WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les réfugiés politiques et les demandeurs d'asile à Dijon

( Télécharger le fichier original )
par Nassiri ATTAR, Thomas ROBERT et Rémi SANTIARD
Faculté de Médecine, université de Bourgogne - D.U Action Humanitaire 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PREMIERE PARTIE

La fuite imprévue hors du pays d'origine

- « Moi je voulais qu'on me condamne, que quelqu'un me dise: « Tu as mal fait ». - « Vous condamner pourquoi? »

- « De ce qui m'a décidé de venir en France »

Entretien avec Venantia

Comment comprendre les motivations profondes qui poussent le ressortissant d'un pays à «(im) migrer » vers un autre pays? Certes la situation politique ou économique ,qui forment les deux principaux facteurs d'instabilité et la cause de toute immigration, est une source d'explication .Mais tout immigration ne saurait se comprendre sans une tentative de décrypter les représentations parfois communes,souvent individuelles, toujours culturelles des personnes en migration.

1) Immigration ou fuite?

L'enjeu de cette première partie est de comprendre ce qui motive une personne possédant une nationalité,une culture propre,une identité précise en somme, à quitter ce même pays pour rejoindre un autre jugé plus habitable. Le problème de l'immigration personnelle (nous ne nous appuyons que sur des cas uniques et personnels) doit se résoudre au moyen d'une méthodologie définie: nous en examinerons tout d'abord les différentes causes factuelles, puis mettrons en lumière les stratégies mises en oeuvre pour y répondre et qui consomment véritablement l'acte d'immigrer. Nous rappelons que cette étude n'a pas une volonté scientifique de décrypter les représentations des personnes interrogées mais à en comprendre les cas dans leurs individualités, leurs vécus et à montrer que ces dernières sont liées à nos propres représentations.

a) Deux causes de motivation à l'immigration:

« J'ai jamais rêvé de venir en France » explique Venantia dès le début de l'entretien, c'est dire que les causes de départ sont rarement dépendantes exclusivement de la personne et de son écologie personnelle. Les facteurs motivants sont bien plutôt extérieurs à la personnalité. Ils sont très souvent confus pour le réfugié comme le montre les premières minutes de chaque entretien. On

voit les demandeurs d'asile chercher leurs mots, hésiter, parfois même nous concéder la parole et nous demander de questionner afin de les aider à formuler.

Venantia nous donne les clés de ce qui est l'interprétation la plus souhaitable possible : elle insiste sur le fait, dès le début de l'entretien,de relativiser notre étude auprès d'autres résidents du CADA venant d'autres situations économiques ou politiques afin de rendre consciente cette confusion de facteurs. On rejoint sur ce point une des principales critiques du système d'accueil et d'instruction judiciaire français représenté par l'OFPRA: la classification des cas personnels en grandes masses non représentatives sans compréhension préalable des vécus individuels, parfois jusqu'à la dichotomie simplificatrice (réfugié économique ou réfugié politique; clandestin ou apatride) qui participe de la mécanisation bureaucratique.

« Je commence exactement par quoi? » demande Venantia. Bien entendu on remarque très vite que cette tentative, sous contrainte en quelque sorte (celle de notre présence), de reconstituer les causes de départ dépend très fortement à la fois du traumatisme vécu, et du niveau intellectuel et mental du demandeur d'asile. Nous remarquons que dans le cas des personnes interrogées ayant eu un niveau d'étude certain ce discours est reconstitué de manière livresque quasiment: on assiste à une narration qui n'exige pas beaucoup d'échos ou de relance de notre part. Cyprien (ingénieur de formation) notamment délivre son histoire en insistant notablement sur les circonstances temporelles et géographiques (dates, précision des lieux et importance de faire imager les détails).Il nous dessine rapidement une carte qui est comme le support de son discours. Nous n'intervenons que pour en préciser les dimensions culturelles qui ne peuvent qu'échapper à un occidental (accent, expressions afro-francophones, termes dialectaux, dénomination toponymique...).On remarque également que très souvent ceux-ci (en tous cas pour les demandeurs d'asile francophones ou maîtrisant bien la langue française) explicitent leurs discours avant même qu'on leur demande de le préciser, de la même manière que s'ils prévoyaient notre incompréhension. Volonté illocutoire ou empathie aucun indice ne nous permet de mesurer ce point.

Les premiers instants de cette narration démontrent, en négatif, l'ampleur du traumatisme vécu: le cas de Martin notamment est représentatif d'une confusion mentale certaine. Celui-ci pourtant volontaire enthousiaste pour un entretien (notre premier entretien qui plus est) s'inquiète d'être reconnu, rattrapé par ceux qui le recherchent (il se dit inscrit sur une « liste ») et on sent véritablement sa peur. Après cela il commence son discours sans ancrage spatio-temporel nous permettant de le comprendre dans les meilleures conditions et nous introduit directement dans les

faits de l'armée de Mobutu au sein de laquelle il était soldat recruté de force. Il choisit de commencer par ce qui l'a traumatisé et cette prise de position linguistique témoigne de sa représentation personnelle: pour lui sa vie commence dès cette époque. Pour comparaison, Cyprien ou Venantia, François aussi, tous font débuter leurs prises de parole par leurs cursus scolaires ou universitaires. Il est vrai qu'aucun ne remonte à l'enfance; ils ne semblent pas éprouver le besoin de renseigner sur leurs états civils. L'hypothèse la plus probable est que, loin d'avoir oublié leurs origines (tous gardent un lien profond avec le pays et la culture) les demandeurs d'asile entendus réalisent un choix rationnel qui leur permet de faire débuter leur vie de réfugié politique au moment du traumatisme.

Si, la plupart du temps la confusion quant aux motifs de départ ne permet pas aux réfugiés de formuler précisément la cause de leur choix, leurs discours nous permet d'en reconstituer les contours. Nous pouvons dès lors les répartir en deux groupes:

- les atteintes à la sécurité personnelle : le réfugié ne se sent plus en sécurité, alimentaire ou corporelle comme c'est le cas, par exemple de Martin, menacé de mort au Congo Kinshasa. Nous n'avons entendus, il est important de le noter, aucune personne dont la cause de fuite ressortait d'une pénurie alimentaire.

- Les atteintes au rôle social du réfugié. C'est le cas de François qui était professeur d'anglais et militant dans une association pour les droits des enfants burundais. Dès lors qu'il a été exclu par les autorités pour collusion avec les forces rebelles et que son engagement citoyen ne fût plus reconnu par la population (il a été victime de diffamation), sa stratégie personnelle fut tournée vers la fuite.

Ces deux causes principales d'immigration hors du pays d'origine sont toujours présentes et s'alimentent l'une l'autre, à des degrés variables. Venantia perdit son intégrité sociale avant de se sentir corporellement menacée: alors qu'elle enquêtait sur la motivation des professeurs congolais sous-payés à continuer leur enseignement pour réaliser son mémoire universitaire, elle se heurta à toutes les incompréhensions et graduellement fut dépossédée en quelque sorte de son rôle social. Ce n'est qu'ensuite qu'elle subit les menaces et exactions du gouvernement congolais. Si, sans nul doute c'est toujours la dégradation de l'intégrité physique et l'insécurité corporelle qui motivent la fuite, la perte du rôle social en est toujours concomitante. Il semble que les deux sources de traumatisme se conjuguent dans la représentation personnelle. Il est à noter pour finir sur ce point que les demandeurs d'asile entendus n'évoquent que pudiquement ces menaces corporelles et ce sentiment d'insécurité, voire jamais. Par contre la souffrance née de leur rejet social est toujours

mise en avant parfois en métaphore de la peur pour soi-même. L'indésirabilité sociale forme une cause d'immigration, au moins aussi importante que l'insécurité politique.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry