III.3. Les bornes du gouvernement civil
En dépit du court épisode absolutiste de sa
jeunesse, l'hostilité de J. LOCKE pour toutes les formes d'absolutisme
ne faisait plus mystère pour personne. Son amitié pour A. ASHLEY
COOPER, Ier Compte de Shaftesbury, sa proximité ou sa
préférence pour le parti Whig en sont des signes
révélateurs. Le titre du second traité lève
officiellement le voile (voir ci-dessus pp.28-30). En effet, J. LOCKE ne
s'attarde plus seulement sur la question devenue classique de l'origine et des
fins du gouvernement civil. Il se prononce aussi sur celle beaucoup plus
complexe et polémique, de son étendue. Il souscrit à la
thèse selon laquelle, le pouvoir politique n'est pas illimité.
La nature essentielle du gouvernement civil dit J. LOCKE,
exige qu'il tire son origine du consentement populaire de ceux qui ont consenti
à vivre en communauté. En d'autres termes, le gouvernement civil
n'a pas un autre fondement que le consentement de la majorité à
la vie civile. Ce fait est un acte de confiance des citoyens envers les
représentants qu'ils ont choisis afin d'assurer le Bien Commun. Il
comporte également des restrictions, c'est le plus important, puisqu'il
exclut toute origine de l'autorité politique que le pacte social, et
toute autre fin de cette dernière que la sauvegarde des vies, des
libertés, des biens et de la cohésion sociale.
L'autorité politique ne doit s'exercer, uniquement, que
dans un cadre légitime et authentique85, au-delà des
limites duquel commence la tyrannie avec son cortège
d'illégalités, d'offenses et d'injustices. Limiter
l'autorité politique obéit à
l'exigence d'hygiène ou d'éthique politique.
C'est adopter des mesures préventives afin d'orienter l'action
gouvernementale vers un but préalablement voulu. Lequel but est
salutaire pour tous ceux qui ont consenti à la vie civile. Ainsi, seront
évitées l'hypertrophie pathologique ou les dérives du
pouvoir politique. Nous retrouvons chez J. LOCKE, la survivance de
l'idée de mesure et modération en ce qu'elle a de
fondamentalement moral. A ce propos, nous aimerions faire quelques
observations.
Cette idée de mesure et de modération traverse
toute sa pensée politique. A travers elle, nous découvrons que J.
LOCKE assigne au gouvernement civil des racines méta-juridiques. En
d'autres termes, il faut comprendre que le fait politique ne
révèle plus exclusivement du droit, mais aussi de la morale. J.
LOCKE trouve dans la morale le fondement du droit et de la politique. C'est
l'interdépendance du fait politique et de la morale. Aussi, cette
idée de mesure et modération se mue en un éloge de la
monarchie mixte qui exprime selon J. LOCKE, la nature essentielle du
gouvernement civil légitime. Car, celle-ci requiert des gouvernants
comme des gouvernés, une conduite raisonnée, leurs droits
étant la contrepartie de leurs devoirs.
L'obligation politique est une manière d'assurer et
d'assumer la confiance reçue ou accordée. Elle incombe à
ceux qui gouvernent comme à ceux qui sont gouvernés. Elle exclut
de part et d'autre, tout excès et toute défaillance. La monarchie
mixte, par sa mesure et sa modération, est le modèle du pouvoir
légitime dont l'action ne franchit pas les bornes que lui impose son
essence. L'harmonie dans la communauté politique, ne résulte pas
selon J. LOCKE, d'un jeu d'équilibre dans la distribution des puissances
que se partagent les compétences étatiques. Mais elle
réside dans la déontologie propre au trust, confiance
oblige. Le pouvoir civil n'a vocation à légiférer qu'au
nom du peuple et pour lui, tout le reste est forfaiture ou imposture.
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