PREMIERE PARTIE
APPROCHE GLOBALE DE LA NOTION D'INTERMEDIATION
FINANCIERE ET APERÇU THEORIQUE DU LIEN EXISTANT
ENTRE INTERMEDIATION BANCAIRE ET CROISSANCE ECONOMIQUE
Schumpeter depuis le 20 siècle notamment 1912 souligne la
grande importance des banques dans le fonctionnement du système
économique et leur apport bénéfique à la croissance
à travers le financement de l'innovation. Il met en exergue l'action de
l'entrepreneur capitaliste dont l'apparition est liée à la
volonté de réaliser des profits par la modification volontaire
des conditions technologiques de la production et de la distribution. Les
banques occupent également une place prépondérante dans
l'analyse keynésienne ; en effet, partant du constat qu'il faille
qu'un système financier organisé avance les ressources
financières nécessaires au financement de l'investissement, les
banques deviennent essentielles puisque ce sont elles qui accordent les
crédits et qui se chargent de réduire les risques
inhérents à l'incertitude de l'avenir. C'est donc le
système bancaire qui finance la croissance :
Revenus?consommation?taux d'intérêts? thésaurisation ou
épargne.
Gurley et Shaw figurent parmi les pionniers en matière
d'analyse de l'intermédiation financière et la définissent
comme « une unité qui transmet des fonds prêtables des
unités excédentaires et achète des titres primaire
auprès des unités déficitaires ». Cette
première partie aura donc pour objectifs , tout d'abord de cerner la
notion d'intermédiation financière de manière
théorique ; ce qui fera l'objet de notre premier chapitre et
ensuite, bien que résultant de la culture bancaire héritée
des métropoles, le secteur bancaire reste une interrogation pertinente
dans le processus de développement du Cameroun ; ce qui nous
amènera à déterminer si comme le pense Schumpeter ou les
autres le système bancaire finance la croissance dans le cas du
Cameroun, ce qui fera l'objet du deuxième chapitre.
CHAPITRE1 : LA THEORIE DE L'INTERMEDIATION
FINANCIERE
Dans ce chapitre, il sera question pour nous
d'évoquer de manière globale le processus d'intermédiation
financière. Pour y parvenir, nous présenterons tout d'abord les
différents intervenants de cette intermédiation avant
d'évoquer les différentes approches pionnières dans le
domaine et d'étudier enfin de manière empirique le cas
spécifique de certaines économies.
SECTION1 : LE PROCESSUS D'INTERMEDIATION
FINANCIERE
L'intermédiation financière est une notion qui a
été définie de différentes manières au cours
du temps, mais l'idée générale reste la même. Cette
idée voit l'intermédiation financière comme étant
un ajustement des besoins et des capacités de financement se traduisant
par l'intervention d'un tiers. Nous pouvons prendre l'exemple de Biales (1999)
qui définie les intermédiaires financiers comme «
des institutions qui réalisent l'adéquation quantitative et
qualitative entre l'épargne disponible des prêteurs et les besoins
de financement des emprunteurs... en apportant une garantie qui repose sur leur
notoriété, leur surface financière et la division des
risques à laquelle ils procèdent ».
L'intermédiation financière se définit également
comme l'activité développée par les agents financiers qui
s'interposent pour faciliter l'adéquation en quantité et en
qualité de l'offre à la demande des capitaux. En effet, ces
intermédiaires collectes leurs ressources auprès des
ménages et des particuliers (épargne) et des entreprises
(excédent de trésorerie) et transforment ces liquidités en
court, moyen et longs termes consentis notamment aux entreprises qui ne peuvent
accéder directement au marché financier. Les
intermédiaires financiers les plus importants sont : les banques,
les établissement du secteur bancaire à statut spécial,
les établissements financiers et les compagnies d'assurances.
Pour donc cerner cette notion d'intermédiation, Il sera
utile pour nous dans un premier temps d'étudier les principales
composantes du système financier, à savoir : les
marchés financiers et les banques. Et ensuite d'étudier
l'intermédiation financière à proprement parlé.
I. Les principales composantes du système
financier
De manière générale, c'est le
système financier qui est à l'origine de cette
intermédiation. Notons qu'on distingue deux types
d'intermédiation : l'intermédiation de marché et
l'intermédiation de bilan.
A- Le marché financier
Dans la mesure où certains agents économiques
investissent plus qu'ils n'épargnent et ont besoin de recourir à
un financement alors que d'autres épargnent plus qu'ils n'investissent
et ont une capacité de financement à mettre à la
disposition de ceux qui en ont besoin, il est souhaitable d'organiser des
transferts des uns vers les autres ; d'où l'existence des
marchés financiers. Ces marchés sont définis comme le lieu
où les épargnants et les emprunteurs se rencontrent et
s'échangent les capitaux liquides contre les actifs financiers. Les
titres émis et négociés sur ce marché sont souvent
à long terme avec une échéance supérieure à
sept ans.
1 : Les fonctions du marché
financier
En plus de sa fonction de marché primaire, la marche
financière remplit également les fonctions de marché
secondaire, de valorisation des actifs financiers et de mutuelle des structures
individuelles.
En tant que marché primaire, il permet de lever le capital
et de transformer directement l'épargne des ménages en ressources
longues pour les collectivités publiques et privés ; en
contrepartie de ces capitaux, les collectivités émettent des
valeurs mobilières ; essentiellement des actions et des
obligations.
En tant que marché secondaire, les marchés
financiers assurent la liquidité et la mobilité de
l'épargne. En permettant la mobilisation de l'épargne investie en
actions ou en obligations, la bourse assure le bon fonctionnement du
marché primaire. Sans le marché financier, les valeurs
mobilières ne seraient qu'un « piège »
dans lequel les épargnants pourraient entrer sans pouvoir en sortir
lorsqu'ils le désirent. C'est la négociabilité des
obligations et surtout des actions sur un marché qui en font un
placement séduisant pour l'investisseur. Cette liquidité du
marché permet de réaliser rapidement des arbitrages de
portefeuille sans devoir attendre l'échéance des titres qui le
composent ou rechercher individuellement une éventuelle contrepartie.
Le marché financier permet également la
valorisation des actifs financiers qui y sont cotés. En effet, chaque
actif financier a un prix qui dépend des anticipations des investisseurs
sur les revenus futurs qu'il rapporte. Si le marché financier est
efficient, le prix d'un bien est à chaque instant une bonne estimation
de sa « vraie valeur ». Dans ces conditions, le
marché financier donne des indications concrètes à la fois
aux chefs d'entreprises et aux investisseurs.
Pour l'investisseur, le prix des valeurs
mobilières dans un marché efficient est tel que les espoirs de
rentabilité sont proportionnels aux risques perçus. Selon ses
revenus et besoins de consommations futurs et sa plus ou moins grande aversion
pour le risque, l'investisseur choisira de se porter sur les actifs financiers
qui lui conviennent. De même, pour le chef d'entreprise qui doit
réaliser des investissements, une valorisation correcte lui permet de
déterminer les anticipations de revenu et donc la rentabilité
exigée par les actionnaires. Celle-ci lui permet de déterminer le
coût du capital de la société qu'il dirige et indique le
montant des investissements qu'il peut entreprendre.
Enfin, le marché financier concours à la mutation
des structures individuelles. Les structures de production des entreprises se
modifient entre autres par l'acquisition des actifs, ou par la prise de
contrôle d'autres sociétés. De telles opérations
peuvent être financée par l'émission de valeurs
mobilières sans qu'il soit nécessaire de faire appel à la
trésorerie des entreprises ;elles sont plus commodément
réalisées lorsque les actions de la société qui les
entreprends sont déjà cotées en bourse.
2 : Les caractéristiques du marché
financier
Les marchés financiers sont des marchés
traditionnellement divises en deux segments : le marché
monétaire sur lequel la maturité des instruments émis,
comme les billets de trésorerie ou les certificats de
dépôts est inférieure à un an, et le marché
des capitaux sur lequel la maturité des titres émis, telles les
obligations ou les actions est supérieure à un an. De plus les
valeurs mobilières sont représentées par des titres qui
matérialisent les droits acquis par ceux qui ont apportés des
capitaux à une collectivité émettrice public ou
privée. On distingue plusieurs catégories de familles de
titres : les actions qui sont des « valeurs à
revenus variables » et confèrent à leurs possesseurs la
qualité d'associé dans une société ; les
obligations qui sont des « valeurs à revenus fixes »
et donnent à leurs détenteurs la qualité de
créancier de la collectivité émettrice qui s'engage
à le rembourser à une échéance
déterminée et à lui verser un intérêt annuel
fixé.
B. Les banques
Malgré le fait qu'une part importante des besoins
financiers des agents économiques est assurée hors des banques
par le marché financier et les autres instituions financières, le
rôle des banques reste majeur. Deux sources permettent une
appréciation de la place des banques dans l'environnement
monétaire et financier. Il s'agit : du bilan des banques et de
l'activité bancaire.
1: Le bilan des banques
Le bilan est un extrait de situation annuelle que produit la
commission bancaire sur l'ensemble des établissements de crédit
qui lui sont assujettis. Ce bilan se présente comme l'indique le
schéma ci-dessous :
Actif
|
Passif
|
Réserves Res
|
Ref Refinancement
|
Encours interbancaires IB
|
IB Encours interbancaires
|
Crédits C
|
D Dépôts
|
Titres détenus T
|
T Titres émis
|
|
Fonds propres
|
|
|
Source : Caudamine et Montier (1998)
Il ressort de ce tableau que :
La principale ressource des banques est constituée des
dépôts particuliers (ménages), d'entreprises ou de l'Etat.
Un dépôt étant une dette de la banque et donc une
créance du déposant, résultant de la mise à la
disposition de la banque par ce dernier d'une quantité de monnaie
lorsque cette mise à disposition est matérialisée par une
inscription dans le compte du déposant tenu par la banque.
De même le principal emploi des banques est la distribution
des crédits à l'économie ou à l'Etat. Un
crédit étant une créance de la banque et donc une dette de
l'emprunteur, résultant de la mise à la disposition de celui-ci
par la banque d'une quantité de monnaie, à condition que cette
mise à disposition se matérialise par une reconnaissance de dette
de l'emprunteur vis-à-vis de la banque.
Il apparaît également d'autres catégories
d'encours qui bien qu'ils n'aient pas la même importance que les
précédents ne soient pas moins fondamentaux du point de vue du
fonctionnement du système bancaire. La banque centrale consent aux
banques dans certaines limites des crédits qui leur permettent de
compenser une insuffisance de ressources par rapport aux emplois
souhaités. Ces crédits sont souvent appelés des
« refinancements ». Inversement, les banques
détiennent des dépôts auprès de le banque centrale,
soit volontairement lorsqu'elles disposent de ressources inutilisées, ce
sont les « réserves libres », soit sur obligation de
la banque centrale, ce sont les « réserves
obligatoires ».
2: L'activité bancaire
Vue au travers du bilan, leur activité consiste à
se placer en position d'intermédiaire entre les déposants et les
emprunteurs. Cette activité s'exerce sous le contrôle de la banque
centrale. La justification de cet objectif d'intermédiation se trouve
dans les objectifs contradictoires des déposants et des emprunteurs.
Pendant que les déposants recherchent des placements courts, de montants
relativement faibles et présentant un minimum de risque ; les
emprunteurs souhaitent de leur coté obtenir des crédits longs, de
montants plutôt élevés et présentant un risque non
désiré par les déposants.
Il y a donc intermédiation parce qu'il y a
simultanément transformation du court, de faible montant et sans risque
vers le long, de montant élevé et risqué. La banque assure
ainsi un ajustement entre des objectifs qui resteraient incohérents en
cas de rencontre directe entre les emprunteurs et les prêteurs.
L'autre fonction des banques moins fondamentale est la gestion
des moyens de paiement qui est réalisée en créditant et en
débitant les comptes bancaires. Elle est limitée par la
réglementation à un actif bancaire spécifique, le compte
à vue, mais elle pourrait être réalisée en
débitant ou en créditant tout autre actifs financiers.
A la suite de ce passage en revue des principales composantes du
système financier et de leurs caractéristiques, nous
évoquerons dans la seconde sous partie la notion d'intermédiation
financière elle-même.
II. L'intermédiation financière
Il sera question dans cette deuxième partie de voir
principalement les caractéristiques mais aussi les fonctions de
l'intermédiation.
A- Les caractéristiques
Parmi celles-ci, nous pouvons en citer trois ; tout d'abord
le fait qu'elle se fonde sur deux relations bilatérales : d'une
part celle entre l'agent non financier ou l'emprunteur et
l'intermédiaire financier et d'autre part entre cet intermédiaire
et la source de financement utilisée ce qui la différencie du
marché financier dans lequel comme nous l'avons expliquer les
échanges de capitaux contre des titres sont directs entre demandeurs et
offreurs de capitaux ; ensuite, le fait qu'elle suppose des
échanges d'informations individualisées alors que sur le
marché les informations sont collectives ; et enfin, le taux
d'intermédiation qui mesure la part des financements apportés par
les agents financiers dans le total des financements dont
bénéficient les agents non financiers. De manière
théorique on distingue deux taux d'intermédiation ; un au
sens large et un autre au sens strict. Le premier résulte d'une approche
dite de l'offre de financement parce qu'elle regroupe sous l'étiquette
de financements intermédiés l'ensemble des concours
accordés aux agents non financiers par toutes les institutions
financières qu'il s'agisse des établissements de crédits,
des entreprises d'assurances ou des OPCVM ; ce taux se calcul donc en
rapportant l'ensemble des financements auxquels participent les
différentes institutions sur le total des financement accordés
aux agents non financier ; le second taux quant à lui
résulte d'une approche dite de la demande de financement parce qu'elle
privilégie le choix que le demandeur fait au profit du recours à
l'intermédiaire financier ; il se calcul donc en rapportant le seul
montant des crédits accordés par les seuls établissements
de crédits aux agents non financiers sur le total des financements dont
ceux-ci ont bénéficié.
B- Les fonctions de l'intermédiation
financière
L'intermédiation intervient comme un élément
fondamental du processus de croissance économique et de
développement. Parmi ces fonctions, nous pouvons citer : la
fonction monétaire, en effet, ces intermédiaires
particulièrement les banques exercent une fonction de création
monétaire notamment lors de l'octroi des crédits aux agents
à besoin de financement ou alors par le jeu des relations avec
l'étranger ou de refinancement de la Banque Centrale. Cette fonction
permet d'élargir l'espace des transactions entre agents
économiques en même temps qu'elle rend possible la
continuité dans le temps ainsi que l'interconnexion entre les
économies. La fonction de transformation qui pose ici le
problème de l'adéquation entre les ressources disponibles et
l'allongement du détour de production, l'intermédiaire assure
cette adéquation en transformant des ressources
généralement courtes en financement long. En plus de ces
fonctions de création monétaire et de transformation, d'autres
fonctions se sont développées à savoir les fonctions
de placement et de négociation. L'importance prise par ces
fonctions permet de comprendre que les développement de la
théorie des contrats, d'agence et de signalisation conduisent à
la mise en évidence d'une fonction tout aussi importante, celle de
producteur et de diffuseur de l'information concernant la santé
économique et financière des entreprises et de manière
générale, des agents à besoin ou à capacité
de financement. Ils sont en effet le lieu de collecte et de production de
l'information de leurs clients qu'ils s'agissent de ceux qui épargnent
ou de ceux qui empruntent, et la qualité de l'information permet de
conseiller les épargnants sur les opportunités d'investissement
et d'assurer le risque de défaillance auxquels ils peuvent être
exposés du fait du comportement des emprunteurs. Fama (1990) et Lewis
(1992) ont souligné le rôle des intermédiaires dans la
prévention et l'assomption des risques d'antisélection et
d'aléa morale liés aux transactions sur les titres financiers et
aux opérations.
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