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La possession d'état dans l'avant-projet du code camerounais des personnes et de la famille

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par Jean Noel TAMEKUE TAGNE
Université de Yaoundé II - DEA en droit privé fondamental 2008
  

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§ 2. LA METHODE DE PREUVE DU MARIAGE PAR LA POSSESSION D'ETAT

Pour prouver le mariage par la possession d'état, l'enfant qui se dit légitime, doit d'abord établir que du vivant de ses parents, ceux-ci réunissaient les éléments constitutifs de la possession d'état d'époux (A). Ensuite, il doit démontrer qu'ils ont possédé l'état de gens mariés de façon continue jusqu'à leur décès (B).

A. L'ETABLISSEMENT DES FAITS CONSTITUTIFS DE LA POSSESSION

D'ETAT D'EPOUX

58. La preuve du mariage par la possession d'état consiste pour l'essentiel à établir l'existence des faits constitutifs de la possession d'état d'époux. « La possession d'état civil d'époux s'établit par une réunion suffisante de faits qui supposent l'existence du lien matrimonial »113(*). Il s'agit des faits traditionnels connus : le nomen, le tractatus et la fama.

59. Le nomen, il est vrai, est ici moins significatif qu'il ne l'est dans la possession d'état d'enfant légitime. Il s'agit tout de même d'un indice dont le rôle ne peut être nié. Les enfants pourront commencer par exciper que leur mère a toujours porté le nom d'une femme mariée. C'est-à-dire qu'en plus de son nom de jeune fille, elle portait le nom de leur père. Dans l'Avant-projet de code, la femme mariée a le droit de conserver son nom séparément ou conjointement avec celui de son mari114(*). C'est dire qu'elle a la faculté d'adjoindre à son nom de jeune fille celui de son époux. Cette adjonction de nom est une marque de son statut de femme mariée. En fonction du nom qu'elle porte, on peut présumer qu'une femme a la qualité d'épouse. BOMBA NGO Nicole et Madame AYISSI née BOMBA NGO Nicole115(*) sont les appellations d'une même personne. Le premier nom est celui de jeune fille, tandis que le second nom est celui de femme mariée. La seconde appellation laisse deviner que BOMBA NGO Nicole est l'épouse de monsieur AYISSI. Les enfants n'auront qu'à produire divers documents écrits et titres116(*) sur lesquelles figuraient cette seconde dénomination pour démontrer que leur mère pouvait être considérée comme l'épouse d'un monsieur X, leur père.

60. Ils doivent ensuite établir le tractatus. Il s'agit pour les enfants de montrer que les parents se sont toujours comportés comme des gens mariés117(*). Le père de son vivant doit avoir traité la mère comme son épouse et réciproquement, la mère doit avoir traité le père comme son époux. Les enfants doivent prouver que de part l'attitude des parents, il ne faisait l'ombre d'aucun doute qu'ils étaient mariés. Image interne de l'union conjugale, le tractatus est dans ce contexte difficile à prouver. Il dépend uniquement de la conduite des parents, qui peut être difficile à appréhender. Ce n'est sans doute pas l'élément le plus riche et le plus probant de la possession d'état d'époux.

61. Plus que le tractatus difficile à établir, c'est la fama, l'image externe de la relation conjugale qui pourra véritablement permettre aux enfants de prouver le mariage des parents. Les enfants devront apporter la preuve que les parents étaient reconnus et traités comme des gens mariés par la famille et par la société. Ils s'appuieront notamment sur les témoignages des membres de la famille, amis et voisins des défunts parents. Il faut dire que, l'autorité publique peut être d'un grand soutien pour les enfants. S'il y a une autorité publique qui reconnaissait les parents comme des conjoints, les enfants ne devront pas manquer d'obtenir son témoignage. La parole d'une autorité publique est assez fiable pour être considérée comme vraisemblable.

Ces éléments constitutifs ne suffisent pas à eux seuls à prouver qu'il y a eu mariage entre les parents décédés. Il faut encore établir que les parents ont possédé l'état d'époux pendant une période de temps considérable.

