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Les réfugiés politiques et les demandeurs d'asile à Dijon

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par Nassiri ATTAR, Thomas ROBERT et Rémi SANTIARD
Faculté de Médecine, université de Bourgogne - D.U Action Humanitaire 2008
  

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b) stratégie individuelle ou collective?

La réponse aux atteintes vues précédemment pourra suivre diverses voies que la personne menacée prendra sur la base d'un choix rationnel (entendons par là: pour assurer au mieux sa propre protection tant physique que mentale). Tous les réfugiés évoquent ces stratégies comme des choix personnels, intérieurs à la personne a contrario des causes d'insécurité. Dans la majorité des cas on constate que la narration de ces stratégies forment le coeur des récits et que le narrateur oppose ce discours au contexte qui renseigne sur les causes factuelles d'immigration (situation de guerre dans le cas de François, de Cyprien et d'Omar par exemple).

Il est important de noter, que contre toutes attentes et toutes représentations, jamais le migrant, sur son territoire, dès la survenance des problèmes à son encontre, ne s'imagine comme solution l'immigration en Europe. Etre réfugié politique est un concept n'existant que dans les derniers moments de la stratégie personnelle, c'est-à-dire quasiment sur le territoire français ou européen. Le migrant cherche toujours au départ à améliorer sa liberté et sa capacité individuelles (sa « capabilité » au sens d'Amartya Sen), à essayer toutes les voies de recours dans son pays. Venantia notamment cherche à rejoindre le pays voisin de la République Démocratique du Congo dans le but au départ d'être protégée et cachée au sein d'un couvent de religieuses. François lui continue à se battre sur le terrain militant, donne des conférences mais tout en fuyant les coercitions (rebelles et gouvernementales), parcourt le Burundi pour se cacher. On constate que la migration est culturellement ancrée en Afrique (la plupart des demandeurs d'asile proviennent de ce continent) et représente une stratégie partagée par les ressortissants de plusieurs pays instables pour échapper rationnellement aux persécutions. Le cas de Cyprien en est un exemple frappant: parti du Rwanda alors en proie au génocide de 1994, il « prend le parti » des Hutus et doit fuir le pays pour le Congo Kinshasa. Poussé par des flux migratoires entre ces deux pays il aboutit en Tanzanie puis finalement après un parcours qui lui a fait traversé quasiment la moitié de l'Afrique subsaharienne, au Mozambique où il réside un temps. La migration interne (nationale) et continentale (entre plusieurs pays) est la stratégie préférentielle dans nombre de cas. Celle-ci perdure tant qu'une opportunité de quitter le continent ne se présente pas, qu'elle soit volontaire ou non. Notons tout de suite que les témoignages de filières d'évasion sont rares (hormis Omar le soudanais ou Dico) et ne représentent pas une stratégie personnelle car dans les deux cas les réfugiés se laissent véhiculer sans connaître la destination, sans même savoir avoir

affaire à un passeur (c'est le père de Dico alors âgé de 23 ans qui s'est entendu avec les passeurs russes et tout cela lui semblait légal).

Par ailleurs rarement les ONG ne sont prises en compte dans les stratégies individuelles de fuite. Cyprien notamment dit qu'on ne « cherche les organisations humanitaires que lorsqu'on est dans une situation particulière » faisant référence par là à la maladie ou à la sous-alimentation, au SIDA encore. Déjà peu visibles sur le terrain, hormis la Croix Rouge Internationale, les ONG africaines ne sont en rien des points d'appui d'immigration ou des quelconques auxiliaires pour les personnes en état de fuite politique. Lors des entretiens notre volonté de comprendre l'implication des ONG, compte tenu de notre représentation, s'est heurtée au doute des demandeurs d'asile qui ne réalisaient pas notre demande. C'est dire que pour ceux-ci les organisations humanitaires ont une dimension avant tout locale. Si Cyprien s'est maintes fois présenté à l'antenne mozambicaine du HCR c'est avant tout pour bénéficier d'un laissez-passer territorial et d'une assurance de se voir plus rapidement offerte la nationalité. Il le dit plusieurs fois: il aspirait à « un lieu paisible » mais jamais l'Europe n'avait figuré dans ses plans.

Parfois les personnes sont également dans une impossibilité de former une stratégie à cause du fait de l'emprisonnement surtout. Venantia et Martin partagent cette situation. Tenus dans des prisons congolaises ils doivent leur fuite à une opportunité et à une chance. Venantia notamment, tombée malade et transférée dans un camp de la CRI pour un examen médical doit son salut à l'aide d'un médecin congolais sur place qui l'a fait évader vers un couvent de religieuses. Martin lui a l'occasion de fuir par avion grâce à un ami travaillant à l'aéroport. Dès lors qu'ils parviennent à se soustraire à la coercition gouvernementale et à la menace de tortures ou de sévices, les migrants envisagent l'Europe comme un destination non plus virtuelle mais bien réelle. C'est au final quand le pays d'origine sape toute foi du migrant dans sa possibilité de maintenir un état de paix et de reconnaissance sociale que celui-ci décide de le fuir et dès lors la France et l'Europe apparaissent dans leurs champs de représentations. Ils véhiculent des images de liberté et de reconnaissance humaine et sociale, avant même des images de prospérité et de statut socioprofessionnel. L'une des causes psychologiques, et sans doute la plus significative, d'immigration vers la France et l'Europe est la représentation de celle-ci comme espace de liberté. Une fois sur le territoire européen la représentation ne peut que se confronter à la réalité et décompenser, ce qui montre bien la densité de la charge affective qu'avait placé le migrant dans cette représentation. Venantia le répète souvent et parle d' « hypocrisie des Droits de l'Homme »

Enfin il est important de noter que, semble-t-il, toute stratégie de fuite est rationnellement orientée vers l'apaisement des tensions d'insécurité et il s'agit là d'une stratégie collective. Deux faits corroborent cette hypothèse.

Comme l'exprime Cyprien lors de son périple à travers l'Afrique du Rwanda jusqu'au Mozambique on a tendance à rechercher le soutien de la police locale .Il explique très bien comment systématiquement lui et les personnes avec qui il formait ce petit cortège de migrants se présentaient aux postes de police des différents pays traversés afin d'être placés sous garde à vue pour clandestinité et absence de papiers, et bénéficier ainsi d'une protection relative. Le recours par défaut à la police, souvent perçue comme pacifique tout du moins dans les pays relativement calmes, est une stratégie collective qui a pour objectif d'apaiser le sentiment d'insécurité et améliorer celui de désirabilité sociale. En effet, et comme nous le renseigne Cyprien les policiers cumulent les rôles sociaux informels: celui de traducteurs (ils parlent toujours un peu au moins l'anglais, le français ou un dialecte africain continental comme le Souahéli) et de guides (ils connaissent les camps humanitaires, les régions sûres).Mais surtout ils représentent une assurance de protection certes temporaire mais sûre.

A une échelle davantage continentale, la fuite vers les camps de réfugiés constitue une stratégie collective pour plusieurs raisons: rejoindre la communauté nationale (l'épisode rwandais est révélateur sur ce point), assurer sa subsistance immédiate et sa santé, s'implanter définitivement mais aussi et surtout constituer son dossier administratif, pris en charge par les ONG et le HCR, présents systématiquement dans ces camps. Cyprien a été admis comme citoyen du Mozambique après un temps passé dans le camp de Masaca mis en place par l'ONU pour le transfert des mozambicains expatriés (camp de transit). Très vite ce camp a accueilli nombre de nationalités en perdition. Cyprien s'y rend car il s'agit d'un point de passage quasi obligatoire pour pouvoir constituer son dossier de réfugié politique, élaborer son projet professionnel et de réinsertion. Une fois dans le camp le réfugié ne peut le quitter sans avoir rempli ces conditions. Les demandeurs d'asile entendus comme Cyprien et Martin comme ceux dont les témoignages ressortent de la littérature ayant vécu dans ces camps expliquent tous le mécanisme pernicieux de cette organisation qui d'une part aspire littéralement les migrants, les parquent pour ne pas leur permettre d'être ensuite libres de leurs mouvements. Face au phénomène gigantesque de la formation de camps en Afrique il est certain que la rétention organisée par les ONG et le HCR compte tenu d'objectifs administratifs participe de la détérioration des migrants et de la congestion desdits camps.

Si les causes de fuite hors du pays d'origine sont liées à la non reconnaissance sociale et à l'insécurité corporelle, les stratégies mises en place, à des degrés de choix rationnels divers, aboutissent au final à une migration sur le territoire européen et français en particulier où ils sont pris en charge par les structures spécialisées: CADA et CPH entre autres. Ils deviennent alors des éléments préoccupants pour les Etats signataires de la Convention de Dublin et de l'Espace Schengen et endossent bien trop souvent une image péjorative et suspicieuse.

Dans la confusion faite avec les immigrés économiques ou clandestins, les services français reproduisent les catégorisations et discriminations populaires en continuant par exemple à ne pas prendre en compte que 1 exilé sur 4 est de niveau «cadre supérieur» selon l'INSEE1 (cas de Venantia, de François, de Cyprien, et d' Hélène) et comme nous le verrons par la suite de l'étude. Le non-respect de cet aspect de la personnalité souvent contribue à leur souffrance sur le sol français, en plus de l'oisiveté qu'on leur impose (voir à ce sujet la partie II). C'est aussi méconnaître la psychologie la plus élémentaire, car comme nous allons le voir toute immigration rationnellement élaborée témoigne d'un traumatisme.

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