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Le Discours fondateur des droits de l'homme dans l'anthropologie politique de John LOCKE : essai de compréhension de l'apport lockien dans la Déclaration universelle des droits de l'homme

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par Sédard-Roméo NGAKOSSO-OKO
Université de Yaoundé I - Maîtrise en Philosophie 2001
  

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IX.1.3. Le message coranique

D'entrée de jeu, il convient de rappeler que le rapport de l'islam aux droits de l'homme constitue un véritable problème. Nous faisons l'économie de cette polémique et de l'idéologie qu'elle sous-entend152. Nous nous contentons de rechercher dans l'islam les conditions théoriques de possibilité d'une philosophie des droits de l'homme. C'est-à-dire la reconnaissance, l'exacte nature des choses et de l'homme, puis l'aptitude de la raison humaine à la découvrir, et enfin, la possibilité d'en inférer des normes. En d'autres termes, nous interrogeons l'islam sur le statut de l'homme, sur la place, le rang qu'il lui accorde, afin de conclure s'il intègre ou non la théorie des droits de l'homme. Nous nous limitons pour ce faire, à la pensée sunnite, qui nous est familière.

Sur le statut de l'homme, le point de vue sunnite n'est plus un mystère pour personne depuis le IXème siècle ap. J.-C. (IIIème siècle de l'Hégire). Il est le couronnement d'une controverse qui oppose deux courants sur l'herméneutique coranique. Nous citons l'interprétation rationaliste, ta 'wil, qui s'identifie au mu'

tazilisme et l'interprétation littérale hassiyya, la position orthodoxe qui est en passe de devenir la position officielle de l'islam en matière des droits de l'homme. Consécutives à cette controverse, des disciplines virent même le jour. Respectivement le 'ilm al-kalâm et le 'ilm al-hadith. Mais, ce sont plus les thèses développées par le premier courant qui nous intéressent.

Le mu 'tazilisme soutient les thèses de la rationalité de Dieu et celle de la liberté de l'homme153. Ces thèses expriment leur second principe, relatif à la justice divine : adl. Ce principe conduit à concevoir Dieu comme l'Etre Suprême, nécessairement juste, et qui agit toujours en vue d'une fin ultime, le al-aslah : le meilleur et le plus utile épanouissement de l'homme. Comme nous le voyons, il existe chez les sunnites, une loi qui gouverne et anime l'univers. C'est cette même loi que saint THOMAS d'Aquin découvrira et désignera au XIIIème siècle ap. J.-C. (VIIème siècle de l'Hégire) par la lex aeterna. Celle là même que les Stoïciens, plusieurs siècles avant, assimilaient à une tension qui parcourait l'univers et l'orientait vers une fin154.

Il ressort que Dieu ne peut agir que justement et les hommes peuvent choisir entre le bien et le mal, leur libre arbitre, la condition de leur responsabilité. Or, tout choix présuppose l'aptitude à le réaliser ; ce qui nous conduit à admettre que l'homme peut qualifier les êtres, les actions de beaux/laids ou bonnes/mauvaises. Donc, en elles-mêmes, les êtres contiennent de la valeur que la raison humaine est à même de découvrir. Les décrets divins ne sont donc pas la cause de la valeur des êtres, ils sanctionnent plutôt une valeur des choses déjà là. C'est-à-dire, antérieure à la révélation dans la nature des êtres ou des choses.

Il y a donc une nature des choses, une loi naturelle médiatisée par les êtres eux-mêmes, et qui est accessible à l'homme par sa raison et son intelligence. Cette thèse, qui est en fait le point de vue des théologiens rationalistes, les mu 'tazilites, est communément admise par les sunnites puisqu'elle tire ses origines du Coran lui-même155. De telles prémisses, il est possible de déduire une théorie des

156S. LAGHMANI, Article cité, in G. COGNAC & A. ABDELFATAH (dir.), Op. Cit., p. 55.

157Idem, pp. 52-54. Egalement, Y. B. ACHOUR, Article cité, in Y-J. MORIN (dir.), Op. Cit., pp. 164-166

droits de l'homme. Ces prémisses auraient été à cette théorie, ce que la pensée de saint THOMAS a été à la philosophie moderne occidentale. C'est à dire, sa condition théorique de possibilité. Ceci est l'islam que rien ne sépare de la théorie des droits de l'homme, l'islam humaniste :

« Le «ta 'will», le retour au sens cher aux «mu 'tazilites», n'est possible que parce qu'ils considèrent que le Coran ne crée pas la valeur mais qu'il se limite à la consacrer, qu'il ne crée pas la vérité mais qu'il se limite à la dire. L'homme peut poser la question du pourquoi et du comment. Répondant au pourquoi, l'homme découvre la fin de la règle et la fin de la règle est supposée être la meilleure pour l'homme «al-aslah». Il peut dire que le Coran ne pouvait au Ier siècle de l'Hégire interdire l'esclavage mais il y tendait, il peut dire que l'égalité est la fin de l'établissement des statuts de l'homme et de la femme et que le moyen peut être transformé [...] En tout cela, le «mu 'tazilite» se référera à la nature des choses et mettra en oeuvre sa raison pour atteindre ce qu'il suppose être la fin ultime de l'Islam : le mieux pour l'homme »156.

Au lieu de bénéficier d'un sort plus noble, les mu 'tazilites furent taxés d'apostats, et leur rationalisme assimilé à l'athéisme. D'où les persécutions au profit de la première tendance, au pouvoir et s'érige en orthodoxie157. Celle-ci est un strict volontarisme divin, le dogme de l'absolue liberté de Dieu, de la totale soumission de l'homme à cette volonté et de la totale incompétence de la raison et de l'intelligence humaines dans l'intellection du dogme.

L'homme n'est pas le référent des normes qui s'appliquent à lui, il n'en est que l'objet. Ce n'est pas en raison de sa nature que de telles règles sont posées, mais uniquement par la volonté de Dieu. C'est la position de l'islam traditionnel, donc officiel qui ne considère l'homme que comme l'esclave d'une volonté divine absolument libre. De cet islam, aucune théorie des droits de l'homme n'est possible, pour la simple raison que l'homme y est absent. La volonté divine étant absolument libre, aucune lex aeterna n'est concevable, moins encore une lex naturalis. La lex naturalis et la lex aeterna constituent des limites à la sacro-sainte puissance d'ALLAH. La nature des choses n'existe pas ; l'homme ne peut pas la découvrir. Un droit de la nature paraît absurde :

« En somme, la théologie islamique orthodoxe n'admet pas l'existence d'un droit naturel, soit d'un droit issu de la nature et la raison, et comme tel

158CHAFIK CHEHATA, cité par Y. B. ACHOUR, Article cité, in Y-J. MORIN (dir.), Op., Cit., p. 166.

indépendant de la révélation et des dogmes religieux. Si DIEU l'avait voulu,
répètent à satiété les théologiens, il aurait inspiré à son Prophète une loi toute

différente qui serait tout autant juste que celle qui est prescrite »158.

C'est cette orthodoxie qu'aujourd'hui on identifie à l'islam, alors qu'elle n'en a été en réalité qu'une lecture. Elle est antinomique à la théorie des droits de l'homme, donc, des droits naturels. L'homme n'a pas de droits, de sa nature on ne peut inférer aucune norme, une théorie des droits de l'homme est impossible. Dans cette perspective, il n'est possible de concevoir des droits de l'homme que, comme des droits attribués par la bonté d'un Etre Suprême, mais non en raison de la nature humaine.

L'homme au sens stricte, n'est pas sujet de droit. La seule science en l'honneur désormais c'est le Fiqh : connaissance des jugements divins concernant les actions des humains. Le Fiqh est connaissance de la Shari'a, c'est-à-dire, la voie du salut que Dieu a révélée aux hommes, elle comprend et dépasse le droit dans son sens moderne, c'est une sorte de théologie pratique. Il est donc impérativement interdit de se donner des libertés vis-à-vis des droits de l'homme consacrés par Dieu ; on ne peut ni ajouter, ni adapter. On s'interdit également de les historiciser. Les règles et mécanismes de leur protection ne peuvent pas être soumises à la loi de l'évolution.

Comme nous pouvons le constater, dans les deux cas, c'est-à-dire, dans celui des théologiens rationalistes aussi bien que dans celui des théologiens fidéistes de l'islam, l'on arrive aux droits de l'homme. Soit, ce sont des droits que l'on détient par nature, soit ce sont des droits attribués par le canal de la volonté divine, le Créateur Suprême.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld