SECONDE PARTIE
La demande d'asile, une situation provisoire mais
délicate
Ces dernières années, on assiste en France
à une baisse des demandes d'asile. Ainsi, en 2004, le nombre baisse de
3,2 pour cent. Cela s'explique par plusieurs facteurs, notamment par la
politique européenne de fermeture des frontières qui fait que les
demandeurs d'asile ont de plus en plus de difficultés à atteindre
le territoire français. Pour pouvoir venir en France, les demandeurs
d'asile sont souvent obligés par conséquent de faire appel
à des passeurs et à des filières d'immigration sans
scrupule, parfois au péril de leur vie.
1) La prise en charge du migrant par les instances
juridiques et institutionnelles:
La France, terre des droits de l'homme, reste dans
l'imaginaire des demandeurs d'asile qui parviennent sur le territoire
français, un véritable « pays de cocagne ». Les
témoignages recueillis font ressortir que les réfugiés
perdent vite leurs illusions et se trouvent rapidement rattrapés par
l'amère réalité. Le parcours des demandeurs d'asile
arrivant sur le territoire français demeure complexe et parsemé
d'épreuves, avant d'atterrir pour les plus favorisés d'entre eux
dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile.
Les statistiques de l'OFPRA montrent que seul 15 pour cent des
demandeurs sont entrés en France munis d'un visa. Au terme de l'article
31-1 de la convention de Genève, les demandeurs d'asile sont
dispensés de l'obligation de documents de voyage et ne peuvent
être pénalement responsables d'une entrée ou d'un
séjour irrégulier sur le territoire du pays d'accueil. Les
demandeurs d'asile africains avec lesquels nous nous sommes entretenus sont
dans l'ensemble presque tous arrivés dans un premier temps à
Paris.
C'est ainsi que le 20 décembre 2005 Venantia parvient
avec la mystérieuse inconnue qui l'a accompagnée à
l'aéroport de Roissy. Là, abandonnée par la femme, elle se
retrouve démunie, sans repère, comme tous les demandeurs d'asile
qui pénètrent sur le territoire. Par un heureux hasard, elle
repère au sein de l'aéroport des prêtres africains et va
leur parler, leur expliquer sa situation, comptant sur leur aide. Ces derniers,
l'emmènent alors généreusement dans leur habitation,
lui
procurent vêtements chauds et médicaments et
tentent en vain de joindre Marcelline. La femme dort ainsi chez ces nouveaux
hôtes la nuit du 20 décembre puis prend le train le lendemain en
direction de Dijon ou elle compte bien retrouver la Rwandaise, Marcelline.
De même, Cyprien, muni donc d'un faux passeport arrive
en 2006 à l'aéroport de Roissy, endroit qu'il quitte
aussitôt de peur qu'on se rende compte de qui il est et qu'on le remette
de force dans un avion pour le renvoyer au Mozambique. Dans les rues de la
capitale, il se décide finalement à s'adresser à des
policiers qu'il aperçoit. Il entreprend cette démarche avec la
peur au ventre qu'on le mette en prison, risque qu'il prend car l'idée
d'errer indéfiniment dans la ville sans savoir où aller et cela
dans un état d'insécurité réel lui est
insupportable. Ces derniers, à son étonnement, se contentent de
lui donner l'adresse de l'association « France Terre d'Asile ». C'est
ainsi que commence sa prise en charge. Il est logé dans un premier temps
en appelant le 115 puis « France Terre
d'Asile » parvient à le faire dormir dans un hôtel.
Un mois plus tard, il est transféré au CADA à Dijon car il
n'y a plus de place à Paris.
Mais tous les demandeurs d'asile arrivant sur Dijon ne sont
pas aussi chanceux que Cyprien et bien peu sont aussitôt logés au
CADA dès leur arrivée sur Dijon: Omar le soudanais se trouve
notamment dans l'obligation de loger dans un squat de la ville d'Angers durant
trois mois avec des SDF et quatre autres Soudanais qui sont dans la même
situation que lui. Durant trois mois, il endure, nous raconte-t-il les insultes
de la part de nombreux passants qui le jugent rapidement et avec mépris
mais réussit à survivre néanmoins grâce au SAMU
social de la ville d'Angers qui vient la nuit lui apporter de quoi boire et
manger. Le cas d'Omar est exceptionnel car il fait partie de la grande
minorité qui obtient une réponse favorable de l'OFPRA et obtient
aussitôt le statut de réfugié qui lui permet de venir
s'installer à Dijon.
Aussi, madame Venantia, arrivée à Dijon,
déçue de ne pas avoir trouvé Marcelline à l'adresse
qu'on lui avait indiquée (à la résidence ADOMA Samuel
Beckett) se trouve dans l'obligation de dormir dans les escaliers froids de la
résidence. L'un des résidents, la voyant affalée sur les
marches, prend pitié d'elle et finit par l'héberger
exceptionnellement pour une nuit. Le lendemain, elle se résigne à
entreprendre les démarches nécessaires afin d'obtenir le statut
de réfugié. Tout demandeur d'asile dijonnais doit en effet se
rendre dès son arrivée dans un premier temps à la
préfecture. La Congolaise reconnaît que l'accueil qui lui est
réservé dans cet établissement est honorable et
respectueux. La préfecture l'invite à se rendre au
SCODA (service de contacts et d'orientation pour demandeurs
d'asile), ce qu'elle fait aussitôt. Le SCODA est un organisme ouvert
depuis Août 2001. La « coordination réfugiés
de Cote d'or » (qui regroupe tous les représentants du
CADA, d' ADOMA, du secours catholique, de la CIMADE, de l'ANAEM) en
avait en toute logique assez de voir des demandeurs d'asile
arriver et ne pas savoir où aller, totalement perdus. Ainsi, le SCODA
reçoit ces visiteurs, s'occupe des démarches administratives
liées à leur état civil, peut héberger les familles
durant une nuit s'il y a des chambres libres dans le centre d'accueil et
d'orientation unique Bianquis. Le SCODA est sous la tutelle de la direction
départementale des affaires sanitaires et sociales qui donne les
autorisations de prendre une famille en charge, en fonction du nombre de places
donc disponibles. Le SCODA est en lien permanent avec un service
d'interprétariat à Paris pour comprendre les visiteurs, quel que
soit leur lieu d'origine, ainsi qu'avec la CSF (aide à
domiciliation postale, permettant aux demandeurs d'asile de pouvoir recevoir du
courrier à une adresse bien précise) qui s'occupe du dossier
OFPRA. En effet, pour enregistrer sa demande par la préfecture, le
demandeur doit fournir une adresse où il lui est possible de faire
parvenir en effet toute correspondance et cela pendant toute la durée de
validité de l'APS. La première difficulté pour le
demandeur réside donc souvent dans la recherche d'un lieu
d'hébergement ou au moins d'une adresse postale, condition
impérative pour la délivrance de l'APS. Arrivée au SCODA,
la Congolaise y rencontre l'assistante sociale qui lui demande de repasser
l'après midi. En attendant le rendez-vous fixé, seul chance de
salut, elle doit errer dehors, lutter contre le froid hivernal et ne trouve
d'autre solution pour trouver un peu de chaleur que de monter dans les bus de
la ville et de s'asseoir sur un siège, sans but précis ni
itinéraire en vue particulier. Au SCODA, on l'oriente vers le PASS ainsi
que vers le centre Sadi Carnot, où lui est offerte la
possibilité de dormir trois jours d'affilée. L'hébergement
dans ce centre reste assez glauque: elle se retrouve avec des inconnus
très différents les uns des autres et pas très causant
dans une chambre pleine de fumée: « on fume de tout dans ce
lieu! », nous confie t'elle. Elle reconnaît toutefois avoir
bien dormi. Le lendemain, elle retourne à la SCODA. Là, elle
rencontre quelques femmes en pleurs qui sont dans le même cas qu'elle.
L'assistante sociale lui annonce qu'elle doit choisir un autre
département dans lequel elle voudrait aller car il n'y aurait justement
pas de logement à Dijon où elle pourrait dormir en attendant la
réponse de l'OFPRA. Depuis la loi du 10 Décembre 2003 qui a
instauré un « guichet unique » d'enregistrement et d'examen de
la demande, tous les demandeurs d'asile peuvent être logés en
CADA. L'admission en CADA est néanmoins soumise à certaines
conditions précisées dans une note de la DPM de Février
2005: sont exclus du dispositif national d'accueil les demandeurs d'asile non
détenteurs d'un document provisoire de séjour, c'est à
dire tous ceux placés en procédure prioritaire, relevant des
dispositions du règlement Dublin 2. Compte tenu de l'inadéquation
entre la demande d'hébergement et la capacité d'accueil des CADA,
les éléments retenus pour l'admission des résidents sont
généralement d'ordre social, la priorité revenant aux
primo-arrivants en fonction de l'urgence sociale, aux familles, aux enfants,
aux jeunes majeurs isolés, aux personnes ayant des problèmes de
santé et aux femmes seules.
Pourtant, aucune chambre n'est sur le moment libre pour la
Congolaise. Déçu, elle estime que c'est à la
préfecture de l'orienter vers une autre ville si nécessaire et
pas à elle de faire un choix hasardeux, sachant qu'elle connaît
peu la France. Elle plaint les autres femmes prés d'elle qui sont
sommées de partir également pour un autre lieu inconnu et qui
contrairement à elle, ne parlent en plus même pas français!
Refusant de faire un choix, Venantia se résoud donc à rester sur
Dijon dans l'espoir qu'un logement finisse par se libérer. Après
le SCODA, elle est amenée logiquement à aller voir le PASS car
elle connaît quelques problèmes de santé. En attendant de
bénéficier de la protection sociale attribué aux
demandeurs d'asile dans le cadre de la CMU, les demandeurs d'asile ont la
possibilité de se rendre dans les hôpitaux ou il existe ainsi des
permanences de santé aux soins de santé (PASS),
conformément à l'article L.771-7-1 du code de la santé
publique. La circulaire du 17 décembre 1998 précise que «
les établissements publics de santé » mettent en place les
permanences d'accès aux soins de santé, adaptées aux
personnes en situation de précarité, visant à faciliter
leur accès au système de santé et à les accompagner
dans les démarches indispensables à la reconnaissance de leurs
droits. A Dijon, les demandeurs d'asile y sont naturellement pris en charge par
une équipe de médecins, un assistant social. Des
médicaments leur sont délivrés gratuitement. Les
médecins, la, lui font gratuitement un bilan médical: ils lui
annoncent qu'elle a un taux de cholestérol supérieur à la
moyenne et qu'elle fait dans un même temps une crise d'hypertension. Elle
passera en fin de compte malgré cela 51 jours de plus à errer
sans but dans la ville et à se débrouiller du mieux qu'elle le
peut pour survivre. Sans l'hébergement qui lui était offert
à Sadi Carnot, elle aurait succombé, tiraillée
par le froid et la misère. Le centre en question non seulement leur
offre un endroit ou dormir mais leur procure aussi assez de nourriture pour
affronter la longue journée qui les attend. Néanmoins, il ne leur
est parfois permis de dormir que trois jours d'affilée dans le centre,
et parfois, lorsqu'on estime qu'il ne fait pas très froid, les
éducateurs ont pour instruction de refuser de les loger une
quatrième nuit. Elle voit là un système de torture
psychologique ayant pour visée de tester leur résistance et de
les obliger à choisir une autre ville d'accueil. La demandeuse d'asile
n'en veut pour autant pas aux éducateurs du centre qu'elle estime
beaucoup et qui ne font que se conformer aux ordres qu'ils reçoivent.
Cette situation lui pèse. Elle avoue s'être arrêtée
à certains moments devant les rails des chemins de fer et avoir
hésité à se jeter sous l'un des nombreux trains qui
défilaient devant ses yeux. Une seule chose l'en dissuadait: le souvenir
de sa famille. Heureusement, la femme se lie assez rapidement d'amitié
avec trois autres femmes, demandeuses d'asile également et qui
l'accompagnent dans son errance. Ce groupe, soudé auquel elle
adhère et qui se constitue naturellement lui apporte un peu de force et
de réconfort. Lorsque le foyer Sadi Carnot refuse de les
héberger pour une nuit, les quatre femmes se rendent alors à la
gare où souvent, on les expulse. Elles appellent alors le 115 qui les
dépanne pour une nuit. Cette situation dure jusqu'à
l'inoubliable nuit ou absolument personne n'a accepté
de leur venir en aide: le foyer Sadi Carnot qui ne peut accueillir que
35 personnes et qui surtout n'avait pas déclenché de plan
hivernal a refusé de les héberger et les personnes qu'elles
avaient appelées en composant le numéro 115 ont affirmé
être dans l'incapacité de les aider! Selon elle, la police n'a
également rien voulu faire pour les secourir. Pour se réchauffer,
les quatre femmes se réfugient dans une cabine
téléphonique mais cela ne suffit pas. La souffrance atteignant un
seuil de plus en plus élevé, madame Venantia finit par
téléphoner à une femme très croyante qu'elle avait
quelques jours auparavant croisé dans l'église de Fontaine
d'Ouche et avec qui elle avait sympathisé. Dernier recours possible, la
religieuse accepte bien heureusement par téléphone de les loger
chez elle le temps d'une nuit. Le lendemain, malgré cette aide
inopportune, deux des trois amies de la Congolaise se retrouvent aux urgences,
l'une pour gènes respiratoires manifestes et l'autre en raison de
difficultés apparentes à marcher normalement. À bout de
nerfs, Venantia va au SCODA et leur demande avec hargne ce qu'elle doit faire
pour ne plus jamais revivre une telle situation et menace d'informer toute la
ville de la manière dont ils sont traités. Dans les jours qui ont
suivi, une place s'est libérée en CADA et elle trouve alors un
foyer où vivre et dormir dans la dignité. Ce ne fut pas le cas de
ses trois compagnes qui continuèrent par la suite, après leur
sortie de l'hôpital d'errer ainsi durant quatre mois dans Dijon!
À Dijon, une fois par mois, une commission de
concertation mensuelle a lieu au PASS: une personne travaillant à la
DDASS préside cette commission. Tous les grands acteurs
interférant dans l'accueil des demandeurs d'asile y sont présents
(SCODA, CADA, CPH, ANAEM). Lors de cette réunion, le CADA informe ses
collaborateurs du nombre de places disponibles en son sein. En fonction de ces
renseignements, le SCODA propose des personnes aptes à y résider
et lorsque le nombre de places s'épuise, il réoriente les
demandeurs d'asile vers d'autres départements, comme il a voulu le faire
avec Venantia. La circulaire du 19 décembre 2003 instaure une
organisation territoriale des places en CADA en fonction de divers
paramètres, la pression locale et la demande d'hébergement en
font partie. Elle légitime la pratique des quottas régionaux
faisant l'objet d'une révision annuelle: chaque établissement
doit accueillir un nombre minimum de demandeurs d'asile provenant d'autres
régions. Ainsi, 25 pour cent des résidants dans les CADA de
Côte d'or doivent impérativement provenir d'autres
départements. Pour déterminer le nombre de places laissées
à la disposition de la région Bourgogne, le recensement et
l'instruction des demandes d'hébergement ainsi que la mise en oeuvre des
commissions locales d'admission sont gérées par la DASS. La
capacité de régulation du dispositif à l'échelon
national est cependant maintenue par la commission nationale d'admission dont
le secrétariat est assuré par l'ANAEM.
Rappelons que jusqu'au 31 décembre 2003, c'était
l'association France Terre d'Asile qui avait la charge du dispositif national
d'accueil, entièrement financé par l'Etat au travers de la
direction des populations et des migrations et des diverses directions
départementales des affaires sanitaires et sociales. Actuellement, c'est
donc l'ANAEM créée par la loi de programmation pour la
cohésion sociale (loi du 18 janvier 2005) qui gère donc ce
dispositif. Cet établissement public administratif de l'Etat,
opérationnel en Avril 2005 a pour objectif donc de gérer
l'accueil des étrangers titulaires d'un titre les autorisant à
séjourner durablement en France.
Lorsqu'il a pénétré sur le territoire
français et quelles que soient les modalités d'entrée,
l'étranger qui souhaite déposer une demande d'asile en premier
lieu doit se rendre donc comme on a pu le constater à la
préfecture de son lieu de domiciliation ou du moins de vie afin d'y
faire une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Cela est
primordial car si le demandeur d'asile n'est pas passé par la
préfecture avant de saisir l'OFPRA, il risque tout simplement
d'être sanctionné par l'irrecevabilité de sa demande. C'est
pourquoi la préfecture a pour habitude de remettre au demandeur une
autorisation provisoire de séjour d'une validité d'un mois,
portant la mention « en vue des démarches auprès de l'OFPRA
», accompagnée d'un formulaire de demande d'asile à
déposer à l'OFPRA dans un délai justement de 21 jours
suivant son obtention. Sur présentation de la lettre d'enregistrement de
sa demande établie par l'OFPRA, le demandeur se voit donc
attribué un récépissé manifestant le
dépôt d'une demande d'asile d'une validité de trois mois
renouvelables jusqu'à l'issue de la procédure, qui est loin
d'être de courte durée. La loi du 10 décembre 2003
instituant un « guichet unique », toute demande de protection fait
l'objet d'un examen, uniquement par l'OFPRA et la CRR. Cela est censé
simplifier la procédure et réduire les délais. La loi
supprime aussi l'asile territorial qui avait été introduit par la
loi du 11 Mai 1998 pour accorder la « protection subsidiaire » aux
personnes dont la vie ou la liberté est menacée dans le pays
d'origine. Pourtant, les demandeurs d'asile sont de plus en plus
confrontés à des obstacles difficilement surmontables avant de
parvenir à déposer leur demande d'asile: le raccourcissement du
délai de dépôt d'un mois donc à 21 jours, la
nécessité d'attester d'une domiciliation, l'exigence de
complétude du dossier ainsi que l'utilisation écrite du
français dans les premières démarches administratives ne
sont pas là pour faciliter l'entrée et l'adaptation des
demandeurs d'asile fraîchement arrivés sur le territoire
français. A Dijon, hormis le SCODA, il y a « SOS
Refoulement » qui est un collectif d'association qui aide
à la constitution éventuelle du dossier OFPRA des demandeurs
d'asile qui en font la demande. Le Secours Catholique est
également prêt au quotidien à les aider dans leurs
démarches administratives.
Le décret du 14 Août 2004 oblige en théorie
la préfecture à remettre à l'intéressé l'APS
et le formulaire OFPRA dans un délai maximum de quinze jours. Le
décret du 23 Août 2005 impose
aussi au préfet de délivrer le
récépissé dans un délai de trois jours suivant
l'expiration de l'APS. Malheureusement, en dépit de cela, les pratiques
préfectorales restent très variables quant au respect de ces
délais, constat qui a conduit le Ministère de l'Intérieur
à un rappel à l'ordre aux préfets. Dans son rapport du 6
Avril 2006, le sénat note cependant que le délai de 15 jours est
respecté par 85 pour cent des préfectures, qui reçoivent
95 pour cent des demandeurs d'asile. Force nous est de constater que parmi les
témoignages que nous avons recueillis, aucun ne porte à cet
égard de jugement négatif sur les délais de réponse
de la Préfecture de Dijon.
De même, les demandeurs d'asile que nous avons
interrogés sont dans l'ensemble très satisfaits de l'accueil qui
leur a été réservé au PASS, établissement au
sein duquel les médecins et l'assistant social demeurent à
l'écoute de leurs problèmes physiques et sont ouverts au
dialogue. Les médecins que nous avons rencontré au PASS nous ont
fait part de leur inquiétude quant à l'évolution de
l'encadrement de la santé physique des demandeurs d'asile en France:
avant la mise en place du CESEDA, en 2005, les demandeurs d'asile avaient le
droit à la couverture maladie universelle dès la
délivrance de l'autorisation provisoire de séjour par la
préfecture alors qu'aujourd'hui, est imposé un délai de
trois mois pour pouvoir en bénéficier! Bien évidemment, le
nombre de leurs patients se voit donc accru. 1793 patients ont
été enregistrés au PASS pour l'année 2005, nombre
qui est susceptible de croître d'année en année.
Cette situation s'avère d'autant plus intrigante que
l'article 741 du CESEDA prévoit quatre cas dans lesquels la
préfecture dijonnaise peut refuser la délivrance de l'APS au
demandeur d'asile:
1) lorsque l'examen de sa demande relève de la
compétence d'un autre Etat en application du règlement dit Dublin
2 du 18 février 2003.
