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Le centre de détention de CASABIANDA, emblématique prison de paradoxes

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par Paul-Roger GONTARD
Université Aix-Marseille III - Master 2 de droit, spécialité lutte contre l'insécurité 2008
  

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Introduction

« Parmi les peines et la manière de les infliger, il faut donc choisir celle qui, proportion gardée, doit faire l'impression la plus efficace et la plus durable sur l'esprit des hommes et la moins cruelle sur le criminel. »

Cesare Bonesana BECCARIA, Traité des délits et des peines.1(*)

Ce principe posé en 1764 par le Marquis BECCARIA, père de la conception moderne du droit pénal, ne cesse, de charpenter le renouvellement et l'invention des sanctions pénales, et leurs applications.

Notre époque n'échappe pas à la règle. Le 28 juillet 2008, Rachida DATI, Garde des Sceaux, présentait en Conseil des Ministres un nouveau projet de loi pénitentiaire qui devrait être débattu par les Assemblées parlementaires à l'automne.

Les enjeux sont d'importance. Le parc pénitentiaire est vieillissant, et de l'avis de certains, « indigne d'un pays comme la France2(*) ». La population carcérale a battu un nouveau record le 1er juillet 2008 avec 64.250 personnes détenues3(*). Les débats autour de la récidive des sortants de prison, entretenus par plusieurs fait divers4(*) et de nouveaux textes législatifs5(*), agitent régulièrement l'opinion.

Par son projet de loi, la Ministre de la Justice veut développer « une prison moderne, digne, et une nouvelle vision de la privation de liberté avec la prison "hors les murs" ». Elle rappelle par ailleurs que «  le fait de condamner, de sanctionner, de priver de liberté peut prendre d'autres formes que l'emprisonnement. »6(*)

Cependant, rien, dans ce projet de loi, n'indique la volonté de développer un modèle français qui semble pourtant déjà avoir fait ses preuves et réponde efficacement aux actuelles préoccupations carcérales : le modèle du centre de détention de CASABIANDA.

Quiconque s'intéresse aujourd'hui à la pénologie carcérale et à son interprétation criminologique, est interpellé par la découverte de cette prison « sans murs ».

Mais lorsque la curiosité pousse jusqu'à la recherche de documentation, force est de constater que très peu de travaux ont été entrepris à son sujet. En effet, aucune étude récente, aucun article scientifique, aucune communication universitaire ne traite de cet établissement. Il semble que son éloignement du continent l'est rendu invisible aux yeux avisés des professionnels du droit. Un étonnant désintérêt pour un établissement qui fut ouvert il y a 60 ans.

Et il en est de même pour les politiques. Lorsqu'ils évoquent ce centre de détention, ils partagent l'étonnement que suscite l'établissement, mais ne propose toutefois pas de s'en inspirer, ou d'étudier plus avant son modèle. L'une des seules traces de rapport parlementaire à son sujet se résume dans ces quelques lignes :

« Situé au bord de la mer sur la côte orientale de la Corse, le centre de détention de Casabianda qui accueillait, au 1er janvier 2000, 210 détenus, tous condamnés pour délinquance sexuelle, dont certains à de longues peines, ne ressemble absolument pas, aux dires des membres de la commission qui l'ont visité, à l'idée que l'on se fait d'une prison : pas d'enceinte, cellules ouvertes, pavillon pour accueillir les couples dans la journée. Les détenus y travaillent à des travaux agricoles et sont correctement rémunérés. Il n'y a que peu d'incidents, pas de violence, pas de caïdat, pas d'évasion ; la menace d'être transféré dans un autre centre de détention semble très dissuasive ce qui illustre bien le caractère inégalitaire de la détention, selon l'établissement où l'on se trouve incarcéré. »7(*)

Etablissement pour peine réservé aux hommes, le centre de détention de CASABIANDA s'est installé en Corse à quelques kilomètres du village d'Aléria. Au nord du domaine se trouve l'étang Dél Sale, au nord-ouest, le Tagnone, affluant du Tavignano, à l'est, la Mer Tyrrhénienne, au sud, l'étang d'Urbino et au sud-ouest une plantation d'eucalyptus. Dans cet environnement de verdure et bordé par la plage, a cours un régime de détention qualifié par ceux qui le connaissent, d'unique en Europe.

C'est pourquoi, de ce double constat d'intérêt collectivement admis, et de carence scientifique, s'est imposée à moi l'étude de centre de détention comme sujet de recherche dans le cadre de mes travaux universitaires.

Le présent ouvrage aura donc pour premier objet de combler ce vide, en rassemblant les éléments, jusque là épars, qui évoquent d'un point de vue criminologique ou pénologique l'expérience de CASABIANDA.

De plus, l'exemple de cet établissement nous permettra dans un second temps, d'avancer des solutions alternatives, originales et efficaces aux actuelles préoccupations liées au traitement de la population pénale.

Ce sera, en outre, l'occasion de rendre un peu de mémoire à cet établissement et à la terre qui l'accueille. De nombreux documents relatifs au centre de détention figureront donc en annexes de ce travail pour rassembler dans un seul ouvrage (pour l'avenir et pour d'autres travaux peut-être) des pièces aujourd'hui dispersées dans les bibliothèques, les archives de l'Administration Pénitentiaire, ou, chez des particuliers.

Ce mémoire se veut donc être un outil complet pour comprendre dans toutes ces acceptions pénales, carcérales et fonctionnelles le centre de détention de CASABIANDA, pour, ensuite, tenter de théoriser l'expérience de cette structure et essayer d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent.

Par égard pour cet établissement, j'invite ici ceux qui souhaiteraient à la suite de ce travail, communiquer sur l'existence de ce lieu, à le faire avec précaution. Non parce qu'il existe certaines informations sensibles ou dissimulées à son sujet, mais parce que les premières impressions que suscite cet établissement font souvent appel à l'émotion plus qu'à la raison.

Les a priori à son égard allant même jusqu'à faire douter certains de son identité carcérale, nous nous attacherons donc, dans un premier temps, à observer et à réaffirmer ses caractéristiques pénitentiaires, bien que parfois originales (Partie 1). Puis, dans un second temps, nous analyserons les conséquences de l'accumulation de ses originalités, puisqu'elles ont su faire de CASABIANDA une prison certainement unique, et même emblématique d'un renouveau possible de la conception française de l'emprisonnement (Partie 2).

* 1 Bibliothèque numérique de l'Université du Québec à Chicoutimi : "Les classiques des sciences sociales", Site web: http://classiques.uqac.ca/

* 2 Assemblée Nationale (2000), Rapport fait au nom de la Commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises. Tome I.

* 3 Statistiques mensuelles de l'administration pénitentiaire. http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10036&ssrubrique=10041&article=13006

* 4 Le Monde, Le débat sur la récidive relancé après deux faits-divers, article daté du 28 Septembre 2005.

* 5 Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007. Loi Renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Parue au J.O. du 11 août 2007.

* 6 Le Monde, Rachida DATI veut développer « la prison hors les murs » ; article daté du 28 juillet 2008.

* 7 Assemblée Nationale (2000), Rapport fait au nom de la Commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises. Tome I.

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