§2 : Observation
de la part minoritaire des détenus de CASABIANDA.
Si l'on s'intéresse aux autres détenus de
CASABIANDA, qui correspondent à un peu moins du quart de la population
pénale de l'établissement, nous constatons que les plus nombreux
sont des auteurs d'homicides. A noter également la recrudescence, tant
en valeur absolue que relative, des détenus pour Infraction sur la
Législation des Stupéfiants. Une catégorie pénale
qui avait pourtant causé des difficultés à
l'établissement par le passé.
Selon certains, l'affectation pour quelques rares cas de
détenus à CASABIANDA est une réponse de l'administration
pénitentiaire à la collaboration de ceux-ci à la
manifestation de la vérité dans une affaire dont ils ont eu
connaissance. Mesure de reconnaissance, ou stratégie
d'éloignement pour prévenir de possibles représailles,
toujours est-il que ce transfert découle d'un intérêt
commun à l'administration pénitentiaire et aux détenus
concernés.
Les membres de ce dernier quart de la population attache
parfois beaucoup d'importance à faire savoir au personnel, la nature de
l'infraction qu'ils ont commise. Ou plus précisément, leur non
appartenance à la catégorie « pointeur ».
Leur manière de se présenter en vient parfois même à
devenir singulière : « Moi je ne suis pas comme eux
(les pointeurs) ; moi ce que j'ai fait, c'est pas grave par
rapport à eux ». Pourtant, ce « qu'il a
fait » en l'occurrence était un crime de sang. Une
attention toute particulière doit donc être attachée
à ces jugement de valeur, qui, bien que conforme à ce que pense
probablement la majeure partie de l'opinion, entraîne dans le processus
de reconstruction une forme de déni de gravité de l'acte qu'il a
commis, diminuant d'autant la sincérité de son amendement.
De plus, et bien que cela ne soit pas encore dans des
proportions pour l'instant inquiétantes, certains de ces détenus
semblent chercher à se regrouper et se mettent parfois à adopter
des comportements méprisant à l'égard des
« pointus ». Tant que ces derniers seront majoritaires,
défier cette catégorie dans sa globalité serait dangereux,
mais la tendance actuelle à augmenter la proportion de détenus
pour infractions non sexuelles doit être accompagnée d'une
surveillance accrue des rapports sociaux en détention.
La population carcérale de CASABIANDA est, nous l'avons
démontré au fil de notre étude, aujourd'hui clairement
identifiable par la répartition des catégories pénales de
ses détenus et par le profil psychologique des prisonniers qui y
accèdent. Par ailleurs l'établissement répond, dans son
fonctionnement actuel, tout à fait aux critères
pénologiques les plus pertinents pour sanctionner, dans le cadre de la
détention, les détenus coupables d'infraction sexuelle.
Toutefois, les dernières années de
fonctionnement montrent une évolution notable de la population
pénale de l'établissement (catégorie pénale,
âge des détenus, orientation faites par d'autres acteurs que le
CNO...). La vigilance doit donc être de mise pour que les
équilibres jusque là préservés ne pâtissent
pas de ces évolutions.
Cette première partie a permis, nous l'espérons,
de rendre claire, et incontestable, l'identité et la tradition
pénitentiaire de CASABIANDA. Certes des originalités existent,
mais elles ne font finalement que recentrer l'établissement sur les
fondamentaux d'un établissement carcéral, en limitant à
leur plus simple expression les moyens de contrôle des détenus. La
prison est un espace dans lequel s'exerce la limitation d'aller et venir qui
est la peine des détenus. Il n'est pas fait mention dans les principes
généraux du droit pénal que cette limitation doit se faire
dans une cellule de 9 m² pour toute la durée de
l'incarcération.
CASABIANDA a, en outre, comme composante de son
identité, une tradition d'innovation. Que ce soit dans son organisation
ou dans le traitement des libertés octroyés aux détenus,
ce centre de détention a pu, à plusieurs reprises dans son
histoire, être un espace d'expérimentation. La curiosité de
cet établissement tient aussi au fait que ces expérimentations
n'ont que rarement, voire jamais, été évaluées. Il
n'existe pas, à ma connaissance, de projet d'établissement
portant sur sa population pénale par exemple.
En observant le paysage carcéral français, nous
pouvons constater que prises indépendamment, la plupart des
originalités de CASABIANDA qui composent son identité, peuvent
maintenant se retrouver dans d'autres établissements
pénitentiaires. La majorité d'infracteurs sexuels à CAEN,
ou encore la vocation agricole à MAUZAC. Mais l'accumulation de ces
originalités rend toutefois CASABIANDA unique, et pas seulement en
France. La deuxième partie de ce travail sera donc consacrée
à l'étude de ce statut et aux conséquences de celui-ci.
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