B. L'ETABLISSEMENT DE LA CONTINUITE DANS LA POSSESSION

D'ETAT MATRIMONIAL

62. Le temps est une entité nécessaire à la crédibilité de certaine situation de fait. Plus un fait s'inscrit dans la durée, plus on lui accorde de l'importance. Moins il ne l'est, on tergiversera alors sur le rôle à lui accorder. C'est dire que pour être prise au sérieux, la possession d'état doit avoir suivi un certain cours. La possession d'état qui fait office de preuve du mariage dans l'intérêt des enfants, est celle qui a été continue. Les enfants doivent non seulement rassembler les faits constitutifs de la possession d'état matrimonial ; ils doivent aussi prouver qu'elle a une certaine permanence, une certaine stabilité qui permet de l'invoquer à titre de preuve. Des faits épisodiques ou instantanés ne peuvent révéler le mariage. C'est pour faire face une fois de plus aux éventuels fraudeurs qu'un minimum de continuité doit être exigée. Le facteur temps, ne doit pas s'entendre comme étant synonyme de périodicité ou d'intervalle. Les enfants doivent tout simplement apporter la preuve que la possession d'état invoquée remonte à une époque donnée et qu'elle a suivi un certain cours jusqu'au décès des parents.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

63. La possession d'état est un mode de preuve de la filiation et du mariage. La preuve du mariage par la possession d'état est admise uniquement dans l'intérêt des enfants. Lorsque la légitimité de ces derniers est sujette à discussion, à défaut de se procurer l'acte de mariage, la possession de l'état d'époux des parents est dotée d'un effet probatoire dont les enfants peuvent en tirer profit. Ils peuvent par conséquent s'en servir pour établir le mariage de leurs auteurs et, parallèlement, le caractère légitime de leur filiation. L'effet probant attaché à cette notion par l'Avant-projet de code permet aussi d'établir la parenté légitime. La parenté naturelle quant à elle semble avoir été exclue du domaine de l'effet probatoire de la possession d'état. Le vide juridique relevé dans le futur code traduit un certain malaise à accorder à l'enfant naturel les mêmes prérogatives que ceux reconnus à l'enfant légitime. On a comme l'impression que le code à venir, en s'inscrivant dans la continuité de ses devancières118(*), souhaite maintenir l'enfant conçu hors mariage dans un statut juridique inférieur à celui de l'enfant légitime. On pourrait même être tenté de dire qu'en faisant fi de l'effet probatoire de la possession d'état à l'égard de la filiation naturelle, le code en préparation essaye de limiter le développement des filiations hors mariage. Or, il n'y a pas de raison de privilégier une filiation au détriment d'une autre. Comme le rappel un bon nombre de conventions et déclarations internationales ratifiées par le Cameroun, les enfants sont tous égaux en droit. C'est dire que l'enfant naturel doit être traité de la même manière que l'enfant légitime. Si la possession d'état est un mode de preuve de la filiation des enfants conçus ou nés dans le mariage, pourquoi ne le serait-elle pas pour les enfants conçus hors mariage ?

L'effet consolidateur de la possession d'état s'étend par contre aux deux types de filiation.

* 113 V. art. 38 de l'ordonnance malgache de 1962, en annexe.

* 114 V. art. 73 PAR. 1 et 2 de l'APCPF en annexe.

* 115 On pourrait également écrire ces noms de cette façon ; BOMBA NGO Nicole et BOMBA NGO Nicole épouse AYISSI. C'est aussi de cette manière qu'est libellé le nom d'une femme mariée, lorsqu'elle décide de porter le nom de son mari.

* 116 Attestations, titres professionnels, carte d'identité, reçus, documents bancaires comme les chèques...

* 117 Vie commune, cohabitation. Quand un homme et une femme mènent une vie commune de façon continue, le résultat est la stabilité que l'on retrouve dans le mariage. Cette assise, peut faire présumer qu'il y a effectivement mariage entre les concernés.

* 118 Code civil de 1804, Ordonnance n° 81/02 du 29 juin 1981.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci