VI.3. Du paradigme lockien des droits de l'homme à
la philosophie contemporaine des droits de l'homme
L'anthropologie politique de J. LOCKE présente la
personne humaine dans la société civile comme la valeur
fondamentale. Le pouvoir et le droit sont à son service. Les droits
fondamentaux assignent à l'action de l'Etat tout à la fois ses
limites et ses fins. Comme limite, l'Etat se doit de ne rien entreprendre
contre eux. Comme fin, il se doit de les faire respecter par l'ensemble de la
société, et d'en assurer l'exercice effectif en créant les
conditions favorables à l'épanouissement de
la personne, laquelle apparaît comme
nécessairement posée devant l'autre, devant la communauté,
et exige de celui-là ou de celle-ci, la reconnaissance et le respect de
ses droits.
Cette pratique est en passe de devenir constitutive de notre
être-actuelau-monde. Nous sommes ici dans une philosophie bien
particulière, celle du « je », caractéristique
de la civilisation occidentale moderne. Cette philosophie du sujet dans
laquelle autrui, personne ou communauté, apparaît comme une menace
pour moi, comme celui qui me veut mort, qui me vole mon monde et dont le regard
me chosifie (SARTRE 1905-1980). D'où l'exigence de reconnaissance et de
respect de mes droits et de ceux d'autrui. Ainsi, le droit subjectif, qui
signifie les droits au pluriel : les droits de l'homme et du citoyen, les
droits des peuples, des groupes, etc. Il s'agit là des justifications
reconnues aux individus, aux groupes, aux peuples, etc., pour agir, pour
revendiquer, tandis qu'il est strictement interdit à d'autres d'y faire
obstruction. Ces droits reviennent aux hommes tout simplement en vertu de leur
humanité.
C'est là un trait particulier des philosophies du
sujet. Celle là même qu'on peut, à juste titre,
considérée comme une justification a priori, de la
réduction ontologique pratiquée arbitrairement par les cultures
dites «évoluées» sur les cultures
«primitives» ; ou encore, qui a été mise à
contribution pour légitimer la supériorité de certains
peuples sur d'autres. Comme nous le voyons, cela constitue un fond sur lequel
il est possible de soutenir que les Chartes relatives aux droits de l'homme en
général, et particulièrement celle de l'Assemblée
Générale des Nations Unies de l'après deuxième
guerre mondiale, n'a pas émergé ex-nihilo. Moins encore,
qu'elle n'est que la résultante de la répression et de la
prévention des conflits analogues à l'avenir. Les chartes des
droits de l'homme s'enracinent dans une tradition philosophique,
éthique, politique et juridique déjà apprêtée
par la société occidentale moderne. Cette base est l'ultime
protection de l'individu et de sa liberté. Dans cette optique, le lien
de l'anthropologie politique de J. LOCKE avec la nouvelle philosophie de la
liberté est grand. Mais quelle est exactement la nature de ce lien ?
Nous allons y arriver.
Entre temps, disons que chez J. LOCKE comme chez les
promoteurs contemporains de la philosophie des droits de l'homme, il est
possible de remarquer que, c'est à travers les événements
de la vie quotidienne que l'homme conçoit l'exercice de ses droits et de
ses devoirs. Cela sur le plan social, économique, politique,
philosophique et religieux. Il appartient cependant à l'Etat de mettre
en oeuvre des structures adéquates pour l'épanouissement des
libertés individuelles et collectives. A cette même
communauté politique, l'obligation incombe également de
créer et de favoriser l'éclosion des institutions scientifiques,
consentir pour cela un généreux investissement en personnel et en
moyens financiers, de manière à aider la communauté
à promouvoir une réflexion hardie sur les problèmes que
pose la vie en société. Ceci, en vue d'apporter des solutions
valables, tant pour le bien des individus que pour celui de la
communauté.
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