide de la police Sierra Léonaise, trois inculpés ont été appréhendés et ont rejoint leur ancien leader SANKOH en prison. Sam BOCKARIE quant à lui est resté introuvable car il avait, aux derniers jours du conflit, trouvé refuge au Libéria aux côtés de Charles TAYLOR avec qui il continuera l'effort de guerre. Son corps sera retrouvé à la frontière ivoirienne et son décès officiellement constaté le 2 juin 2003. Le tribunal siègera donc le 8 décembre pour constater l'extinction des poursuites contre lui pour raison de mort132(*) Les poursuites contre Foday SANKOH133(*)s'éteindront également à la même date suite à son décès constaté le 2 août 2003 de suite de maladie.

Comme pour les autres affaires, la chambre de jugement a demandé que les instances soient jointes. Le procureur a procédé à cette jonction le 28 février 2003 et les audiences pour ce qu'il convient maintenant d'appeler les procès du RUF ont commencé le 7 juillet 2004. Le Procureur a terminé sa part des débats en 2006 et l'équipe de la défense134(*) a entamé la présentation de ses preuves et témoins à décharge le 2 mai 2006 et les premières décisions sont attendues pour le second semestre de 2007.

Le RUF a été créé dans les premiers mois de l'année 1990 par le caporal Foday SANKOH, vétéran de l'armée britannique, reconverti dans la photographie. Ses déplacements le conduiront en Libye où il fait la connaissance de TAYLOR qui lui aura été par la suite d'un grand soutien tout au long de la décennie qu'a duré le conflit. Le recrutement et la formation des combattants de la rébellion se firent de concert avec le Libéria qui leur servira de base arrière135(*). C'est ainsi que le 23 mars 1991, une troupe d'environ 100 soldats (sierra léonais, libériens et burkinabè) attaquent l'Est (les districts de Kailahun et Pujehun) du pays et réclament le départ du président Joseph MOMOH, qui, selon eux, était l'incarnation des maux des populations délaissées du pays, de la corruption et des détournements de deniers publics. Ces réclamations trouveront pendant un moment un écho au sein des populations qui vont rapidement déchanter face à la violence avec laquelle les soldats vont commettre des exactions sur la population civile. Même si les mobiles et objectifs politiques du RUF changeront au fur et à mesure que le conflit durera, la cible principale de ses opérations restera la population civile qui est considérée comme un moyen de pression et de représailles légitime affin d'obtenir soit une coopération de leur part, soit des avantages sur les forces adverses, ou encore s'assurer des moyens d'approvisionnement.

Le RUF est une force armée composée pour la plupart des enfants-soldats qui ont été enlevés ou enrôlés de force. Les « officiers » rebelles les préfèrent aux adultes car ils sont plus dociles et enclins à obéir aux ordres sans poser de questions. Cyniquement, les « recruteurs » arguent que ceux-ci de par leur petite taille se déplaçaient mieux dans la jungle et pouvaient ainsi échapper aux balles qui pouvaient leur passer par-dessus la tête. Ils étaient formés au maniement des armes et drogués afin d'avoir plus de courage pour tuer sans la moindre pitié des civiles, y compris leurs proches pour éliminer tout lien avec leurs communautés, les rendant ainsi dépendants du contingent auquel ils pouvaient appartenir. Il faut aussi reconnaître que bon nombre des combattants se sont engagés dans le RUF volontairement, en réponse aux politiques d'exclusion et des détournements des fonds des dirigeants en place.

La guerre menée par le RUF peut être divisée en deux phases : la première qui correspondrait à la période 1991-1993 et s'apparentait à ce que les membres de la Commission qualifient de « guerre de front » et la seconde, de 1993 à 1997 correspondrait à une « guérilla ». Quel que soit le type de tactique de guerre utilisé, les exactions restent les mêmes. Les rebelles, sous le commandement de Mohamed TARAWALLIE dans le Nord se déguisaient en soldats de l'armée régulière et commettaient toutes les exactions qui étaient reprochées aux forces loyalistes. Cette pratique fréquente entre 1994 et 1996 a aidé à discréditer profondément les forces de la SLA auprès des populations civiles.

L'année 1996 sera quant à elle marquée par une campagne d'amputation dénommée « Opération stop elections » pendant laquelle les rebelles, surtout les enfants procédaient aux amputations des mains afin d'empêcher la population d'aller voter. Il en est résulté des milliers d'amputation sur les modèles « manches longues ou manches courtes » 136(*) qui étaient même appliquées sur des enfants. Le « succès » de cette campagne est aussi dû au fait qu'elle était confiée à des enfants qui ne manquaient pas de zèle et qui craignaient les représailles impitoyables de leurs chefs Sam BOCKARIE et Foday SANKOH137(*).

Les violences sexuelles ont fait partie du programme de terreur engagée vis-à-vis des populations civiles. C'est un plan dirigé contre les filles en vertu de la fameuse « virgination », une sorte de ciblage des femmes encore vierges qui subiront des violences sexuelles pour les exclure de leurs sociétés car une fille qui n'est pas vierge ne peut plus être mariée138(*). Les viols étaient le plus souvent commis en groupe et pouvaient consister en l'introduction d'objets les plus divers (bouteilles, mortiers, fils de fer, crosse de fusil...) dans les organes génitaux féminins, ce qui entraînait de graves lésions musculaires et des complications traitées par les centres de santé régionaux.

La seconde opération de tristement célèbre est engagée par Sam BOCKARIE en 1999, dénommée «opération  pas âme qui vive» était destinée à faire pression pour obtenir la libération de leur leader emprisonné au Nigéria. Cette opération dura des semaines et détruisit toute la partie Est de la capitale, faisant entre 5 000 et 6 000 morts parmi la population civile. Des milliers de déplacés et des enlèvements de jeunes filles. Cette campagne, couplée avec l'enlèvement de 500 Casques bleus en 2 000, entraînera l'intervention de l'armée britannique qui mettra fin aux hostilités et permettra la continuité de l'opération DDR.

La mission de la Cour de juger « ceux qui portent la plus grande responsabilité » dans le conflit est entrain d'être remplie par les juges et tout l'appareil judiciaire mis en place. Le dernier accusé vivant qui manquait à l'appel est désormais en procès à La Haye. Pourtant, il reste un nombre de questions qui donnent l'impression d'un travail inachevé.

* 111 Confère CDF Case N° SCSL-03-14-I Persecutor Vs NORMAN, FOFANA and KONDEWA.

* 112 Les accusés avaient pour avocats : Hinga NORMAN : John WEASLEY HALL (Commis d'office), Tim OWEN QC et Bu-Buaker JABBI ; pour Moinina FOFANA : Michel PESTMAN (commis d'office), André NOLLKAEMPER, victor KOPPE et Arrow J. BOCKARIE ; pour Allieu KONDEWA : Charles MARGAÏ, yada Hashim WILLIAMS, Thomas BRIODY et Susan WRIGHT (commis d'office). Source: www.sc-sl.org

* 113 Stephen RAPP, Procureur de la Cour spéciale pour la Sierra Léone s'exprimant sur la mort de Sam Hinga NORMAN, principal accusé de la CDF comparaissant devant la Cour. Emission Hard Talk de Stephen SACKUR rediffusion de 23 heures à la chaîne de télévision BBC World, 5 mars 2007.

* 114 Ce haut fonctionnaire de la représentation britannique a d'ailleurs témoigné en la faveur du principal accusé Hinga NORMAN et a corroboré la thèse des visites sur les lieux de combat et mettait en avant la discipline et la bonne conduite des membres des CDF sous le commandement direct de l'accusé. Voir les vidéos et transcriptions des audiences du 8 au 16 février 2006 disponibles sur le site internet de la Cour ( www.sc-sl.org).

* 115 Human Rights Watch « « We'll Kill You if You cry » Sexual Violence in the Sierra Leone Conflict » Rapport Volume 15, N° 1 (A), janvier 2003.

* 116 Ibid. page 47.

* 117 Qui consistait à faire traverser une haie composée de deux lignes de dix personnes chacune qui lui assenait des coups.

* 118 Après la reprise de Freetown par les forces de l'ECOMOG en 1998, le chef de la junte militaire a réussi à franchir la frontière vers le Libéria. Il a été à plusieurs reprises aperçu aux cotés de Charles TAYLOR avec qui il continuait de travailler à la lutte contre les nouveaux chefs de guerre libériens et à la déstabilisation de la Côte d'Ivoire.

* 119 Confère AFRC Case : N° SCSL-2004-16-PT, Prosecutor Vs BRIMA, KAMARA and KANU. ( www.sc-sl.org)

* 120 L'équipe affectée à la défense des accusés de l'AFRC est composée de cinq avocats : Kjo GRAHAM pour Alex Tamba BRIMA pendant que Andrew William Kodwo DANIELS représentait les intérêts de Brima Bazzy KAMARA. Le troisième accusé quant à lui est défendu par Geert-Jan Alexander KNOOPS assisté de Carry KHOOPS-HAMBURGER et Abibola MANLEY-SPAINE.

* 121 Rapport de la Commission vérité et réconciliation Volume 3a, Chapitre 3, paragraphe 648.

* 122 Le président a décidé de démettre de leurs fonctions les deux plus hauts responsables de l'état-major de l'armée, le Brigardier Joy TOURE et le colonel Komba MONDEH.

* 123 Jean-Marc CHÂTAIGNER, op cit page 60.

* 124 En effet, Johnny Paul KOROMA va déclarer qu'il compte bien finir le mandat du président et ne laisser la place à un gouvernement civil qu'à l'occasion des élections qui sont prévues pour l'année 2001 (voir l'ouvrage de Jean-Marc CHÂTAIGNER, page 62).

* 125 Déclaration du président du Conseil de sécurité du 6 août 1997. Document S/PRST/1997/42, paragraphe 5.

* 126 L'article 53 de la Charte des Nations unies stipule que « (...) toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité (...) »

* 127 Résolution 1132 (1997) document S/RES/1132 (1997).

* 128 Le président du comité des sanctions des Nations unies, l'ambassadeur suédois DAHLGREN, après une tournée dans la sous-région a fait part des difficultés à mettre en oeuvre les sanctions retenues contre la junte militaire.

* 129 La résolution 1156 du Conseil de sécurité (document S/RES/1156) du 16 mars 1998 lève ainsi les sanctions qui ont été précisées par le Conseil le 5 juin 1998 (résolution 1171). Cette dernière répondait aux difficultés de l'affaire Sandline. En effet, les britanniques avaient continué à livrer des armes et des munitions aux forces de l'ECOMOG ainsi qu'à la CDF qui luttaient contre le couple RUF / AFRC, alors que la résolution 1132 imposait un embargo sur toutes livraisons d'armes sans exception.

* 130 Rue où se trouve la prison centrale de Freetown. Presque tous les inculpés de la Cour spéciale y ont transité avant de rejoindre le pénitencier construit aux côtés de la Cour. Cette prison est réputée pour ses mauvaises conditions sanitaires et sa promiscuité.

* 131 Terminologie utilisée pour qualifier les soldats de la SLA (Sierra Leonian Army) qui le jour se comportaient comme des membres de l'armée régulière et la nuit combattait aux cotés du RUF. Elle est aussi utilisée pour faire état de l'imitation des méthodes rebelles dont ils faisaient preuve.

* 132 Voir The Prosecutor Vs Sam BOCKARIE, (case N° SCSL-2003-04-PT), Withdrawal of Indictment, 8 décembre 2003.

* 133 Voir The Prosecutor Vs Foday Saybana SANKOH (case N° SCSL-2003-02-PT), Withdrawal of Indictment, 8 décembre 2003.

* 134 Issa SESSAY est défendu par les avocats Wayne JORDASH et Shareta ASHRAPH, Morris KALLON par Shekou TOURAY et Melron NICOL-WILSON, Augustine GBAO quant à lui bénéficie des conseils de Girish THANKI, Andreas O'SHEA et John CAMMEGH.

* 135 Selon le rapport de la commission vérité et réconciliation, la localité de Camp Namma, situé à la frontière entre les deux pays leur servira de base de formation et d'approvisionnement. Ils s'y retrancheront souvent pour des replis stratégiques sous la protection du groupe rebelle du futur président Libérien. Voir le rapport de la Commission, Volume 2, Chapitre 2 : Findings, paragraphe 72.

* 136 Lorsque les rebelles du RUF s'apprêtaient à amputer une victime, ils leur posaient la question de savoir si celle-ci voulait des « short leaves or long leaves ». le bras était amputé à hauteur du coude ou du poignet en fonction de la réponse de la victime. Voir « Les années barbares de Charles TAYLOR », Jean Paul MARI, Le Nouvel Observateur N° 2169 du 1er juin 2006.

* 137 En 1993 dans le district de Kailahun, les chefs du RUF, pour donner une leçon aux autres membres du groupe, ont torturé et tué 40 rebelles qui s'étaient montrés peu respectueux des ordres. Ces représailles se sont poursuivies tout au long du conflit armé dans les camps de Pujehun. Rapport de la Commission vérité et réconciliation, Chapitre 2 paragraphes 155-157.

* 138 Voir le rapport de Human Rights Watch cité plus haut.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius