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L'aventure scripturale au coeur de l'autofiction dans Kiffe kiffe demain de Faiza Guène

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par Nadia BOUHADID
Université Mentouri, Constantine - Magistère en science des textes littéraires 2008
  

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Chapitre III : Kiffe kiffe demain roman autofictionnel référentiel?

Nous avons vu plus haut que Kiffe kiffe demain répond aux critères de l'autofiction stylistique (conception de Doubrovsky). Mais, est ce qu'il n'est pas possible d'envisager ce roman également sous l'angle de l'autofiction référentielle ? Pour ce faire, nous nous inscrivons dans le cadre de la conception autofictionnelle de Colonna. Donc, l'auteure doit se projeter dans un univers irréel où elle orienterait son destin vers des horizons que n'a jamais connus son itinéraire personnel.

Commençons d'abord par la vérification de la triple identité car "pour que l'on puisse parler de l'autofiction, il faut que l'auteur engage son nom propre, mette en jeu son identité au sens strict1 ". Cependant, plusieurs analyses ont montré que le « protocole onomastique » ne se fonde pas exclusivement sur une ressemblance identique des deux noms. En effet, cette identification peut être également perçue sur le plan sémantique (Malika Mokeddem et son personnage Sultana dans

L 'Interdite2, Latifa Ben Mansour et Hanane dans la Prière de la peur3), ou par la marque des initiales (Jules Vallès et son personnage dans Jacques Vingtras)

Dans le cas de notre roman le nom de la narratrice-personnage est Doria tandis que l'écrivaine s'appelle Faiza. Entre ces deux noms il n'existe aucune relation

1 Colonna, V., L 'Autofiction. Essai sur la fictionnalisation de soi en littérature, op. cit., p47.

2 Mokeddem, Malika, L 'interdite,Paris, Grasset, 1993

3 Ben Mansour, Latifa, La Prière de la Peur, La Différence, 1997.

sémantique ou autre sauf sur le plan de la morphologie, étant donné que les deux noms sont constitués de deux syllabes, mais cela n'est guère un argument fondé. D 'un point de vue théorique, cette non identification exclut de prime abord tout rapport avec l'autofiction référentielle. Nous avons quand même décidé de pousser l'analyse plus loin et voir ce que pourrait bien donner notre obstination.

Pour ce qui est des ressemblances référentielles entre la narratrice et l'auteure, nous avons remarqué que toute les deux sont : adolescentes (Faiza avait 1 7ans quand elle a commencé l'écriture de son roman et Doria en a 15ans), d'origine maghrébine (l'écrivaine algérienne et Doria marocaine) et elles résident une banlieue parisienne (l'auteure vit à Pantin tandis que Doria vit à Livry Gargan), donc un rapprochement très troublant. Et encore, le nom de la narratrice n'est cité que deux fois dans le roman à la cinquantième page ainsi qu'à la dernière :

« Doria, heu...je te présente Karine...ben...Karine, c'est Doria... » (p.52) « Les journaux titrerons «Doria enflamme la cité» » (p. 193)

Depuis les premiers souffles du roman, Guène met en scène une narratrice personnage assumant un « je » très déclaré, le lecteur ne cesse de se demander si l'auteure ne se représente pas entièrement ou partiellement dans ce « je » vu justement les différentes coïncidences citées précédemment. A la cinquantième page l'auteure infirme ce doute en déclinant un nom différent du sien. Cependant, le prénom Doria ne serait-il pas juste un moyen pour brouiller les pistes entre fiction et réalité ? N'est-il pas également choisi pour servir la thématique générale : la recherche de la progéniture ?

Après cette morsure rapportant une information décisive (la non coïncidence des deux prénoms), la narration continue son parcours et le lecteur se retrouve de plus en plus dans la confusion, comment peut-on s'exprimer avec un « je » sans y mettre un peu de sa subjectivité ? Surtout que la narratrice rapporte des faits vraisemblables et exprime des rêves originaux. Nous tenterons d'apporter des réponses à ces interrogations en nous rapportant à des documents extratextuels. Nous appliquerons en quelque sorte le principe du structuralisme génétique de

Goldmann, selon lequel, l'analyste quitte momentanément le texte en allant vers l'extra-texte pour apporter des réponses qui rendront le texte intelligible. En quittant le texte de Kiffe kiffe demain nous nous sommes dirigée vers l'auteure Faiza Guène à travers ses différentes rencontres sur le web.

Faiza Guène une très bonne élève en classe, se plaint des élèves passifs : "Même dans ma classe de 3ème2 où sont réunis les meilleurs élèves, il y en a qui ne visent pas loin. Dès qu'ils ont la moyenne, ils sont contents1 ". Quant à Faiza elle a pu lire Les Mots de Jean-Paul Sartre à l'âge de treize et accumule de très bonnes notes surtout en langue française. Cette excellente lycéenne décide de prendre la plume et habiter un je qui se déclare : « de toute manière je veux arrêter j'en ai marre de l'école 2» ou encore « c'est vrai que je suis nulle 3». Guène a choisi donc une narratrice qui pourrait bien être l'un de ces élèves passifs de sa classe, elle s'est projetée ainsi dans une conscience qui raisonne différemment. Encore un point de divergence, Doria est abandonnée par son père alors que pour Faiza :"Question parents (...) j'ai trop de la chance par rapport aux autres. Il y a plein de parents qui s'en vont au bled pendant quelques semaines en laissant leurs enfants seuls. Jamais mes parents ne nous abandonneraient ainsi.4 »

Faiza Guène s'est créé, à travers son personnage Doria, une nouvelle personnalité se développant dans un univers psychologique (le mal de la perte du père, la frustration de l'échec scolaire) qu'elle n'a jamais vécu. Certes, une telle situation est le propre de la fiction où le « je » peut être celui d'une autre. Cependant, une part d'un Moi éclaté ne serait-elle pas toujours présente consciemment ou inconsciemment dans cette instance subjective « je » ? C'est à travers une telle situation d'énonciation que la fiction prend place : se fictionnaliser devient ainsi un moyen pour saisir le réel. La réalité ici n'est guère une propriété du

1 Parole de Faiza Guène cité par Marie Gauthier, Petit traité typographique du Pantin d'une collégienne ou la géographie affective de Faiza, lien : http://www.inventaireinvention.com/librairie/fichiers_txt/gauthier_txt.htm

2 Guène, Faiza, Kiffe Kiffe demain, Hachette, Paris, 2004, p.27.

3 Ibid., p.54.

4 Parole de Faiza Guène cité par Marie Gauthier, op. cit.

référentiel (comme nous l'avons remarqué il y a beaucoup d'inexactitudes), mais celle de la vision du monde et de la subjectivité.

En effet, se métamorphoser en être fictif permet de prendre distance par rapport à soi- même et également être à la foi égo et alter et donc pouvoir reconstruire une réalité englobante. Le « je » de Doria puise dans la subjectivité de Faiza Guène car il réalise justement une sorte de métonymie du « je » empirique de l'auteure. Cependant, Guène exprime les sentiments de ce « je » mais en le dégageant de tout caractère réel de figuration de Moi pour lui donner une valeur de généralisation. Guène nous explique ainsi les limites qu'elle a tracées entre fiction et réalité : «C'est une fiction même si l'histoire est inspirée du vécu, alimentée par la vie quotidienne1», elle confirme encore : « ce n'est pas tout à fait une histoire vraie, il y a des anecdotes dans le livre que j'ai entendues ou vécues mais ce n'est pas mon histoire.2», et à propos de ses personnages : « Ce sont des personnages sortis de mon imagination, je me suis inspirée de personnes que je connaissais. C'est un peu d'inventé et un peu de vrai3 ».

L'auteure de Kiffe kiffe demain situe ainsi son oeuvre dans l'entre-deux : réel et irréel, du quotidien et de l'imaginaire. Nous remarquons que jusqu'à maintenant nous ne pouvons dire que l'oeuvre de Guène est une autofiction. Quoique, s'il y avait une triple identité, cette oeuvre répondrait merveilleusement à la conception développée par Colonna. En effet, ce besoin de se projeter dans un autre monde est exprimé justement par la narratrice Doria : « Des fois, j'aimerais trop être quelqu'un d'autre, ailleurs et peut être même à une autre époque » (p. 73)

Nous nous demandons si ce n'est pas Guène qui s'exprime à travers Doria car l'auteure a pu justement réaliser ce souhait « être une autre ». Une autofiction, rappelons le, se distingue également par son goût de spontanéité et la liberté donné à l'inconscient. Essayons de voir ce que peut nous dire Faiza Guène sur son écriture :

1 http://dzlit.free.fr/fguene.html

2 http://www.mini-sites.hachette-livre.fr/hcom/faiza_guene/site/montreuil.html

3 Ibid.

«J'ai une écriture spontanée1 » et elle ajoute « je n'ai pas choisi d'écrire comme cela. Lorsque je raconte une histoire, cela me vient un peu tout seul2» ou encore « je n'ai jamais réussi même dans mes rédactions à l'école, à savoir comment j'allais terminer mon récit. Je me suis lancée dedans sans savoir ce que j'allais raconter, quelle serait la fin. Je réalise mes films de la même façon. Je raconte mes histoires à l'improviste.3»

Nous réalisons à travers une telle déclaration que Guène s'adonne à l'écriture de l'inconscient à la manière de l'écriture automatique (le deuxième chapitre nous a éclairés sur la spécificité de ce genre d'écriture). L'histoire se crée d'elle-même avec aucune prévision, nulle programmation, l'aléatoire y est le seul pivot. En outre, ce coté instinctif de l'écriture coïncide souvent avec les détails les plus simples de la réalité. Guène en fait part également : « Ce qui compte aussi pour moi, ce sont les petites choses de tous les jours. Je trouve d'ailleurs intéressant le regard qu'on porte sur les choses, et c'est ce regard que je fais voir dans mon texte4».

En effet, dans Kiffe kiffe demain la narratrice évoque souvent des détails de la vie quotidienne qui semblent n'avoir aucun rôle dans la progression de l'histoire mais qui représentent des ingrédients parfumés d'un moment présent. Guène nous a bien montré que la vie n'est pas vue seulement à travers les moments forts mais la réalité devient plus réelle à l'évocation des détails de la vie les plus insignifiants.

Donc, Kiffe ~iffe demain, récit spontané soumis à la force libératoire de l'inconscient ne donnerait-il pas l'une des plus belle forme de l'autofiction ? Car justement l'autofiction se développe dans cet « espace sans limites et comme indéterminé de la littérature moderne5». Nous nous demandons si l'autofiction peut être envisagée également sur un plan plus abstrait, celui du culturel. La troisième partie nous apporterait justement des réponses à un tel questionnement.

1 http://dzlit.free.fr/fguene.html

2 http://www.mini-sites.hachette-livre.fr/hcom/faiza_guene/site/montreuil.html

3 http://www.mini-sites.hachette-livre.fr/hcom/faiza_guene/site/montreuil.html

4 http://dzlit.free.fr/fguene.html

5 Genette, G., Figure III, Paris, Seuil, 1972, p.265

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery