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Géostratégie des ressources naturelles et les conflits de la République du Congo 1990-2002 : rivalité de puissance et contrôle de l'énergie

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par Sédard-Roméo NGAKOSSO-OKO
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en relations internationales, option diplomatie 2005
  

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2. Les acteurs secondaires

Par acteurs secondaires, nous entendons toutes les autres entités qui ont joué un rôle dans l'échiquier congolais, et qui n'ont pas les attributs des protagonistes de premier plan. Toutefois, il faut le reconnaître qu'il y a ni homogénéité de nature, ni unité d'actions au sein de cette catégorie d'acteurs. Il s'y déploie plusieurs jeux à deux niveaux. Au niveau sous-régional, il y a le jeu des Etats et celui des acteurs non étatiques (a) et au niveau international, il y a l'activisme des firmes multinationales, des organisations internationales et des ordres ésotériques (b).

a. Au niveau sous-régional

- Le jeu des Etats

Ce sont les Etats qui dominent le jeu à cette échelle. Si certains Etats s'affichent directement en prenant faits et causes pour l'un ou l'autre des

55La constitution de cette période consacrait un régime semi-présidentiel, ce qui n'était pas sans poser de réelles difficultés à l'exécutif. D'ailleurs, le président de la république n'a pas tergiversé à déboulonner ce parlement qui lui était devenu inamical.

protagonistes nucléaires, d'autres par contre paraissent discrets et ambigus dans leurs démarches. C'est le cas, successivement, avec l'Angola d'une part, et le Tchad et le Gabon d'autre part.

L'intervention de l'Angola, matérialisée par un dispositif important, tant du point de vue logistique, des stratégies de combats que par celui des contingents de soldats engagés sur les théâtres, a été décisive dans l'issue des hostilités en faveur des forces du PCT, apparentées au général Dénis SASSOU N'GUESSO en octobre 1997. Elle n'a pas été discrète. Voici le mea culpa du leader du PCT au sujet de l'apport de l'Angola :

« [...] Pendant toute la guerre, j'ai été comme ça. Il y'avait des moments de détresse, on recevait des coups très durs et les gens autour de moi commençaient à désespérer. Pas moi. Parfois, nous n'avions plus de munitions. Nos amis Angolais nous envoyaient du matériel par Kinshasa. Mais Laurent-Désiré KABILA le bloquait et refusait de le faire passer. LISSOUBA savait parfaitement

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que nous n'avions plus de munitions ».

Comparativement à celle de l'Angola, l'intervention du Tchad a été beaucoup plus discrète. Elle s'est illustrée par l'envoi du matériel, et surtout de quelques contingents de soldats pour épauler les forces du PCT. Enfin, dans la catégorie des ambigus et des mystérieux, figure le Gabon. Officiellement, ce pays abrite et soutient les efforts de la médiation internationale conjointe ONU/OUA, dont il a également la charge d'assumer la présidence. Officieusement, son territoire est une plaque tournante dans la livraison de la logistique militaire aux forces du PCT. Celles-ci ont notamment bénéficié, entre autres, des facilités aéroportuaires et routières gabonaises57. Cependant, ce ne sont pas les seules entités qui constituent la catégorie des acteurs secondaires relevant de la zone sous-régionale. A côté d'eux, il y a les acteurs sous-régionaux non étatiques.

56A. TAHERI, « Congo-Brazzaville : cap sur la démocratie », entretien avec Denis, SASSOU NGUESSO, WAJMAN, Patrick, (dir.), Politique Internationale, n°81, Paris, Automne 1998, page 325 (le gras est de nous).

57Sur le soutien de l'exécutif gabonais aux forces du PCT, cf. B. LUGAN, « l'Afrique qui bouge », in GARAUD, Marie-France, (dir.), L'Afrique acteur ou enjeu ? Géopolitique, n°63, Paris, PUF, octobre 1998, p. 18 ; également J.-F., BAYART, « L'Embrasement de l'Afrique subsaharienne », in WAJMAN, Patrick, (dir.), Politique Internationale, n°77, Paris, Automne 1997, p. 193.

- Le jeu des acteurs non étatiques

C'est toujours une sous-catégorie des acteurs secondaires impliqués dans les conflits congolais. Ces entités sont originaires de la sous-région et ne sont pas des Etats. Elles opèrent indistinctement dans différents Etats de cet espace géographique en fonction de leurs besoins et de leurs intérêts. Ce sont les milices, les individus, les réfugiés et les intermédiaires des agences spécialisées dans la fourniture de la logistique militaire. Ces entités ont évolué aux côtés des protagonistes centraux en remplissant des tâches diverses relevant du domaine de l'assistance de guerre.

En illustration, on peut citer le cas, entre autres, des firmes sud africaines, Executive outcomes et Ebar Management and Trading, qui ont été une véritable plaque tournante, entre le camp gouvernemental et certaines multinationales de l'armement originaire des anciens pays du bloc de l'Est, en matière d'achat et de livraison de la logistique militaire. Toujours dans cette logique, mention doit être fait également de l'intervention des forces de l'UNITA et celles des FLEC aux côtés du même camp. Enfin, ce fut aussi le cas de l'intervention des résidus du Hutu power, des Interahmwés et des anciens éléments de la Division Spéciale Présidentielle (garde rapprochée du Président MOBUTU) officiellement réfugiés au Congo, mais qui ont été enrôlés par l'état major du PCT.

b. Au niveau international

- L'action des firmes multinationales

L'épithète «grandes puissances industrielles» renvoie aux Pays Développés. Leur jeu est sous-traité par les sociétés multinationales détentrices de leur nationalité qui opéraient déjà ou qui étaient en voie de le faire au Congo.

Dans le premier cas, c'est-à-dire, celles qui ont toujours eu une présence au Congo, il y a la France, avec le groupe Elf Aquitaine, et l'Italie, avec le consortium Agip Recherches S.A. et ENI. Ces multinationales, nous l'avons déjà vu, manifestent leurs intérêts au Congo dans le domaine des hydrocarbones liquides et gazeux. Cependant, on ne peut se départir de l'idée selon laquelle leur ombre est

omniprésente dans tous les événements sanglants qui ont marqué ce pays depuis les indépendances, et particulièrement dans la série des crises de 1990 à 2002. Leur rôle a été complexe et ambigu aux côtés de l'un ou de l'autre des protagonistes nucléaires. Elles ont parfois servi de relais entre les marchands d'armes et les protagonistes ; elles se sont comportées en agences comptables des protagonistes pendant ces conflits. Le cas du groupe Elf Aquitaine est souvent cité en exemple pour étayer cette hypothèse58.

Le second cas, c'est-à-dire, celui qui concerne les grandes puissances industrielles dont les multinationales étaient en train de s'installer au Congo, est cependant divisé en deux sous-groupes. D'un côté nous avons celles installées depuis peu, tandis que de l'autre côté il y a celles qui étaient en tractations avec les autorités pour obtenir des autorisations nécessaires à cet effet. Dans ces deux sous catégories, figurent essentiellement les sociétés anglo-saxonnes. En illustration, on peut citer les consortiums Occidental petroleum, Exxon et Mobil pour le compte des USA et la major anglo-néerlandaise, la Royal Dutch Shell. Dans leurs campagnes de charmes, indispensables pour montrer leur loyauté, ces sociétés ont servi de garantie pour mobiliser des fonds auprès des établissements bancaires au profit de l'un ou de l'autre des protagonistes, si elles ne le faisaient pas elles- mêmes directement. Evidement, pendant de pareils moments, on peut imaginer à quoi pouvaient servir ces sommes d'argent importantes, si ce n'était pour conforter les arsenaux. Les interventions de ces sociétés ont dépassé le cadre économique pour lequel elles ont déclaré leurs activités.

