WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA

( Télécharger le fichier original )
par Eric Aristide MOHO FOPA
Université de Dschang-Cameroun - DEA 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PARAGRAPHE I : L'IMPRECISION DU CRITERE DE MISE EN OEUVRE.

De nombreuses difficultés découlent de cette imprécision. Mais avant de les mentionner (B), il conviendra d'abord de rechercher le sens même du critère (A).

A- Le sens du critère.

Des dispositions des articles 150 et 153, il ressort que le commissaire aux comptes demande des explications soit au gérant, soit au président du conseil d'administration ou au président directeur général ou à l'administrateur général sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation qu'il a relevé lors de l'examen des documents qui lui sont communiqués ou dont il a connaissance à l'occasion de l'exercice de sa mission. Ainsi, que ce soit dans les sociétés anonymes ou dans les sociétés autres qu'anonymes, l'alerte est déclenchée par le commissaire aux comptes lorsqu'il relève «tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ». A cet effet, il est tenu d'attirer l'attention des dirigeants sur le danger encouru. Mais quel est le véritable sens de cette notion ?

Le législateur n'a pas cru devoir détailler davantage ce critère. Il s'en est tenu à une formule très souple susceptible de se dilater à l'excès. Il convient cependant de s'accorder avec la doctrine que ce critère d'origine comptable a une double dimension car présentant à la fois un aspect économique et financier38(*) . On peut ainsi relever comme éléments y découlant, l'accumulation de mauvais résultats, les emprunts exorbitants ou non justifiés, l'inscription inquiétante des privilèges et nantissements, des injonctions de payer à répétition, une trésorerie négative et même des conflits sociaux. Tout ceci implique une analyse des difficultés propres auxquelles l'entreprise fait face ou du contexte particulier dans lequel elle vit.

Le fait considéré ne doit pas obligatoirement compromettre la continuité de l'exploitation mais être simplement de nature à le faire. Mais il faut que le fait soit tout de même suffisamment grave pour affecter la continuité de l'exploitation et que le risque soit en mesure de se réaliser dans un avenir prévisible. Ne sont pas ainsi pris en compte des faits qui, de par leur caractère improbable ou lointain, ne peuvent en l'état actuel de la situation de la société affecter sérieusement son exploitation. Il en sera ainsi par exemple d'une insuffisance des investissements en matière de recherche ou encore d'un niveau technique insuffisant de l'encadrement39(*).

De tout évidence, un indice du critère pris individuellement ne saurait justifier l'alerte. Son déclenchement suppose en réalité l'existence conjointe des deux faisceaux d'indices que sont le « fait » considéré et la capacité pour ce fait de « compromettre le continuité de l'exploitation ». Il n'est cependant pas nécessaire qu'il y ait plusieurs faits comme en France. Un seul fait suffit, à condition d'être en mesure de compromettre l'exploitation.

Le commissaire aux comptes est donc appelé à agir avec tact et finesse car une mauvaise appréciation de la situation peut provoquer des difficultés imparables.

B- Les difficultés d'appréhension du critère.

Si la démarche choisie par le législateur est plus « scientifique et plus rationnelle », il n'en demeure pas moins qu'elle n'est pas très féconde40(*). Certes, cette formule offre au commissaire aux comptes une liberté d'action considérable, mais ce dernier ne doit agir que dans le cadre strict de l'exercice de sa mission. L'essentiel reste qu'il agisse en se conformant à l'esprit du texte41(*). Il doit s'assurer que le fait allégué est réellement de nature à nuire à la continuité de l'exploitation. L'absence de précision du critère lui impose de se référer à sa conscience, à son expérience ou tout simplement à son intuition. Ce qui pourrait l'impliquer accidentellement dans la gestion de la société.

Mais on peut toujours se demander si le commissaire aux comptes a l'obligation de rechercher systématiquement les faits devant donner lieu à l'alerte ou alors s'il doit simplement porter à la connaissance des dirigeants les seuls faits relevés à l'occasion de ses fonctions normales. Il serait mieux de retenir une interprétation large car une interprétation restrictive priverait l'alerte d'une partie de son utilité42(*). Pourtant, le législateur africain semble bien relier l'alerte aux connaissances qu'a le commissaire aux comptes à l'occasion de l'exercice de sa mission43(*). Or, le commissaire aux comptes est un tiers à la gestion de la société44(*). Il lui est formellement interdit de s'immiscer dans la gestion de celle-ci45(*). Le droit d'alerte doit donc être concilié avec le principe de non immixtion des commissaires aux comptes dans la gestion.

En principe, l'exercice du droit d'alerte, s'il élargit la mission du commissaire aux comptes, ne constitue pas une immixtion. C'est pourquoi ce dernier doit s'abstenir de proposer la moindre solution une fois l'alerte déclenchée. A défaut, il s'immiscerait dans la gestion. Toutes ces garanties sont cependant fragilisées par le caractère vague du critère de mise en oeuvre de l'alerte en ce sens qu'il offre un très grand champ d'action au commissaire aux comptes. En effet, il bénéficie d'un pouvoir d'appréciation très large quant à l'opportunité de l'alerte. En plus, certaines missions légales du commissaire aux comptes sont très proches d'une immixtion dans la gestion, notamment la convocation de l'Assemblée Générale en cas de carence des dirigeants. C'est la raison pour laquelle une partie de la doctrine estime que l'exercice de l'alerte implique nécessairement une immixtion du commissaire aux comptes dans la gestion46(*). On assiste en effet à une dérive de ses fonctions de contrôle des comptes vers la surveillance de la gestion. Son devoir d'alerte le conduit inévitablement à faire apprécier la gestion. Bref, l'Acte uniforme précité consacre implicitement un droit de regard et d'appréciation de la gestion par le commissaire aux comptes47(*).

Par ailleurs, la détermination de la date de déclenchement de l'alerte est particulièrement délicate. Si l'alerte est trop tardive, elle risque de ne pas pouvoir redresser une situation définitivement sans issue. En effet, les commissaires aux comptes agiront très souvent quand la situation est déjà profondément dégradée. Ils ne feront alors que constater la cessation des paiements ou annoncer l'imminence de celle-ci48(*). L'alerte, à l'instar de la prévention en général, perdra ainsi de sa fonction première qui est de veiller et ne pas être surpris par les difficultés afin d'avoir le temps de réagir aisément et d'organiser la défense ou la résistance.

Le critère de mise en oeuvre de l'alerte tel que formulé par le législateur exige une prudence dans son utilisation. A défaut, il pourra causer des difficultés nouvelles à l'entreprise qu'il est censé protéger. Ce qui traduit déjà les nombreuses imperfections de ladite procédure.

* 38 Voir en ce sens, JEANTIN (M), préc., pp 277 et 278 ; NGUIHE KANTE (P), article préc., p.96.

* 39 Voir MESTRE et FLORES, Lamy, Sociétés, 1994, cités par JEANTIN (M). préc., p. 278.

* 40Cf NGUIHE KANTE (P), article préc., p.97.

* 41 Articles 150 et 153 de l'AUDSCGIE.

* 42 GUYON (Y), Droit des affaires T2 préc., p. 56.

* 43 Cf Art. 150 et 153 préc.

* 44 Voir NJOYA NKAMGA (B), Les interventions des tiers dans la gestion des sociétés commerciales, mémoire, DEA, Dschang, FSJP, 2000.

* 45 Voir article 712 AUDSCGIE. Bien plus, il peut engager sa responsabilité tant à l'égard de la société que des tiers des conséquences dommageables ou des fautes qu'il pourrait commettre dans l'exercice de ses fonctions selon l'article 725 AUDSCGIE.

* 46 BLANC (G), La situation des commissaires aux comptes après la loi du 1er mars 1984, JCP, 1984, éd. E., cité par JEANTIN (M), p. 279.

* 47 ANOUKAHA (F), CISSE (A), DIOUF (N), NGUEBOU TOUKAM (J), POGOUE (PG) et SAMB (M), OHADA, Sociétés commerciales et GIE, Bruyant Bruxelles, 2002, p. 171.

* 48 GUYON (Y), Droit des affaires, T2 préc. p. 53.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984