Chapitre III. Une nouvelle perspective éthique
et politique
III.1. Forme et organisation du gouvernement civil
Le problème fondamental ici est d'examiner
l'épineuse question de la forme et de l'organisation de ce corps
politique commun, que nous qualifions aujourd'hui de droit public. Pour J.
LOCKE, deux questions fondamentales doivent être posées à
cet effet. La première, d'ordre politique, concerne le type du
régime gouvernemental66, tandis que la seconde, plus
technique et structurelle, est relative à son aménagement
institutionnel67.
La naissance de la société civile se place sous
le signe de la « règle de la majorité »
(rule of majority). C'est pourquoi nous disons que chez J. LOCKE,
originairement, la « majorité » s'est unie, à
la fois pour donner des lois ou un système juridique à la
communauté politique, et pour nommer les magistrats de leur choix afin
de faire appliquer ce système. Ce qui nous conduit à dire que
chez LOCKE, la communauté politique n'a pas une forme
prédéterminée. C'est ainsi qu'elle peut être
« une parfaite démocratie », notamment quand le
pouvoir d'édicter, d'exécuter et de faire respecter les lois
appartient à la majorité des citoyens, c'est-à- dire : le
« plus grand nombre »68. Elle peut être
aussi une oligarchie. C'est quand le pouvoir de légiférer est
placé entre les mains d'un petit nombre. Enfin, ce pouvoir peut
être placé entre les mains d'un seul homme. Dans ce dernier cas,
il s'agit d'une monarchie qui est soit héréditaire, soit
élective. Mais du moment où c'est la manière de
légiférer qui détermine la forme de la
société civile, J. LOCKE admet la possibilité d'envisager
des régimes mixtes, comme la monarchie constitutionnelle pour laquelle
il éprouve beaucoup d'admiration.
Le souci de J. LOCKE ici n'est pas de faire une nomenclature
des régimes politiques. Moins encore de répondre à la
question classique, de la meilleure forme de gouvernement. D'où,
« par communauté ou un Etat, il ne faut donc point entendre, ni
une démocratie, ni aucune autre forme précise de gouvernement,
mais
bien en général une société
indépendante, que les Latins ont très bien désignée
par le mot «civitas», et qu'aucun mot de notre
langue ne saurait mieux exprimer que celui d'Etat »69.
La préoccupation de J. LOCKE ici est fondamentalement
éthique. Que le régime politique soit une monarchie, une parfaite
démocratie ou encore une oligarchie, l'essentiel est qu'il soit
légitime70. C'est-à-dire, qu'il procède de
« la majorité du peuple » souverain et qu'il
garantisse la « paix sociale et protège la
propriété » des membres du corps politique. Ce qu'il
dénonce ici, ce sont les vices, les abus de pouvoir qui, dans tous les
cas sont une menace sérieuse pour la liberté civile.
III.1.1. L'aménagement des institutions de la
république
Selon J. LOCKE, l'organisation du corps politique est
destinée à pallier les carences de la condition naturelle de
l'état de nature (voir plus haut p. 19-20). C'est pour pallier ces trois
défaillances naturelles qu'il distingue trois pouvoirs au sein du
Commonwealth. Le premier, c'est le pouvoir législatif, le
deuxième, le pouvoir exécutif et enfin un troisième
pouvoir assorti des deux premiers qu'il désigne par le terme «
pouvoir fédératif ». Chacun d'eux possède
des caractéristiques propres. Leurs fonctions respectives sont
désignées par leurs finalités. L'important est qu'ils
s'inscrivent, tous, dans une hiérarchie dont la structure et le
fonctionnement rendent compte des visées constitutionnalistes.
C'est-à-dire : garantir de façon simultanée la «
paix sociale » et « mettre à l'abri la
propriété », conformément aux prescriptions de
la loi naturelle.
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