Cependant, on ne peut se dispenser de savoir si les Etats dont les sociétés ci- dessus citées détiennent la nationalité ignoraient effectivement que ces dernières se livraient à ces pratiques peu orthodoxes pour faciliter leur positionnement ou pour se repositionner. Ceci est d'autant plus inquiétant quand nous nous représentons les liens que certaines d'entre elles entretiennent avec leurs Etats, à l'instar de la française Elf Aquitaine, dont l'un des anciens patrons, Loïk Le FLOCH-PRIGENT,

58REPUBLIQUE DU CONGO, Les Guerres civiles du Congo-Brazzaville : novembre 1993, janvier 1994, 5 juin 1997 T. I, sans lieu, sans date, pp : 206-207.

a rappelé l'objet et les objectifs qui ont présidés à sa création et les missions qui lui ont été assignées lorsqu'il a été porté à la tête du groupe. Il dit en substance que ce groupe, créé dans les années 1960 est la propriété de l'Etat français. Pour cela, il en constitue l'un des bras séculiers. Sa mission est de « participer en tout temps à l'autonomie énergétique de la France »59.

Il ressort que ce groupe est un instrument de souveraineté et de politique interne. Aussi, quand bien même le groupe disposerait de l'autonomie d'action et des moyens financiers, il apparaît tout de même très peu sûr que des décisions majeures, telle que décrites plus haut, soient prises à l'insu des politiques. A l'échelle internationale, ces acteurs ne sont pas les seuls qui se sont mêlés aux crises congolaises.

- L'implication des sectes ésotériques

C'est une autre dimension du conflit congolais. Cette dernière traduit le caractère peu ordinaire de certains acteurs nucléaires du fait de leur appartenance à des ordres initiatiques étrangers au pays et au continent. Il s'agit des confréries franc-maçonnes de la GLNF et la GODF. Ainsi, remarque-t-on que, ce sont non seulement des concitoyens qui s'affrontent pour faire prévaloir leurs intérêts, mais aussi des confrères suivant ces ordres. Les interventions successives des responsables et émissaires de ces organisations dépêchés auprès des protagonistes attestent de leur appartenance à ces organisations. Fondamentalement, ils ont invité, sans succès, les frères égarés à retrouver le chemin de la sagesse et de la raison. L'Express résume cette intervention en ces termes :

« Rien, ni personne n'aura donc fait taire les canons. Pas même les émissaires francs-maçons de diverses obédiences envoyés auprès des deux frères égarés. Le compagnon LISSOUBA, initié à Besançon sous la bannière du Grand Orient, et le maître SASSOU, pilier d'une cousine sénégalaise de la Grande Loge de France, sont restés sourds aux appels à la sagesse. Qu'ils émanent du socialiste Guy

59L. Le FLOCH-PRIGENT, « La Confession de Loïk Le FLOCH-PRIGENT », http://www.lexpress.fr, consulté le 31/01/2005 ; également, M. H., AUBERT, P. BRANA, R. BLUM, Pétrole et éthique : une conciliation possible ? T. 1, Paris, Assemblée Nationale, Commission des affaires étrangères, 1999, pp : 56-61.

PENNE, jadis conseiller de François MITERRAND, de Fernand WIBAUX ou d'Omar BONGO, trois maçons de haut vol »60.

Ceci traduit, d'une part, le caractère pluridimensionnel des personnalités qui animent la vie politique au Congo, de leurs affrontements, et montre d'autre part qu'il n y a pas toujours, comme on le croit souvent, de cloisonnement entre le mystique et la gestion de la cité. Ce sont les mêmes hommes qui se retrouvent des deux côtés. Le politique comme le mystique, apparaissent dans cette logique comme des dimensions constitutives de l'homme et de la vie sociale.

Ce qui est très peu ordinaire dans le cas du conflit congolais, c'est que ces confréries, vu la violence des affrontements, sont parvenues à appuyer, proposer des services de médiations, conciliation et parfois proférer des menaces de sanctions vis-à-vis de leurs adeptes pour une situation qui d'emblée ne présente aucun lien avec leur mouvement. Il y a lieu de s'interroger sur les potentialités réelles de ces organisations dans la conduite des affaires d'Etat et sur la scène internationale.

Il ressort que ces sociétés secrètes servent des causes nobles. Ici, elles aident les congolais à trouver une solution autre que celle des armes dans le conflit qui les dresse les uns contre les autres. Mais, ces organisations n'ont pas été les seules à s'investir dans cette voie de résolution pacifique du conflit.

- Le jeu des organisations internationales

Il est question contributions des organisations internationales dans la recherche d'une issue pacifique à la crise congolaise. Conjointement, l'ONU et l'OUA s'y étaient volontiers prêtées en s'impliquant dans la recherche des trajectoires de sortie de la violence qui, dorénavant, était la seule norme entre les frères congolais. Leur rôle a été direct et militait activement en faveur d'une solution pacifique au conflit en soutenant les efforts de la médiation internationale sous les auspices du Président gabonais.

60V. HUGUEUX, «Le Brut et les truands», L'Express, 23/10/1997, http://www.lexpress.fr, consulté le 31/01/2005.

En dépit de ce soutien, l'on sait que le conflit congolais s'est achevé par la façon la plus naturelle : la victoire de l'une des parties en conflit. Cela signifie que les frères congolais étaient très peu enclins à ce mode de résolution du différend qui les opposait. Une fois de plus, nous avons la confirmation de cette assertion qui stipule que la façon la plus simple de passer de la guerre à la paix, c'est la victoire. Les efforts de résolution pacifique par le biais de la médiation, du désarmement des milices et par le cessez-le-feu sont restés vains. D'autre part, les principaux animateurs de la vie publique congolaise sont restés sourds aux appels répétés de retour à la sagesse des plus hauts responsables des ordres initiatiques auxquels ils appartiennent.

- Remarques

La première remarque est relative à la motivation qui sous-tend le déploiement de toutes ces entités que nous venons d'identifier aux côtés de l'un ou de l'autre des protagonistes nucléaires. Comme on peut le constater, elles sont embrigadées dans des systèmes d'engagement formel ou informel. Ces embrigadements sont destinés à assurer davantage de coopération entre elles dans des domaines qu'elles ont eux- mêmes définies. Un tel mécanisme se met en place en vue de redresser le déséquilibre dans la distribution de la puissance afin de contrebalancer ou de s'opposer à une hégémonie que l'alliance veut dissuader ou affronter. Pour réaliser leurs desseins, elles se déplacent, changent de configuration et de noeuds de connexion autant que cela est nécessaire.

Conséquence de la première, la deuxième observation est inhérente à la maturité des acteurs. En effet, ces embrigadements aux côtés des uns et des autres illustrent un modèle de solidarité entre, soit un Etat et une force sub-étatique, soit encore entre un Etat et un autre Etat. Ces solidarités prouvent que les acteurs sont désormais capables d'identifier leurs intérêts et de monter des stratagèmes hétéroclites pour les défendre. C'est ce que Marc-Louis ROPIVIA traduit à travers l'expression «l'Impérialisme Tropical Gondwanien» ; autrement dit, la capacité des acteurs africains à jouer avec le système international pour faire prévaloir leurs

intérêts61. Cette vision récuse la prescription fatalitaire de la domination par l'Occident pour permettre à l'Afrique de jouer, sur la scène internationale, un rôle d'acteur qui tienne compte de ses propres intérêts.

Enfin, la dernière observation qui se dégage de ce qui précède est que l'échiquier congolais met à jour un exemple de coopération informelle entre les bandes armées organisées, officiellement contestataires d'un ordre interne donné, et les Etats, acteurs à qui est dévolue la mission de réguler la vie à l'intérieur d'un espace territorial précis. Ce sont fondamentalement des Etats en déroute, en manque de légitimité et affaiblis qui font appel à de pareils mouvements pour maintenir le statu quo. S'il était indispensable de s'interroger sur l'identité des différents acteurs de l'épisode congolais, il n'est pas non plus superfétatoire de le faire sur la nature et la portée des coups que ces derniers se sont échangés.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King