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Le Discours fondateur des droits de l'homme dans l'anthropologie politique de John LOCKE : essai de compréhension de l'apport lockien dans la Déclaration universelle des droits de l'homme

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par Sédard-Roméo NGAKOSSO-OKO
Université de Yaoundé I - Maîtrise en Philosophie 2001
  

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IX.2. L'expérience des cultures non occidentales

IX.2.1. Les cultures africaines

Partout où ils existent, les hommes sont mus par des postulats philosophiques qui orientent leurs actions dans toutes les sphères de la vie. C'est aussi le cas de l'Afrique pré coloniale. Ces peuples avaient des conceptions de valeurs sur lesquels reposaient leurs systèmes juridiques positifs à partir desquels il

est possible de dériver une théorie des droits de l'homme. Certes, c'est un fait que la connaissance de ces systèmes juridiques reste problématique. Il n'existe que des études fragmentaires ou enquêtes plus ou moins contestables à ce sujet. Les chercheurs ayant consacré leurs temps à d'autres aspects de la réalité sociale. Voilà pourquoi ces systèmes ne sont pas connu ou encore sont très mal connu, tant sur le plan théorique que sur celui des droits de l'homme qu'ils consacrent.

Mais il n'en demeure pas moins que les ancêtres africains ont formulé des normes juridiques dans des systèmes cohérents, pour la plupart oraux. C'est le constat qu'il est possible de faire à l'examen de certains aspects constitutifs de l'anthropologie négro-africaine. Par exemple, le cas des arrêts de justice rendus par les tribunaux coutumiers et aussi de la terminologie des traditions de ces différents peuples. Ce sont là, de précieuses indications qu'il importe d'analyser, afin de voir dans quelle mesure les traditions orales africaines, annoncent certains droits fondamentaux de la personne, implicitement ou explicitement reconnus159. Les

contributions160 de TSHIAMALENGA NTUMBA, de S. MBONYINKEBE et de MUKENGENDIBU qui nous paraissent très significatives à cet effet.

Dans l'anthropologie Luba par exemple, ce que l'on appelle «l'autre je» qui s'oppose à «moi» n'est pas vu sous le signe de l'altérité, mais sous celui de la communication originaire entre tous les hommes161. C'est-à-dire que l'homme qui se manifeste à «moi», n'est pas autrui, altérité, «un autre moi», mais bien plutôt, un muntunanyi, c'est-à-dire «l'homme-avec-moi''162. C'est un être engagé originairement à être mon partenaire et mon allié. Dans ce sens, il correspond à tout homme en tant qu'il est mon égal, qu'il est de la même origine que moi ; en tant que

159Nous sommes conscients du fait que quelques lexèmes, aphorismes et les arrêts de tribunaux épinglés dans une culture, à défaut des textes suffisamment élaborés sur une question philosophique ne suffisent pas en eux-mêmes pour restituer une philosophie qui serait commune à cette culture. Conscients de ce fait, nous soulignons que notre préoccupation n'est pas de restituer une philosophie africaine des droits de l'homme, mais, un essai de construction de celle-ci.

160TSHIAMALENGA NTUMBA, «Les droits de l'homme dans la tradition éthico-anthropologique «Luba». Essai de construction analytique», pp. 301-311 ; de S. MBONYINKEBE, «Jalons pour une véritable promotion de la personne en Afrique» pp. 329-337 et de MUKENGE-NDIBU, «Droits de l'homme et philosophie dans l'Afrique traditionnelle et actuelle», pp. 245-261 ; Toutes, dans COLLECTIF, Philosophie et droits de l'homme, les actes de la 5ème semaine philosophique de Kinshasa, du 26 avril au 1er mai 1981, Faculté Théologique de Kinshasa, 1982.

161Les Luba : peuple (ethnie) du Congo Démocratique, ex-Zaïre.

162TSHIAMALENGA NTUMBA, Article cité, p. 307.

 

99

163Idem, p. 309.

164S. MBONYINKEBE, Article cité, p. 331.
165MUKENGE-NDIBU, Article cité, p. 249.

166TEMPELS, Lettre, in Aspects de la culture Noire, n° 24, cité par MUKENGE-NDIBU Article cité, p. 249. 167 TSHIAMALENGA NTUMBA, Article cité, pp.309-31 0.

168Nous faisons l'économie de la pensée développée dans ces localités en raison de l'indisponibilité des sources. Ceci ne signifie nullement que ces peuples n'ont développé aucune pensée en rapport avec les droits de l'homme. Toutes fois nous renvoyons le lecteur à BHIKSU SHIH TAO-AN, «La doctrine de BOUDHA et les droits de l'homme», in Revue des droits de l'homme n°10, 1977, pp.: 5-13.

169D'abord avec MOÏSE, ensuite avec SALOMON, qui pour organiser le nouvel Etat y fit venir les scribes dont les méthodes administratives, et les enseignements d'AMENOPE inspirèrent le livre des proverbes. Le Christ lui- même, s'y était réfugié afin d'éviter le châtiment mortel que lui réservait HERODE.

170EPICTETE, Entretiens, Textes choisis par J. RUSS, Les Chemins de la pensée, A. COLIN, 1988, p. 99. 171Idem, cité par G. R. LEWIS, La Morale stoïcienne, P.U.F., 1978, p. 130.

172Nous souscrivons à la thèse de J.-S. ZA'ABE, Ouvrage cité, p. 08. (Ci-dessus page 59 note 114).

je partage avec lui une origine et un destin identiques : c'est donc un partenaire, un allié originaire.

Ce principe est une matrice fondamentale à partir de laquelle on peut faire découler les affirmations d'égalité, de fraternité et de liberté entre les hommes. Il implique le rejet de tout ce qui discrimine le muntunanyi (l'homme-avec-moi) : l'esclavage, le racisme, le tribalisme, le nationalisme, l'esprit de bloc, bref, toutes sortes d'exclusionismes et d'égoïsmes. De ce principe fondamental, découlent également les préceptes majeurs de l'éthique et du droit. Ils tendent non seulement à garantir la vie et l'intégrité corporelle de tout homme, mais aussi, à régler les relations quotidiennes interpersonnelles dans la vie quotidienne163.

S. MBONYINKEBE parvient lui aussi à une construction analogue à travers l'examen du concept bont'okaka (homme d'autrui) chez les Mongo, un autre peuple du Congo Démocratique164. Il constate que ce concept est utilisé pour désigner. a)-le parent qui vient de loin, par opposition à celui qui habite avec nous ; b)-le parent par alliance, par opposition à celui par le sang ; c)-l'esclave par opposition au fils du village, et enfin d)-l'étranger. Une exégèse poussée de ce concept montre que toutes ces catégories de personnes méritent égards et considérations au titre de leur statut spécifique d'«homme d'autrui». Nous pouvons voir à travers ce statut, la désignation d'une sphère des droits inaliénables : droit à la sécurité, à l'intégrité physique et morale, au respect, etc.

Dans ces sociétés traditionnelles, le droit n'est pas seulement un acte des vivants. Imprégné du sacré, il est l'héritage des ancêtres. Les paroles de ces derniers fixent les règles de vie dont la violation est impensable. Ce fondement transcendant de l'impératif juridique lui confère une autorité présentée comme l'expression de la volonté de telle ou telle divinité. On peut dire à juste titre que les droits de l'homme concédés par les préceptes ci-dessus indiqués sont dans un tel système, considérés comme sacrés165. L'appareil juridique comme l'ensemble des autres institutions est conçu et appliqué au service de l'homme. Tout comme le monde visible et invisible

doivent agir dans l'intérêt de l'homme. Le premier droit pour ces sociétés correspond à la vie. Une vie pleine, intense, totale et abondante166. C'est en fonction d'elle, le droit de l'homme par excellence, que les conflits, les problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels sont résolus. C'est toujours en fonction d'elle que sont conçus et concrètement garantis de façon efficace et permanente, les droits de l'homme dans toutes les autres sphères de l'existence. La vie correspond au droit d'appartenir à une communauté, d'y vivre et d'y agir sans être gêné par autrui ou une autorité arbitraire et tyrannique. Elle correspond également au droit de vivre dans le strict respect des droits légitimes de tout un chacun et de la communauté. Ces droits de l'homme, TSHIAMALENGA NTUMBA en résume ainsi l'inventaire :

« Le droit de tout homme à la vie et à l'intégrité corporelle contre toute agression physique et contre toute agression morale ; le droit de tout homme au foyer d'exercer la fonction sexuelle à l'exclusion de tiers des deux sexes, le droit à la sécurité, à la justice sociale dans toute son étendue, etc. »167.

Ces éléments juridiques et linguistiques, constitutifs de l'anthropologie négro-africaine, nous paraissent particulièrement annonciateurs de la direction dans laquelle peut se développer une «philosophie des droits de l'homme» dans l'Afrique pré-coloniale, voir dans l'Afrique actuelle. Ils entretiennent, en qualité de matrice, tous les droits de l'homme présent et à venir. Il n'est pas douteux qu'il existe plusieurs voies d'accès à ce que sont les droits de l'homme dans ces cultures. Certes, ils ne se présentent pas avec la finesse des droits modernes, mais on y trouve, en germe, tous les développements possibles des droits fondamentaux autour des idées de liberté, égalité et fraternité, chères à la révolution française.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus