VI.2. Reconnaissance et attribution des droits
fondamentaux
Le processus de reconnaissance et d'attribution de ces droits
s'inscrit dans le cadre du rejet des dogmatismes et de l'absolutisme dont les
XVIème et XVIIème siècle
étaient porteurs. J. LOCKE vise ici HOBBES, et plus directement FILMER
avec son maître ouvrage, Patriarcha, or natural power of kings,
composé depuis longtemps mais publié seulement en 1680, en
pleine Crise d'exclusion (1679-1681).
La riposte de J. LOCKE se fonde sur les Ecritures.
Cette même source dont R. FILMER prétend tirer la caution de ses
thèses. Non seulement nous découvrons en J. LOCKE un excellent
exégète, mais aussi nous apprenons sous sa plume que Dieu n'a pas
donné le monde à ADAM comme propriété privée
exclusive. En d'autres termes, le monde a été donné par
Dieu à la fois à ADAM et à toute sa descendance. Donc
à tous les hommes, afin qu'ils le mettent en valeur pour leur survie.
Aussi, cette même propriété commune est
régie par la loi naturelle. Elle veut que tous les hommes y aient
accès. Tout homme a droit aux créatures inférieures de la
création au même titre qu'ADAM, par le simple fait d'être
homme. En vertu de ce fait également, les propriétés de
chacun ne retournent pas à la communauté. Chacun protège
ce qu'il a acquis par son industrie, et ses héritiers partagent cette
acquisition. La propriété est destinée à la
subsistance des hommes. En tant qu'homme, on a le droit d'accéder aux
moyens nécessaires à sa conservation et à sa subsistance ;
parce que l'on est homme, on a le droit à la vie, le droit de
protéger l'humanité et le droit de lutter contre l'oppression,
etc.
Ce processus d'acquisition se fonde dans la loi naturelle. Il
peut être révélé par les Ecritures comme il
peut être découvert par la raison naturelle et il est aussi un
principe de droit positif que la morale ne contredit pas. Comme nous
pouvons le constater, le critère de reconnaissance et
d'attribution des droits naturels et civils est la « dignité
anthropologique ». Dès lors qu'il est clairement établi
que l'on est homme, automatiquement l'on en est pourvu. Il s'ensuit
l'obligation de jouir de tous les avantages qui en découlent. Ceci dans
l'indifférence des singularités de type racial, religieux,
ethnique, des handicaps, etc.
Les droits naturels et civils sont inhérents à
notre densité ontologique, donc antérieurs à toute
législation positive. Quand une législation positive les
méprise ou les méconnaît, nous sommes en droit de les
réclamer. Quand elle persiste, nous sommes en droit de lui opposer la
force. Du reste, une législation positive qui les méprise ou les
méconnaît porte en elle-même les germes de sa propre
destruction. Conformément à son dessein de voir l'homme vivre,
séjourner et durer sur la terre, Dieu a mis dans le monde toutes les
choses qui sont nécessaires à la vie, c'est-à-dire
susceptibles d'assurer les besoins en nourriture, boisson,
vêtements132, etc. La conservation de la vie, et
l'accès aux moyens y relatifs ne doivent pas se comprendre comme
répondant à des fins humaines subjectives, mais doivent
être pensées comme l'expression du projet divin pour
l'humanité tout entière133.
VI.1.2. Taxinomie des droits fondamentaux
Les hommes entrent en société afin de
protéger leur vie, leur liberté et leurs biens. Toute atteinte
à ces attributs équivaut à la fois à une remise en
question, et des fins de la communauté politique, et de la
communauté politique elle-même. Ce comportement conduit les
individus, selon J. LOCKE, à assurer eux-mêmes leur liberté
et leur sécurité. La position de J. LOCKE ici est radicale, dans
ce sens qu'elle le place au sommet d'un anarchisme qui ne dit pas son nom :
quiconque s'estime lésé dans ses droits naturels, donc
fondamentaux (la vie, la liberté et les biens), est autorisé
à résister. La vie, la liberté et les biens correspondent
à la propriété. Ils sont inaliénables, inviolables.
Ce qui nous amène à admettre que la théorie lockienne des
droits n'est rien d'autre que sa théorie de la propriété.
A l'issue de l'examen de cette
théorie de la propriété, il est possible
de faire le constat suivant. J. LOCKE rassemble tous les droits au sein d'une
grande catégorie : « les droits fondamentaux » que
nous subdivisons en deux sous-ensembles afin d'en permettre une meilleure
appréhension.
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