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Se vouer à l'autre - L'aventure éthique avec Emmanuel Levinas

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par Grégoire Jalenques
Institut Catholique de Paris - Master 1 2006
  

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C) Le renversement métaphysique.

1) La rupture ou renversement.

La liberté ontologique se trouve définie par Levinas comme opposition; « se maintenir contre l'autre, malgré toute relation avec l'autre, assurer l'autarcie d'un moi »

« L'ontologie comme philosophie première, pour Levinas, est une philosophie de la puissance »70(*) et même comme on le voit un peu plus loin, une philosophie dont la principale modalité éthique est la possession.

Levinas souligne peu après les trois aspects majeurs de cette ontologie de la guerre et du même:

« L'être avant l'étant, l'ontologie avant la métaphysique, c'est la liberté avant la justice. C'est un mouvement dans le même avant l'obligation à l'égard de l'Autre. Il faut intervertir les termes. »71(*)

Levinas cherche à construire une éthique qui ne relève pas de l'opinion mais ou l'on puisse « apercevoir une relation non allergique avec l'altérité »72(*) ce qui implique de sortir du domaine tronqué de l'ontologie moderne, en quelque sorte de « sortir de l'être »73(*) Levinas ici amorce un dépassement de la phénoménologie husserlienne. On a vu plus haut que Levinas avait trouvé dans la philosophie de Husserl une pensée positive de la liberté, « d'une liberté qui se définit par la conscience et s'accomplit par elle. »74(*) Cette liberté était la liberté intentionnelle. L'intentionnalité de la conscience était cette visée de la conscience vers un objet. Cependant, cet objet n'est pas autre mais absorbé dans le Même. C'est ce que Levinas critique en disant que somme toute la phénoménologie demeure dans le domaine de la représentation. Il y a bien une intentionnalité, un « vers cela » mais pas encore un vers autrui. Levinas veut penser une intentionnalité qui porte non plus vers un objet mais vers un transcendant. Il appelle cette intentionnalité le désir de l'Infini qui engage dans une philosophie non plus ontologique mais éthique, en ce sens qu'elle explose littéralement les barrières de l'être. Ce Désir métaphysique est éthique précisément parce qu'il advient par la relation avec l'autre, occasion de la transcendance, lieu du dépassement du Même.

2) L'idée d'infini ou la transcendance.

a) Infini

Cette idée d'infini, Levinas la doit à Descartes75(*) chez qui il trouve ce fait merveilleux, au coeur de la philosophie occidentale et de la domination de l'ontologie, d'un penseur présentant l'idée de quelque chose de plus grand qu'elle et pourtant bine présent en nous

C'est dans un article paru en 1957 dans la Revue de métaphysique et de morale, La philosophie et l'idée de l'infini, que Levinas amorce pour la première fois les développements qui trouveront une forme claire et plus systématique dans Totalité et infini.

Posant un rapport intéressant entre philosophie, vérité, expérience et transcendance, Levinas, après une critique du primat du même et du narcissisme présent particulièrement dans la philosophie heideggerienne, présente l'idée de l'infini comme « l'expérience au seul sens radical de ce terme: une relation avec l'extérieur, avec l'Autre, sans que cette extériorité puisse s'intégrer au même. Le penseur qui a l'idée de l'infini est plus que lui-même et ce gonflement ce surplus ne vient pas de dedans, comme dans le fameux projet - c'est Heidegger ainsi que Sartre qui semblent visés ici - des philosophes modernes, ou le sujet se dépasse en créant »76(*)

L'idée de l'infini n'est pas un concept. Le terme même d'infini, pour Levinas, désigne la « propriété de certains contenus offerts à la pensée de s'étendre au delà de toute limite. »77(*) et de toute limite conceptuelle. Pour Levinas, « l'idée de l'infini a ceci d'exceptionnel que son ideatum dépasse son idée » . L'infini est donc le lieu même ou a lieu la rupture de la limite. En ce sens Levinas se demande avec légitimité comment une telle idée peut être abordée philosophiquement. Tout d'abord il apparaît que l'infini échappe à l'expérience entendu au sens ontologique comme saisissement de l'être, « emprise sur », « possession » Il n'y a, si l'on peut dire de phénoménalité de l'infini que son absence. Il est clair, comme le souligne Zielinski, que cet idée d'infini a pour corollaire l'idée de Dieu. Lorsque Levinas parle de Dieu qui vient à l'idée, il s'agit bien, plutôt qu'un écrit apologétique, d'étudier comment apparaît en nous la pensée de ce qui dépasse précisément la pensée et ne se laisse ni saisir ni absorber par elle. « L'idée d'infini est le signe d'un phénomène autre que ceux que l'intentionnalité ramène à soi, elle est associée à la transcendance. » A priori, il est vrai que la coïncidence entre expérience et infini ne semble pas évidente tant il est vrai que l`expérience semble précisément être le lieu de la limite. On peut sans doute faire deux remarques ici qui seront développées dans un paragraphe annexe:

b) Remarques

- L'expérience de l'infini ne renvoie-t-elle pas à une expérience inabordable, presque mystique? L'expérience qui seule mériterait ce nom serait participation du divin. Mais en ce sens, il n' y a plus philosophie ni éthique humaine. Il ne resterait que la participation platonicienne comme seul rapport non totalisant. D'autant plus que cette idée de participation replongerait l'avancée de Levinas dans une identification du Même et de l'Autre.

Il y a une réponse dans la pensée de Levinas. Cette objection est pensée sur le fait que l'on conçoive l'expérience comme expérience du Même qui saisit, qui ramène tout à lui. Aussi il se trouve effectivement dans ce schème de pensée que l'expérience de l'infini est participation à l'infini. On demeure donc dans le Même. L'extériorité est illusoire et la transcendance de Dieu se trouve niée. L'expérience faite ici serait juste intentionnalité de la conscience dans le Même et connaissance de l'autre.

Or Zielinski explique que pour Levinas, « le mouvement que cette idée suscite n'est pas une connaissance, ni l'intentionnalité, mais le désir »78(*) , qui seul est infini comme l'idée elle-même est infinie. « L'infini en moi signifie Désir de l'Infini »79(*)

- Il y a l'apparition ici d'une façon assez claire de ce que l'on avait abordé à la fin de l'introduction de ce chapitre: Levinas semble caractériser sa philosophie par sa volonté d'échapper à la limite de l'idée pour atteindre l'ideatum. Faire sortir la pensée d'elle-même. L'idée fondamentale pour Husserl est basée sur le schème de l'intentionnalité husserlienne, comme on l'a vu, mais qu'il veut affranchir de l'ontologie du Même.

La pensée de Levinas, si elle est pensée de l'être, est surtout pensée de l'être tel qu'il est pensé dans la philosophie moderne. Reste à savoir si une réconciliation entre être et transcendance de la pensée est possible. L'être peut-il résister à la pensée tout en s'offrant à elle? L'être peut-il être autre?

* 70 ibid., p.37

* 71 ibid., p.38

* 72 ibid., p.38

* 73 EI, p.52

* 74 EDE, p.70

* 75 Descartes, Méditations métaphysiques, IIIème méditation, GF, 1992

* 76 EDE, p.239

* 77 Levinas, Altérité et transcendance, Fata Morgana, 1995, p.69

* 78 Zielinski, p.79

* 79 Levinas, Dieu qui vient à l'idée, Vrin, 1992, p.111

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