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Le Discours fondateur des droits de l'homme dans l'anthropologie politique de John LOCKE : essai de compréhension de l'apport lockien dans la Déclaration universelle des droits de l'homme

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par Sédard-Roméo NGAKOSSO-OKO
Université de Yaoundé I - Maîtrise en Philosophie 2001
  

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III.4. Le gouvernement civil et la communauté ecclésiastique

C'est dans Le pouvoir civil et ecclésiastique (1673-1674) que J. LOCKE traite de cette question. Il compare les deux types de société et les fins qui leur sont respectivement assignées. Il pense que « la fin de la société civile est la jouissance

présente de tout ce que recèle ce monde-ci ; la fin de la communauté ecclésiale est l'espérance future de ce qui nous est destiné dans un autre monde »86. Ainsi, les biens qu'a pour mission de gérer la société politique relèvent fondamentalement de la propriété indivise, allouée à tous, tandis que ceux de la communauté ecclésiastique sont, par définition, des biens privés. Car dans la société politique, les biens de chacun sont liés à ceux de tous les autres et en dépendent toujours en quelque manière. Alors que du point de vue de la communauté religieuse, les affaires de chacun sont séparées et chaque individu subit, seul, les conséquences fâcheuses de ses actions, ses propres péchés. Poursuivant son argumentation, il estime que la plupart des hommes sont un jour ou l'autre, appelés à expérimenter l'une ou l'autre société.

Mais, c'est la L.T. qui constitue sa contribution la plus significative à cette question de la praxis politique et de la praxis religieuse. En distinguant le gouvernement civil de la communauté ecclésiale, J. LOCKE ne nie pas l'existence de Dieu. Bien au contraire, et à juste titre, il est convaincu qu'il existe un Législateur Suprême, créateur de l'univers, auquel tous les hommes sont soumis, et qui a édicté des lois au respect desquelles doivent satisfaire les entreprises de toutes ses créatures, dont l'homme. J. LOCKE recourt ici à l'argument du dessein de Dieu ou de la loi de nature développé dans l'Essai sur la loi de nature (1664) et le T.G.C. On retrouve une excellente présentation de cet argument chez James J. TULLY87. La distinction du gouvernement civil de la communauté ecclésiale répond fondamentalement à une raison éthique et des compétences propres que se partagent le magistrat et le ministre du culte : « afin de ne pas justifier la politique par la religion et vice versa » (ci-dessus page 27 note 47 et la sous-section suivante).

III.5. Originalité de la nouvelle perspective éthique et politique

J. LOCKE développe une anthropologie dont la force singulière sert l'émancipation politique de l'homme. Non seulement elle marque la naissance des sociétés civiles et de l'Etat moderne, mais aussi et surtout, à travers elle, son auteur inaugure une nouvelle tradition éthique et politique. L'Etat est nécessairement un

86J. LOCKE, Le Pouvoir civil et ecclésiastique, 1830, livre II, p. 111, cité par James TULLY, LOCKE droit naturel et propriété, P.U.F., 1991, p. 246.

Etat séculier, indépendant de l'autorité théologique. Il a pour origine la volonté libre d'hommes raisonnables que Dieu lui-même a faits capables d'autonomie et obligés à leur propre bonheur. Nous trouvons ainsi, dans la pensée de J. LOCKE, les premières ébauches de la théorie de l'autorisation et celle du peuple raisonnable où tout est à la gloire de l'homme. Non plus de l'homme métaphysique ou universel comme le concevait DESCARTES (1596-1650), mais de l'homme concret, qui par la vigilance de sa raison, est responsable, sur cette terre, de son propre gouvernement. Toutes les conditions du libéralisme se trouvent là rassemblées.

Toutefois, l'établissement du gouvernement civil, alors même qu'il n'est pas consacré par un texte constitutionnel, doit correspondre à la téléologie immanente de la loi naturelle88. Et, l'idée même de gouvernement implique la nécessité des lois fixes et écrites, connues de tous par leur promulgation89 ; lois dont l'application est scrupuleusement observée90 et qui obligent aussi bien les gouvernants que les gouvernés. C'est donc par la médiation des lois civiles que peuvent s'accomplir les prescriptions de la loi naturelle. Autrement dit, c'est la loi qui prescrit à chaque objet la forme, le mode et l'étendue de son action. L'aspect limitatif de la loi ne doit plus dans cette optique, être perçu comme une contrainte, mais accepté comme ce qui protège inévitablement des marécages et précipices de ce monde. Le droit bien compris consiste moins à restreindre un agent libre et intelligent, qu'à le guider au mieux de ses intérêts, et ne commande qu'en vue du Bien Commun91.

La loi n'a point pour fin d'abolir la liberté, mais de l'accroître et de la conserver toujours. Elle est déduite de l'ordre naturel des choses par la raison que Dieu a donnée aux hommes. Elle prescrit à l'humanité le souci de sa conservation92 et marque par son dispositif les limites que l'autorité politique ne peut franchir sans déchoir. Les sécessionnistes américains de 1776 et les constituants français de 1789 ont su tirer parti de cette «re-fondation» institutionnelle. Il en est de même des

87James TULLY, Op. Cit., pp. 69-76

88J. LOCKE, T.G.C, GF-Flammarion, 1992, chapitre XIV : De la prérogative, § 168, pp. 268-269.

89Idem, Chapitre IX : Des fins des sociétés politiques et des gouvernements, § 131, p. 239 ; Chapitre X : Des diverses formes des sociétés politiques, § 136, pp. 244-245 et § 137, pp. 245-246.

90Idem, Chapitre XIX : De la dissolution des gouvernements, § 219, pp. 303-304.

91Idem, Chapitre VI : Du pouvoir paternel, § 57, pp. 184-185.

visées représentatives et constitutionalistes dont se réclament la plupart de nos démocraties actuelles.

Autrement dit, dans le message de J. LOCKE, il y a tant de promesses, d'horizon heureux ! Avant nous, le XVIIIème siècle l'avait déjà compris en faisant de son T.G.C., la Bible politique du siècle nouveau. Le régime constitutionnel qui s'installait en Angleterre en 1688/89, se réclame de ses idées. Il en est de même pour la France des Lumières et les Anglais de l'autre côté de l'Atlantique. Pierre COSTE n'a pas eu tort de présenter LOCKE comme le « maître à penser des temps nouveaux »93 . L'influence de J. LOCKE sur J.J. ROUSSEAU, MONTESQUIEU, E. KANT, A. SMITH et même K. MARX sera considérable. Dorénavant, il est entré dans l'histoire mondiale. Pour reprendre ce propos de Simone S. GOYARD-FABRE, « la politique de LOCKE a beau porter la marque de son siècle, elle recèle une actualité qui dépasse le temps »94.

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