2. Conséquences humaines
On ne peut faire la guerre sans accuser de pertes,
fussent-elles minimes. C'est tout a fait logique dans ce genre d'exercice, et
le cas congolais ne constitue pas une exception. On ne peut s'empêcher de
croire qu'au plan humain, des pertes ont été
considérables. Le gouvernement avance les estimations suivantes : entre
3.000 à 4.000 morts, 300.000 déplacés et 15.000
habitations détruites, pour le seul conflit de 1993 ; entre 4.000 et
10.000 morts pour celui de 1997 et enfin, entre 2.000 à 3.000 morts,
200.000 déplacés et 30.000 habitations détruites pour
celui de fin
72Pour la même période, la dette
interne approchait-elle les 650 milliards de francs CFA, tandis que la dette
extérieure était estimée dans les 2780 milliards de CFA,
environ 22,5% du PIB. Le Congo, incapable d'honorer les échéances
à terme, la BM a déclaré sa dette «
délinquante » en novembre 1997. Voire infra, p. 74, note
85.
1998 à début 199973. Par ailleurs, les
conséquences de cette guerre ne concernaient pas seulement le Congo.
3. Conséquences à l'échelle
sous-régionale
A l'échelle sous-régionale la série des
conflits congolais consacre l'interdépendance désormais en oeuvre
entre certains Etats africains, mais aussi entre ces derniers et certains
acteurs transnationaux du système sous-régional et international.
Spécifiquement, ces conflits montrent que désormais la
sous-région dispose de chefs de guerres, confortés de quelques
milliers d'hommes (Hutu powers, Interahmwés, anciens
éléments de la DST du Président MOBUTU, etc.) auxquels peu
d'opportunités de réinsertion dans la vie civile s'offrent. Ces
chefs de guerre se connaissent, sont solidaires, très actifs et
particulièrement mobiles. Leur déploiement est assimilable
à un ensemble de lignes entrelacées dont l'intersection forme des
noeuds. Ils sont associés dans un faisceau d'échanges et
d'obligations réciproques dont la dynamique vise la consolidation et la
progression des activités des membres dans une ou plusieurs
sphères sociopolitiques. Ces organisations constituent un
véritable danger pour l'intégration, la sécurité et
la circulation des biens et des personnes à l'échelle
sous-régionale avant de représenter dans le même coup, un
important facteur, latent, de déstabilisation des entités
étatiques régulières.
Enfin, cette série de conflits exprime la perte du
monopole étatique de la contrainte armée. C'est un groupe
privé, soutenu par des adjuvants hétéroclites qui a mis en
déroute l' «armée nationale». Ces conflits
révèlent, selon l'expression de ZARTMAN, un modèle d'Etat
en faillite74. Cependant, on ne peut s'empêcher de
s'interroger sur le mobile des combats qui opposent ces différents
acteurs. En effet, pourquoi s'affrontent-ils ?
73REPUBLIQUE DU CONGO, Opus citatum,
préface, p. 07.
74W. I. ZARTMAN, De l'effondrement de l 'Etat.
Désintégration et restauration de l'autorité
légitime, Paris, Nouveaux Horizons, 1997, pp : 1-12.
Cette première partie consacrée au traitement de
la question centrale de cette investigation confirme que le Congo dispose de
quantités importantes de ressources naturelles. Ces dernières
sont d'origines diverses : minières, pétrolières,
hydrauliques, forestières et touristiques. En effet, l'importance
desdites ressources est manifeste en terme de quantités estimées
récupérables avec une quasi certitude et en terme de
quantités effectivement produites annuellement. Cependant, elles sont
inégalement réparties sur l'ensemble du territoire national. Si
les unes sont très valorisées, à l'instar des
hydrocarbones liquides et gazeux, il n'en est pas de même des autres
comme le bois, l'agriculture et les hydrocarbones solides qui le sont moins ou
pas du tout. Toutefois, on ne saurait récuser la centralité de
ces ressources naturelles dans la vie de l'homme moderne.
Par ailleurs, on est tenté de croire qu'un tel
potentiel aurait pu permettre à ce pays de poser les bases de son
développement économique après avoir consolidé la
cohésion et la coexistence pacifiques entre ses différentes
ethnies. Mais, penser ainsi équivaut à très vite oublier
que ce pays était pendant toute la décennie 1990 en proie
à une série de crises armées prolongées. Ces
guerres ont été violentes et ont généré de
lourdes conséquences aux plans humain, infrastructurel et
sous-régional.
Conscient de cet état de faits, ne peut-on pas penser
que les différentes ressources naturelles dont le Congo est pourvu ont,
de quelque manière que ce soit, été d'un apport dans
l'avènement des guerres qu'il a connu entre 1990 et 2002 ? En d'autres
termes, dans quelle mesure ces agrégats, au lieu d'être un facteur
de bonheur, de pacification et d'équilibre entre les Congolais, ont
plutôt entraîné leur misère au point de faire
à ce que ces derniers voient en leurs concitoyens des ennemis potentiels
?
DEUXIEME PARTIE : GEOSTRATEGIE DES RESSOURCES NATURELLES
ET GOUVERNANCE
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La première grande section consacrée au
traitement de la problématique centrale montre que la présence
sur le territoire de ce pays des ressources naturelles dont on reconnaît
une importance stratégique dans le contexte des sociétés
industrielles et post-industrielles. Il en de même de
l'effectivité de la série des guerres du Congo de 1990 à
2002 est à placer sous le sceau de l'évidence. Naturellement, la
question suivante se pose : pourquoi ces guerres ?
D'emblée, ce qui parait incompréhensible dans
cette rivalité c'est que chaque belligérant voulait à tout
prix s'approprier la victoire. Pour cela, non seulement il combattait avec une
hargne et avec une véhémence hors pairs, mais aussi, il faisait
recours aux moyens hétéroclites et fondamentalement destructeurs.
La finalité de cette belligérance est-elle sans connexion avec
les ambitions d'assurer le contrôle et de valoriser les ressources
naturelles de ce pays par les différentes entités combattantes et
leurs alliés respectifs ? Serait-ce toutes les ressources naturelles
dont ce pays est pourvu qui entretiendraient un lien avec cette série de
guerres ou seulement quelques unes d'entre elles ? Il convient de ne pas perdre
de vue que le fait de disposer d'un accès privilégié aux
dites ressources est une condition sine qua non, d'abord du
développement social, économique et industriel, ensuite et par
voie de conséquence, d'une certaine forme de richesse et de puissance
sur les scènes nationale et internationale.
Pour trouver des éléments de réponses
à ces questions il convient, dans un premier temps de rechercher les
fonctionnalités de ces agrégats dans la structuration des guerres
du Congo (Chapitre III). Cette recherche débouchera dans un second
moment sur l'ouverture du débat relatif, non seulement à l'avenir
de ce pays à l'issue de ce drame, mais aussi après l'extinction
des ressources naturelles sur lesquelles repose son économie
présentement, autrement dit la problématique de la gouvernance
globale au Congo (Chapitre IV).
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