Chapitre VII. Identité, analogie ou homologie
?
VII.1. Analogie ?
M. FOUCAULT (1968-1984), classe l'analogie parmi les quatre
formes de ressemblances qui sont à la base de la culture
occidentale137. Simple métaphore ou expression authentique
d'un rapport entre les êtres (phénomènes, choses,
réalités), elle renvoie à un mode de connaissance. Certes,
ce mode n'a pas la certitude de la démonstration, mais il n'est pas non
plus, contraint à l'étroitesse des domaines d'application.
L'alchimie, la théologie, la biologie, la physique, etc., sont autant de
domaines où il a permis l'extension du savoir. Il permet de
procéder du connu à l'inconnu dans l'exploration de la nature, et
d'outrepasser les limites de notre expérience.
En recourant à procédé, nous voulons tout
simplement rendre compte des similitudes perçues dans les sections
précédentes de notre étude, entre l'anthropologie
politique de J. LOCKE et la philosophie contemporaine des droits de l'homme. En
d'autres termes, ce procédé nous aidera à rendre compte de
la possibilité objective d'une mise en liaison entre ces deux
systèmes qui pensent la condition sociale et politique de l'homme.
Théoriquement et originairement, les droits de l'homme
se rattachent à une vieille tradition. Ce sont les droits naturels
d'origine divine qui avaient déjà été
affirmés par les Pères de l'Eglise, confirmés ensuite par
le mouvement philosophique des Lumières sous la houlette de J.
LOCKE. Les Déclarations anglaise
de 1689
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(ci-dessus page 59),
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américaine de 1776
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(ci-dessus pages 59-60)
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et
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137M. FOUCAULT, Les Mots et les choses, une
archéologie des sciences humaines, Gallimard, 1966, p. 38.
française de 1789
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(cf. pages : 60-6 1),
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représentent le plus haut degré de leur
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idéalisation à cette époque.
De nos jours, l'O.N.U. a, non seulement facilité la
promotion et la défense de ces droits, mais aussi, elle les a
systématisés en droits civils et politiques, économiques,
sociaux et culturels et les a codifiés en un système juridique
international. La D. U.D.H. fut de très près suivie
d'autres conventions analogues tant internationales que régionales en
vue de la renforcer (voir pages : ). Les
138A. I., D. U.D.H., Préambule,
1er Considérant, p. 18. 139Idem.,
Article I, déjà cité dans cette étude p. 55.
protocoles additionnels de 1966 : P.R.D.C.P. et le
P.R.D.S.E.C. d'une part et la C.E.D.H. 1950. Les Africains
la C.A.D.P. promulguée par le Conseil des Ministres de
l'O.U.A., le 27 janvier 1981 à Banjul (Gambie), d'autre part,
s'inscrivent dans cette optique. A côté de tels documents il
existe bien d'autres chartes encore.
Somme toute, la D. U.D.H. nous reporte ces
mêmes droits jadis considérés comme «naturels».
Cette fois-ci, ils sont non seulement très bien élaborés
et bien spécifiés sur le plan politique, juridique,
économique et social, mais aussi, présentés dans un
système qui oblige toute l'humanité, expression d'une
déclaration universelle. Rappelons-nous de l'objectif visé par
la D. U.D.H., instaurer au lendemain du chaos social et politique
inauguré par le nazisme et les fascismes au milieu de
XXème siècle, un nouvel ordre mondial, fondé
sur les valeurs de respect de la personne, de respect de la dignité
humaine138. Autrement dit son idéal est de parvenir à
l'éradication progressive du mal dans l'homme, de réaliser un
monde apaisé, dans lequel l'ombre du totalitarisme et des injustices
sociales sera quasi- absente. La théorie des droits naturels sert de
base de justification rationnelle à cette dynamique, désormais
internationale et mondiale139.
De la même façon que J. LOCKE entendait combattre
l'absolutisme et les despotismes de son époque, de cette même
façon, la D. U.D.H. estime réaliser et instaurer des
relations plus humaines, un idéal d'équité. La monarchie
constitutionnelle qui fait l'objet d'une apologie chez J. LOCKE,
représente l'incarnation de ce paradigme d'un ordre politique,
économique et social plus humain. Bien que situés en contextes
historiques très différents, les deux productions ont en commun
une seule et même préoccupation, le destin de l'homme et les
mêmes visées : éradiquer la violence, la tyrannie,
l'intolérance, etc. Il se trouve aussi que le fondement et la
justification rationnelle de l'entreprise lockienne passent par la
théorie des droits naturels d'origine divine.
Le contexte historique de l'apparition de ces droits au sens
moderne, c'est d'abord une volonté de protéger la liberté
de l'homme par rapport à l'Etat. Cette genèse historique fait
d'eux l'expression des intérêts de certains groupes sociaux
à partir des conditions politiques et socio-économiques
concrètes. C'est en fonction d'une telle constellation historique unique
que les acteurs sociaux ont instauré ce nouveau modèle du
politique. Bien qu'ayant une genèse socio-historique concrète,
ils réclament en outre et partout, une validité qui va
au-delà de ce contexte concret de leur apparition (nous allons revenir
sur cet aspect, cf. page : 91). Aujourd'hui, les droits de l'homme prennent une
autre ampleur : ils entraînent des obligations positives aussi bien de la
part des particuliers que de celle des Etats.
Cependant, du point de vue doctrinal et conceptuel, on
relève quelque discordance. J. LOCKE en ultime recours, autorise les
citoyens à fomenter la dissolution d'un gouvernement en lui opposant la
force. Dans les cas limites, il va jusqu'à préconiser la mise
à mort de l'autorité qui au lieu de remplir correctement la
mission qui lui est dévolue, secrète une incompétence
notoire, et s'érige en véritable ennemi du peuple et de la
communauté politique (cf. pages : 31-36 ; 4 1-49),. Sur ce chapitre,
la D. U.D.H. préconise une attitude très
modérée, qui recommande de procéder pacifiquement. Car, la
force n'est pas le moyen le mieux indiqué pour résoudre les
problèmes140. A ceci, nous ajouterons bientôt d'autres
remarques (ci- dessous pages : 91-114). Ce sont là des
éléments qui nous empêchent de conclure à une
analogie parfaite entre les deux systèmes analysés.
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