2) le demandeur a la nationalité d'un pays pour lequel
sont mises en oeuvre les clauses de cessation de la convention de Genève
ou d'un pays considéré comme « pays d'origine sûr
», notion introduite par la loi du 10 novembre 2003.
3) la présence en France de l'étranger constitue
une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la
sécurité de l'Etat.
4) la demande d'asile repose sur une fraude
délibérée ou constitue un recours abusif aux
procédures d'asile: celle ci ne serait présentée qu'en vue
de faire échec à une mesure d'éloignement
prononcée.
Il paraît aussi évident que le refus de
délivrer une autorisation de séjour empêche un
immigré d'avoir accès à l'allocation d'insertion et
à un hébergement en CADA.
Le fameux « règlement Dublin 2 »,
adopté par les États membres de l'UE le 18 février 2003
est entré en vigueur le 17 Mars 2003 et s'applique à toute
demande introduite depuis le 1er septembre 2003: il apporte quelques
précisions et modifications à la convention de Dublin
signée le 15 Juin 1990 et entrée en vigueur le 1er Septembre
1997. Cette convention de Dublin met en place le principe de la
responsabilité d'un État de l'UE dans le traitement d'une demande
d'asile et du transfert éventuel de l'intéressé vers le
pays ainsi désigné. Ainsi, le demandeur d'asile qui arrive sur le
territoire européen se trouve dans l'obligation de faire sa demande
auprès du premier État de la communauté sur lequel il a
mis les pieds. La convention de Dublin était insatisfaisante à
bien des égards: l'absence de délais précis pour sa mise
en oeuvre laissait pendant des mois des demandeurs d'asile en situation de
grande précarité. Des membres d'une même famille voyaient
leur demande examinée dans des pays différents et pouvaient ainsi
être séparés pendant des années. La
détermination de l'état responsable était
extrêmement difficile à établir en l'absence de preuves
formelles du passage ou du séjour des étrangers dans cet
État. Le règlement Dublin 2 tente laborieusement de combler les
lacunes de ce premier dispositif. Quoi qu'il en soit, les deux textes
alourdissent considérablement les procédures de traitement de la
situation des demandeurs d'asile et font douter dans la pratique de leur
pertinence. Il apparaît en effet évident que les chances d'obtenir
l'asile selon l'Etat sur lequel on met les pieds ne sont pas les mêmes,
ce qui va à l'encontre de l'idée d'un traitement équitable
des différents demandeurs d'asile. Les États européens ont
en effet une grille de lecture différente de la définition du
réfugié, ainsi qu'une analyse variable de la situation
prévalant dans les pays ou régions d'origine des demandeurs.
La procédure d'admission sur le territoire au titre de
l'asile relève du ministère de l'intérieur, seul
compétent à décider des entrées et du séjour
des étrangers en France. Toutefois, l'examen des demandes d'asile se
fait par l'OFPRA, placé sous la tutelle du Ministère des Affaires
Etrangères: le législateur a prévu ainsi son intervention
à titre consultatif. Des agents de l'OFPRA procèdent donc
à l'audition des demandeurs d'asile afin d'apprécier le
caractère manifestement infondé de leurs demandes. L'avis rendu
par l'OFPRA, bien que ne s'imposant pas au ministère des affaires
intérieures, est cependant suivi dans la quasi-totalité des
cas.
L'OFPRA est un établissement public doté de la
personnalité civile et de l'autonomie financière et
administrative. L'entretien est dirigé par l'officier de protection en
charge de l'instruction du dossier, éventuellement en présence
d'un interprète assermenté si le demandeur n'est pas francophone
et que l'officier de protection ne parle pas la langue du demandeur.
Dans le cadre des dispositifs d'hébergement d'urgence,
on peut dénombrer ceux du secteur privé hôtelier mis en
place par les services déconcentrés de l'Etat. À la base
temporaire, cette solution, acceptée depuis des années
malgré son coût, généralement pour
l'hébergement des familles qui ne peuvent pas être laissées
à la rue, devient souvent durable, du moins à Paris pendant toute
la procédure d'examen de la demande d'asile, voire au-delà.
À Dijon, hormis les CADA, aucun organisme ou établissement
n'héberge sur le long terme et de manière continue les demandeurs
d'asile dont la situation est préoccupante...
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