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Le centre de détention de CASABIANDA, emblématique prison de paradoxes

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par Paul-Roger GONTARD
Université Aix-Marseille III - Master 2 de droit, spécialité lutte contre l'insécurité 2008
  

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§ 2 : D'un empire à un autre

Lorsqu'au IVème siècle, Rome sombra dans la décadence, les pirates et les invasions barbares fondirent sur la Corse en même temps que sur le reste du bassin méditerranéen. Les Vandales, peuple germanique désormais maître des terres de Rome et de Carthage, détruisirent Aléria au milieu du Vème siècle, et occupèrent pour plusieurs siècles la côte orientale de l'île. L'histoire du domaine de CASABIANDA retiendra pour l'avenir que les Vandales, en traversant la Mer Tyrrhénienne, ont importé le germe de la malaria qui sévissait alors sur la côte occidentale de l'Italie.

Dès lors, les terres de CASABIANDA vont vivre au rythme des guerres de possession dont la Corse va faire l'objet pendant plus d'un millénaire. Passée aux mains de l'Empire d'Orient, puis dans celles des rois Francs, l'île finit par être donnée par Charlemagne à l'Etat pontifical. Les Maures, en quête de terres sans protection pour en piller les richesses, font de nombreux raids au cours du IXème siècle.

Assurant une mission pour le Pape, Pise et Gènes s'allient pour combattre les Maures en Corse, ce qui, en récompense, vaudra à l'évêque de Pise le gouvernement de l'île. Pendant deux siècles, jusqu'à la fin du XIIème siècle, les Pisans administreront la Corse. Puis, Pise laissera la place à Gènes qui s'appropriera l'île jusqu'au XVIIIème siècle. De cette longue période, Aléria et sa région, CASABIANDA ne faisant pas exception, garde des traces de la domination Génoise. En particulier par la construction du fort d'Aléria au XVème siècle et l'édification de grenier de stockage le long de la côte orientale. De l'observation que j'ai pu faire de quelques vestiges présents sur le domaine de CASABIANDA, il est fort probable que les pans de murs de briques rouges les plus en amont du domaine soient des vestiges de ces grands greniers. Le domaine de CASABIANDA était alors un « procoio », un domaine constitué de terres confisquées aux communautés corses au profit d'un riche génois14(*). Cette carte reproduite elle aussi depuis le premier volume du Mémorial des Corses15(*), montre que dès le Moyen Âge, et plus vraisemblablement à la Renaissance, le domaine fût référencé dans la cartographie génoise.

Plusieurs familles de propriétaires semblent s'être d'ailleurs succédées sur ce domaine pendant la période génoise. Giorgio DORIA y fait construire une maison en 156916(*). La famille SPINOLA tire de l'exploitation de ce domaine 20.000 lires en 166517(*), une somme qui montre la bonne productivité de leur exploitation.

La région d'Aléria accueillera à nouveau un débarquement historique en 1755, lorsque Pascal PAOLI accostera dans son port pour commencer son oeuvre d'indépendance de l'île. La famille MATRA, gouverneur du fort d'Aléria, fera partie des familles nobiliaires les plus opposées à son entreprise, lui préférant une allégeance à l'autorité génoise. Mais Gènes cèdera bientôt la souveraineté de la Corse à la France en 1768, premier acte qui scellera jusqu'à nos jours, le rattachement de cette île à la République.

De la terre de CASABIANDA, on ne sait que très peu de chose sur la période pré-révolutionnaire. Les quelques éléments de son histoire que je vais ici restitué sont l'agrégat d'informations des rares documents disponibles, et du témoignage de quelques anciens érudits du village d'Aléria.

Au soir du XVIIIème siècle, le domaine de CASABIANDA semble être la propriété de la famille FRANCESCHETTI. Comment en sont-ils devenu propriétaire, nul n'a su à ce jour m'en donner une réponse formelle. Plusieurs hypothèses coexistent, sans pour autant être sûr que l'authentique raison en fasse toutefois partie. Pour certains, le mouvement indépendantiste de PAOLI a pu causer une redistribution des propriétés après que les alliés des Génois soient assassinés, renvoyés, ou se soient trop tardivement rapprochés de la « cause ». Il est établit que la famille dominante dans la région d'Aléria, lors de ce mouvement d'indépendance, était la famille MATRA, famille qui combattit vigoureusement la prise de pouvoir de PAOLI. Dans le Dictionnaire historique de la Corse18(*), il est mentionné dans l'article consacré à Saverio MATRA, que cette famille d'Aléria possédait alors des terres dans la plaine. Peut être les terres de CASABIANDA étaient elles rattachées à cette famille ou à l'un de leurs alliés, et leur position pro génoise leur aurait coûté celles-ci.

Autre hypothèse de spoliation, celles opérées par la France au lendemain de son accord conclu avec Gènes. Afin de s'assurer de la fidélité de quelques familles influentes, il n'était pas rare que la couronne de France redistribue les terres nouvellement dominées à de fidèles et zélés serviteurs.

Pour en revenir à la famille FRANCESCHETTI, elle était réputée alors comme alliée à la famille de PAOLI19(*). FRANCESCHETTI Ambroghju était même le beau frère de l'indépendantiste. Peut être cette alliance aura-t-elle jouée un rôle au moment des redistributions de terres. Cependant, un personnage en particulier figure le premier dans la littérature comme le propriétaire du domaine, c'est FRANCESCHETTI Dumenicu Cesaru Francescu, qui semble quant à lui bien moins attaché à la cause indépendantiste. Il a 18 ans lorsqu'il s'engage en 1794 dans les armées de la République. Il s'illustrera à plusieurs reprises pendant les guerres du Consulat et de l'Empire, au point d'acquérir le grade de général, et de devenir l'un des plus proche de Joachim MURAT, Maréchal d'Empire et Roi de Naples. Il est par ailleurs marié à la fille du maire de Vescovato (village situé entre Aléria et Bastia).

Dès lors, si il est bien le premier FRANCESCHETTI du domaine de CASABIANDA, il peut en avoir acquis la propriété au détriment de Paolistes, réputés ennemis de la République puis de l'Empire, pour les faits d'armes qui l'auront distingués.

Enfin, dernière hypothèse portée à ma connaissance, il est une tradition corse qui amuse les anciens d'aujourd'hui. Lors des mariages, la jeune mariée était, comme cela en était alors l'usage, dotée d'un certain nombre de biens. Ainsi, lorsque la famille de la mariée avait des terres, il n'était pas rare que celles dites « à malaria » (souvent en bord de mer, celles et ayant donc le moins de valeur et exigeant le plus d'efforts), comme celles de CASABIANDA, fussent mises en dote de l'épousée. Des terres qui, aujourd'hui assainies, se vendent à prix d'or pour accueillir les touristes. CASABIANDA aurait donc pu être un bien de la belle famille de Dumenicu Cesaru Francescu FRANCESCHETTI, transmis à l'occasion de son mariage.

Cependant, de tout cela, la seule certitude permise est la propriété de CASABIANDA détenue par la famille FRANCESCHETTI depuis le début du XIXème siècle, comme le retranscrit Joseph-Marie César FRANCESCHETTI, fils de Dumenicu Cesaru Francescu, dans son mémoire sur l'histoire de son exploitation du domaine20(*).

* 14 Sous la dir. de Francis POMPONI (1979),  Le mémorial des Corses (vol. 3) La présence française, 1796-1914 ; L'Harmattan, Ajaccio.

* 15 op. cit.

* 16 Sous la dir. de Francis POMPONI (1979),  Le mémorial des Corses (vol. 3) La présence française, 1796-1914 ; L'Harmattan, Ajaccio.

* 17 Source : VERGE-FRANCESCHI, Michel et LE ROY LADURIE, Emmanuel (1996). Histoire de Corse, le Pays de la grandeur. Edition du Félin.

* 18 sous la direction de SERPENTINI, A.-L (2003). Le Dictionnaire historique de la Corse. édition Albiana.

* 19 MICHAUD Louis-Gabriel (1843), Dictionnaire de biographie universelle ancienne et moderne, tome 14, édité chez Madame C. DESPLACES, Paris.

* 20 FRANCESCHETTI, Joseph Marie César (1861). Domaine de CASABIANDA, Mémoire sur la vente de l'Exploitation.

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