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Le centre de détention de CASABIANDA, emblématique prison de paradoxes

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par Paul-Roger GONTARD
Université Aix-Marseille III - Master 2 de droit, spécialité lutte contre l'insécurité 2008
  

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§ 3 : De la propriété du domaine au XIXème siècle.

En cette moitié du XIXème siècle, un jeune trentenaire capitaine des zouaves, Joseph-Marie César FRANCESCHETTI, vient à redécouvrir, à l'occasion d'un séjour thermal en Corse pour panser ses blessures, les terres détenues par sa famille sur la côte orientale de l'île. Il décrit ce qu'il voit en passant sur le domaine de CASABIANDA en ces termes :

« La Corse se trouvait alors dans un déplorable abandon. La route orientale n'était pas même tracée. La plaine d'Aléria surtout était déserte, et d'un telle insalubrité que, malgré l'extrême fertilité du sol, les plus hardis n'osaient s'y établir. Il fallait assainir, défricher, cultiver, peupler la contrée ; »21(*)

Il décide alors d'y « planter sa tente », et entreprend de remettre en état d'exploitation les hectares du domaine. En 1842, il achète les parcelles alentour et emploie montagnards corses et immigrés italiens pour accomplir des travaux d'assainissements en vue de semer puis récolter la première moisson. Cependant, la présence de la malaria dans les marécages de la région touche de nombreux ouvriers, et le capitaine FRANCESCHETTI lui-même sera contaminée. La reprise des combats de l'armée française en Afrique du Nord allait de plus l'obliger à rejoindre sa compagnie à la frontière du Maroc, laissant l'administration du domaine à son beau-frère, un MATRA.

A son retour, il entreprend de redoubler d'efforts et associe les propriétaires des domaines adjacents pour profondément transformer la région. Il décrit l'ampleur de la tâche accomplie ainsi :

« [...] routes, canalisation, défrichement des marais, introduction de la grande culture, greffe de 20.000 pieds d'arbres, création de prairies artificielles, plantation de vignes, d'oliviers, construction de bâtiments d'exploitation [...] ».

Mais de tels travaux ont un coût, et certains associés de FRANCESCHETTI en venaient même à réclamer de « rentrer dans leurs fonds ». Il fallut donc contracter plusieurs emprunts auprès du Crédit Foncier.

Après une évaluation du domaine à 1.612.000 francs, un premier prêt de 300.000 francs est accordé, un second de la même somme ne pouvant être débloqué qu'après réalisation de certains travaux. Mais les grandes entreprises, tout comme les hautes administrations, ne se sentent pas forcément liées par les décisions des prédécesseurs lorsque de nouveaux directeurs prennent leurs fonctions. Ainsi un litige avec le Crédit Foncier sur le deuxième prêt de 300.000 francs va naître d'un changement de direction. Mais comme souvent en Corse, l'histoire des territoires rejoint l'histoire de la famille Bonaparte, ce litige amène l'Empereur Napoléon III à intervenir personnellement dans l'affaire pour que soient alloués des fonds au développement de l'exploitation. 200.000 francs sont alors débloqués, mais sous certaines conditions. Les fonds prêtés par le Crédit Foncier seront garantis par l'Empereur lui-même, qui sécurisera sa propre position par la création d'une société en commandite, la Société Agricole d'Aléria, dans laquelle il détiendrait des actions. Les autres actionnaires étant les nombreux créanciers de FRANCESCHETTI qui renonceront à leurs créances en échange d'actions, et enfin le capitaine FRANCESCHETTI lui-même. Plusieurs autres avances financières devront intervenir encore avant que le Crédit Foncier ne décide de faire saisir le domaine pour être remboursé de ses prêts. Après plusieurs péripéties qui n'ont ici que peu d'importance, la garantie du prêt de l'Empereur ne remplit en rien ses effets escomptés, et c'est finalement par une vente aux enchères que va se solder l'histoire des FRANCESCHETTI sur le domaine de CASABIANDA, malgré l'abnégation dont semble avoir fait preuve le Capitaine Joseph-Marie César FRANCESCHETTI. La bonne foi manifestée par le Capitaine doit cependant être relativisée par cet extrait des Papiers secrets et Correspondance du Second Empire22(*) relatif à une note du Ministère de la Maison :

« M. FRANCESCHETTI, régisseur avec une pension de 6.000 francs, semble avoir peu fait pour remplir certains engagements relatifs à sa gérance. Selon la note, il se contente de vivre sur CASABIANDA sans l'améliorer, vendant à son profit chevaux, récoltes et tout l'attirail d'exploitation. »

L'épilogue de cette histoire est donc cette vente aux enchères en 1862 qui rend pour 528.000 francs l'Etat acquéreur du domaine de CASABIANDA de 3.000 ha, bien qu'aucun acheteur ne se soit présenté pour 200.000 francs ! 23(*) Un montant cependant bien en dessous des 1.200.000 francs du capital social de la société gestionnaire du domaine. Une différence qui lèsera substantiellement les anciens créanciers du Capitaine FRANCESCHETTI qui avaient accepté de convertir leurs droits en participation à la société. En témoigne une pétition adressée au Corps Législatif par l'un d'entre eux, qui vient demander réparation de l'intégralité du préjudice, intérêt compris24(*) (voir annexes).

Cette nouvelle acquisition de l'Etat sur l'île interviendra au moment où le gouvernement développe un programme de construction de pénitenciers agricoles. Une coïncidence qui verra naître le premier établissement pénitentiaire de CASABIANDA.

* 21 FRANCESCHETTI, Joseph Marie César (1861). Domaine de CASABIANDA, Mémoire sur la vente de l'Exploitation.

* 22 POULET-MALASSIS, A. pour Commission chargée de réunir, classer et publier les papiers saisis aux Tuileries (1877). Papiers secrets et correspondance du second empire. Imprimerie Nationale, Paris. Page 347.

* 23 Idem.

* 24 LIMAROLA M., Pétition au Corps Législatif, 15 juillet 1870. PARIS. Fond des archives impériales, Bibliothèque Nationale de France.

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