INTRODUCTION GENERALE
L'observation de l'évolution de l'économie
mondiale laisse de plus en plus apparaître le poids des décisions
politiques sur les orientations économiques que peuvent adopter les
gouvernements. Il n'est d'ailleurs pas surprenant d'observer à la veille
des différentes échéances électorales, des
décisions qui épousent tant bien que mal les aspirations des
électeurs. Ceci a notamment été le cas aux Etats-Unis
où, à l'approche des élections présidentielles de
Novembre 2004, l'administration Bush quelques mois auparavant, adoptait des
politiques visant à rehausser son image auprès de l'opinion
publique. De ce fait, au souci relatif à la sécurité
intérieure, cette administration demandait au Congrès une
rallonge du budget alloué à la défense en vue de
l'intervention en Irak. Par ailleurs, l'on a pu observer des baisses
consécutives du taux d'intérêt de la Réserve
Fédérale en vue de relancer la consommation et donc
l'économie. De même, l'adoption d'une politique du dollar faible
par rapport à l'euro, les subventions accordées aux producteurs
de coton américains, ainsi que l'embargo sur certains produits de
l'Union Européenne (notamment l'acier) laissent entrevoir une
volonté non seulement de relancer la compétitivité de
l'économie Américaine sur le plan international, mais
également de rehausser l'image de l'administration en place
auprès de l'opinion publique américaine.
En France, l'insécurité a constitué pour
le Président sortant Chirac un véritable cheval de bataille lors
de la campagne présidentielle d'avril 2002, occultant de ce fait les
bons résultats économiques obtenus par le gouvernement socialiste
en place quelques mois auparavant. La lutte contre l'insécurité a
alors occasionné un accroissement du budget du Ministère de
l'Intérieur, marqué notamment par une augmentation des effectifs
de la police et de la gendarmerie française. Aussi, la réduction
des impôts, la résorption du chômage pour ne citer que ces
deux exemples deviennent au fil des temps de véritables enjeux
électoraux ; peu importe l'aptitude ou non des politiciens à
pouvoir les réaliser une fois élus. Ce qui conduit
inéluctablement à établir une relation de plus en plus
croissante entre les prévisions macroéconomiques et les
échéances électorales.
Certaines études (Fouda ; 1997) ont pu mettre en
exergue le lien entre la politique et l'économie au début des
années 1990 au Cameroun. En effet, le paysage politique Camerounais
depuis les indépendances était marqué par l'existence d'un
seul parti. De ce fait, que ce soit au sein du tout premier régime
qu'à l'intérieur de celui qui lui a succédé, les
gouvernants successifs étaient préoccupés aussi bien par
leur réélection que par leur popularité.
Le déclenchement de la crise économique au
milieu des années 1980 au Cameroun a suscité davantage
l'intérêt porté à l'analyse des comportements des
gouvernants relatif à leur capacité à prendre des
décisions économiques adéquates. De plus,
l'avènement du processus de démocratisation au Cameroun au
début des années 1990 a posé les jalons d'une
possibilité d'alternance politique, provoquant alors chez les
gouvernants en place le souci plus accru de leur réélection.
Dès lors, la conduite de la politique économique et notamment la
manipulation des prévisions budgétaires par les gouvernants
intègre progressivement la variable électorale.
Toutefois, « de manière
générale, bien que les interactions entre la politique et
l'économie dans les pays en développement soient aujourd'hui
couramment admises, notamment par les travaux sur la faisabilité des
programmes d`ajustements structurels, les voies de transmissions de ces
interactions n'ont pas encore été toutes jusqu'ici clairement
définies et identifiées» (Fouda ; 1997).
L'intérêt de notre sujet est alors
consécutif à la possibilité qui nous est offerte dans
notre recherche de mettre en exergue la manipulation du budget par les
dirigeants politiques entre les différentes échéances
électorales au Cameroun.
L'analyse des expériences de politique
économique a permis l'émergence d'une nouvelle perspective
d'examen théorique de la politique économique, prenant en compte
le poids déterminant des variables significatives de la
rationalité politique Greffe (1989). De ce fait, il devient
délicat pour les gouvernants en place de se soucier uniquement de la
rationalité économique au détriment de la
rationalité politique dont l'une des variables est la
réélection. Cette dernière étant une
préoccupation permanente des hommes politiques, elle devient dans
certains cas, tributaire du succès de la stratégie
économique adoptée. Cette nouvelle donne révèle le
concept de cycle politico-économique. Greffe (1989) pense à cet
effet que « tout gouvernement analysera ses décisions
à la lumière d'une contrainte de réélection,
préoccupation d'autant plus importante que l'on se rapproche des
échéances électorales ». Abondant dans le
même sens, Paldam (1979) avait établit que le cycle
politico-économique est la fluctuation d'une économie autour de
son sentier d'équilibre de long terme généré par le
système politique. En d'autres termes, le CPE étudie la
manière dont les groupements d'intérêt et les pressions
politiques au sein d'un pays influencent les performances
macro-économiques (Yasemin Kuzu, 2004).
Il ressort de ce qui précède, un
élément fondamental: la périodicité des
décisions de politique économique sous la contrainte des
échéances électorales. De plus, pendant l'année de
l'élection, des hommes politiques lorsqu'ils veulent agir dans le sens
de leur intérêt manipulent les variables budgétaires telles
que les dépenses totales, les payements de la sécurité
sociale, les dépenses du secteur agricole, les transferts (Blais et
Nadeau, 1992).
Il apparaît dès lors que l'examen du cycle
politico budgétaire, reposant sur les mêmes fondements
théoriques que le cycle politico-économique traditionnel, traduit
une analyse des comportements du budget de l'Etat à la veille et au
lendemain d'échéances électorales.
La prise en compte dans l'analyse économique des
données politiques à fait l'objet d'une littérature
considérable. En effet, si à travers la révolution
marginaliste à la fin du 18è siècle, l'économie
néo-classique commençait à exercer une domination sans
précédent, elle ne prenait cependant pas en compte l'effet que
pouvait avoir les Institutions Politiques sur l'économie. Cette nouvelle
approche venait trancher avec certains auteurs classiques (Adam Smith dans
sa «Richesse des Nations » 1776, John Stuart Mill dans
« Principes d'Economie Politique » 1848) et mêmes
physiocrates (De Montchretien (1915), qui à travers le concept
d'Economie Politique avaient auparavant établi un lien étroit
entre la politique et l'économie.
D'un autre côté, les chercheurs en science
politique ont développé des théories normatives sans faire
appel aux concepts propres à la science économique,
conséquence du relâchement de l'interdisciplinarité
marqué notamment par une évolution en rangs dispersés des
recherches en sciences économiques et en sciences politiques jusqu'aux
années 1960.
Le regain d'intérêt porté sur le lien
entre la politique et l'économie s'est révélé
à nouveau après les années 1960 avec l'avènement de
la «Nouvelle Economie Politique ». Cette dernière impose
la prise en compte progressive des Institutions Politiques non plus comme des
variables exogènes à la politique macroéconomique, mais
elle leur fournit désormais le statut de variables endogènes
(Yasemin Kuzu, 2004). Il apparaît dès lors une catégorie
d'économistes qui met en exergue le concept de cycle
politico-économique au milieu des années 1970.
Ce concept est initialement dû aux travaux de Kalecki
(1943). Mais c'est à partir du milieu des années 1970
qu'apparaissent les véritables contributions y relatives. Nordhaus
(1975) en s'inspirant de la courbe de phillips (1958) admet que les
électeurs apprécieront la gestion des hommes politiques et leur
renouvelleront leur confiance en fonction des performances atteintes dans le
passé en matière de lutte contre l'inflation et le chômage.
Kempf (2003) pour sa part établit que « le cycle
politico-économique décrit une variation cyclique de
l'activité économique agrégée, qui découle
des considérations politiques ».
Une première vision des cycles
politico-économiques décrit des modèles théoriques
qui confèrent aux dirigeants politiques un comportement opportuniste.
Autrement dit les hommes politiques mettent sur pied avant les élections
des politiques économiques opportunistes pour augmenter leurs chances
d'élection ou de réélection. L'idée sous jacente
est que les partis politiques n'obéissent à aucune
idéologie et pratiquent des politiques économiques susceptibles
de les faire gagner les élections. La première contribution
relative au cycle opportuniste est faite par Nordhaus en 1975. Il
établit que la pratique par des candidats d'une politique
monétaire expansionniste mène à une augmentation
provisoire de l'activité économique, suivie avec un retard de
l'augmentation de l'inflation. Autrement dit, la performance économique
dans une période est mesurée par le comportement d'inflation et
de chômage. Toutefois, l'étude des cycles opportunistes
révèle deux nuances théoriques. D'une part l'on admet
l'existence des cycles opportunistes rationnels et, d'autre part celle des
cycles opportunistes traditionnels. Ces derniers sont également
étudiés pour la première fois par Nordhaus (1975) dans un
modèle représentant le dilemme inflation chômage auquel
sont confrontés les électeurs.
Dans ce type de cycle, les agents économiques forment
des anticipations d'inflation adaptatives c'est-à-dire qu'ils
prévoient l'évolution de l'inflation à partir des
informations obtenues sur cette inflation dans le passé. Ainsi,
indépendamment de leur considération idéologique, les
gouvernants ont tendance à manipuler les instruments de politique
économique avant les élections. Il faut cependant noter que les
études empiriques menées par certains auteurs et notamment par
Alesina, Robini et Cohen (1997) ne confirment pas l'existence de ce
type de cycle pour un ensemble de pays de l'OCDE au cours de la période
1960 -1993 en ce qui concerne les grandeurs économiques tels que la
croissance du PIB et le taux de chômage. Ils montrent à cet effet
qu'avant les élections, la croissance du PIB n'augmente pas de
façon significative. Ce qui signifie que pour le groupe de pays de
l'OCDE au cours de cette période là, les politiques
économiques mises en place lors des échéances
électorales n'obéissent pas à un comportement opportuniste
traditionnel des hommes politiques. Allant dans le même sens, les auteurs
tels que MC Callum (1978), Paldam (1979), Lewis- Beck (1988), Faust et
Irons (1999) ne trouvent aucune évidence pour un modèle
de CPE de Nordhaus pour le chômage ou la croissance dans des
économies développées en dehors des USA.
S'agissant des cycles opportunistes rationnels, la
rationalité tient ici au fait que les agents économiques forment
des anticipations d'inflation non plus adaptatives mais rationnelles.
C'est-à-dire que ces agents ne tiennent pas seulement compte des
informations sur le passé pour faire des prévisions, mais
également sur toutes les informations qu'ils détiennent et qui
pourraient avoir une influence sur l'inflation dans l'avenir. Ce type de cycle
opportuniste découle des travaux de bon nombre d'auteurs tels que
Cuckieman-Meltzer (1986); Person et Tabellini, (1990) ;
Rogoff (1990) ; et Rogoff et Sibert(1998). Les
études empiriques des cycles opportunistes rationnels aboutissent
à des résultats contrastés relevant de nombreux travaux
économétriques appliqués aux pays occidentaux. Si Alesina,
Cohen et Roubini (1992) peuvent faire ressortir des résultats positifs,
d'autres auteurs n'ont pas pu confirmer l'existence de tels cycles dans les
mêmes pays. Dans tous les cas, il apparaît au vu des études
empiriques menées que les fluctuations économiques que l'on
observe lors des échéances électorales n'épousent
pas toujours un comportement opportuniste des hommes politiques. Cet
état des faits s'accentue encore plus lorsque l'on considère le
cas ou les agents économiques forment des anticipations d'inflation
rationnelles.
Ensuite dans une deuxième vision, les politiciens sont
partisans d'une idéologie politique qu'ils poursuivent activement. Ces
derniers sont développés pour la première fois aux
États-Unis par HIBBS (1977). Cette théorie prend en compte le
fait que les agents économiques et notamment les électeurs
opèrent des anticipations adaptatives en ce qui concerne l'inflation.
Cependant, cette théorie ne trouve pas de confirmation empirique
valable. Une telle situation favorise une approche alternative des cycles
politiques partisans prenant en compte le comportement rationnel des agents
économiques. Si Hibbs (1977) s'est penché sur le
modèle de Nordhaus et a admis l'influence des élections sur les
fluctuations économiques, il relève toutefois que les partis de
la droite et de la gauche ont différentes positions sur les questions
économiques et par conséquent de différents objectifs
macro-économiques. En effet, en terme de fonctions objectives ils ont
différentes préférences concernant l'inflation et le
chômage. Cependant, la théorie partisane de Hibbs trouve une
critique empirique originale dans la mesure qu'elle suppose de manière
incorrecte que les anticipations sont irrationnelles. Ainsi, si l'on suppose
que la politique monétaire est employée pour frapper les
objectifs partisans du chômage et de la croissance, l'explication du
cycle politico-économique apparaît insuffisante.
La prise en compte des anticipations rationnelles dans le
cycle politico-économique a été l'oeuvre pionnière
d'Alesina (1987,1988). Il établit qu'avec les anticipations
rationnelles, seules l'inflation de surprise affecte le rendement. Cette
théorie rencontre un accord général sur l'existence des
effets partisans particulièrement sur l'activité
économique. L'évidence empirique en faveur de cette
théorie est rapportée par les travaux d'Alesina, Roubini
et Cohen (1997) qui rapportent des résultas favorables
concernant la croissance du PIB et du chômage sur un échantillon
de 18 pays de l'OCDE au cours de la période 1960-1993. Il apparaît
en effet que, le taux d'inflation est plus élevé après les
élections (pendant quelques trimestres). Ce qui laisse supposer une
utilisation avant les élections des instruments de politique
économique qui est marquée après par des
différences partisanes temporaires entre les gouvernements de gauche et
de droite.
Dans cette optique, Alesina, Robini et Cohen
montrent à travers leurs tests empiriques sur un groupe de pays de
l'OCDE dont la France, pour la croissance économique et pour le taux de
chômage, que la croissance économique est plus significativement
élevée avec un gouvernement de gauche qu'avec un gouvernement de
droite pendant quelques trimestres après les élections, et que le
chômage est significativement plus bas avec un gouvernement de gauche
qu'avec un gouvernement de droite, pendant quelques trimestres après les
élections, surtout quand il y a changement de majorité. Il est
à noter que la validation empirique de la théorie partisane
rationnelle faite par ce groupe d'auteurs tient compte de la surprise
électorale qui reste inchangée après chaque changement de
majorité. De ce point de vue, une étude empirique de la
théorie partisane par les auteurs a donné des résultats
favorables aux États-Unis, en précisant toutefois que dans ce
dernier cas, les auteurs ne considèrent plus le degré de surprise
électorale comme constant, mais plutôt comme variable pour chaque
élection. Si la justification de l'influence du cycle électoral
sur les fluctuations économiques trouve un début d'explication
avec la théorie rationnelle dans certains cas, dans d'autres, les
résultats des tests empiriques sont défavorables. Ainsi Carlsen
et Pederman (1999) ne
confirment pas cette théorie aux États-Unis en ce qui concerne la
croissance, même en intégrant à la fois le degré de
surprise électorale et la différence idéologique
(démocrate ou républicain) pendant quelques trimestres
après les élections (avec ou sans changement d'administration).
Pour Gärtner (1994), les résultats empiriques pour
l'inflation, la croissance économique et le chômage sur un
échantillon de pays de l'OCDE ne sont pas expliqués par les
cycles politiques partisans rationnels (il n'y a pas d'effets partisans
permanents sur la politique monétaire mais il y a des effets
opportunistes avant les élections).
L'étude des différentes contributions
théoriques sur l'explication des cycles politico-économiques
laisse apparaître de toute évidence une influence des
élections sur les fluctuations économiques. Tout le débat
portant désormais sur la nature de ces derniers. En effet, l'on remarque
d'une part que ces cycles se subdivisent en cycles opportunistes
(étudiés initialement par Nordhaus (1975) et en cycle partisans
(mis en évidence par Hibbs) et, d'autre part, tant pour les
cycles opportunistes que les cycles partisans, l'on admet des modèles
traditionnels (où les agents économiques forment des
anticipations d'inflation adaptatives) et les modèles rationnels
(où les mêmes agents économiques forment des anticipations
rationnels). Il faut toutefois remarquer que les tests empiriques
effectués aussi bien dans les pays de l'OCDE qu'aux Etats-Unis ont
tendance à refuter l'existence des modèles traditionnels ou, tout
simplement les tests empiriques des modèles traditionnels n'aboutissent
pas des résultats favorables.
Par contre, la justification des cycles
politico-économiques intégrant des modèles rationnels
découle des tests empiriques aux résultats dans l'ensemble
favorables, mais où quelques exceptions subsistent. Ces dernières
découlent de l'infirmation ou des résultats défavorables
des modèles rationnels en tenant compte de certains
spécificités liées aux pays.
C'est notamment le cas de la France, où bien que le
test empirique de la théorie rationnelle partisane donne des
résultats favorables en ce qui concerne la croissance et le
chômage pour un ensemble de pays de l'OCDE dont la France, la
théorie rationnelle partisane ne correspond pas parfaitement à la
situation économique de la France. En effet, elle n'est pas
validée empiriquement pour l'inflation, même si elle l'est quand
on considère un échantillon de pays de l'OCDE (dont fait partie
la France). En plus, « cette théorie (théorie partisane
rationnelle) ne prend en compte que les effets post-électoraux, alors
que les gouvernements peuvent prendre avant les élections des mesures de
politique économique pour favoriser leur réélection
(l'inflation est plus élevée pendant quelques trimestres
après les élections) » (Antoine Auberger, 2004).
Toutefois que ce soit par opportunisme ou par
idéologie, la manipulation des grandeurs macroéconomiques telles
que l'inflation, le PIB, le chômage, s'avère complexe pour les
gouvernants. En effet, le budget est plus facile à manipuler que ces
grandeurs dans la mesure où les gouvernants contrôlent leur budget
alors qu'ils espèrent avoir uniquement un impact pour l'économie
(Golden et Poterba, 1980 ; Brown et Stein, 1982). C'est ainsi que des
auteurs à l'instar de Tufte (1978), Frey et Shneider (1978, 1979)
établissent une relation entre les prévisions budgétaires
et les échéances électorales, mettant ainsi en
lumière les cycles politico budgétaires dans les pays tels que
les Etats Unis, l'Angleterre et l'Allemagne.
Toutes les contributions théoriques relatives au lien
entre le budget et les élections laissent apparaître une
volonté des décideurs publics de manipuler le budget en fonction
qu'on soit en présence ou non d'élections. Tufte (1978) ne s'y
trompe d'ailleurs pas lorsqu'il montre qu'aux Etats Unis, le payement de la
sécurité sociale augmente dans les années de
l'élection, alors que les contributions augmentent après les
années de l'élection.
L'appréhension du lien entre la politique et
l'économie a très souvent marqué la littérature
économique. Cependant, une orientation des études sur cette
liaison dans le sens de l'établissement des cycles
politico-économiques a révélé des insuffisances.
Ces dernières sont relatives à l'incapacité des
décideurs publics à influencer certaines grandeurs
macro-économiques à l'instar de la masse monétaire, dont
le contrôle dépend de la Banque centrale (Drazen, 2000b). Cet
état des faits est également observable au Cameroun où la
conduite de certaines politiques économiques est sujette à des
rigidités. En effet la politique monétaire est
élaborée et conduite par la banque centrale sous régionale
BEAC, dont l'indépendance vis à vis du gouvernement ne permet pas
aux dirigeants en place (hommes politiques) de manipuler les
disponibilités monétaires aux fins électoralistes.
Dès lors, le budget apparaît comme l'une des variables sinon la
principale qui peut être sujette à une manipulation probable. De
plus, « ... augmenter les dépenses juste avant les
élections apparaît comme une stratégie beaucoup plus simple
et potentiellement profitable, que d'essayer de mettre sur pied, un cycle
économique à travers des politiques fiscales et monétaires
appropriées » (Blais et Nadeau 1992).
L'étude des comportements du budget au Cameroun nous
pousse à nous interroger sur l'existence d'une relation de
causalité entre les échéances électorales et
l'évolution du budget au Cameroun. En d'autres termes
peut-on étendre l'analyse des cycles politico-budgétaires
au cas du Cameroun ? La réponse à cette
interrogation favoriserait la compréhension de l'influence ou non des
élections sur l'élaboration du budget au Cameroun.
La rareté des études consacrées aux
cycles politico-budgétaires en Afrique et au Cameroun notamment,
consacre l'objectif principal de cette étude qui est celui
d'étendre l'analyse des cycles politico-budgétaires au Cameroun.
Spécifiquement il s'agira :
Ø De mettre en évidence le cycle
politico-budgetaire.
Ø De dégager les déterminants
éventuels du cycle politico-budgetaire au Cameroun.
Une conduite satisfaisante de notre étude
nécessite la prise en compte de deux hypothèses :
H1 : les dépenses
budgétaires ayant un impact direct sur les électeurs augmentent
lors de l'exercice budgétaire correspondant à l'année de
l'élection et diminuent l'année d'après.
H2 : les recettes fiscales qui
également ont un impact sur les électeurs diminuent l'exercice
budgétaire correspondant à l'année de l'élection et
augmentent l'exercice d'après.
La traduction des hypothèses en variables mesurables
empiriquement nous donne les grandes lignes sur lesquelles la recherche sera
axée. Ainsi donc, dans l'optique de mesurer l'action de
l'indécision électorale sur le budget au Cameroun, il nous semble
nécessaire d'adopter deux approches :
Ø Une approche statistique où l'on s'attellera
à observer et à commenter des variations du budget sous
l'influence électorale.
Ø Une approche économétrique où
à l'aide du modèle mis sur pied par BLAIS et NADEAU (1992) nous
mettrons en exergue la même relation.
L'étude que nous présentons ici s'étend
sur la période 1970-2002 et enregistre des données relatives au
budget de l'Etat Camerounais et aux différentes échéances
électorales tenues au cours de cette période. Les données
collectées ici l'on été par le biais de la consultation
des documents portant des données statistiques sur les recettes et les
dépenses budgétaires d'une part et les échéances
électorales sur la période 1970-2002 d'autre part. Ces
données proviennent aussi bien de la Direction de la statistique et de
la comptabilité nationale (DSCN) que des archives de l'Assemblée
Nationale. La conduite de l'analyse révèle quelques
difficultés qui se traduisent principalement par le déficit de
statistiques sur la période 1960-1970, l'absence d'une fonction de
popularité pour bien juger le résultat des élections, la
non coïncidence entre l'exercice budgétaire et l'année
civile et le changement perpétuel des dénominations des
ministères et de leurs attributions.
Notre étude sera présentée à
travers deux parties. La première partie intitulée :
politique budgétaire et cycle électoral : deux notions
indissociables, et la deuxième partie libellée :
Analyse du cycle politico-budgetaire au Cameroun.
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