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Le lien entre la tentative de suicide et la perte d'objet chez l'hystérique

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par Clélia Venturini
Université Paul Valéry Montpellier 3 - Master I psychologie clinique 2005
  

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Chapitre III : approche clinique.

1. Méthodologie.

Lors de mon expérience de terrain, j'assistais aux entretiens psychologiques en tant qu'observatrice. Les cas qui sont présentés pour cette recherche ont été réalisés par la psychologue du service. Je me tenais en retrait derrière le patient face à la psychologue et je prenais des notes. La psychologue a des références freudiennes et travaille uniquement à partir d'entretiens. Les entretiens ont une durée d'une demi heure à trois quarts d'heure. La fin de la séance se finissant par une question ou une observation sur laquelle le patient pourrait réfléchir. Lors de l'entretien, le sujet parle et la psychologue laisse libre court à ce flux de parole, en l'interrompant lorsque un mot, une phrase ou une expression lui fait écho.

Pour ma part, je notais le discours du patient et les interventions de la psychologue. Après chaque entretien, je discutais avec la psychologue du sujet afin de définir sa structure psychique et de l'évolution du discours dans le temps.

Les 4 cas cliniques présentés pour cette recherche ont été diagnostiqués par le psychiatre comme étant de personnalité hystérique. Les patients que suit la psychologue ont été envoyés par le psychiatre pour un diagnostic différentiel ou une orientation psychothérapeutique. Les patients restant dans le service pour une courte durée, le nombre d'entretiens n'est pas équivalent.

La présentation des cas cliniques se fera de la façon suivante : où se fait l'hospitalisation, les raisons de l'hospitalisation, la demande d'entretien psychologique, le nombre d'entretiens. Puis, vient la description de la vie familiale et professionnelle du patient et des relations qu'elle entretient avec son entourage.

En fonction du discours du patient, cette étude s'attachera à expliquer la tentative de suicide et ses motivations. De plus, elle permettra de mettre en lumière les traits hystériques de la personne et de décrire ses attitudes dans le service et lors des entretiens.

Je finirai par mettre en lien les quatre cas et les confronter à mon hypothèse qui est que chez les patients de personnalité hystérique, la perte de l'objet induirait une « blessure narcissique » dont une des manifestations serait la tentative de suicide.

2. Présentation des cas cliniques.

Madame C.

Après sa troisième tentative de suicide (par absorption médicamenteuse et phlébotomie) ayant entraîné 5 jours en réanimation, Madame C. a été hospitalisée en service libre. C'est à la demande du psychiatre que la psychologue la prend en charge pour rechercher les symptômes à mettre en lien avec la tentative de suicide et pour connaître la structure de la patiente.

Madame C. est une femme de 52 ans qui est soignée et fait attention a son apparence Elle se décrit comme quelqu'un de toujours bien habillée « Ce n'est pas parce qu'on est dépressive qu'on doit se laisser aller ». Elle a une posture statique et rigide. Elle présente une labilité des affects qui la fait passer lors de l'entretien du rire aux larmes. Elle relate des histoires plaquées qui manquent d'authenticité. Au cours des rencontres suivantes, son discours semble répété. Ses propos sont ambivalents en particulier sur son désir de vouloir rester à l'hôpital et de rentrer dans son appartement. Dans le service, lorsque un soignant passe, elle théâtralise le fait qu'elle aille mal pour ne pas être sortante. « Je ne veux pas sortir. Le psychiatre veut me faire sortir de l'hôpital parce qu'il m'a vue rigoler avec d'autres patients. »

Elle a une relation conflictuelle et de rivalité avec sa mère et ses soeurs. Elle se pose la question du désir et d'être désirée puisqu'elle était la quatrième de cinq enfants et que sa mère lui aurait confié qu'elle n'aurait pas eu tant d'enfants si elle avait connu la pilule. Elle se plaint de ne pas avoir reçu d'affection de la part de sa mère et de se sentir comme le « vilain petit canard de la famille ». Madame C. reproche à sa mère une absence de la transmission de la féminité puisque sa mère critique la coquetterie de sa fille qu'elle associe à un des trait de caractère de sa grand-mère : « le mauvais côté ». De plus, elle lui reproche le fait de ne pas avoir pris la place qu'une femme devrait prendre dans un couple c'est-à-dire le fait de s'occuper et d'être présente auprès du mari. « Maman aurait pu prendre le temps de venir avec nous le dimanche voir les matches de rugby ». Elle idolâtrait son père même s'il était autoritaire. « Il était fier d'avoir des filles. Il nous prenait partout avec lui. » Depuis la mort de celui-ci, elle le défend contre sa mère qui accuse son mari d'adultère et de l'avoir laissée seule pour jouer au cartes avec ses amis.

Aujourd'hui, elle est divorcée depuis 9 ans. Elle vit seule, mais son ex mari est resté très présent dans sa vie et il vient lui rendre visite 2 à 3 fois par semaine. Cependant, lors des entretiens elle se plaint de cette situation qui s'est dégradée depuis qu'elle entretient une relation avec un ami intime avec qui elle n'arrive pas à se résoudre d'emménager. Elle a 2 enfants de son mariage. L'aîné vit à 30 minutes de chez elle. Le cadet est parti travailler dans les îles 3 semaines avant qu'elle soit hospitalisée. Elle se sent seule et inutile depuis qu'ils sont partis. « J'ai l'impression de ne plus être utile quand mes enfants grandissent. La maison est comme ils l'ont laissée. » La relation avec ses enfants est centrale dans sa vie au détriment de sa vie amoureuse. Lorsqu'elle a rencontré son ami elle lui a signalé qu'ils étaient trois, « donc soit tu nous prends tous les trois ou tu nous laisses. ». Son ex-mari et son ami lui font le reproche de vivre plus pour ses enfants que d'être une femme, mais pour elle, « une maman, c'est une maman. ». Elle fait part alors de sa frigidité et de sa difficulté de prendre sa place en tant que femme dans un couple.

Elle a déjà fait trois tentatives de suicide. La première était lorsqu'elle avait 17 ans, ses parents lui avaient interdit de revoir un garçon. Elle avait donc attenté à ses jours après la perte de cet objet d'amour. La deuxième fit suite à un réveillon qui s'est mal passé avec sa famille. Elle a alors absorbé des cachets. Après un cours temps aux urgences, elle a été renvoyée chez elle, seule. Elle aborde une seule fois l'explication de ce qui l'a conduite dans le service. « J'ai voulu mourir parce que mes enfants sont casés et que mon divorce se passe mal. » Sur le moment, son geste était très impulsif. Cependant elle avait préparé une lettre quelque jours auparavant adressée à ses enfants. Il semble que sa difficulté de passer de la place de mère indispensable à une juste distance est difficile pour elle parce que c'est la seule identité féminine qu'elle sait investir. Or suite à la séparation avec ses enfants, elle se retrouve donc seule face à elle-même.

Madame C. a une structure névrotique dont les traits de personnalité hystérique sont prédominants comme l'histrionisme, l'hyperréactivité émotionnelle, les dépendances affectives à ces fils et le trouble sexuel (frigidité). La problématique dominante chez elle est en rapport avec sa féminité et la difficulté de prendre une autre place que celle de mère. L'absence de ses fils qui sont ses objets d'amour provoque une baisse du sentiment d'estime de soi du au fait qu'elle se sente inutile. La tentative de suicide serait alors une réponse à ce sentiment et au vide réel (laissé par ses fils) qui est difficile à assumer.

Monsieur B.

Monsieur B. a été hospitalisé dans le service libre suite à une tentative de suicide en voulant être percuté par un train. C'est à sa demande, pour ne pas interrompre un travail entrepris avec un psychiatre, que la psychologue ne l'a vu que deux fois avant qu'il ne parte contre avis médical.

Monsieur B. a 25 ans et il se décrit comme « bourru, serviable, humain, gueulard, très généreux et surtout je marche à l'affectif ». Il a des marques visibles sur les mains et les avants bras de brûlures de cigarettes qu'il explique comme des automutilations pour se soulager de l'intérieur. Il annonce qu'il en avait « marre d'avoir mal au fond de lui ». Lors des entretiens son discours est faussé par des mots et des concepts psychanalytiques qu'il utilise à mauvais escient. « Ma relation amoureuse était une relation de transfert à ma mère », il tente par tous les moyens de relier tout ce qui lui arrive et d'interpréter de façon erronée les événements. Il n'élabore pas certains événements en particulier lorsqu'ils sont liés à des mouvements d'impulsivité. Dans le service, monsieur B. est discret, il a une certaine labilité de l'humeur. Il est ambivalent sur ses explications et ses attitudes, ainsi il laisse le numéro du service sur son répondeur de téléphone portable mais personne ne doit savoir où il est.

Une grande souffrance et un affect douloureux sont reliés à sa mère qu'il décrit comme alcoolique et dépressive. Il la critique sur ses actes et particulièrement quand elle l'a « abandonné » en se suicidant alors qu'il n'était encore qu'un adolescent. « Elle m'a abandonné [...] C'était une grande dépressive qui a tenté plusieurs fois de mettre fin à ses jours. ». Cependant il a le sentiment de lui ressembler ce qui lui est insupportable. « Les mots que ma mère emploie dans son journal sont les mêmes que les miens. Elle apprivoise la mort tous les jours et je refuse de prendre le même chemin. » Il a un sentiment de manque qui pourrait être relié à l'absence de sa mère qu'il n'arrive pas à combler. Depuis la mort de celle-ci, Monsieur B est en recherche constante de cet amour perdu qu'il croit avoir retrouvé chez sa dernière amie.

La relation avec son père fut interrompue pendant longtemps suite à la rencontre de celui-ci avec sa nouvelle femme. Depuis le commencement de son travail psychothérapeutique, monsieur B. a écrit une lettre à son père pour renouer les liens. Il dit avoir depuis une nouvelle famille qui habite loin mais qui est présente.

Monsieur B. est actuellement célibataire et travaille dans le bâtiment. Il décrit ses liens avec son patron comme très fort et l'idolâtre. Suite à une discussion avec lui, il apprend que son contrat ne sera pas reconduit, il sent alors que « ça tourne au vinaigre » dans sa tête. Les infirmiers ne répondant pas correctement à sa demande d'aide, il s'enfuit alors avec un sac de médicaments. Son comportement impulsif va être stoppé par la rencontre impromptue avec son amie. Il déclare être blessé du fait que celle qu'il aime l'ait vu dans un moment de perte de sa maîtrise. Monsieur B. vit dans l'angoisse qu'elle le quitte s'il fait « une crise » et qu'il s'emporte violemment. « J'ai peur qu'elle m'abandonne. ». Plus tard il nous apprend que la relation amoureuse qu'il entretient avec cette amie est finie depuis peu. Il déclare que pour « les grandes décisions » à prendre, son psychiatre lui donne les directives à suivre. Il expliquera que son psychiatre lui a conseillé d'être hospitalisé pour être « dans sa bulle » comme lorsqu'il était dans le service fermé. Cependant il ne sera pas plus explicite sur cette hospitalisation antérieure.

Il a déjà fait une tentative de suicide 4 mois auparavant, suite à la lecture du journal de sa mère, son sentiment de ressemblance à sa mère lui étant intolérable. Cette fois ci il explique sa tentative de suicide par le fait qu'il a rencontré son amie dans le bar le soir même et qu'il a beaucoup bu. Nous notons que l'alcool a été présent lors des deux passages à l'acte. Avant de passer à l'acte (se mettre sur les rails), il appelle différentes personnes qui lui sont importantes (amie, amis, patron et psychiatre), pour leur dire au revoir Il renonce à sa tentative de suicide attend une « demi heure » qu'un train arrive. Il se rend compte alors qu'il avait reçu « beaucoup de coups de téléphone de ses amis en pleurs ».

Monsieur B. a une personnalité hystérique qui se manifeste par recherche constante de l'attention d'autrui, par une hyperémotivité, une labilité émotionnelle, une dépendance affective envers son amie, son patron et son psychiatre et une forte suggestibilité d'autrui. Il souffre depuis son enfance de la relation qu'il avait avec sa mère et des conséquences du suicide de celle-ci dans sa vie adulte. Il s'identifie énormément à sa mère, tout en rejetant et en critiquant avec agressivité les actes de celle-ci. De plus, la vue de certaines femmes dans le service lui est difficile parce qu'elles lui renvoient la vision décevante et négative qu'il a de sa mère. Dans son discours, la problématique de l'abandon est présente à chaque instant. La rencontre avec son amie le soir précédent sa tentative de suicide a réanimé pour lui la séparation qui lui était douloureuse et lui a ravivé son sentiment de ne pas pouvoir être un objet d'amour pour l'autre.

Madame L.

Après une tentative de suicide médicamenteuse, Madame L. a été hospitalisée dans le service fermé durant quinze jours. Suite à la demande du psychiatre pour faire un diagnostic différentiel, la psychologue a eu trois entretiens avec la patiente.

Madame L. est une femme soignée qui fait attention à son apparence. Toujours maquillée et coiffée, elle est souriante lors des entretiens. Nous notons une labilité des affects au tant dans le service que lors des faces à faces avec la psychologue. Elle ne comprend pas pourquoi elle est hospitalisée. Mais, elle adhère volontiers aux soins même si, elle se plaint des entretiens répétés avec différentes personnes sur un seul sujet qui est la raison de sa venue dans le service. Tout au long du suivi, son discours reste souvent vague et imprécis. Elle finira par demander une orientation psychothérapeutique à la psychologue. L'entretien suivant, lorsqu'elle parle de son suivi à l'extérieur, elle exige le meilleur. « Je veux qu'on m'emmène chez le bon dieu, pas chez les saints. » En même temps, elle cherche à savoir si pour « sa pathologie » il vaut mieux qu'elle soit suivie par un homme ou une femme. Elle s'est très vite adaptée au service et à ses contraintes institutionnelles finissant par en parler comme « une pension de famille », ne voulant pas quitter « ses camarades ».Elle se plaindra du comportement et des réflexions des infirmiers sur sa façon d'être dans le service et auprès des autres patients. « Je veux les aider, leur apporter des marques d'affections. » « Ils sont venus vers moi, je leur donne de l'affection et ils ne me repoussent pas. ». Elle en veut particulièrement à un aide soignant qui ne lui laisse pas faire ce qu'elle a envie comme venir prendre son petit déjeuner en pyjama. Elle aborde alors la question somatique du sentiment de haine qu'elle éprouve pour cette personne qui se traduit par un boule dans le ventre et des frémissements dans le corps. Lorsqu'il lui propose de s'expliquer elle refuse parce qu'elle a peur de ses gestes. Elle va donc se punir en restant dans sa chambre.

Le regard de son père est quelque chose d'important et de primordial pour son bien être. Elle le décrit comme un père qui l'idolâtre parce qu'elle a réussi professionnellement. Ce sentiment est réciproque. « Il m'a tout appris. » Elle donne alors l'exemple du moment où elle a posé la question de la féminité et des relations sexuelles à sa mère, c'est son père qui lui a répondu avec « pudicité ». Plus tard elle évoque sa position féminine en déclarant : « J'aimerai frapper comme un homme mais comme je suis une femme, je fais des crises de tétanies. » La relation entre le père et la fille est nouée par un secret de famille qu'ils partagent. Le frère cadet de madame L. aurait pour père l'amant de sa mère. Elle répète avec insistance et à chaque entretien la tentative d'assassinat réel ou fantasmé de la mère et de son amant sur le père lorsqu'elle avait 4-6 ans. Elle ne voit plus son père depuis trois ans ce qui la fait souffrir. Elle est en rivalité constante avec sa mère depuis qu'elle est jeune. « J'apporte à mon père ce que ma mère ne pouvait lui apporter. ». Elle se compare systématiquement à sa mère en se valorisant. « J'ai toujours fait mieux que ma mère. » Elle est en procès continuel avec sa mère. « Ma mère me déteste. »

Aujourd'hui, elle est divorcée et vit avec ses trois enfants et son nouvel ami. Au niveau professionnel, elle est chef d'entreprise. « Dans mon métier, je suis le maître. » Son besoin de se valoriser fait qu'elle se sent indispensable pour son entourage et se sent investi dans la tâche d'être la personne référente pour toutes choses. « Je suis un modèle pour ma fille. » Son concubin qu'elle nomme mari, l'a demandée en mariage et elle a refusé parce qu'elle avait peur « de l'euphorie amoureuse ». De plus, sa famille et la famille de son conjoint sont contre cette union. Elle aborde alors le problème des troubles sexuels dont souffre son couple. Ce qui lui a posé la question du désir. Or elle n'a aucun doute sur le désir qu'elle suscite.

Madame L. a déjà fait une première tentative de suicide parce qu'elle ne voyait pas ses enfants au début du divorce avec son ex-mari. Elle explique celle ci par le fait qu'elle ne voyait pas son père, qu'elle en a marre de la justice et de ses souffrances physiques. Elle avait prémédité son geste en le préparant administrativement. Elle savait que cela ferait de la peine à son mari mais elle est tout de même partie en voiture pour se jeter contre un camion, ne se sentant pas capable de le faire, elle rentre chez elle et décide de se pendre à la balançoire de ses enfants mais elle trouve cela alors « trop diabolique » et finit par prendre les médicaments de sa fille qui est diabétique et s'enferme dans sa chambre. Sa fille et son mari étant présents, ce dernier « défonce la porte » et ils la retrouvent évanouie. Lors de son réveil, elle s'est retrouvée dans le service.

Madame L. a une structure névrotique de type hystérique qui se manifeste par un histrionisme, une hyperréactivité émotionnelle, un égocentrisme, une suggestibilité, une dépendance affective envers sa famille, particulièrement son père et des troubles sexuels. Elle a une tendance à falsifier la réalité pour lui permettre de la tournée en sa faveur et expliquer que tout événement dans sa vie proviennent d'un choix de sa part. Je souligne dans le discours de madame L. une carence affective que se soit lorsqu'elle parle de sa mère qui est « rigide » ou de ses enfants qu'elle englobe pour n'en faire qu'un tout inséparable. La tentative de suicide pourrait être expliquée alors par l'absence de la personne qui lui permettait de pouvoir être un objet d'amour. C'est pourquoi l'absence de son père et la place qu'il prend dans l'imaginaire de Madame L. est importante. Aussi le regard de son père est quelque chose d'important et de primordial pour son bien être et la perte de ce regard constant, dû à son absence, fait qu'elle se sent seule et démunie. Il semble que cet objet soit autant un objet d'amour « il est tout pour moi » et aussi un objet d'identification « je lui ressemble. ».

Madame G.

Madame G. a été hospitalisée dans le service libre suite à une tentative de suicide médicamenteuse. C'est à la demande du psychiatre que la psychologue la suit durant les deux mois d'hospitalisation, soit 11 entretiens.

Madame G. est une femme de 38 ans. Lors des entretiens, à part pour les deux derniers où elle est souriante et coquette, elle a une posture effondrée avec des crises de larmes. Elle a un discours statique, plaqué et répétitif sur la séparation avec son mari, qu'elle ne peut pas vivre sans lui et que lui seul peut l'aider. Dans le service, elle a d'abord été en retrait, puis au fil des jours, elle a lié connaissance avec d'autres personnes qui ont une structure névrotique.

Madame G. est mariée depuis vingt ans et a trois enfants dont un qui vit avec sa compagne dans un appartement loin de la maison familiale. Son mari a rencontré, il y a quatre mois, une autre femme, il a parlé de divorce avec son épouse quinze jours auparavant.

Dans son discours seul son mari existe, elle évince les enfants de tout affect. « Je ne suis pas maman, pour l'instant je suis femme, amante, mais pas maman. » « Il me reproche d'être sa mère mais il m'a donné cette place là et je l'ai prise. » « Ma seule famille c'est mon mari. ». La maîtresse de son mari fut introduite dans la famille par leur fille cadette, qui s'était liée d'amitié avec l'enfant de cette dame. La position de Madame G. face à sa fille va être de plus en plus agressive en lui reprochant l'adultère de son mari. « Elle a une part de responsabilité. [...] C'est à cause d'elle que cette femme est entrée dans notre vie. » De plus, elle rentre en rivalité avec l'adolescente qui prend à la maison la place de la mère, autant au niveau des taches ménagères que dans le lit conjugal pour dormir avec son père. Madame G finit par refuser de voir sa fille. Cependant, elle l'introduit dans la relation de couple comme tiers en lui téléphonant et lui demandant des nouvelles de son conjoint qui refuse de lui parler et de la vie quotidienne dans la maison familiale, « son territoire ». Elle manipulera sa fille en « la poussant dans ses retranchements » pour savoir ce qu'elle veut, c'est-à-dire si son mari continue à avoir des nouvelles de sa maîtresse et s'il fait vraiment des démarches auprès d'un avocat.

La relation avec son mari et le regard qu'elle porte sur la situation d'adultère vont évoluer au cours des deux mois. Au début, elle dénie tous les problèmes de couple qu'ils peuvent avoir. « Il n'y a rien de tangible pour que notre couple divorce. On ne se sépare pas de quelqu'un avec qui on a des sentiments. » Mais peu de temps avant, elle se plaint de la difficulté de son mari à lui montrer qu'il l'aime et décide alors qu'elle « aime pour deux ». Elle se plaint d'être incomprise par son mari. De plus, elle a le sentiment qui lui manque quelque chose. « Je me sens désoeuvrée. » « Il y a un grand vide. » Son mari semble être un prolongement d'elle même, un faire valoir qu'elle ne veut pas laisser. « Il ne peut pas se débrouiller seul. » « On a toujours tout fait tous les deux. » « On a toujours tout partagé » Cette demande de divorce est pour elle une blessure narcissique. « Une partie de moi a été arrachée [...] je ne me reconnais plus moi-même ni physiquement ni moralement, je n'ai plus d'image de moi. »

Elle projette alors son mal être et la façon de pouvoir sortir de cet issue sur lui. Ainsi, lorsqu'elle parle de leur séparation et de la résolution de cette situation, elle dit : « Il a la possibilité de s'en sortir mais il ne veut pas. » « Je me demande comment il va faire pour s'en sortir. ». « Il joue des sentiments des autres. » Elle devient alors très ambivalente puisqu'elle veut que son mari lui parle mais elle ne veut pas le voir. Elle se sent en rivalité avec cette femme, en danger de perdre l'amour de son mari. Au fil des entretiens, elle change de mécanisme de défense face à cette perte et elle finit par instaurer le déni de cette relation adultère, même si des éléments de la réalité viennent parfois confronter ce mode de pensée imaginaire. Au début, c'est cette « créature » qui « a mis le grappin sur » son époux, parce qu'elle « n'avait rien à se mettre sous la dent », puis elle va traiter son mari d'impuissant face à une autre femme qu'elle. « Il n'était pas son archétype physique. [...] Il m'a trompé moralement mais pas physiquement. » Pour finir, elle le traite de menteur et dit qu'il a monté cette histoire de tout pièce comme il avait déjà fait pour tenter madame de le quitter. « Si quelque chose devait se passer, ça se serait déjà passé. »

Tout au long du suivi, elle dénigre beaucoup son conjoint, qui est incapable de faire quelque chose sans elle et qu'elle ne croit pas en sa parole.

Lors des deux derniers entretiens, il semble que l'entrée d'un patient et le rapprochement avec cette personne a permis à Madame G. de transformer son discours puisqu'elle finit par parler d'avenir (qui pourrait être) sans son mari alors qu'auparavant les projets d'avenir étaient impossibles seule. L'investissement libidinal aurait il enfin retrouvé un nouvel objet d'amour ?

Madame G. a fait trois tentatives de suicide en trois semaines et toujours pour la même raison qui est le fait que son mari veuille la quitter pour une autre. Elle pense que les deux premières n'ont pas été assez spectaculaires et graves pour qu'elle se fasse hospitaliser. La première fois qu'elle arrive aux urgences le psychiatre qui la voit lui dit qu'elle ne peut que dormir avec des somnifères et qu'il n'y a rien de dangereux. La deuxième fois, elle va ingurgiter tant de cachets différents que la réaction immédiate est le vomissement. Pour elle, sa tentative n'est pas une simulation comme lui reproche son mari. Elle veut qu'il reconnaisse qu'elle va mal et que lui seul peut l'aider en restant en couple.

Madame G. a une labilité de ses affects, un égocentrisme, une ambivalence, une dramatisation de son état de détresse et un histrionisme face à ses différents interlocuteurs qui soulignent sa structure de personnalité hystérique. De plus, elle transforme la réalité à son avantage, elle ne veut plus le voir pour ne pas replonger or, il se trouve que son mari ne vient plus lui rendre visite. Le suivi de Madame G. illustre un bout du processus de deuil qui est fait lors d'une perte symbolique de l'objet. Ainsi, après un temps de latence où l'estime de soi du Moi est bas dû à la perte d'être aimé, Madame G. finira par investir un autre objet d'amour qui lui, répond à sa demande d'être désirée et aimée comme une femme.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe