SOMMAIRE :
Partie 1 : L'ASSUJETTISSEMENT DES ELEMENTS DE
LA BIODIVERSITE AU DROIT DES BREVETS
CHAPITRE 1 : LE PRINCIPE QUANT A LA POSSIBILITE DE
BREVETABILITE RELATIVE A LA BIODIVERSITE
SECTION 1 : BREVETABILITE DES PRODUITS
SECTION 2 : LA BREVETABILITE DES PROCEDES
CHAPITRE 2 : LES EXCEPTIONS À LA BREVETABILITE DE
CERTAINS
ELEMENTS DE LA DIVERSITE BIOLOGIQUE
SECTION 1 : L'ORDRE PUBLIC ET LES BONNES MOEURS
SECTION 2 : BREVETABILITE ET ETRE HUMAIN
Partie 2 : LES CONSEQUENCES DES DROITS DE
PROPRIETE
INDUSTRIELLE SUR LES ELEMENTS DE LA
BIODIVERSITE
CHAPITRE 1 : LES DROITS DE PROPRIETE INDUSTRIELLE SOURCE
DE CONFLIT ENTRE LA CDB ET L'ACCORD ADPIC
SECTION 1 : DIFFÉRENCE DES ORIENTATIONS
SECTION 2 : ARTICULATION POSSIBLE CDB/ADPIC
CHAPITRE 2 : L'ENCLOSURE DU BIEN COMMUN AU MOYEN DES DROITS
DE PROPRIETE INDUSTRIELLE
SECTION 1 : LA FIN DE L'UTOPIE DES OBJECTFS
AMBITIONNES
PAR LES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE
SECTION 2 : LA PROTECTION DES SAVOIRS TRADITIONNELS
ET LA BIOPIRATERIE
Les principales abréviations
ADPIC Accord sur les Aspects des Droits de
Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce.
CDB Convention sur la Diversité Biologique.
CBE Convention du Brevet Européen.
CNUCED Conférence des Nations Unies sur le Commerce et
le
Développement.
DPI les Droits de Propriété Intellectuelle.
FAO Food and Agriculture Organisation.
GATT General Agreement on Tariffs and Trade.
OCDE Organisation pour la Coopération Economique et
Développement.
OAB Office Américain des Brevets.
OEB Office Européen des Brevets.
OGM Organismes Génétiquement Modifiés.
OMC Organisation Mondiale du Commerce.
OMPI Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle.
ONG Organisation Non Gouvernementale.
PNUE Programme des Nations Unies pour l'Environnement.
UE Union Européenne.
UNESCO United Nations Educational Scientific and Cultural
Organisation.
UPOV L'Union Internationale pour la Protection des Obtentions
Végétales.
Introduction
Les préoccupations environnementales ne sont plus une
optique qui au premier abord exprime une idée à la mode, un luxe
des pays les plus favorisés ou un simple thème de contestation
issu des années hyppies et soixante-huitardes. C'est un sentiment
d'urgence qui se précise, corollaire de la mondialisation des menaces
sur l'environnement qui les transforma en un enjeu
crucial qui affecte la vie des simples citoyens.
Il en est ainsi pour les droits de propriété
intellectuelle (DPI) qui ont fait apparition dans la vie quotidienne des
simples citoyens dans les années 1980 suite à certaines
polémiques (notamment celles qui marquèrent la
brevetabilité du vivant, la monopolisation des droits quant aux
médicaments.. etc.). Jusque-là, les seules personnes à
s'occuper de cette branche de droit étaient généralement
les déposants d'une marque ou d'une demande de brevet1(*).
Ces termes généraux, l'environnement et les
droits de propriété intellectuelle, méritent cependant
d'être précisés et complétés par un lexique
couramment utilisé dans des sens souvent voisins.
« L'environnement »
est un néologisme récent dans la langue française qui
signifie le fait d'environner, issu du substantif anglais
« environment » et de son dérivé
« environmental ». Il apparaît pour la
première fois dans le grand Larousse en 1972 comme
étant l'ensemble des éléments naturels ou artificiels
qui conditionnent la vie de l'homme. Le dictionnaire Le Robert se contente de
se référer au verbe environner, et l'environnement serait tout ce
qu'il y a autour de l'homme.
Pour mieux cerner cette notion, on distingue :
? Nature : C'est l'ensemble de sites,
d'écosystèmes et de paysages, qui sont vierges, non
établies par l'homme.
? Ecologie : C'est la science que créa E. Haeckel
en 1866 et qui à son essor, étudiait les relations entre les
espèces animales et végétales à l'exception de
l'homme.
? Qualité de la vie : C'est un slogan qui vise
à traduire dans l'ordre social une certaine idée de bien
être et dont les moyens de mise en oeuvre sont la protection de la
nature, la lutte contre la pollution et les nuisances, l'humanisation de la vie
urbaine... etc.
La nature ne peut donc être qu'une partie de
l'environnement puisque ce dernier ne se limite pas au naturel qui entoure
l'homme, mais englobe aussi bien les éléments
« artificiels ».2(*) Le terme artificiel fait référence
à l'intervention de l'intellectuel de l'homme, et non pas au sens
commun, notamment de fabrication industrielle, qui serait antonyme de
« naturel ». C'est le cas, par excellence, des savoirs
traditionnels qui sont centrés sur l'utilisation durable des ressources
et le lien étroit avec la diversité biologique3(*).
Il en est ainsi pour l'écologie vue qu'elle n'inclut
l'homme que tardivement, alors que c'est justement lui la pierre angulaire des
préoccupations environnementales, son milieu, son cadre de vie et sa
qualité, voir, sa culture et son savoir faire.
Il est donc clair que définir l'environnement n'a
jamais été une tache facile pour les législateurs qui
essayent certes d'opérer dans un esprit cartésien
d'énumération et de délimitation4(*), et les auteurs qui, en se
spécialisant dans le droit de l'environnement, ont du en supporter les
crises d'adolescence (d`identité et d'autonomie)5(*).
Dans cette perspicacité, le professeur Philippe
Guillot commente certaines définitions de l'environnement comme
étant « une polysémie qui n'est point source de
clarté 6(*) » ; le Supplément du
Littré le définit en effet comme « cadre de vie,
entourage » mais aussi comme « milieu ambiant du point de
vue de l'écologie ». Cette supputation n'épargne pas le
Lexique Dalloz des termes juridiques puisqu'il se montre plus
déroutant : « Mot souvent employé dépourvu
d'un sens juridique précis. Le terme fait image pour désigner le
milieu naturel, urbain, industriel (parfois aussi économique, social et
politique) au sein duquel vivent les hommes. »
L'environnement se décèle donc entre deux
acceptions, l'une trop étroite qui se limite à la protection de
la nature, et l'autre plus globale, entraînant des problèmes
relatifs au bien être de l'homme et la convivialité de son milieu,
et touchant ainsi à la qualité de la vie.
Pour le législateur tunisien, « on entend
par environnement le monde physique y compris le sol, l'air, la mer, les eaux
souterraines et de surface ainsi que les espaces naturels, les paysages, les
sites et les espèces animales et végétales, et d'une
manière générale tout le patrimoine
national »7(*).
Mais comme nous l'avons souligné, le législateur est toujours
véhiculé par les exigences de délimitation et de
démarcation du droit positif ; l'environnement ne se limite pas au
naturel.
En effet, les préoccupations environnementales font
partie des droits de l'homme de troisième
génération ; c'est « Karel
Vasak »8(*) qui a
introduit cette catégorie dans le langage juridique et politique depuis
1977 dans un article intitulé : « La
déclaration universelle des droits de l'homme 30 ans
après »9(*). Troisième, car la première
génération est celle qui avait revendiqué au
dix-huitième siècle les droits politiques et les libertés
publiques, la deuxième, au dix-neuvième siècle avait
visé le développement économique, le droit au travail, le
droit à la santé, à l'éducation et l'enseignement.
Quant à la troisième génération et qui est en
cours, elle englobe, l'équité entre le Nord et le Sud, le droit
à un environnement sain et convivial, le droit à la paix, ...
etc.
Par conséquent, on ne peut se permettre de faire
omission de deux éléments fondamentaux : l'homme et son
milieu. Ainsi, selon Michel Prieur, « l'environnement est l'ensemble
des facteurs qui influent sur le milieu dans lequel l'homme
vit »10(*).
Si les auteurs insistent tant sur ledit volet
« artificiel » des savoirs et connaissances, c'est parce
que c'est là le fondement de l'introduction de la question des
savoir-faire autochtones au sein des préoccupations
environnementales : En effet, intimement liés à la
biodiversité, à l'utilisation durable des ressources et à
l'environnement, ces connaissances se trouvent en interaction avec les
programmes de sauvegarde et de protection de l'environnement.11(*)
Et c'est peut être là les premiers traits de
l'importance de l'homologie avec les droits de propriété
intellectuelle car ces dernières participent vivement à ces
programmes de sauvegarde et de protection.
Ils sont composés de l'ensemble des droits
attribués aux personnes accomplissant une création
intellectuelle.
En effet, l'article 2viii de la convention de Stockholm
fondant l'OMPI les définit comme étant : «.. les
droits relatifs :
- aux oeuvres littéraires, artistiques et
scientifiques,
- aux interprétations des artistes interprètes
et aux exécutions des artistes exécutants, aux phonogrammes et
aux émissions de radiodiffusion,
- aux inventions dans tous les domaines de l'activité
humaine,
- aux découvertes scientifiques,
- aux dessins et modèles industriels,
- aux marques de fabrique, de commerce et de service, ainsi
qu'aux noms commerciaux et dénominations commerciales,
- à la protection contre la concurrence
déloyale ;
et tous les autres droits afférents à
l'activité intellectuelle dans les domaines industriel, scientifique,
littéraire et artistique.12(*) »
Il ressort donc de ce texte que la propriété
intellectuelle saisit tous les droits afférents à
l'activité intellectuelle dans les domaines scientifiques, artistiques,
industriels ou littéraires.
Ces droits sont visiblement composés de deux
volets : les droits de propriété littéraire et
artistique (le droit d'auteur et les droits voisins) et les droits de
propriété industrielle (marque, brevet d'invention, dessins et
modèles industriels... etc).
Pour le professeur André Lucas13(*), le droit d'auteur s'entend de
l'ensemble des prérogatives, morales et patrimoniales, reconnues aux
auteurs d'oeuvres de l'esprit, alors que les droits voisins touchent aux
prérogatives auxiliaires de la création artistique que sont les
interprètes, les producteurs de phonogrammes et de
vidéogrammes.14(*)
Pour son volet industriel, la propriété
intellectuelle saisit les droits des brevets, les modèles et dessins
industriels, les marques de fabrique, de commerce et de services, le nom
commercial, l'enseigne, les appellations d'origine, les indications de
provenance et la concurrence déloyale15(*).
Le caractère disparate de ces droits est unanimement
éludé par la jonction qui suit : les droits portant sur
les créations industrielles, les signes distinctifs et la concurrence
déloyale.
Constituent une création industrielle les
modèles et dessins industriels et le brevet d'une invention
donnée ; à l'inverse de cela, les marques de fabrique, de
commerce et de services, le nom commercial, l'enseigne, les appellations
d'origine, les indications de provenance sont des signes distinctifs ;
faire une marque à partir d'un signe n'est pas faire oeuvre de
créateur.16(*)
Nous sommes en mesure de pousser un peu plus loin
l'introspection quant au terme « industriel » pour
examiner ce terme dont la signification est large ; sa portée est
très large au sens de l'article 1er de la convention de Paris
pour la protection de la propriété industrielle du 20 Mars 1883,
soit antérieurement au fondement de l'OMPI. Cet article dispose
que :
« Article1
Constitution de l'union ; domaine de la
propriété industrielle
(...)
2) la protection de la propriété
industrielle a pour objet les brevets d'invention, les modèles
d'utilité, les dessins ou modèles industriels, les marques de
fabrique ou de commerce, les marques de service, le nom commercial et les
indications de provenance ou appellation d'origine, ainsi que la
répression de la concurrence déloyale.
3) la propriété industrielle s'entend
dans l'acception la plus large et s'applique non seulement à l'industrie
et au commerce proprement dit, mais également au domaine des industries
agricoles et extractives et à tous produits fabriqués ou
naturels, par exemple : vins, grains, feuilles de tabac, fruits, bestiaux,
eaux minérales, bières, fleurs, farines. »
La qualification d'industriel est donc
appréhendée dans une optique de travail et d'activité, non
point dans le sens restreint du processus de production.17(*)
Par ailleurs, les droits de propriété
intellectuelle sont une nouvelle branche de droit qui appartient au droit
privé et au droit public économique.
On entend par « nouvelle » sa
résonance actuelle, mais ce n'est qu'une trompeuse apparence ; ces
droits existaient déjà à Athènes et à Rome,
notamment pour le droit d'auteur dont les premières traces remontent
à la différence que font Gaius et Justinien entre
l'écriture et la peinture18(*).
L'invention de l'imprimante au dix-huitième
siècle en suscita le véritable essor ; la large diffusion
des ouvrages et l'apparition d'une source de bénéfice
substantielle ont mis en exergue la nécessité de protéger
les auteurs des faussaires. Ainsi, au lieu de protéger les auteurs on
protégeait principalement les éditeurs et les imprimeurs par des
privilèges accordés par l'autorité royale. La
première loi qui a protégé les auteurs fut la loi de la
reine Anne d`Angleterre en 1710.
En France, la révolution s'est intéressée
elle aussi aux imprimeurs en premier lieu, mais la protection ne tarda pas
à se voir étendue aux artistes grâce à deux
lois : la loi du 19 Janvier 1791 relative au droit de
représentation et d'exécution publique (droits
pécuniaires) et la loi du 19 Juillet 1793 pour le droit de production.
Ces deux lois seront par la suite la base du code du 1er Juillet
1992.
En Tunisie la première loi à régir la
matière était celle du 15 Juin 1889 (droit d'auteur) qui se verra
abrogée après l'indépendance par la loi du 14
Février 1966, laquelle a été abrogée à son
tour par la loi du 24 Février 1994 et qui est toujours en
vigueur19(*).
Pour les pays en développement, il y a eu un
modèle : « projet de loi type » appelé
aussi « loi type de Tunis » vu qu'il vit le jour à
Tunis lors de la réunion du comité d'experts de l'UNESCO à
Tunis du 23 Février au 2 Mars 1976.
L'essor des droits de la propriété industrielle
s'est vu conditionné par la révolution industrielle ; le
vingtième siècle a été témoin d'un
déchaînement jamais vu de la technologie et une véritable
révolution des moyens d'information. Ces bouleversements concernent l'un
et l'autre la propriété industrielle ; les moyens
d'information sont en étroite liaison avec les signes distinctifs, les
marques et les droits d'auteur alors que la technologie concerne les brevets et
les dessins et modèles industriels.
A ce stade, la relation entre les droits de
propriété intellectuelle et l'environnement, voire la question de
leur impact sur cette dernière, était limitée
principalement à la question des savoirs traditionnels, cet
élément intellectuel qui environne l'homme, et qui pouvait se
voir piraté.
Deux événements survenus à cette
époque ont modifié cette relation20(*) : d'une part, la décision de la Cour
Suprême des États-Unis de permettre à l'office des brevets
des États-Unis d'accorder des brevets sur le vivant et par
conséquent, de traiter la vie comme une invention , et d'autre part,
l'introduction des droits de propriété intellectuelle, par les
Etats-Unis, dans le cadre de l'Uruguay Round de l'Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et qui instaura par la suite
l'actuelle Organisation Mondiale du Commerce.
De cette façon, la vision américaine des brevets
s'est vue universalisée21(*) et c'est ce qui donnera un lourd impact sur la
diversité biologique. Certains faits auront par la suite un
énorme écho pour des considérations environnementales (et
morales)22(*) :
? En 1995, le gouvernement américain s'est
accordé un brevet sur une lignée cellulaire provenant du peuple
Hagahai de la Nouvelle-Guinée23(*).
? En 1994, « Amgen » a acheté
pour 90 millions de dollar à l'université Rockefeller le
gène dit de l'obésité étant donné que les
américains dépensent quelque 30 milliards de dollars en
médicaments d'amaigrissement. Ainsi, un géant de
l'agroalimentaire empêche la création d'un remède qui la
priverait d'un gain considérable.
? L'Office des brevets des ÉTATS-Unis a
accordé le premier brevet sur un mammifère le 12 Avril 1988
à la société « DuPont » ; c'est
une souris ; l' « oncosouris », dont on a
modifié le patrimoine génétique. D'une ampleur
extraordinaire, le brevet accorde à cette société la
propriété sur toute espèce animale dont le patrimoine
génétique est modifié de sorte qu'il comporte une
variété de gènes cancérogènes.24(*)
? La « Pharmaceutical Proteins Ltd » a
eu un brevet pour le clonage de la fameuse brebis
« Dolly ». Mais
la « création » de Dolly n'était pas un
but en elle-même, c'était le seul moyen de faire reproduire la
brebis « Tracy » à laquelle on avait auparavant
introduit des gènes humains au niveau des glandes mammaires et qui a
été elle aussi assujettie à un brevet.25(*)
? Une autre société américaine,
« Biocyte », possède un brevet26(*) sur toutes les cellules du
cordon ombilical des foetus et des nouveaux-nés.
? La compagnie « Myriad
Pharmaceuticals » a eu un brevet sur le cancer du sein et
détient ainsi le monopole sur toute utilisation de ce gène
à des fins de diagnostic27(*).
Ces exemples, parmi d'autres, mettent en épigraphe les
conséquences de l'universalisation de la vision des États-Unis
sur les droits de propriété intellectuelle.
Un approfondissement quant à l'impact de ces
dernières sur l'environnement se veut fortuitement recommandé,
certes pour les exigences d'ordre pratique qui remédieraient à
l'état actuel des choses, mais aussi pour un besoin soutenu de
prospection juridique et politique afin d'harmoniser les intérêts
privés et publics, harmoniser l'accord ADPIC avec la Convention sur la
Diversité Biologique, réorganiser le commerce international pour
les besoins d'équité entre le Sud et le Nord... etc.
Nous nous trouvons ainsi bien fondé à orienter
notre recherche vers une optique critique ; est ce que les droits de
propriété intellectuelle sont en concordance avec les
préoccupations environnementales, et ce notamment pour les exigences de
sauvegarde de la diversité des formes de vies et la protection du savoir
traditionnel ?
Dans leur acception globale relative au bien être de
l'homme et la convivialité de son milieu ci-dessus
précisée, les préoccupations environnementales ont un
écho certain sur l'évolution des droits de
propriété intellectuelle28(*). Mais l'impact de ces dernières est aussi
considérable.
Sur un premier plan, la propriété industrielle a
une résultante assez polémiste sur l'environnement et qui
soulève d'innombrables points qui forment la question
générale de l'assujettissement des éléments de la
biodiversité au droit des brevets.
Mais sur un autre plan, les impacts et les
conséquences des droits de propriété industrielle sur
l'environnement mettent en évidence certaines dérives, notamment,
la concurrence entre la CDB et l'ADPIC, la biopiraterie et la question du
savoir traditionnel.
Dans la présente étude, nous tacherons
d'analyser d'un coté l'assujettissement des éléments de la
biodiversité au droit des brevets (Première partie), et d'un
autre coté, les conséquences de cette sujétion aux droits
de la propriété industrielle en général, et en
particulier à l'universalisation au sein de l'ADPIC de la vision
américaine du droit des brevets (Deuxième partie).
PARTIE 1 :
L'assujettissement des éléments de la
biodiversité au droit des brevets :
« Quand tu trouves un diamant qui n'est à
personne, il est à toi.
Quand tu trouves une île qui n'est à
personne, elle est à toi.
Quand tu as une idée le premier, tu la fais
breveter : elle est à toi.
Et moi, je possède les étoiles puisque
jamais personne avant moi n'a songé à les
posséder. »
Antoine de Saint Exupéry,
Le petit Prince
Depuis quelques décennies, les techniques
d'intervention sur les organismes vivants suscitent de nombreux et d'intenses
débats tant leur nature parait susceptible de modifier
profondément la condition humaine. C'est ici l'élément le
plus dispendieux à toute préoccupation environnementale, la
diversité biologique, qui est corrodé par les
procédés de sélection si ce n'est de
« création » de races et de variétés
« nouvelles ».
Sur le plan juridique, la principale controverse oppose les
partisans d'une protection totale et monopoliste de ces innovations par un
titre de propriété, en l'occurrence une propriété
intellectuelle, à ceux qui rejettent une telle évolution pour des
considérations éthiques, écologiques ou encore
économiques.
Nous constatons que, dans la majorité des cas, ces
techniques d'innovations qui portent sur les organismes vivants sont des
« créations génétiques ». C'est ce qui
explique le rôle de catalyseur que joue le brevet d'invention : En
effet dans le monde de l'industrie, et s'agissant des dites créations
génétiques, c'est l'instrument de protection à qui on fait
systématiquement recourt le plus souvent. Et c'est la raison pour
laquelle les ouvrages sur lesquels nous nous sommes appuyés lors de
cette recherche donnent un intérêt particulier au brevet parmi
l'ensemble des instruments qui meublent le volet industriel des DPI.
« C'est l'instrument fondamental de la politique
industrielle » selon le professeur Clavier29(*) bien que le recours à
d'autres droits de la propriété industrielle reste
envisageable.30(*)
D'ailleurs en faisant recourt au droit des obtentions végétales,
certains auteurs les décrivent comme « droits voisins au
brevet d'invention »31(*).
En outre, des raisons objectives nous mènent à
focaliser sur le droit des brevets et les obtentions végétales
pour harmoniser notre recherche avec le droits positif Tunisien vu que ce
dernier ne fait pas cas aux autres moyens de protection des créations
génétiques, qu'on trouve chez son homologue Français
à titre d'exemple, tel que le droit des topographies et des produits
semi-conducteurs.
Par ailleurs, et loin de provoquer la disparition des
biotechnologies classiques32(*), les techniques modernes ont favorisé leur
développement grâce à l'amélioration des
micro-organismes utilisés et cela dans d'innombrables domaines, tels que
la médecine, l'agriculture, l'agroalimentaire... etc.
Jusque là, l'intervention des droits de
propriété industrielle pour protéger les biotechniques
modernes aurait pu ne pas avoir d'incidences sur l'environnement alors qu'au
moyen de ces biotechnologies de seconde génération, il ne s'agit
plus de compenser uniquement avec les organismes existants mais il est
désormais possible de créer un organisme qui n'existe pas tel
quel dans la nature. Et c'est justement là l'émergence des
incidences des DPI sur la biodiversité en particulier.
Du mot Grec « Bios », et du mot Latin
« Diversitas », le terme biodiversité est apparu
dans les cénacles scientifiques au milieu des années
quatre-vingt. Synonyme de « diversité biologique »,
il incarne aujourd'hui l'essentiel des tracasseries de l'homme à
l'égard du monde vivant.
Préféré au terme
« nature », plus difficile à définir et
jugé passéiste ou contemplatif33(*), la biodiversité est définie dans la
convention de Rio sur la diversité biologique comme « la
variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre
autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres
écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont
il font partie ; cela comprend la diversité au sein des
espèces et entre espèces ainsi que celle des
écosystèmes »34(*).
Cette diversité du monde vivant peut être
appréhendée à différents niveaux
hiérarchiques. Le premier est celui de la diversité
génétique. Elle correspond à l'infinie
variété des gènes et génotypes entre
espèces. Le deuxième est celui de la diversité des
espèces ou diversité spécifique. Le troisième
concerne la variété des écosystèmes (lacs, zones
humides, forêt, montagnes...). Ils sont, à leur tour,
composés de communautés d'êtres vivants (biocénose)
en interrelation avec l'environnement physique qui les accueille (biotopes).
Par une autre voie, les brevets constituent l'une des plus
anciennes formes de protection de la propriété intellectuelle et,
comme dans le cas de toutes les formes de cette dernière, l'objectif du
système des brevets est d'encourager le développement
économique et technique en récompensant la
créativité intellectuelle. En d'autres termes, un brevet
protège une invention et octroie à son titulaire un droit
exclusif d'utiliser la dite invention pour une période bien
limitée. C'est un document délivré sur la base du
dépôt de demande, par l'autorité publique
(communément l'Office des brevets) qui décrit l'invention et qui
crée une situation légale dans laquelle l'invention ne peut
normalement être exploitée qu'avec l'autorisation du titulaire du
brevet35(*).
L'invention peut être définie soit comme un
nouveau produit, soit que le produit en tant que tel n'est point nouveau mais
la nouveauté concerne plutôt les procédés
utilisés pour y aboutir. C'est donc le fruit d'un acte de
création et qui concerne un genre bien déterminé de
création qui puisse répondre aux conditions de fond
édictées par les textes internationaux et nationaux qui sont le
caractère industriel et l'application industrielle, la nouveauté,
l'invention (histoire de la distinguer de la découverte) et la
conformité à l'ordre public et aux bonnes moeurs.
Ce qui attire l'attention dans ce domaine, c'est qu'à
première vue, l'homologie entre l'environnement et les droits de
propriété industrielle, et plus particulièrement,
l'homologie entre la biodiversité et le droit des brevets, aboutirait ou
devrait aboutir à du non sens car, en principe, l'homme découvre
les éléments de la nature, peut les modifier grâce au
génie moléculaire ou génétique, mais il n'en
crée rien.
En reprenant les cas mentionnés dans l'introduction et
en focalisant sur l'ADPIC et d'autres textes nationaux et internationaux,
notamment le droit communautaire, on s'aperçoit clairement de la duperie
d'un tel jugement car les éléments de la biodiversité son
bel et bien assujettis au droit des brevets (chapitre 1) mais c'est un principe
qui souffre de quelques exceptions (chapitre 2).
CHAPITRE 1 : LE PRINCIPE QUANT A LA POSIBILITE DE
BREVETABILITE RELATIVE A LA BIODIVERSITE
De sa nature, le droit des brevets vise comme on l'a dit soit
un produit nouveau soit un nouveau procédé qui puisse y aboutir.
Dans le même état d'esprit, le brevet a conquis les
éléments de la biodiversité en les appréhendant
comme des produits nouveaux (section 1) ou comme de nouveaux
procédés (section 2).
SECTION 1 : LA BREVETABILITE DES PRODUITS :
Nous partons d'un constat : en prenant comme
référentiel la biodiversité, le terme
« produit » désigne les substances ou les
matières (ADN par exemple) et les organismes vivants entiers. Or, le
droit des brevets a été crée pour des inventions se
situant dans le domaine de l'inerte et non le vivant. En plus, ces
éléments paraissent relever davantage de la découverte que
de l'invention brevetable.
En outre, les distinctions opérées par le droit
des brevets ne paraissent toujours pas claires : si les animaux et les
races animales, et les végétaux et les races
végétales ainsi que les procédés essentiellement
biologiques ne sont en principe pas brevetables, des sous-catégories de
produits le sont, à savoir les micro-organismes et les produits obtenus
à partir de ces micro-organismes.
Dans l'analyse qui suit, nous traiterons successivement la
question de la brevetabilité des animaux et des races animales, celle
des végétaux et variétés végétales,
ainsi que la brevetabilité des micro-organismes, des cellules et des
gènes.
§ 1. Brevetabilité des animaux et des races
animales :
Sur le plan communautaire, et en partant du principe qu'une
race animale ne pouvait qu'être découverte, l'article 2 de la
convention de Strasbourg du 27/11/1963 sur l'unification de certains
éléments du droit des brevets dispose que « les Etats
contractants ne sont pas tenus de prévoir l'octroi de brevets pour [...]
les races animales... ». Et si ce texte tire sa gloire pour
être le texte de référence pour la majorité des
législations postérieures, l'article 53b de la Convention du
Brevet Européen formule des propos plus
affirmatifs : « les brevets européens ne sont pas
délivrés pour les races animales ».
Nonobstant cette prise de position, ces textes ne
définissent pas le terme « race ». Qui plus est, il
n'existe pas de définition taxonomique du terme
« race », en anglais `variety', contrairement aux termes
« espèce » et « genre ». Cela
dit, la race peut être définie comme un ensemble taxonomique qui
se situe juste après l'espèce (ou la sous-espèce si elle
existe) et dont les éléments qui la composent se
différencient du reste des représentants de ladite espèce
par des caractéristiques mineurs mais qui soient tout de même
permanentes et/ou héréditaires.
Or, cette exclusion est de nos jours illusoire. Tout d'abord
on ne crée guère de nouvelles races, mais les innovations portent
généralement sur des individus. Ensuite, l'exclusion vise des
races au sens strict du terme et non pas sur des animaux.
A cet égard, la jurisprudence de l'OEB
interprète de manière restrictive la notion de la race
animale : l'exception à la brevetabilité n'opère pas
pour les animaux en tant que tel. Un spécimen transgénique, qui
bien entendu n'est pas une race, ne saurait être exclu de la
brevetabilité en vertu de l'article 53b de la CBE. Par ailleurs, cet
article ne s'oppose pas à ce que des animaux obtenus par des
procédés microbiologiques soient brevetés.
En effet, « L'exception à la
brevetabilité prévue à l'article 53 b) CBE vise certaines
catégories d'animaux, mais non les animaux en tant que tels ».
Tels sont les propos de l'OEB dans l'affaire T19/90 dite Souris
oncogène36(*). La
brevetabilité des espèces transgéniques est donc
clairement permise37(*).
En Tunisie, l'interdiction du
législateur est expresse et ne laisse aucun doute : d'une part
l'article 2f de la loi sur les brevets38(*) qui dispose que « ne sont pas
considérés comme inventions au sens de l'alinéa premier de
cet article, notamment :
(...)
f- toutes sortes de substances vivantes existants dans la
nature ».
Et d'autre part l'article 3 de ladite loi qui dispose dans son
alinéa premier que : « le brevet ne peut pas
être délivré pour :
- les variétés végétales, les
races animales ou les procédés essentiellement biologiques
d'obtention de végétaux ou d'animaux ».
En droit comparé, nous retrouvons la même position
en France dont l'article L.611-17c du code de la propriété
intellectuelle dispose que :
« ne sont pas brevetables :
(...)
c) les races animales ainsi que les procédés
essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou
d'animaux »
Aux Etats Unis d'Amérique, la Constitution
prévoit que le congrès doit encourager et protéger le
développement de ce qui est de l'ordre de l'utilitaire
(« useful art ») et cela au moyen d'une législation
concernant les brevets.39(*)
Par ailleurs, et dans le thème de la nature de l'objet
breveté, l'article 35 §100 du code des États-Unis dispose
dans son premier alinéa que : « l'invention
signifie invention ou découverte ». Mais à son
tour, le terme « découverte » n'est pas
défini et se confirme incorrect puisque, comme il sera exposé, la
découverte en tant que telle n'est pas brevetable.
L'article 35 §101 du même code, intitulé
« inventions brevetables » affirme que quiconque invente ou
découvre un procédé, une machine, un article
manufacturé ou une composition de matière, nouveaux et utiles, ou
un perfectionnement nouveau et utile de ceux-ci, peut obtenir un brevet pour
cette invention ou découverte aux conditions et selon les exigences du
présent titre ».40(*)
La découverte diffère de l'invention en ce
qu'elle n'est qu'une mise à jour de ce qui existe déjà.
C'est le constat d'un phénomène ou d'un produit de la nature
préexistant à toute intervention humaine mais resté
inconnu.
Mais nous remarquons tout de même qu'il n'y a pas
d'interdiction de principe de la brevetabilité des animaux, et c'est sur
la base des précédents jurisprudentiels qu'il va falloir
s'épauler.
Dans ce contexte, l'examinateur de l'Office américain
des brevets a refusé la brevetabilité d'une huître dont le
déposant s'est prévalu du fait qu'elle pouvait être
consommée toute l'année car elle ne consacrait plus la
majorité de son corps à la production et au stockage de
gamètes pour pouvoir se reproduire. Selon l'examinateur, c'était
une entité vivante et même une fois qu'elle est modifiée,
elle répondait lors de sa reproduction aux règles de la
nature.
L'examinateur fit appel de ce rejet devant la chambre d'appel
de l'office. Cette dernière estima que le fait n'est pas de savoir si
l'huître est une entité vivante, « mais de savoir si
l'objet revendiqué est fait par l'homme »41(*).
§ 2. la Protection des végétaux et des
variétés végétales :
Le régime de l'ADPIC est relativement alambiqué
vis-à-vis du règne végétal. Certes, il permet aux
membres de l'OMC d'exclure les plantes de la brevetabilité (article
27.3b), mais cette disposition n'est que facultative et il leur est impossible
d'étendre cette exclusion aux micro-organismes.
Pour ce qui est des variétés
végétales, l'ADPIC est plus limitatif car il commande aux membres
de l'OMC d'en assurer la protection soit par le brevet, soit par un
système sui generis (en l'occurrence le droit des obtentions
végétales), soit par une combinaison de ces deux moyens. Et
à défaut, il faut appliquer le droit des brevets (article 27.3b).
Pour le reste, et depuis 1961, l'UPOV a mis sur pied un
mécanisme de protection pour les végétaux, et ce en
faisant l'objet d'une protection intellectuelle au titre d'un droit d'obtention
végétale.
Sur le plan européen et communautaire, la CBE s'est
prononcée fermement sur ce point en disposant dans son article 53b que
« les brevets européens ne sont pas délivrés
pour les variétés végétales ». En outre,
la jurisprudence de l'OEB a défini la variété
végétale comme « un grand nombre de
végétaux qui sont, dans une large mesure, similaires de par leurs
caractères et qui, à l'intérieur de certaines marges de
tolérance, ne sont pas modifiés à la fin de chacune de
leurs reproductions ou de leurs modifications. »42(*)
Ainsi, en partant du principe d'interdiction de la double
protection imposé par l'article 2.1. de l'UPOV, la démarcation
semble être bien tracée entre, d'une part, le droit d'obtention
végétale régi par l'UPOV, et d'autre part, le droit des
brevets institué par la CBE prédestiné à
protéger les inventions techniques reproductibles.
Dans ladite affaire CIBA GEIGY, l'OEB a admis la
brevetabilité d'un traitement chimique de semences leur conférant
une résistance à l'action phytotoxique des produits chimiques
utilisés dans les activités agricoles.
En effet, l'OEB s'est épaulé sur des
critères de protection de l'UPOV pour juger que l'on n'a à faire
à une variété végétale, exclue de la
brevetabilité, que lorsque la plante satisfait aux critères
d'homogénéité et de stabilité. Par contre, lorsque
le nouveau paramètre de l'invention, en l'occurrence, le traitement
chimique n'est pas de nature à caractériser une
variété végétale, l'invention est en mesure
d'être brevetée.
De cette manière, et en n'évinçant que la
variété végétale au sens de l'UPOV du droit des
brevets, l'OEB a considérablement étalé la portée
des brevets aux variétés génétiquement
modifiées.
En Tunisie, l'article 2f précédemment
mentionné de la loi du 24 Août 2000 relative aux brevets
d'invention et la loi du 10 Mai 1999 relative aux semences, plants et
obtentions végétales43(*) font que c'est cette dernière qui
prévaut lorsqu'il s'agit de protéger une variété
végétale par les DPI44(*).
§3. Brevetabilité des micro- organismes,
des cellules et des gênes :
En vertu de l'ADPIC, les membres de l'OMC ne peuvent pas
exclure les micro-organismes de la brevetabilité que ceux-ci
résultent ou ne résultent pas de procédés
micro-biologiques (article 27.3b).45(*)
Par une autre voie, et en l'absence d'une définition
des micro-organismes, l'OEB fut en mesure de traiter les cellules et les
parties de cellules et les gènes comme des micro-organismes.46(*)
Deux hypothèses doivent ainsi être
distinguées : le cas où les micro-organismes sont obtenus
par des procédés microbiologiques et le cas où on ne fait
pas recours à de tels procédés.47(*)
C'est pour la première hypothèse que la
brevetabilité est permise. La CBE prévoit expressément
dans son article 53b que les produits obtenus par des procédés
microbiologiques sont brevetables. Dans cette optique, la directive 98/44/CE
dispose également que les produits obtenus par des
procédés microbiologiques sont brevetables.48(*)
De cette façon, on est passé de la
brevetabilité des procédés microbiologiques à celle
des produits microbiologiques.
Dans tous les cas, l'article 27.3b ADPIC impose aux parties
membres de l'OMC la brevetabilité des micro-organismes quelque soit le
procédé utilisé et c'est pour cela que nous
décrivons ce texte comme source du mal, un « mal »
pour la diversité biologique non seulement pour les produits mais aussi
pour les procédés de production.
Là aussi le précédent émane de la
jurisprudence américaine. En effet, l'affaire
« Bergy » et l'affaire « Diamond v.
Chakrabarty » sont les deux cas fondateurs de la brevetabilité
des micro-organismes aux Etats-Unis.
Dans le cas « Chakrabarty », le biologiste
du même nom avait génétiquement modifié une
bactérie pour qu'elle devienne en mesure de dégrader plusieurs
types d'hydrocarbures. Elle est d'une utilité inestimable pour le cas
des marées noires. Jusque là, il fallait faire recours à
deux types de bactéries. En plus, la bactérie de Chakrabarty
avait l'avantage de servir d'aliments pour les animaux marins une fois que sa
mission est accomplie.
L'examinateur chargé de sa demande l'avait
rejeté en tant que produit car c'était selon lui un produit de la
nature et par la suite, il n'était pas brevetable. Chakrabarty interjeta
appel et la Cour d'appel rejeta la décision de l'Office en
décidant que le micro-organisme était une invention qui fait
partie des inventions brevetables.
Par la suite, le président de l'Office avait fait
recours devant la cours Suprême qui décida de renvoyer le cas
devant la cour d'appel pour qu'elle reconsidère son argumentation. La
cour d'appel reconfirmera sont point de vue : les micro-organismes sont
brevetables.49(*)
Dans l'affaire Bergy50(*), les inventeurs revendiquaient un
procédé de production d'antibiotique. Ce dernier était
obtenu grâce à une fermentation obtenue par l'action d'une
bactérie. Ainsi, en plus du procédé, on revendiquait la
culture biologiquement pure de ladite bactérie, en d'autres termes,
l'inventivité et le génie du biologiste résidait dans
l'isolation d'une seule bactérie parmi des milliers. C'est ce qui ne se
trouve pas dans la nature, et c'est ce qui a conduit la Cour à
prétendre que la culture pure d'un micro-organisme existant dans la
nature est un produit brevetable.
A partir des cas Bergy et Chakrabarty, tout micro-organisme
est susceptible d'être breveté à condition d'être
isolément cultivé ou génétiquement modifié.
Or dans les deux cas, le micro-organisme est connu, et il est clairement
dérogeant à la condition de non évidence.
SECTION 2 : LA BREVETABILITE DES
PROCEDES :
La pierre angulaire de notre analyse est la distinction entre
les procédés principalement biologiques et les
procédés microbiologiques.
Au fait, on entend par le terme
« procédé » la manière d'opérer
et qui consiste soit en un emploi d'organes ou d'instruments en vue de
l'obtention d'un produit ou d'un résultat51(*).
Dans le domaine des biotechnologies, il s'agit surtout de
procédés où l'on utilise des micro-organismes, et ce
notamment pour les procédés de fermentation et des antibiotiques,
ainsi que des techniques d'obtention des produits comme pour le cas d'isolement
présenté précédemment.
La règle qui régit cette question est la
suivante : on admet la brevetabilité des procédés
microbiologiques (a) alors que les procédés
essentiellement biologiques ne le sont pas (b).
§ 1. Brevetabilité des procédés
microbiologiques :
A la différence des procédés biologiques,
toutes les conventions analysées prévoient la
brevetabilité des procédés microbiologiques. Tel est le
cas de l'article 2 de la convention de Strasbourg, l'article 53b de la
Convention du Brevet Européen et l'article 3.1 de la directive
98/44/CE.
Dans cette même optique, l'article 27.3b de l'ADPIC dont
la portée, nous le rappelons, s'étale à tout les pays
membres de l'OMC exige expressément que :
« 3. Les Membres pourront aussi exclure de la
brevetabilité:
a) les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et
chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux;
b) les végétaux et les animaux autres que
les micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques
d'obtention de végétaux ou d'animaux, autres que les
procédés non biologiques et microbiologiques. Toutefois, les
Membres prévoiront la protection des variétés
végétales par des brevets, par un système sui generis
efficace, ou par une combinaison de ces deux moyens. Les dispositions du
présent alinéa seront réexaminées quatre ans
après la date d'entrée en vigueur de l'Accord sur
l'OMC. »
Donc par la lecture a contrario, nous obtenons une
interdiction expresse de toute prohibition de ces
procédés.52(*)
§2. Exclusion de la brevetabilité
des procédés biologiques :
Les procédés biologiques sont unanimement
définis comme étant des processus naturels hors la maîtrise
technique de l'homme. Il en est ainsi des procédés classiques de
sélection et d'hybridation des variétés
végétales qui peuvent se dérouler sans intervention de
l'homme.
Pour cette raison le droit communautaire énonce que
lorsque le procédé est principalement biologique, il est exclu de
la brevetabilité.
Tel est le cas de l'article 2b de la convention de Strasbourg,
l'article 53b de la Convention du Brevet Européen et l'article 2.2 de la
directive 98/44/CE qui dispose que le procédé essentiellement
biologique doit être exclu du domaine de brevetabilité
« s'il consiste intégralement en des phénomènes
naturels tels que le croisement ou la sélection ».
CHAPITRE 2 : LES EXCEPTIONS À LA
BREVETABILITE
DE CERTAINS ELEMENTS DE LA
DIVERSITE BIOLOGIQUE :
En principe, l'ordre public et les bonnes moeurs servent de
démarcation pour tout ce qui dépasse le tolérable de toute
étique (section 1). De plus est, une petite précision se veut
fortuitement recommandée pour le cas particulier du corps humain et pour
sa brevetabilité (section 2).
SECTION 1 : L'ORDRE PUBLIC ET LES
BONNES MOEURS :
L'ordre public et les bonnes moeurs servent souvent de
frontière entre la prohibition et la permission. Nous tenterons de les
définir sous l'optique de la brevetabilité de la
biodiversité (paragraphe second), et nous analyserons la mise en oeuvre
de l'exclusion (paragraphe premier).
§1. Mise en oeuvre de l'exclusion
Il serait instructif à ce stade de procéder
à un inventaire des textes qui régissent la matière (a),
pour en préciser par la suite l'interférence avec le
critère de l'utilité (b).
a. L'état des textes :
Le brevet ne certifie pas la valeur sociale ou
l'utilité de l'invention, sa délivrance ne se fait qu'au regard
des critères techniques de nouveauté, d'activité inventive
et d'application industrielle.
La reconnaissance progressive des inventions biotechnologiques
a suscité des interrogations du point de vue éthique.53(*)
La majorité des textes cités énonce que
le brevet n'est pas délivré si la publication ou la mise en
oeuvre des inventions s'avère contraire à l'ordre public et aux
bonnes moeurs : l'article 2 de la convention de Strasbourg, l'article 53b
CBE, l'article 3.1 de la directive 98/44/CE.
Sur le plan national, le législateur tunisien s'est
expressément prononcé en la matière disposant dans
l'article 3 alinéa 2 de la loi du 24 Août 2000 relative aux
brevets d'invention que :
« Le brevet ne peut pas être
délivré pour :
(...)
les inventions dont la publication ou la mise en oeuvre
seraient contraires aux bonnes moeurs, à l'ordre public, à la
santé publique ou à la sauvegarde de
l'environnement. »
Cet article est pratiquement identique à son
équivalent français, soit l'article L.611-17 du code de
propriété intellectuelle qui dispose que :
« Ne sont pas brevetables :
les inventions dont la publication ou la mise en oeuvre serait
contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, la mise en oeuvre d'une
telle invention ne pouvant être considérée comme telle du
seul fait qu'elle est interdite par une disposition législative ou
réglementaire »
Le code français apparaît donc plus insistant
quant aux détails puisqu'il ajoute que : «le corps humain, ses
éléments et ses produits ainsi que la connaissance de la
structure totale de la structure d'un gène humain ne peuvent, en tant
que tels, faire l'objet de brevets ».
A ce titre, nous sentons là aussi l'absence de
l'optique « bioéthique »54(*) du Code des États-Unis
par rapport aux lois Tunisienne et Française. En effet, le Titre 35
§101 intitulé « inventions brevetables »
dispose que : « Quiconque invente ou découvre un
procédé, une machine, un article manufacturé, ou une
composition de matières, nouveaux et utiles, ou un perfectionnement
nouveau et utile de ceux-ci, peut obtenir un brevet pour cette invention ou
découverte aux conditions et selon les exigences du présent
titre. »
Il est vrai que dans le cas des textes exposés
ci-dessus il existe une ambiguïté quant à la
définition des bonnes moeurs et de l'ordre public, qui sont des notions
floues, qu'ils sont variables, subjectifs... Mais la moindre des choses, c'est
que de telles limites soient édictées dans le droit positif.
Il n'y a donc pas de limite éthique ou morale au
principe de brevetabilité, ce qui explique la facilité de la
propagation de la brevetabilité du vivant qui a eu lieu, et qui s'est
même vue exportée aux reste du globe par l'universalisation de
cette vision au sein de l'accord ADPIC.
b. L'interférence avec le critère
d'utilité :
Les dispositions françaises ci-dessus avancées
semblent accepter qu'il y ait théoriquement une invention brevetable
mais cette dernière est par la suite exclue de la brevetabilité
pour un vice donnée alors qu'aux États-Unis l'invention immorale
n'est jamais considérée comme potentiellement brevetable
puisqu'elle ne répond pas à la condition d'utilité.
Autrement dit, en France comme en Tunisie, c'est la mise en
oeuvre de l'invention qui est visée et non pas l'invention en tant que
telle. De plus, l'article L.611-17 CPI dispose qu'une invention interdite par
une disposition légale ou réglementaire n'est pas pour autant
automatiquement reconnue contraire à l'ordre public et aux bonnes
moeurs. Ce principe est illustré par la décision de la cour
d'appel de Paris où, en l'espèce, une remorque pour voiture qui
n'était pas conforme aux normes exigées par le code de la route,
et la cour décida que la preuve de contrariété à
l'ordre public n'est pas rapportée, et la demande en nullité n'et
pas fondée55(*).
Cette optique et en plus fondée sur les dispositions de
l'article 4 quarter de la Convention d'Union de Paris : « la
délivrance d'un brevet ne pourra être refusée et un brevet
ne pourra être invalidé pour le motif que la ente du produit
breveté ou obtenu par un procédé breveté est
soumise à des restrictions ou limitation résultant de la
législation nationale ».
Ce raisonnement n'est pas vérifié dans la
jurisprudence américaine. L'invention dont l'utilisation est
illégale ou immorale est écartée du champ de
brevetabilité pour absence d'utilité. Ce qui est immoral ne peut
pas être utile. A titre d'exemple, un billard électrique (flipper)
est brevetable pour absence d'un but lucratif dans l'esprit de son utilisateur
qui peut au meilleur des cas prétendre à une partie
gratuite56(*). Au
contraire, en contravention avec la législation alors en vigueur
interdisant la loterie payante, on a refusé une cloison contenant des
orifices obturés par du papier cachant un lot déposé dans
quelques orifices.57(*)
En France un jeu de hasard fut considéré
contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs et aux lois du royaume
sous l'empire de la loi de 1844.
En dehors des jeux, aux Etats-Unis, fut refusée une
invention qui permettait de créer des taches sur les feuilles d'un tabac
car le but était de tromper intentionnellement le consommateur sur la
qualité et la provenance dudit tabac.58(*)
La position inverse est prise à la même
époque en France : Le brevet portant sur le perfectionnement aux
préservatifs y est annulé car « dans l'espèce,
s'il est vrai que l'appareil peut préserver contre les maladies
vénériennes, s'il est même possible que l'inventeur n'ait
eu d'autres préoccupations en demandant le brevet, il n'en est pas moins
manifestement certain que l'invention est susceptible de recevoir une autre
utilisation ; qu'elle permet en pratique les funestes théories
malthusiennes ; qu'elle est de nature à nuire à la
repopulation en empêchant la procréation »59(*).
En France comme aux États-Unis le juge décide au
final de ce qui est utile et de ce qui est licite mais l'administration n'a en
revanche pas le même rôle dans les deux pays. L'article
L.612-12-4° du CPI dispose que doit être rejetée lors de son
examen par l'administration toute demande de brevet manifestement non
brevetable en vertu de l'article L.611-17. Aux États-Unis en revanche,
la chambre d'appel de l'office des brevets a affirmé que l'office
« ne devrait pas être l'administration responsable de
l'application d'un standard de moralité... en refusant, sur le fondement
d'absence d'utilité, de délivrer un brevet »60(*).
§2. Tentative de définition de
l'ordre public et des bonnes moeurs
Il est difficile de définir formellement les questions
de licéité et de moralité englobées outre
l'atlantique par la notion d'utilité. Il y en a différentes
expressions proches mais jamais identiques.
En 1817, une cour parlait « d'atteinte au bien
être, au bon intérêt public ou aux critères moraux de
la société ». En plus « le mot utilité
est ainsi incorporé à la loi en contradiction avec dangereux ou
immoral » 61(*).
En matière de dangerosité, un jugement
français écarte l'exclusion d'un procédé pour
atteinte à l'ordre public. Il avait été
délivré pour un procédé de
récupération des bains acides de brillantage de pièces en
aluminium. Le demandeur estimait lors d'une action en nullité que les
réactions chimiques du système de purification et d'extraction
des acides étaient dangereuses. Toutefois, le tribunal juge qu'il faut
rejeter « le moyen de nullité tiré d'une
prétendue contrariété à l'ordre public.62(*)
Il convient de noter qu'aux Etats-Unis, on n'a même pas
à prendre en compte la dangerosité d'une invention ou de son
utilisation pour atteinte à l'ordre public. En effet, être
dangereuse signifierait systématiquement l'absence d'utilité pour
le public. Tel était le cas d'un pare-brise qui pouvait être
incliné dans plusieurs positions car à un angle donné le
conducteur avait une visibilité très réduite.63(*) La sécurité peut
donc être traduite en un critère d'utilité, soit de
brevetabilité.
Finalement, c'est au cas par cas que les arrêts tentent
de fournir un care de ce qui est immoral. Même si on envisagerait de
donner une étiquette à des notions qu'on intitulerait d'ordre
public et bonnes moeurs, il n'y aurait que des notions cadre qu'il faudrait
redéfinir au cas par cas en suivant le cours de la progression technique
et les demandes de brevets.
Aux Etats-Unis, il est possible de recourir au dictionnaire
juridique Black64(*) pour
combler l'absence de définition jurisprudentielle.
« Immoral » y est définie comme
« contraire aux bonnes moeurs ; en désaccord avec les
règles et principes de moralité ; en contradiction avec le
bien être public en fonction des critères d'une communauté
donnée, tels qu'exprimés dans la loi ou autrement ». A
l'opposé, « moral » y est défini comme
« s'appliquant au critère, à la conduite, à
l'intention, aux relations sociales, etc. ».
Si les définitions françaises et
américaines des bonnes moeurs et de l'ordre public se rapprochent en ce
que se sont des notions cadres porteuses d'une morale sociale ou des exigences
sociales axés en priorité sur la morale sexuelle et les gains
immoraux, en matière de brevet cependant, la question de la personne
humaine semble mois liée à ces notions aux États-Unis
qu'en France, notamment du fait de l'exemplification qui a lieu dans la loi
française.
SECTION 2 : BREVETABILITE ET ETRE
HUMAIN :
Dans l'analyse qui suit, nous ferons une mise au point de
l'état des textes qui régissent la question (§
1), de la question de la génétique (§
2) et de l'application des conditions de brevetabilité à
la question de l'être humain (§ 3).
§ 1. Etat des textes :
Jusqu'à une époque récente, personne n'a
songé à une prohibition expresse relative à la
brevetabilité de l'être humain. La chose allait de soi tant il
paraissait évident qu'une telle revendication serait immorale et
à l'encontre de l'ordre public et la mise en oeuvre serait contraire aux
prescription de la morale sociale la plus élémentaire.
Rappelons que sur le plan national, le législateur
tunisien dispose dans l'article 3 alinéa 2 de la loi du 24 Août
2000 relative aux brevets d'invention que :
« Le brevet ne peut pas être
délivré pour :
(...)
les inventions dont la publication ou la mise en oeuvre
seraient contraires aux bonnes moeurs, à l'ordre public, à la
santé publique ou à la sauvegarde de
l'environnement. »
Son homologue français, énonce lui aussi dans
l'article L.611-17 du code de propriété intellectuelle :
« Ne sont pas brevetables :
les inventions dont la publication ou la mise en oeuvre serait
contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, la mise en oeuvre d'une
telle invention ne pouvant être considérée comme telle du
seul fait qu'elle est interdite par une disposition législative ou
réglementaire ». Mais le code français apparaît
donc plus insistant quant aux détails puisqu'il ajoute que :
«le corps humain, ses éléments et ses produits ainsi que la
connaissance de la structure totale de la structure d'un gène humain ne
peuvent, en tant que tels, faire l'objet de brevets ». L'ajout de ce
détail lors du vote de la loi n°94-653 du 29 Juillet 1994 relative
au respect du corps humain, soit la deuxième loi
« bioéthique », était une réaction
alarmée après le dépôt de l'institut
américain de la santé et de son président de centaines de
demandes de brevets concernant des séquences génétiques
dont la fonction demeure inconnue. Même si les demandes furent
rejetées outre-Atlantique, la loi française a été
modifiée. Ce texte est une application particulière de la formule
générale qu'on retrouve à l'article 16-1 alinéa 3
du code civil français qui dispose que « le corps humain, ses
éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit
patrimonial ».
Comme on l'a vu précédemment, le
législateur américain n'a pas de textes comparables à
l'aspect « bioéthique » du législateur
tunisien et de son homologue français65(*), surtout que ce dernier a consolidé sa
position en adoptant en 1994 sa deuxième loi bioéthique relative
au corps humain66(*). La
brevetabilité de l'être humain en sera l'énième
aperçu.67(*)
Après les précédents Bergy et Chakrabarty
les arguments sur l'immoralité sont dépourvus
d'intérêt pour les juges. Le seul texte qui pourrait gêner
cette tendance serait le treizième amendement de la constitution des
États-Unis qui interdit la servitude involontaire. C'est justement sur
la base de ce texte que l'Office américain des brevets a
déclaré qu'il refuserait tout brevet portant sur l'homme.
Cependant il existe des procédés et des produits
qui sont fondamentaux en ce qu'ils permettent de définir biologiquement
l'être humain. Cela est vérifiable après le
séquençage du génome humain qui doit permettre, à
terme, de connaître la localisation de chaque gène le long des
filaments d'ADN qui forment les chromosomes, au moins pour la partie dite
active du génome. Si le gène est localisé, et si sa
fonction est connue, il devient par exemple possible, par l'étude du
seul gène, de diagnostiquer une maladie et traiter une maladie
génétique par une action sur le gène.
A titre d'exemple, dans l'affaire Amjen v. Chugai
Pharmaceutical Co. Ltd68(*)
on a eu à juger de l'appartenance aux catégories
légales d'invention d'un gène, breveté par Amjen69(*), revendiqué sous la
forme d'un morceau d'ADN. En se basant sur le cas Bergy où on a eu
à faire au cas d'isolation d'un micro-organisme et non pas le
micro-organisme en tant que tel, la cour du Massachusetts déclare que
« l'invention revendiquée [...] est la séquence d'ADN
« purifiée et isolée » codant
l'erythroprotéine ».70(*)
De telles jurisprudences permettent à certains de
parler de « dérives » des droits de
propriété intellectuelle. Une réelle crainte est alors
amorcée, crainte de ce que l'être humain puisse se voir sujet de
spéculation.71(*)
§ 2. Brevetabilité et
génétique :
La question de la génétique occupe une position
prépondérante non seulement dans le débat de la
brevetabilité du corps humain, mais nous la retrouvons
omniprésente dans toute discussion qui porte sur les biotechnologies.
Des brevets sur des fragments d'ADN ont été
délivrés aux États-Unis comme en France. Pour savoir s'il
s'agit d'une invention brevetable ou d'un simple produit de la nature, il
convient expliquer de façon concise ce qu'est l'information
génétique (a) pour pouvoir ensuite faire une approche de la
brevetabilité des gènes (b).
a. présentation du matériel
génétique :
Présenter une description succincte des processus en
jeu permet une meilleure compréhension de la façon dont le droit
y est appliqué. Sans se délivrer à une étude
détaillée de la cellule et des différentes phases de son
existence, il suffit d'expliquer le rôle de l'information
génétique au sein d'un organisme donnée et les rudiments
du mécanisme en fonction duquel l'information est recopiée car
c'est sur certaines portons de ce mécanisme fondamental ou sur certains
produits et procédés qui y sont liées que portent
aujourd'hui la majeure partie des demandes de brevets72(*).
Les gènes renferment l'information nécessaire
à la création des protéines. Ces dernières ont des
rôles divers et fondamentaux, servant par exemple à la croissance,
de la catalyseur aux réactions biochimiques et d'innombrables autres
fonctions. Produites par organisme donné, elles sont construites
d'acides aminés liés entre eux par des peptides. Pour savoir quel
acide aminé utiliser et dans quel ordre les disposer pour obtenir la
protéine désirée, la cellule a besoin du plan de
construction c'est-à-dire de l'information concernant l'assemblage.
C'est dans l'ADN que se trouve cette information. L'ADN (acide
désoxyribonucléique) est constitué de séquences de
molécules appelées bases. Ces bases sont groupées par
trois pour former un « mot », et chaque mot de trois bases
correspond à un acide aminé donné. L'ordre de disposition
des différents acides aminés est ainsi obtenu par ordre de ces
« mots » le long du filament de l'ADN.
Toutefois, si l'ADN contient l'information, ce filament ne
participe pas directement à la synthèse des protéines.
C'est plutôt sur un filament supplémentaire appelé ARN
(acide ribonucléique) que se trouve une empreinte de l'information de
l'ADN, soit un négatif qui schématise les séquences de
base. L'ARN est à son tour copié pour obtenir l'ARNm (ARN
messager) qui constitue la « copie de travail ».
L'enchaînement de « mots » sur
l'ARNm sera lu par des molécules appelées ribosomes. Ils les
lisent en suivant le filament et attachent les acides aminés
correspondant dans l'ordre de lecture, et c'est ainsi que la protéine
souhaitée est synthétisée.
L'étude et l'éventuelle utilisation de ce
phénomène nécessitent la mise en oeuvres de plusieurs
procédés tels que les procédés d'isolation, ou ceux
de culture et de préparation. En plus, un bon nombre de produits
interviennent dans ce phénomène ou un résultent tels un
plasmide73(*) ou un
vecteur74(*), ou un
organisme génétiquement modifié, voir une séquence
d'ADN ou un gène.
C'est justement ici qu'intervient la question de la
brevetabilité de ces différents produits et
procédés.
b. le gène comme invention brevetable :
Si le législateur français se distingue de son
homologue américain en ce qu'il mentionne expressément dans sa
loi sur les brevets le corps humain, l'article L.611-17 du CPI va plus loin et
en visant plus spécifiquement « la structure totale ou
partielle d'un gène humain ».
Toutefois, si ce sont le corps humain et ses produits qui ne
peuvent pas être brevetés, la loi indique que la seule
« connaissance de la structure » d'un gène qui ne
peut pas être appropriée. Mais c'est la une disposition absurde
car « en toutes hypothèses une connaissance n'est pas
brevetable »75(*), et est-il utile de dire dans la loi des choses qui
sont évidentes »76(*).
Le législateur semble avoir maladroitement
cherché à mettre l'accent sur la différence entre la
découverte du gène et les technique permettant de l'isoler. Mais
l'essentiel est ailleurs : est-ce possible que le gène soit
revendiqué en tant que produit ?
Au départ, il se trouve certes sur un filament d'ADN,
et ce filament existait dans la nature avant toute intervention de l'homme.
Mais un produit biologique n'a jamais été revendiqué tel
qu'en l'état de la nature, mais en l'état issu des interventions
d'isolement et de purification. Dès lors, le fragment d'ADN brut n'est
pas brevetable tel qu'extrait du corps humain, en revanche un gène
purifié dont on a étudié la fonction et qui est
revendiqué comme moyen au sein d'une invention plus vaste ne doit pas
être à priori exclus de la brevetabilité.
C'est dans un cas similaire que la Cour d'Appel de
Paris77(*) a
confirmé la validité d'un brevet qui portait sur les
procédés de production de la protéine HCH78(*), mais sans pour autant mettre
en place un principe général sur la brevetabilité du
vivant. En l'espèce, parmi les moyens utilisés pour l'application
du procédé, on a ajouté à un plasmide
bactérien un morceau de gène responsable de la synthèse
d'une hormone humaine. En suivant son activité naturelle, la
bactérie va servir d'atelier de production de l'HCH. Pour tenter
d'obtenir l'annulation de la revendication du plasmide duplicable incorporant
le gène de l'HCH, la demanderesse n'invoque pas l'article L.611-17 et
l'exclusion du « corps humain, ses éléments et ses
produits, ainsi que la connaissance totale ou partielle de la structure d'un
gène humain », mais les défauts d'application
industrielle, de nouveauté, d'activité inventive et de
description suffisante. La décision de la Cour fut que le plasmide
modifié est un produit brevetable car il remplit les conditions de
brevetabilité.
Aux Etats-Unis, depuis que « tout ce qui est fait
sous le soleil par l'homme »79(*) est une invention brevetable, et en absence
d'exclusion légale, on peut se demander si le gène
revendiqué est un phénomène ou produit de la nature.
Ce fut le cas de l'affaire Amgen Inc. v. Chugai Pharmaeutical
Co. Ltd., et dans l'espèce fut comme suit : La
société Amgen attaquait l'autre partie en contrefaçon du
gène responsable de l'érythropoïétine (EPO) humaine
et qui serait en violation du brevet80(*)de procédé de synthèse qui le
revendiquerait. C'est en l'occurrence une séquence d'ADN purifiée
et isolée de l'EPO, la protéine qui stimule la production de
globules rouges. Elle lutte ainsi contre les anémies et d'autres
troubles sanguins dans lesquels sont dus à une production anormale des
globules rouges. Il est possible de la produire en purifiant l'urine puisque
c'est dans ce dernier qu'elle se trouve. Cependant Amgen a identifié le
gène responsable de sa production et elle l'a introduit dans une cellule
laquelle va, en suivant sont cycle normale de vie, se mettre à
synthétiser la protéine EPO. En addition à cela, le brevet
en question revendique une cellule modifiée en ce qu'elle contient la
séquence d'ADN et est capable de produire l'EPO.81(*)
En déniant l'acte de contrefaçon, le concurrent
d'Amgen invoque l'absence d'invention pour attaquer en nullité le brevet
en cause.
Cependant, sous l'optique du cas Bergy82(*) où la culture pure d'un
micro-organisme existant dans la nature avait été reconnue comme
une invention brevetable, le tribunal du Massachusetts indique que
« l'invention revendiquée dans le brevet n'est pas, comme le
plaignant le dit, la séquence d'ADN codant l'EPO humaine car ceci est un
phénomène naturel non brevetable, accessible à tous les
hommes et exclusivement réservé à aucun. [...].
Plutôt, l'invention revendiquée est la séquence d'ADN
purifiée et isolée codant
l'érythropoïétine.
§ 3. Application des conditions de
brevetabilité
au génome humain :
Il est instructif d'observer la manière dont les
critères de brevetabilité sont appréciés car la
jurisprudence en la matière, quantitativement évoluée aux
Etats-Unis, est vraisemblablement un point de repère pour les
législateurs.
Il convient donc de faire cas à l'utilité et
l'application industrielle du matériel génétique (a),
à la nouveauté de certaines inventions en matière de
génétique (b) et à l'activité inventive (c).
a. L'utilité et l'application industrielle du
matériel génétique :
Dans le cas de l'Hormone de Croissance Humaine, la Cour
d'appel de Paris83(*) a
infirmé le jugement dans lequel le tribunal avait annulé la
revendication du plasmide comprenant le gène qui permettait la
synthèse de l'HCH pour défaut d'application industrielle. Selon
le défendeur, le nouveau moyen que constitue le plasmide pouvait
être revendiqué en des termes fonctionnels. La principale fonction
du plasmide est de permettre l'expression de l'HCH sans que soit en même
temps produite une protéine étrangère. Pour sa part, la
demanderesse estimait que par une telle formulation, le breveté ne
faisait que revendiquer un résultat, en l'occurrence, la synthèse
de l'HCH, et le résultat génétique n'est pas brevetable en
lui-même, exception faite des moyens de sa mise en oeuvre. En
première instance, le tribunal jugeait que la revendication porte sur un
résultat pouvant être obtenu par divers procédés
mais aucune précision n'est fournie quant à la préparation
du gène de l'HCH en vue de son insertion dans le plasmide ou quant
à la structure de l'ADN au sein du plasmide bactérien en
question. Ce manque de précision fait que «dès lors, un
plasmide exprimant l'HCH seule n'est pas susceptible d'application industrielle
faute de pouvoir être fabriqué ou utilisé dans l'industrie
au vu de l'enseignement de cette revendication »84(*).
La Cour de Paris infirme le jugement quand le breveté
interjeta appel. La Cour rappelle que «la faculté de
présenter une revendication sous forme fonctionnelle est
admise».85(*) La Cour
écarte par la même occasion l'optique selon laquelle «une
définition fonctionnelle d'un moyen consiste à définir
positivement la façon dont le moyen opère». Il est possible
de définir la fonction du moyen «par des caractéristiques
négatives». En l'espèce, le plasmide se définit en
tant que moyen par sa fonction qui est de permettre la production d'HCH sans
qu'une protéine étrangère lui soit jointe. Par ailleurs,
et puisque l'interprétation de la revendication se fait moyennant la
description et les dessins, l'homme du métier peut immédiatement
comprendre que le plasmide doit comporter le gène codant pour l'HCH la
fonction dudit plasmide.. Le plasmide est donc susceptible d'application
industrielle.
Le précédent qui concrétisa cette
application du critère de l'utilité et de l'application
industrielle émane là aussi de la jurisprudence
américaine. En effet, aux Etats-Unis, le demandeur doit pour satisfaire
la condition d'utilité indiquer un cas d'utilisation de son invention.
En outre, le cas auquel il faut se référer est la décision
de la Cour Suprême dans Brenner v. Manson86(*). Ce cas concernait un procédé
permettant l'obtention d'un produit chimique dont l'inventeur indiquait
seulement qu'il appartenait à une catégorie des produits
chimiques pour lesquels on cherchait de possibles applications. La Cour
Suprême a indiqué que le fait que le procédé ne
permette que l'obtention du produit chimique décrit ne suffit point et
le fait que ce produit soit soumis à des tests permettant de
déterminer une utilisation éventuelle ne suffit pas à
prouver son l'utilité.
C'est sur ce fondement juridique qu'ont été
rejetées les premières 351 demandes déposées par
l'Institut National de la Santé américain, concernant des
gènes humains87(*).
Ces demandes portaient sur des morceaux d'ADNc ayant comme adjectif l'isolation
de la partie exprimée de certains gènes, sans que pour autant on
puisse connaître la fonction de ces gènes. En d'autres termes,
l'utilité spécifique de chaque gène isolé ne
pouvait pas être indiquée par le demandeur. Par contre, on pouvait
être indiquée l'utilisation générale de tous les
fragments d'ADNc et qui pouvait être indiquée dans chacune des 351
demandes.
A titre d'exemple, si un fragment d'ADNc représente un
gène, à l'état naturel, ce gène se trouve inscrit
quelque part le long d'un filament d'ADN qui constitue un chromosome. Nous
savons que chaque chromosome comporte un très grand nombre de
gènes. Sachant que chaque gène est constitué d'une suite
de bases qui lui est propre, la suite de base contenue par l'ADNc peut
être comparée à toutes celles contenues sur les chromosomes
jusqu'à ce que l'on retrouve la suite identique. Sans connaître la
fonction précise du gène, on a pu le localiser avec
précision parmi tous les autres gènes au sein du génome.
L'utilité de tout les ADNc serait alors de permettre la localisation
d'un gène au sein du génome. Pourtant, l'office américain
des brevets a rejeté la brevetabilité des gènes car
même s'ils ont une utilisation commune, l'utilité de chaque
gène n'est pas clairement indiquée. En vertu du cas Brenner v.
Manson, le seul fait qu'un gène puisse être utilisé pour de
nouveaux recherches ne suffit pas, il faut que soit indiquée une
utilisation finale pour le public.
A l'opposé de cela, dans le cas du brevet portant sur
l'EPO humaine88(*),
l'utilité du fragment d'ADNc était de permettre la production
d'une protéine qui aurait , une fois trouvée, permit le
traitement de certaines maladies identifiées telle l'anémie.
La dissemblance entre les deux cas tient à ce que dans
le premier, la fonction de chaque gène au sein des fragments d'ADNc
n'était pas connue, alors que dans le deuxième cas, la fonction
du gène était clairement déterminée et
précise: il permettait la synthèse d'EPO.
Au sujet du point particulier de la fonction d'un gène,
le G8 consacré à la bioéthique réunit à
Bordeaux en juin 2000 a mis en évidence les divergences existant dans
différents pays quant à la détermination de la fonction
d'un gène. On admet communément que la seule relation entre un
gêne et la protéine qu'il peut produire ne soit plus suffisante
car un seul gêne pourrait avoir plusieurs fonctions89(*).
En effet, une fois que le gène soit isolé et
ayant identifié quelle protéine il permettait de
synthétiser, on a d'abord remarqué que la seule fonction du
gène était la synthèse de la protéine. Toutefois,
il semble de plus en plus certain aujourd'hui que le gène interagit avec
des parties pas encore identifiées du reste de l'ADN et cette
interaction sert à régulariser d'autres activités dans le
corps humain.
b. La nouveauté de certaines inventions en
matière de génétique :
En matière de génie génétique,
c'est encore la décision concernant l'HCH qui fournit en France un
repère d'application de la condition de nouveauté. La
nullité de la revendication concernant le plasmide modifié
était fondée sur l'absence de nouveauté.
En effet, deux références exposant des
procédés d'élaboration de plasmides modifiés
étaient évoquées : l'un européen, l'autre
britannique, décrivant une méthode pour produire des
protéines par modification du patrimoine génétique d'un
hôte. En revanche, si toutes deux sont des brevets, aucune
séquence d'ADN codant pour une hormone de croissance n'est
divulguée. Le brevet européen n'évoque que de l'obtention
d'une protéine dite DHFR, alors que le brevet britannique ne fournit des
détails de réalisation de plasmides que pour ce qui concerne
l'insuline fusionnée à la somatostatine. La Cour rappelle que la
nouveauté «s'apprécie de manière stricte et ne peut
être détruite que par une antériorité de toutes
pièces [...] »90(*). L'absence de référence précise
à l'expression de l'HCH empêche ces brevets de constituer des
antériorités et à ce que la condition de nouveauté
fasse défaut.
Aux Etats-Unis, l'appréciation du critère de
nouveauté des inventions portant sur des fragments d'ADNc ne semble pas
poser de problème particulier. Un brevet ou une demande ne sera ainsi
antériorisé que dans l'hypothèse où l'art
antérieur contienne la référence détaillée
contenue dans la revendication.
Rappelons que la Cour d'Appel du circuit Fédéral
estime dans un cas de manipulation génétique d'une hormone de
croissance humaine que l'hormone synthétisée n'est pas identique
à celle naturellement produite par l'organisme vu que cette
dernière possède un acide aminé de plus ainsi que deux
autres de plus.91(*)
c. L'activité inventive
Aux États-Unis comme en France et en Tunisie,
l'application de la condition de non évidence est à priori la
même pour les règles générales de conditions de
brevetabilité et pour le génome humain.
Toutefois, aux Etats-Unis, une dérogation existe au
principe de non évidence que pose la section 103(a) de l'article 35 USC,
et c'est ce qui permet le brevetage de procédés normalement
évidents. En addition à cela, il convient de consacrer un
développement particulier aux dispositions spéciales de la
section 103(b) du même article.
? Application des critères généraux
et la dérogation de la section 103(a) :
Que se soit en Tunisie ou en droit comparé
Français et Américain, il n'existe pas de théorie
générale de la non évidence afférente à la
brevetabilité des inventions de génétique humaine ou
autre.
Un exemple d'application est donné en France par la
décision de l'HCH92(*). Même si le domaine technique en question est
des plus récents, la recherche des antériorités et les
conséquences juridiques qui en sont tirées sont conformes
à l'application habituelle de cette condition. La partie qui cherchait
à annuler la revendication portant sur un plasmide bactérien
modifié et qui soit en mesure de synthétiser l'hormone de
croissance humaine s'était fondée sur un ensemble
d'antériorités et dont la combinaison devrait démontrer le
caractère évident du moyen. Cette partie estimait qu'un premier
brevet avait dévoilé que l'HCH peut être exprimé au
moyen d'un plasmide bactérien, et qu'un deuxième enseigne la
séquence du gène codant le HCH. Il serait alors évident
pour l'homme du métier de réaliser le HCH par le biais du
génie génétique.
Pour sa part, le breveté cite un grand nombre
d'articles scientifiques qui insistent tous sur la difficulté de
réalisation de son procédé. Selon l'appelante, ces
articles confirment l'existence d'une difficulté pratique dans la
synthèse de l'HCH. Elle avance encore d'autres articles indiquant
différentes méthodes utilisées et les difficultés
et points d'achoppement rencontré. Elle indique notamment que si l'on
passait par un plasmide bactérien, pour produire une molécule
dans l'état de l'art on fusionnait deux protéines puis on
séparait celles-ci. L'opération de séparation impliquant
la destruction du HCH, l'appelante a du tenter de produire une protéine
pure, ce qui était étranger à l'état de l'art et
à l'encontre de tout les enseignements accessibles.
Se sont justement les arguments de l'appelante que la Cour
d'appel de Paris avait retenu pour écarter la nullité de la
revendication pour cause d'évidence.93(*)
Aux Etats-Unis, dans le cas Bell94(*), le demandeur revendiquait le
fragment d'ADN humain qui permet la synthèse de deux facteurs de
croissance, à savoir, les protéines IGF-I et le IGF-II. L'office
américain des brevets avait rejeté la demande pour vice
d'évidence, puisqu'à un acide aminé de la protéine
correspond un groupe de trois bases au sein du gène. L'office
s'était basé sur deux référence : la
première présentait la suite d'acides aminés constituant
les facteurs IGF-I et IGF-II, et la seconde décrivait une méthode
générale d'isolation des gènes, et dont l'auteur avait
précisé qu'elle était applicable à tout type
d'opération d'isolation de ce genre et de tout type de
protéines.
Cependant, cette référence souligne
également que puisque plusieurs groupes de trois bases peuvent former un
même acide aminé, il vaut mieux, pour retrouver un gène
correspondant à une protéine donnée, d'opérer une
sélectionner au sein de la protéine des acides aminés qui
la caractérisent et dont on sait qu'ils n'ont q'un seule groupe de trois
bases qui puisse permettre leur synthèse. En effet, formé de ces
acides aminés qui ne peuvent avoir qu'une seule traduction en groupes de
bases, il est possible d'établir une séquence de bases unique,
laquelle, comparée à toutes les séquences de bases
meublant l'ADN, permet rapidement de trouver où se trouve le gène
responsable de la synthèse de la protéine. En revanche, si on
sélectionne, au sein de la protéine, des acides aminés
pouvant correspondre à plusieurs groupes de bases, on obtient plus d'un
résultat de suites de bases, tout en ignorant la suite de base qui
existe au sein de l'ADN et qui est utilisée par l'organisme. La solution
dans ce cas serait de comparer non pas une, mais chacune des suites de bases
pouvant correspondre à la protéine synthétisée.
Le savoir relatif à ces acides aminés et les
connaissances quant aux méthodes de traduction en bases furent que
l'office des brevets jugeait qu'une telle revendication devenait
évidente.
Toutefois, il n'était pas possible de
sélectionner l'IGF-I et l'IGF-II comme l'enseignait les
références précitées. En effet, l'IGF-I n'est
formé que d'acides aminés ayant plusieurs possibilités
d'écritures. Quant à l'IGF-II, il ne contient qu'un unique acide
aminé ayant une seule écriture en groupe de bases et dont les
caractéristiques ne suffisent point à définir la
protéine et permettre la localisation du gène. La solution alors
serait d'essayer un grand nombre de combinaison de groupes de bases pouvant
toutes correspondre au IGF-I et -II avant de localiser avec précision le
gène responsable de la synthèse au sein de l'ensemble de l'ADN de
l'homme.
Quand le déposant fit appel au rejet de sa demande, la
Cour d'appel note qu'il existe 1036 séquences de bases
pouvant théoriquement permettre l'obtention de la protéine, et
« qu'en absence dans l'art antérieur cité, de quoi que
ce soit qui suggère laquelle des 1036 séquences
possibles et obtenues [...] correspond au gène de l'IGF, l'office des
brevets n'a pas rapporté la preuve que l'art antérieur aurait
suggéré la séquence
revendiquée. »95(*)
La Cour d'appel indique par contre qu'il existe des cas
où il n'y a qu'une seule séquence de bases qui puisse
correspondre aux acides aminés de la protéine, et que dans ces
cas, il pourrait y avoir évidence. Dans cette optique, la non
évidence émane du fait que dans ces cas, en l'espèce, les
enseignements des deux références donnent lieu à un nombre
flagrant de possibilité de séquençage alors que la
revendication de la seule séquence contenue dans l'ADN de l'homme.
Dans le cas Deuel96(*), le déposant avait effectué des
recherches sur la multiplication de cellules, spécialement sur les
facteurs de croissances qui stimulent leur division et qui étaient des
protéines appelées HBGFs. Le remplacement des tissus
abîmés devenait plus rapide en fonction de la vitesse de
multiplication des cellules. Le déposant avait isolé et
purifié un HBGF contenu dans les tissus de l'utérus de la vache,
puis il en a déterminé les 25 premiers acides aminés. Il a
par la suite isolé le morceau d'ADNc qui permet la synthèse de
l'HBGF de la vache. De façon plus intéressante, il opéra
une comparaison de la copie d'ADNc du boeuf et celui de l'homme et c'est ce qui
lui permit de localiser le gène responsable de la synthèse de
l'HBGF dans les tissus d'un placenta humain. Le déposant revendiquait
ainsi les brins d'ADNc permettant la synthèse de l'HBGF bovin et
humain.
L'office des brevets décida que la condition de non
évidence faisait défaut, et cela en se basant sur deux
références. La première enseignait comment copier un
gène. La deuxième référence décrivait une
protéine HBBM favorisant la division des cellules du cerveau tant humain
que bovin.97(*) De plus
est, les 19 premiers acides aminés de l'HBBM sont identiques à
ceux du HBGF du déposant. L'examinateur estima que la connaissance d'une
protéine possédant 19 acides aminés identiques à
ceux identifiés encourageait le clonage du gène responsable de la
synthèse d'HBGF parce que les qualités de multiplication
enviables dudit HBGF étaient suggérées par sa ressemblance
à l'HBBM dont les qualités multiplicatrices étaient
notoires. En sachant comment copier un gène, il était
évident d'utiliser cette copie pour la comparer à n'importe quel
ADN afin de localiser et isoler le gène permettant la synthèse
du HBGF.
Quand le demandeur fit appel de la décision de rejet
par l'office, la Cour d'appel du circuit fédéral infirme la
décision en retenant la brevetabilité de l'ADNc bovin et humain
codant l'HBGF. Elle repousse la méthode employée par l'office qui
retient que la ressemblance des structures chimiques fait présumer
l'évidence, alors que parallèlement au cas Bell98(*), plusieurs groupes de bases
peuvent exprimer le même acide aminé.
En définitive, nous pouvons affirmer que la condition
de non évidence est à priori la même dans tout les domaines
du droit des brevets, mais nous traiterons par la suite le cas d'une
légère exception, qui est celle du paragraphe 103(b) de l'article
35 U.S.C.
? Critères spéciaux aux
biotechnologies :
Que ce soit en matière générale de
biotechnologie ou pour le cas particulier de génétique, il est
fréquent que l'inventeur utilise un produit dans un
procédé déjà connu et évident.
C'est par exemple le cas de l'inventeur d'une bactérie
génétiquement modifiée qui, pour produire une
protéine, ne peut toujours pas obtenir un brevet pour le
procédé de production car dans tout les cas de figures, le
procédé de synthèse d'une protéine est
déjà connu. A contrario, il arrive qu'un chercheur utilise un
procédé connu pour inventer un produit qui est quant à lui
brevetable.
Ces hypothèses ne sont point spécifiques aux
biotechnologies mais on les retrouve dans tous les domaines de la technique
où les produits brevetables résultent de procédés
qui sont connus. Pourtant, la section 35 USC§103(b) a l'aire de poser une
exception en disposant que, sous certaines conditions, les
procédés biotechnologiques évidents incluant une
composition de matière nouvelle et non évidente, doivent
être considérés comme non évidents.
En effet, lors de la présentation de cette exception
à la Chambre des Représentants, on avait prétendu
« qu'à moins qu'un brevet sur le procédé ne soit
obtenu, le produit final pourrait être fabriqué à
l'étranger puis importé pour être vendu aux
États-Unis sans qu'il y ait contrefaçon du brevet qui portent sur
les produits utilisés pour la mise en oeuvre du
procédés »99(*).
Le législateur indique que s'il limite cette exception
au domaine de biotechnologies, c'est pour contrôler les décisions
de l'office des brevets quant à la délivrance des brevets des
procédés biologiques, et qui sont devenues imprévisibles
à cause de deux décisions de la Cour d'appel du circuit
fédéral qui sont In re Durden100(*) et In re Pleuddemann101(*).
Dans Durden, la Cour décide que les produits de
départ non évidents employés dans un procédé
ne rendent pas ce dernier non évident. Dans Pleuddmann, la cour indique
que lorsque le produit inventé a un procédé d'utilisation
spécifique et brevetable, il est possible de revendiquer ce
procédé d'utilisation dans le même brevet que celui du
produit. Mais il semble que le législateur ait voulu renforcer la
protection conférée dans le domaine des biotechnologies, en
tentant de lutter contre certaines conditions de brevetabilité. Il tente
de restreindre les importations parallèles en étendant la
protection des produits à leurs procédés d'utilisation et
de production.
En synthèse, la non évidence des
procédés biotechnologiques n'est avérée que dans
certaines conditions mais lorsque celles-ci sont observées, les effets
peuvent êtres très importants.
Quant aux conditions de non évidence, La section §
103(b) permet qu'un procédé biotechnologique utilisant ou
produisant une composition de matière nouvelle et non évidente
soient considérés comme non évidents. Pour ce fait, il
faut que la section § 103(b) réponde à cinq
conditions :
La première condition est que la revendication du
procédé et la composition de matière soit l'objet de la
même demande ou de deux demandes ayant la même date de
dépôt. La deuxième condition est qu'au jour de l'invention
du procédé, la composition de matière et le
procédé soient la propriété d'une seule et
même personne ou qu'ils fassent l'objet d'un transfert de
propriété, au jour de l'invention, au bénéfice de
la même personne. La troisième condition est que le brevet
délivré pour le procédé contienne également
les revendications concernant la composition de matière utilisée
ou produite ou bien, si procédé et composition sont
revendiqués dans des brevets distincts, que les deux brevets aient la
même date d'expiration. La quatrième condition se rapporte au
déposant : il doit indiquer, lors de l'examen de sa demande, sa
volonté que les dispositions de la section § 103(b) soient
appliquées. La cinquième et dernière condition est que le
procédé soit l'un des trois décrits à la
sous-section § 103(b)(3).
Le premier inclut les procédés de modification
génétique d'un organisme uni ou pluricellulaires. Ce sont les
procédés par lesquels cet organisme est amené à
exprimer une séquence de bases qui lui est naturellement
étrangère, les procédés inhibant, éliminant,
augmentant ou modifiant l'expression d'une séquence de bases
naturellement contenue dans l'organisme et les procédés par
lesquels l'organisme exprime une caractéristique physiologique qui ne
lui est pas naturellement associée. Le deuxième contient toute
fusion de cellules permettant l'obtention d'un type de cellules
synthétisant une protéine donnée. Le troisième
inclut toute méthode faisant recours à un produit obtenu par l'un
des procédés précédemment décrits.102(*)
Quant à la portée de la dite section, il
convient de signaler qu'il est possible que le propriétaire d'un brevet
de procédé biotechnologique peut fasse breveter la méthode
évidente d'utilisation du produit (pouvant être évident)
que son procédé permet d'obtenir. Le demandeur d'un brevet
portant sur une cellule génétiquement modifiée pour
produire une protéine connue peut, par exemple, revendiquer le
procédé évident de culture de la cellule, mais aussi la
méthode évidente d'utilisation de la protéine connue.
Par ailleurs, la troisième catégorie de
procédés ci-dessus mentionnée n'est pas limitée aux
modifications génétiques. Si un produit chimique brevetable vise
l'augmentation de l'expression d'une séquence de bases
déjà naturellement contenue dans la plante (pour augmenter par
exemple la production d'un produit naturellement issu de la plante),
l'inventeur pourra faire breveter la composition chimique et une méthode
évidente d'application de ce produit sur la plante. « En
allant au bout de la logique de la troisième catégorie de
procédés de la section § 103(6), si l'inventeur modifie
génétiquement du blé, il doit en théorie pouvoir
revendiquer une méthode évidente d'utilisation de son blé
pour faire du pain. »103(*)
Il semble alors que la finalité originaire que visait
le Congrès, à savoir, combattre les importations
parallèles soit largement dépassé. Ce n'est qu'une
exception injustifiée à la loi des brevets. Un
développement rapide et économiquement intéressant des
biotechnologies était pourtant, vraisemblablement possible sans qu'il y
ait besoin de dénaturer la condition de non-évidence et par la
même occasion la loi sur les brevets.
La règle de droit, telle que conçue par et
depuis les philosophes des siècles des lumières, est l'expression
par excellence de la vie harmonieuse de l'homme au sein d'un groupe convivial.
C'est dire que la règle de droit ne peut pas être un moyen de
filouterie et de malversation. C'est dire encore que les DPI obéissent
à la règle selon laquelle le chemin vers l'enfer est pavé
de belles intentions.
L'analyse de l'évolution des critères de
brevetabilité que nous venons d'effectuer dans les pages qui
précédent démontrent la naissance d'une lecture
excessivement flexible desdits critères.
Les DPI ne sont pas un mal en tant que tel, mais la source du
mal est une certaine pratique et une certaine application des textes en
vigueur.
La souplesse (exagérée, dirais-je) du
système juridique américain en matière de brevet a permis
d'assujettir les décisions de justice à la mentalité des
modes qui naissent de la diffusion de ces technologies : la mode de
l'Internet, la mode de la génétique....
En définitive, l'universalisation de cette optique
à travers l'ADPIC est certes fatale à l'environnement, à
la biodiversité en particulier, mais il y a lieu de tirer
révérence à des systèmes juridiques qui ne sont pas
fait entraînés par cette « mode ».
C'est dans cette optique que nous plaçons la Tunisie
qui a su à notre sens et à la lumière de l'analyse qui
précède, comment trouver un certain équilibre entre les
exigences (antagonistes) qu'imposent en même temps la CDB et
l'ADPIC.104(*)
Partie 2 :
LES CONSEQUENCES DES DROITS DE PROPRIETE
INDUSTRIELLE SUR L'ENVIRONNEMENT
« C'est ainsi que les ressources et les
connaissances du tiers-monde deviennent la « propriété
intellectuelle » des entreprises du Nord qui perçoivent des
redevances auprès des pays pauvres, comme au temps où les
colonisateurs les dépouillaient d'emblée de leurs richesses
naturelles. »
Shiva Vandana,
La vie n'est pas une
marchandise, p 42
De point de vue historique, les droits de
propriété intellectuelle en général et leur volet
industriel en particulier, plus précisément, le droit des
brevets, est associé à la créativité et à
l'inventivité. Ils donnent aux inventeurs le droit exclusif de produire,
de fabriquer, de vendre ou de distribuer le produit en question ou d'en
exploiter le procédé. C'est une contrepartie équitable par
rapport aux efforts fournis dans la recherche.
Mais au fils des siècle, on a reconnu aux brevets trois
types d'usage : la conquête, puis l'invention, ensuite
l'importation. Plutôt que la terre et l'or, le pétrole du 21me
siècle comme certains le pensent, le savoir suscite la convoitise des
nations. La propriété des matières premières et des
usines cèdent la place à la propriété de produits
de l'esprit. C'est à partir de là que certains craignent la
dérive de l'utilisation du système des brevets qui demeure un
instrument de conquête.
Tandis qu'autrefois, les guerres coloniales portaient sur des
territoires dans le sens géographique du terme, celles auxquelles nous
assistons aujourd'hui porte plutôt sur le territoire intellectuel.
105(*)
Par ailleurs, on dit que sans le brevetage, le savoir va
demeurer secret. Cet argument est chimérique pour trois raisons.
Premièrement, en l'absence de brevets, le savoir est mieux
partagé et non occulté puisqu'il serait accessible à un
« prix abordable ». Deuxièmement, les brevets ne
permettent pas la transmission du savoir, mais plutôt de l'information,
et, puisqu'ils prohibent à d'autres d'employer cette information pendant
la durée de vie du brevet, il devient donc vain et inutile de rendre
celle-ci publique. Enfin, on sait que les brevets empêchent le transfert
de la technologie du Nord vers le Sud. Par conséquent, les brevets
servent principalement à la production du revenu et non à celle
du savoir ou au transfert des connaissances.
Les institutions prévues pour l'obtention et pour la
propagation du savoir ont toujours compté sur la libre circulation des
connaissances. Or, cette circulation est maintenant empêchée. En
effet, de centres d'apprentissage et de recherche au service du public qu'elles
étaient, les universités se convertissent en milieux de
production de connaissances soumises à la propriété
intellectuelle. Quand les scientifiques étaient mus par la
nécessité de faire parler d'eux et faire circuler leurs travaux,
il s'agissait pour eux de publier à tout prix. Maintenant que les DPI se
sont glissés dans les milieux de la recherche, ce qui compte
désormais c'est obtenir à tout prix un brevet. Toutefois, cette
nouvelle vision s'oppose à l'esprit d'ouverture dont se nourrit une
culture de la connaissance.
On a tendance aussi à penser que sans les DPI, il ne
peut y avoir d'incitation à la recherche. Mais les DPI tâchent de
transformer le système incitatif pour qu'il vise maintenant les
intérêts privés au lieu du bien public. Par l'entrisme des
firmes, la communauté du savoir cède graduellement le pas
à l'université d'entreprise. A titre d'exemple, au Massachusetts
Institute of Technology (MIT), qui est un centre financé par le secteur
privé, embauche le tiers des biologistes de l'Institut et détient
la propriété intellectuelle sur tout ce que ces derniers auront
créé.
En addition à cela, un faux axiome, parmi les plus
répondus, est de considérer que les conditions
particulières du droit de la propriété intellectuelle
interdisent que soient protégés d'autres savoirs tels que les
savoirs traditionnels, qui ne mériteraient ni considération ni
compensation. Or, intimement liés à la biodiversité,
à l'utilisation durable des ressources et à l'environnement, ces
connaissances et savoir-faire sont le produit de la créativité
intellectuelle immémoriale de milliards d'hommes et de femmes qui en
général sont ceux dont le revenu est inférieur à
deux dollars par jour.
Rappelons que c'est en raisons de cette étroite
relation avec la nature et la diversité biologique que la question des
autochtonies à pris un intérêt majeur au sein des
programmes de sauvegarde et de valorisation de l'environnement, de la
biodiversité et du développement durable, tant sur la
scène internationale que sur celles nationales. D'ailleurs, et par sa
résolution
59/174 du 20 décembre 2004, l'Assemblée
générale des Nations Unies a proclamé la deuxième
Décennie internationale des populations autochtones, qui a
commencé le 1er Janvier 2005 et qui aurait pour but de renforcer encore
la coopération internationale aux fins de résoudre les
problèmes qui se posaient aux peuples autochtones dans des domaines tels
que la culture, l'éducation, la santé, les droits de l'homme,
l'environnement et le développement économique et social.
En définitive, les réactions houleuses qui
orchestrent les débats portant sur la propriété
intellectuelle peuvent être discutables pour les uns, négligeables
pour les autres. La variété des positions et des thèses
avancées se fait vaste et étendue pour tout ce qui est
de « l'enclosure du commun » (chapitre 2). Mais en terme
d'hostilité au modèle actuel des brevets, il y a un seuil
unanimement reconnu, c'est le fait que les DPI (en général)
soient la source du conflit entre la CDB et l'ADPIC (chapitre 1).
CHAPITRE 1: LES DROITS DE PROPRIETE
INDUSTRIELLE SOURCE DE CONFLIT
ENTRE LA CDB ET L'ACCORD ADPIC :
Pour mieux saisir les enjeux des droits de la
propriété intellectuelle sur la biodiversité, on
soulignera les éventuelles différences des orientations (section
1), mais nous montrerons par la suite qu'une conciliation peut être
envisagée entre ces deux traités (section 2).
SECTION 1. Différence des orientations :
Nous pouvons articuler l'incompatibilité entre la CDB
et l'ADPIC autour de cinq aspects : l'attention accordée par la CDB
aux pays en voix de développement (§1), la
divergence des objectifs (§2), la différence des
destinataires des régimes de protection (§3).
§1. L'attention accordée par la CDB aux pays en
voix de développement et aux communautés locales :
C'est peut être la plus marquante des différences
entre l'ADPIC et la CDB, c'est que cette dernière véhicule
des régimes préférentiels en faveur des pays
sous-développés, détenteurs de la partie majeure des
ressources génétiques.
L'idée est tout autant de préserver la
diversité biologique que d'offrir des moyens techniques, financiers et
humains aux Etats les plus dépourvus pour rejoindre cette cible.
A cet égard, la CDB avance plusieurs dispositions
allant dans le sens d'une coopération entre les pays du Sud et ceux du
Nord ; le partage équitable des avantages découlant de
l'utilisation des ressources génétiques (article2), recherche et
formation (article 12), accès à la technologie et le transfert
de celle-ci « à des conditions justes et plus favorables y
compris à des conditions de faveurs
préférentielles » (article 16) ... etc.
L'accord ADPIC récompense l'innovation technique au
détriment des savoirs séculaires. On sait, en effet, que l'une
des innovations capitales de cet accord est d'étendre l'application des
normes du droit du commerce international à la propriété
intellectuelle. Il en va ainsi de la clause de la nation la plus
favorisée (article 4) qui fait qu'un Etat développé ne
peut pas accorder un traitement préférentiel, notamment en
exonérant certains DPI sans qu'il soit tenu d'accorder de telles
préférences à tous les autres membres de l'OMC.
§2. Différence des objectifs :
La CDB cible trois objectifs : la conservation de la
diversité biologique, l'utilisation durable de ses
éléments et le partage équitable des avantages
découlant de l'utilisation des ressources
génétiques.106(*)
A l'inverse de cela, la monopolisation et la protection des
droits privés sont de l'essence même de l'ADPIC. Il poursuit un
objectif totalement différent, à savoir la réduction des
« distorsions, entraves en ce qui concerne le commerce international,
en tenant compte de la nécessité de promouvoir une protection
efficace des droits de propriété
intellectuelle. »107(*)
§3. Différences des destinataires
aux régimes de protection :
La CDB opère dans l'optique de la résolution
1803/XVII de l'Assemblée Générale de l'ONU de 1962
reconnaissant « le droit des peuples à la souveraineté
permanente sur leurs ressources naturelles ».
Elle veille donc à garantir un objectif
d'intérêt public consistant dans la protection de la
diversité biologique en tant que patrimoine de l'Etat (article 3).
A l'inverse de cela, l'ADPIC obéit à une
logique de protection des droits économiques. Il protége les
personnes privées détentrices des droits de
propriété intellectuelle.108(*)
SECTION 2 : Articulation possible CDB/ADPIC :
Nous partons du constat qui suit : c'est que les deux
traités exercent une force contraignante vis à vis des Etats
parties et ces derniers sont obligés finalement de trouver des voies de
modération pour satisfaire les deux textes. C'est dire finalement qu'il
faut profiter du fait qu'entre ces deux textes il n'y a pas d'antagonisme
(a) et c'est à partir de là qu'un rapport de
complémentarité est possible à instaurer (b).
a. l'absence d'antagonisme entre la CDB et
l'ADPIC :
Il est clair qu'un grand nombre d'obligations peuvent, dans
une certaine mesure, se renforcer mutuellement. Nous citons à titre
d'exemple l'article 16 de la CDB qui prévoit que les parties
contractantes coopèrent pour s'assurer que les brevets et autres DPI
s'exercent à l'appui et non à l'encontre de ses
objectifs.109(*) Cet
article impose aussi le transfert des technologies (y compris les
biotechnologies) nécessaires à la conservation de la
diversité biologique et son utilisation durable. Le même article
précise que l'accès à la technologie qui utiliserait les
ressources biologiques doit faire l'objet d'une protection par le droit des
brevets ou d'autres droits de propriété intellectuelle, et de
façon à ce qu'il y ait respect du droit international. C'est dans
ce sens que « la protection adéquate et effective »
mentionnée à l'article 16 précité110(*) semble être une
tentative de lien avec l'ADPIC qui utilise les mêmes termes111(*).
En outre, la CDB stipule que les droits et les obligations qui
découlent d'autres accords internationaux ne peuvent pas être
porteur d'atteintes à la biodiversité.112(*) Parallèlement
à cela, le traité instituant l'OMC a non seulement reconnu dans
son préambule l'objectif de développement durable, mais l'ADPIC
lui-même prévoit d'exclure la brevetabilité en cas de
« dommage sérieux à
l'environnement »113(*).
Notons, par ailleurs, que le principe de consentement
préalable donné en connaissance de cause114(*) n'est pas une incitation au
repli sur les ressources mais une valorisation de ces dernières, et de
la biodiversité en général, à des conditions
équitables.115(*)
Cette optique d'harmonisation entre les deux traités
est confirmée par l'arrêt du 9 Octobre 2001 de la Cour de justice
de la Communauté européenne où elle estime que la
directive 98/44/CE qui étend la brevetabilité à grand
nombre d'inventions biotechnologiques n'avait pas pour effet « de
priver les pays en développement de la capacité de
contrôler leurs ressources biologiques et d'avoir recours aux
connaissances traditionnelles, pas plus que de favoriser la monoculture ou de
décourager les efforts nationaux et internationaux de conservation de la
biodiversité »116(*). Dans cette affaire, le gouvernement
norvégien dénonçait le fait de ne pas parvenir à
une répartition équitable des avantages découlant de
l'utilisation des ressources génétique117(*). Ces propos furent
jugés hypothétique car, selon la Cour européenne, le
risque soulevé n'émane pas de la directive elle-même mais
de l'utilisation qui serait susceptible d'en être faite118(*).
Le problème qui se pose n'est donc pas celui d'une
incompatibilité entre ces deux traités, mais celui d'une
articulation harmonieuse entre leurs obligations à travers des outils
juridique qui en permettraient plus de complémentarité.
b. La complémentarité possible entre la CDB
et l'ADPIC :
Dans leur état actuel, les systèmes de DPI
classiques ne sont pas adaptés pour la conservation de la
biodiversité pour les pays en voie de développement, vu la
disparité entre les niveaux de développement entre le Nord et le
Sud et vu la nécessité de prendre en considération les
droits que les États ont obtenus en vertu de la CDB.119(*)
A cet égard, les décisions de la
Conférence des parties de la CDB réaffirment que la question de
l'articulation entre la CDB et la l'ADPIC, ainsi que la question de
l'arrangement des droits de propriété intellectuelle pour les
populations autochtones, constituent des enjeux importants pour la mise en
oeuvre de I convention120(*).
Les États industrialisés devraient oeuvrer leur
droit de la propriété intellectuelle, de telle sorte qu'ils
n'interagissent pas de manière négative avec le
développement durable et le partage équitable des
bénéfices procréé par la biotechnologie. Les pays
en voie de développement devraient quant à eux adopter des
formes alternatives de protection des DPI qui prennent mieux en compte leurs
intérêts.
Des agencements sont en tout cas envisageables pour la
protection des variétés végétales, puisque l'ADPIC
prévoit dans son article 27.3, b. la possibilité de recourir
à d'autres systèmes sui generis au lieu du régime des
brevets, pourvu qu'ils soient «efficaces ».
A titre d'exemple, il a été proposé qu'on
exige ou qu'on favorise la divulgation, dans les demandes de brevet, du pays et
de la communauté d'origine des ressources génétiques et
des connaissances autochtones utilisées dans le développement des
inventions. Dans cette même optique, on cherche à faire
bénéficier les populations autochtones de certains avantages,
quoi que ces tentatives se heurtent à de sérieux obstacles vu que
ces populations ne sont pas des sujets de droit international.
La voie à suivre est certes celle d'une relecture de
l'ADPIC notamment pour son article 27, mais aussi à ce que c'est la CDB
qui prévaut pour les pays du tiers monde en cas de contraste avec les
DPI.121(*)
CHAPITRE 2 :
L'ENCLOSURE DU BIEN COMMUN AU MOYEN DES DROITS DE
PROPRIETE INDUSTRIELLE :
L'enclosure est un terme d'origine anglaise
signalant le mécanisme de la mise en clôture d'un territoire et
générant l'ostracisme de la vaine pâture et le partage des
communaux. D'un point de vue historique, l'enclosure a constitué l'une
des principales étapes de l'évolution dans la transition d'une
agriculture féodale de subsistance à une agriculture moderne
tournée vers le commerce.
Avec l'essor du colonialisme, les terres, tant vierges que
cultivées, furent les premières ressources à être
encloses, passant ainsi du statut de bien commun au statut des marchandises.
Appelée la révolution des riches contre les pauvres, qui a
été indispensable à la révolution industrielle
permettant un approvisionnement en ressources naturelles.
A l'ère de la globalisation, les communs subissent de
nouvelles enclosures, s'agissant de la biodiversité et du savoir, et les
firmes ont eu le dessus sur les communautés.122(*)
Les militants anti-mondialisation comme ceux des peuples
autochtones assimilent les DPI aux lettres patentes que les colonisateurs
utilisèrent depuis 1842, depuis que Colomb a crée un
antécédent en considérant la possibilité de
conquérir des peuples non européens comme un droit naturel des
européens123(*).
En définitive, l'enclosure de la biodiversité et
du savoir est la dernière étape d'une série qui a
débuté avec l'essor du colonialisme. Pour certains, les
finalités visées par les DPI en général et les
brevets en particulier ne seraient donc que chimériques, et c'est ce qui
est semblablement la fin de leur utopie (section 1), et c'est ce qui fait de la
protection des savoirs traditionnels et de l'opposition à la
biopiraterie de exigences environnementales (section 2).
SECTION 1 : La fin de l'utopie des objectifs
ambitionnés
par les droits de propriété
intellectuelle :
Nous analyserons successivement les déboires
(paragraphe premier) ainsi que la cruauté du système actuel des
droits de propriété industrielle (paragraphe second).
§ 1. Les déboires des droits de
propriété industrielle :
En l'état actuel des choses, les bonnes intentions qui
couvrirent le droit des brevets d'un voile sacré sont largement
critiquables, voire illusoires. Ce sont successivement la stimulation de la
créativité, le transfert de la technologie de l'innovation et de
la recherche, et c'est ce qui fera du brevet un véritable instrument de
conquête.
a. L'idée illusoire de la stimulation
de la créativité :
Loin de ses nobles objectifs qui en engendrèrent la
création, le rôle du brevet dans la stimulation de la
créativité est amoindri. Dans cette optique, le savoir est
conçu comme un bien, et un moyen de contrôle et il donne ainsi
à celui qui en a la possession un avantage concurrentiel.124(*)
Or, le savoir, par définition, est le fruit d'une
entreprise collective et cumulative. Le mot science ne peut pas se limiter
exclusivement à la science moderne et occidentale. Il doit englober les
sédimentations des cultures et des ages qui en présentent la
racine.125(*)
Sous certains régimes, et sans modération
malheureusement, les DPI sur la fiction d'une invention scientifique à
caractère purement et exclusivement individuel.
La conception de la créativité comme produit de
mécanismes conçus pour protéger la propriété
intellectuelle ne doit donc pas se voir comme alibi pour denier la
créativité telle qu'elle existe dans la nature, et à la
créativité qui obéit à des ambitions autres que le
profit.
b. L'idée illusoire du transfert de la
technologie, de l'innovation de la recherche :
Afin de promouvoir un système uniforme des droits de
propriété intellectuelle à l'échelle mondiale, on
affirme souvent que ceux-ci favoriseraient l'investissement dans la recherche
et le transfert de la technologie dans les pays en développement.
En l'état actuel des choses, la monopolisation des
droits que procurent les DPI ne se cristallise non plus systématiquement
par un accroissement de l'innovation ou des dépenses en innovations et
recherches, mais quand des compagnies peuvent importer des produits en vertu
d'un brevet ou d'une obtention végétale ou n'importe quel autre
titre, elles ne se sentent pas incitées à mettre sur pied une
entreprise de production locale, à y faire de la recherche et du
développement ou à faciliter le transfert de la technologie.
Avec l'universalisation du régime des brevets
prévue dans l'accord ADPIC, les pays du tiers monde sont doublement
perdants sur le front du transfert technologique : d'un coté la
piraterie que subissent les savoirs faire autochtones, et d'un autre
coté, et à mesure qu'ils mettent en oeuvre l'ADPIC, les
redevances dues viendront aggraver encore leurs dettes et les appauvrir
d'avantage.126(*)
Selon une étude du PNUD, si les pays du tiers monde
pouvaient demander une redevance de 2% sur la diversité biologique qui
est assurée par leurs collectivités, ils recevraient 300 millions
de dollars pour leurs semences agricoles et plus de 5 milliards de dollars pour
leurs plantes médicinales. Mais les États-Unis prétendent
que ces pays lui doivent 202 millions de dollars en redevances agrochimiques et
2.5 milliards de dollars en redevances pharmaceutiques et cela dans
l'hypothèse où ils adoptent des législations sur les
brevets à la mode américaine.127(*)
c. Le brevet comme instrument de
conquête :
A l'origine, les brevets consistaient en des lettres patentes.
Elles étaient émises en Europe au VIe siècle par les
monarques pour la découverte et la conquête de territoires
étrangers accomplis en leurs noms. Elles étaient utilisées
à des fins colonisatrices et pour établir un monopole
d'importation. En témoigne la charte remise à Christophe Colomb
qui affirme ses droits sur les îles et continents à
découvrir.
Si, à l'époque où l'Europe colonisait le
monde, les lettres patentes visaient une conquête territoriale, les DPI
d'aujourd'hui visent une conquête économique. Ils sont souvent
perçus par le tiers monde comme des instruments d'un
néocolonialisme.128(*)
§2. La cruauté du système actuel des
droits
de propriété industrielle :
Du mot latin « utopia », l'utopie ne
signifie pas l'exemplarisme mais c'est carrément « le lieu
inexistant ». C'est dire que l'aspect chimérique
analysé précédemment n'est point comparable à la
cruauté de ce qui suit : les firmes utilisent les DPI comme un
cheval de Troie pour spéculer sur la vie de millions d'hommes et de
femmes qui souffrent des maladies mortelles (a) et de la famine (b).
a. Profiter de la maladie :
Dans ce volet de notre recherche, nous traiterons de la
brevetabilité des méthodes thérapeutique ainsi que de la
brevetabilité des médicaments.
a.1. la brevetabilité
des méthodes thérapeutiques :
L'article L. 611-16 du code français de la
propriété intellectuelle dispose que «Ne sont pas
considérées comme des inventions susceptibles d'application
industrielle les méthodes de traitement chirurgical nu
thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de
diagnostic appliquées au corps humain ou animal». Il est vrai qu'il
était possible d'insérer les méthodes de traitement
chirurgical ou thérapeutique dans l'article L. 611-10, à
côté des autres exclusions. Toutefois, il est plus dialectique
d'opérer cette exclusion pour défaut d'application industrielle,
car si le procédé est une « invention »,
c'est bien son application à l'homme ou à l'animal à des
fins médicales, qui empêche sa brevetabilité.
Si cette exclusion s'applique au procédé de
traitement que, c'est qu'il faut distinguer le produit du procédé
dont il permet la mise en oeuvre. Ainsi, en France, dans une affaire
décidée en vertu de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1844, le
contrefacteur supposé arguait du mode d'action similaire à un
produit vétérinaire de l'objet du brevet pour en conclure son
expulsion de la protection par brevet129(*). La Cour d'appel en déduit que le produit
qu'est l'additif destiné à stimuler la croissance est brevetable
mais le procédé de la thérapie quant à lui n'et pas
inclus dans la protection que confère le brevet d'invention.
Aujourd'hui, tant les produits que les procédés
thérapeutiques sont brevetables aux États-Unis même si la
jurisprudence ancienne avait semblé, pendant une brève
période, écarter la brevetabilité des traitements
destinés aux animaux.
Au sein de la catégorie des procédés, on
distingue en France entre ceux qui permettent une application industrielle et
ceux qui donnent lieux à un traitement médical. C'est dans ce
sens qu'une Cour d'appel a jugé que le procédé
d'acquisition d'informations relatives au rythme cardiaque d'un patient ne fait
que permettre l'obtention de données130(*). Le médecin n'établit son diagnostic
qu'à posteriori, à la lecture des données. Le
procédé d'acquisition de données est donc susceptible
d'application industrielle.
Plus récemment, une définition jurisprudentielle
de la méthode de traitement chirurgical ou thérapeutique nous a
été fournie par la Cour d'appel de Paris. Elle «consiste en
un ensemble de démarches raisonnées, suivies et reliées
entre elles émanant de l'homme du métier destinées
à parvenir à la découverte des moyens de prévenir,
de traiter, de soulager, de dissiper ou d'atténuer les symptômes
d'un trouble résultant d'une infection ou d'un dysfonctionnement du
corps humain ou animal ou de le guérira »131(*).
En l'espèce, l'inventeur tentait d'obtenir un brevet
pour un procédé de dévitalisation d'une dent. Pour
éviter le défaut d'application industrielle d'une méthode
de traitement chirurgical ou thérapeutique, le breveté cherchait
de prouver qu'il existait plusieurs possibilités d'applications. Ainsi,
nettoyer le canal dentaire sur la mâchoire du patient représentait
un traitement exclu du champ de la brevetabilité, mais le
procédé pouvait également être utilisé «
in vitro sur une dent détachée d'un maxillaire» ce qui
représentait alors un simple «traitement physique d'une substance
minérale ou organo-minérale». Néanmoins, la Cour
d'appel retient que la description ne fait pas report à une application
in vitro et qu'à l'inverse, seule l'exercice du praticien travaillant in
vitro est projetée. En addition à cela, si le
procédé n'envisage que le nettoyage et l'alésage en vue de
soigner la dent, la Cour estime «que le procédé
utilisé pour y parvenir ne saurait être séparé du
but à atteindre qui est manifestement celui de soigner».
L'idée maîtresse étant de soigner ou
guérir, la jurisprudence a estimé qu'il ne s'agit pas de
méthode de traitement lorsque la personne est bien portante132(*). Le procédé
améliorant le prélèvement sanguin depuis un donneur en
bonne santé peut avoir une application industrielle.
Bien qu'il n'existe pas de condition distincte d'application
industrielle aux Etats-Unis, la jurisprudence a rejeté à
plusieurs reprises des méthodes de traitement chirurgical et
thérapeutique pour défaut d'invention appartenant aux
catégories légales de la section 35 USC § 101.
Datant de 1862, le cas fondateur est connu sous l'appellation
de «cas éther»133(*) car l'objet du brevet en question était une
utilisation de l'éther comme d'anesthésiant. En effet, les deux
co-inventeurs avaient découvert que l'inhalation d'une quantité
suffisamment importante permettait d'insensibiliser un patient et rendait les
opérations chirurgicales plus aisées pour les chirurgiens et
moins douloureuses pour les patients, alors qu'à cette époque
l'éther n'était connu que pour les vertiges qu'il provoquait une
fois inhalé. Les déposants revendiquaient donc un
procédé d'utilisation de l'éther à des fins
anesthésiantes.
La cour mit l'accent sur l'importance de la découverte
mais parallèlement à cela, elle mit en exergue le fait
qu' « une force nouvelle ou un principe mis en lumière
doit prendre corps et doit fonctionner et ne peut être breveté
qu'au travers ou en combinaison avec les éléments ou les moyens
par lesquels il opère. Ni les fonctions naturelles d'un animal pour
lequel le principe doit fonctionner, ni la raison pratique pour laquelle il
doit être appliqué ne forment une part essentielle de la
combinaison, même s'ils illustrent et établissent son
utilité.»134(*).
Si le fondement du rejet du brevet est l'absence d'invention,
sa motivation, quant à elle, n'apparaît pas clairement. II est
toutefois logique de penser que le procédé n'a pas
été jugé brevetable car le bilan final dépend
principalement de la réaction du sujet qui n'est pas quantifiable, et la
mise en oeuvre du procédé est donc confiée à
l'évaluation de l'anesthésiste. Cependant l'importance de la
décision tient plus dans l'emploi de la formule «les fonctions
naturelles d'un animal».
De cette façon, et en rejetant en l'espèce la
brevetabilité d'une méthode applicable aux fonctions naturelles
d'un animal (l'être humain inclus), la cour a mis au jour un
précédent qui a pu servir de fondement au rejet de
méthodes médicales. C'est justement sous l'attraction de cette
jurisprudence que l'office américain des brevets décida en 1883
que «des méthodes et modes de traitement par les médecins de
certaines maladies ne sont pas brevetables»135(*).
Peu à peu, les cours ont abandonné cette
position radicale pour considérer qu'il convient de prendre en
considération l'éthique médicale, le droit de l'inventeur
sur sa création et la divulgation au public. Une cour a ainsi
affirmé en 1954 dans un obiter rectum que « [...] les
règles professionnelles des médecins et chirurgiens sont plus
cohérentes avec la propagation de l'utilisation de leurs
découvertes médicales et chirurgicales pour le
bénéfice de l'espèce humaine, qu'avec l'obtention d'un
monopole de contrôle sur leurs découvertes pour leur avantage
commercial personnel»136(*).
Après avoir débattu une proposition de loi
comprenant l'exclusion de la brevetabilité des méthodes de
traitement chirurgical ou thérapeutique, le Congrès
américain a voté récemment une loi qui, sans interdire la
brevetabilité de ces traitements, prohibe seulement le titulaire d'un
brevet d'obtenir toutes formes de sanctions contre un médecin qui
n'aurait fait que conduire son activité médicale137(*). L'invention reste donc
brevetable ce n'est qu'une réduction de la valeur du titre dont elle est
l'objet.
Le vote de cette loi faisait suite à un cas dont les
faits d'espèce se résume en ce qui suit : Un chirurgien
avait déposé un brevet pour un procédé d'incision
de la surface de l'oeil138(*). En forme de chevron, cette incision permettait de
ne pas suturer une fois l'opération est terminée, ce qui,
d'après le chirurgien, devait consentir aux hôpitaux
d'économiser dix-sept dollars par opération, d'où son
utilité. D'autres chirurgiens avaient indépendamment mis au point
le même système d'incision en chevron et le déposant les
assigna pour contrefaçon de son brevet. La cour jugea les revendications
nulles en l'espèce et justement, pour prévenir de telles
situations, le Congrès a introduit cette limitation de la sanction de la
contrefaçon d'un procédé mis en oeuvre par un
médecin dans l'exercice de sa profession.
Par ailleurs, une cour aux États-Unis fonda en 1895 son
argumentation sur le cas « éther» pour écarter la
brevetabilité d'un procédé d'aspersion de troncs d'arbres
prédestiné à en éliminer les parasites
animaux139(*). Le
titulaire ne faisait que revendiquer l'aspersion du produit de nuit et non de
jour. En effet le produit était nocif pour les arbres à la
lumière du jour alors que pendant la nuit, il devenait inactif pour les
végétaux. Donc, le brevet n'est pas valable parce que l'invention
ne consiste qu'en une découverte d'une propriété naturelle
préexistante.
a.2. la brevetabilité des
médicaments :
Exemple type : le coquetel du Sida
L'épidémie du Sida apparaît, par
excellence, comme le plus frappant des parangons qui démontrent les
défaillances du modèle du brevet universalisé par
l'ADPIC.
Il existe présentement 32,3 millions de cas de VIH dans
les pays en développement et ils en meurent deux millions et demi chaque
an140(*).
Un coquetel de médicaments a abaissé la
mortalité de 75% et la morbidité de 73% en trois ans au
Etats-Unis. Mais bien entendu, cette thérapie coûte
extrêmement cher : entre 10 000 et 15 000 dollars par an. Quoique le
Programme commun des Nations Unies sur le sida subventionne 85% du coût,
ce dernier atteindrait les 2250 dollars par an. Sans oublier que le sida n'est
qu'une épidémie mortelle parmi d'autres.141(*)
En raison des brevets qui empêchent la production des
médicaments génériques142(*), l'accès des pays pauvres à de telles
thérapies souffre d'un sérieux handicap : par exemple, le
flucanazole non breveté en Thaïlande143(*) ne coûte que 0,30
dollar, alors que Pfizer le vend à 6,20 dollars, soit 207 fois plus
chère. En Afrique du Sud, la dose quotidienne de flucanazole coûte
21,40 dollars vu qu'il n'y a pas de médicament
générique.144(*)
Le Brésil est le pays le plus avancé dans la
production de médicaments bon marché contre le sida. Il a inscrit
dans sa loi sur les brevets des dispositions d' « urgence
nationale » pour réduire les prix des antirétroviraux
comme l'AZT145(*). En
outre, huit des douze médicaments qui composent ce qu'on appelle le
coquetel du sida y sont fabriqués. De cette façon, les prix ont
été réduits de 70%, et c'est ce qui a permis de fournir
assistance à 80 000 citoyens, tout en épargnant 472 millions
de dollars146(*).
Bien évidemment, au lieu de prendre exemple de la loi
brésilienne de 1997 sur les brevets, les Etats unis ont porté
plainte devant le groupe spécial de l'OMC chargé du
règlement des différents.
Avec quatre millions de sidéens, le gouvernement de
l'Afrique du Sud s'est prévalu des dispositions relatives aux licences
obligatoires pour qu'il puisse être lui aussi en mesure d'adopter en
1997 une loi qui donne accès à des médicaments à
bon marché, soit à des réductions de 50% à 90% du
coût du traitement. Mais là aussi les géants
pharmaceutiques se sont mobilisés pour contester cette loi147(*)
b. Profiter de la faim :
ou le terrorisme alimentaire :
La stratégie que mènent les grandes firmes
internationales de l'agroalimentaire tel que Monsanto ou Novartis
prétend remplir une mission humaine au sein de la
« mondialisation » promue par l'OMC (nourrir les masses
affamées du tiers-monde) alors qu'en réalité, elle vise
à imposer à tous les pays l'achat obligatoire de leurs
produits ; semences obtenues par sélection et/ou modification
génétique, voire stérile selon la logique du projet
« Terminator »148(*), herbicides, pesticides...149(*)
Les moyens de cette stratégie : pousser les pays
du Sud à développer une agriculture intensive de produits de luxe
(tabac, coton, fleurs...) pour les pays du Nord afin de permettre à ces
derniers d'écouler leur surproduction céréalière ou
laitière.150(*)
Lors de la fameuse famine de 1943 au Bengale, plus de 3,5
millions de personnes sont mortes, plus d'un cinquième de la production
nationale fut détourné pour épauler l'effort de guerre des
britanniques. Les paysans affamés du Bengale furent
dépouillés de plus des deux tiers de la nourriture qu'ils avaient
produite. En définitive, les pauvres du Bengale payèrent la
guerre menée par l'Empire britannique sous la forme d'une famine et
d'une « ruine en série » des paysans qui
convergèrent sur Calcutta, des milliers de femmes sans ressources se
prostituèrent, des parents commencèrent à vendre leurs
enfants...
Un demi-siècle après, un nouveau système
ingénieux à été mis en place, qui rend encore une
fois légal le vol des richesses fournies par la nature. Derrière
des traités complexes sur le libre échange se cachent, en effet,
de nouvelles façons de voler ces richesses naturelles que sont les
semences et les aliments.151(*)
Depuis des siècles, les paysans du tiers monde
obtiennent des variétés nouvelles et nous procurent cette
diversité de plantes cultivées qui est aujourd'hui la base de
notre alimentation. A titre d'exemple, deux cent mille variétés
de riz furent sélectionnées au fil des siècles par les
paysans de l'Inde. Ils ont obtenu une variété qui résiste
à l'eau salée et qui est en mesure de survivre le long des cotes,
une autre qui atteint cinq mètres de haut dans les plaines
inondées par le Gange.
Mais au moyen des pratiques actuelles qui sont
universalisées par le biais de l'OMC, et sous le voile des droits de
propriété intellectuelle, les firmes usurpent les savoirs
accumulés sur les semences et les monopolisent en les revendiquant comme
leur propriété privée.152(*)
Comme on le verra dans les quelques pages qui suivent, une
firme telle que RiceTec revendique des droits sur le riz basmati. Le soja qui
est originaire de l'Est de l'Asie a fait l'objet d'un brevet de la part de
« Calgene », filiale de « Monsanto »
spécialisée dans la biotechnologie. En d'autres termes, les
agriculteurs et les paysans sont en train d'être spoliés des
produits de siècles d'innovations collectives, à mesure que des
firmes étayent leurs droits sur ces semences et ces plantes.153(*)
SECTION 2 : La protection du savoir traditionnel
et la biopiraterie :
Étroitement lié à l'utilisation tant
durable qu'écologique des ressources, la question des savoirs
traditionnels se trouve au coeur des préoccupations environnementales
(paragraphe premier) et au coeur du phénomène
général de biopiraterie (paragraphe second).
§ 1. Protéger les savoirs traditionnels,
une exigence environnementale
En faisant une approche globale des droits de
propriété intellectuelle, nous ferons cas successivement à
l'utilisation du système de protection de la propriété
intellectuelle en vigueur pour protéger les savoirs traditionnels
(section 2) et la possibilité de recourir à un doit sui generis
et au droit coutumier pour renforcer ce système (section 3). En outre,
et en raison des problématiques tant juridiques que politiques que pose
ce sujet, nous préférons préluder par une prospection
quant à la question de la définition de ces savoirs, leurs
détenteurs et leur importance (section 1).
A. Problèmes conceptuels et importance
de la question des savoirs traditionnels
Cerner les contours de la notion des savoirs traditionnels est
un préalable nécessaire mais insuffisant (a).
Encore faut-il déterminer le cercle des détenteurs de tels
savoirs (b) et préciser l'importance, voir la
gravité et la portée du débat « savoirs
traditionnels/propriété intellectuelle »
(c).
a. Notion de population autochtone :
En plus du catalogage des détenteurs des savoirs
traditionnels, nous commençons par un débroussaillage quant au
concept lui-même .
? Problème
conceptuel :
L'examen des textes de droits international et les
déclarations des intervenants dans ce domaine, qui ont un acoustique
certain sur les législations nationales, aboutit à un obstacle
préliminaire ; la variété des expressions, mais
l'absence de définition154(*).
L'appellation « indigenous peoples » est
utilisée dans «The Mataatua Delaration on cultural and intellectual
property rights of indegenous peoples» par les 150
délégués des 14 pays réunis en Nouvelle
Zélande du 12 au 18 Juin 1993155(*).
Pour les ONU, il s'agit de « peuples
indigènes » et « populations autochtones »
(étude n°10 de la commission des droits de l'homme). A noter que
ces termes sont souvent au pluriel dans le corps des textes mais ils ne le sont
jamais aux intitulés des séminaires ce qui est
interprétable comme rejet de l'idée des droits
collectifs.156(*)
En 1982, lorsqu'un groupe de travail, «Working Group
on Indigenous Populations », fut mis sur pied par le
« United Nations Economic and Social Council », tels sont
les propos de Mme Daes, rapporteur spécial de la
sous-commission157(*) :
« En ce qui concerne la question de la
définition, (...) le rapporteur spécial tien à faire
observer toutefois que l'ONU n'a jamais jugé bon ni utile de tenter de
définir le terme « peuple » qui apparaît dans
la charte des Nations Unies, ni le terme
« minorité » qui apparaît dans la
déclaration des droits des personnes appartenant à des
minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, qui a
été adoptée récemment. Le groupe de travail sur les
populations autochtones a étudié une définition du terme
autochtone comme base de travail à sa deuxième session (...) mais
il est par la suite arrivé à la conclusion qu'il valait mieux
laisser le contenu de cette notion se préciser avec souplesse dans le
temps à la faveur de la pratique. »
Une autre appellation est par ailleurs utilisée par
l'Organisation Mondiale du Travail dans la convention n° C169158(*) dont le titre utilise
l'expression : « peuples indigènes et tribaux »
et dont la définition est purement empirique : « les
personnes autochtones sont les descendants des populations aborigènes
vivant dans un pays donné au moment de l'occupation ou de la
conquête (ou des vagues successives de conquêtes) par certains des
ancêtres des groupes non indigènes dans les mains desquels le
pouvoir économique et politique se trouve actuellement ». A
remarquer que cette tentative de définition porte sur les personnes et
non les peuples, approche qui a évolué depuis.
Quant à l'OMPI, lors de la table ronde des 1er et
2/11/1999159(*) sur les
savoirs traditionnels il s'agit de « peuples autochtones »
et « peuples traditionnels ». Le Prof. Blakeney a fait
valoir que cette expression désigne
« invariablement » les peuples traditionnels :
« ceux qui se trouvant dans une continuité historique avec les
sociétés qui ont précédé l'invasion et la
colonisation de leurs territoires se considèrent comme distincts des
autres secteurs de la société qui dominent actuellement dans ces
territoires ou dans les parties de ceux-ci. ».
La Banque Mondiale fait état de « indigenous
ethnic minorities », de « tribal groups » ou de
« scheduled tribes » en avançant la
définition suivante :
« Les termes de « peuples
autochtones », de minorités ethniques autochtones et de tribus
répertoriées décrivent des groupement sociaux avec une
identité sociale et culturelle distincte de la société
dominante, ce qui les rend vulnérables à un processus de
développement inéquitable. Aux fins de cette directive,
« peuples autochtones » est l'expression qui sera
utilisée lorsque l'on se réfère à ces groupes. Dans
les limites de leurs constitutions nationales, de leur statut et de la
législation applicable, beaucoup de pays emprunteurs auprès de la
Banque Mondiale font état de définitions et de cadres juridiques
spécifiques qui donnent une première base pour identifier les
peuples autochtones.
Du fait des contextes variés et changeants qui sont
ceux des peuples autochtones, aucune définition unique ne peut saisir
leur diversité. Les peuples autochtones sont en général
les segments les plus pauvres de la population. Ils sont engagés dans
les activités économiques comprenant aussi bien l'agriculture
alternative dans ou près des forêts, que le travail salarié
ou même des activités indépendantes à petite
échelle. Les peuples autochtones peuvent être identifiés,
à degrés divers, par les caractéristiques
suivantes :
.un lien étroit avec des territoires ancestraux et les
ressources naturelles de ces régions ;
.une auto identification et une identification par d'autres
comme membres d'un groupe culturel distinct ;
.un langage indigène, souvent différent de la
langue nationale ;
.une présence d'institutions sociales et politiques
coutumières ;
.une production orientée avant tout vers la
subsistance. »160(*)
Quant à Mme Daes, les critères qu'elle a retenus
pour le « Working Group on Indiginous Populations » sont
les suivants :
.des territoires traditionnels ;
.une continuité historique ;
.des caractéristiques culturelles distinctes ;
.le statut non dominant des populations autochtones ;
.une auto identification ;
.une conscience de groupe.
En synthèse à cette abondance et de concepts et
de critères, les éléments de concorde sont les termes
population, tribu, communauté, peuple et nation. Ces substantifs font
ressortir le caractère divers des communautés humaines
considérées, et ce, quant à leur histoire, leur
patrimoine, leur rapport avec leur territoire... etc. Il en est de même
pour les qualificatifs autochtone, indigène, aborigène et
traditionnel.
Cependant, l'adjectif « local » pose un
problème ; seule la CDB introduit cette notion ce qui est
censé élargir le champs potentiel des bénéficiaires
mais il complexifie une matière qui l'est déjà.
En effet, elle mentionne dans son préambule les
« communautés locales indigènes et
locales » :
« Chaque partie contractante, dans la mesure du
possible (...)
j) Sous réserve des dispositions de sa
législation nationale, respecte, préserve et maintient les
connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et
locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un
intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la
diversité biologique... »
Cette expression est reprise par l'article 8j ce qui implique
qu'il y a deux sortes de communautés alors que ça reste un sens
ambigu.
A rappeler par ailleurs que l'article `8j'CDB ne vise que les
savoirs traditionnels présentant un intérêt pour la
conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique :
la définition est visiblement plus large quant aux
bénéficiaires mais elle se veut plus restrictive quant au contenu
des savoirs traditionnels.
? Catalogage des
détenteurs
des savoirs faire
autochtones :
En partant du groupe humain le plus collectivement
identifié aux détenteurs individuels, on peut en distinguer
plusieurs catégories :
- les peuples autochtones :
Leur nombre avoisinerait les 4000, 250 à 300 millions
d'habitants, sont définis dans leurs contexte politique, avec une lutte
politique en arrière plan et mis en exergue par les instances
internationales depuis une trentaine d'années, sans que les savoirs
traditionnels ne soient le sujet premier ou unique des discussions.
- les communautés locales
traditionnelles :
Elles sont détentrices des mêmes patrimoines mais
leur histoire politique est moins importante en ce qui concerne leur
identification sociale. En absence d'une définition précise, nous
pensons que les liens sociaux sont moins étroits, et par
conséquent, ces savoirs traditionnels seraient professés moins
collectivement et plus individuellement.
- les communautés locales non traditionnelles mais
ayant conservé des savoirs traditionnels :
Compte tenu des contraintes sociales et économiques
déstructurantes en particulier dues à la colonisation et des
politiques de développement exogènes appliquées
ultérieurement, cette hypothèse est difficile à
concrétiser.
- les droits des agriculteurs :
Les « Farmer's rights» se trouvent dans
un instrument international : l'Engagement international sur les
ressources phytogénétiques de la FAO (article 10) et dont la
définition fait l'objet de la résolution 5/89 l :
« Par droits des agriculteurs, on entend les doits
que confèrent aux agriculteurs et particulièrement ceux des
centres d'origine et de diversité des ressources
phytogénétiques, leur contributions passées,
présentes et futures à la conservation, l'amélioration et
la disponibilité de ces ressources. Ces droits sont dévolus
à la communauté internationale qui, en tant que
dépositaire les générations présentes et futures
d'agriculteurs, doit assurer aux agriculteurs tout les bénéfices
qui leur reviennent, les aider à poursuivre leur actions et appuyer la
réalisation des objectifs globaux de l'Engagement
international. »161(*)
C'est décidément une autre catégorie de
« droits » internationalement reconnue, et ce dans la
mesure où l'agriculture est encore l'activité la plus embaucheuse
pour la globalité des travailleurs du globe.
L'importunité de ce texte c'est qu'il n'est pas
contraignant pour les états signataires d'autant plus que sa nouvelle
rédaction est floue (Traité international sur les ressources
phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture162(*) du 3/11/2001-article9) et ne
définie point l'objet de ces droits :
« PARTIE III - DROITS DES AGRICULTEURS
Article 9 - Droits des agriculteurs
9.1 Les Parties contractantes reconnaissent l'énorme
contribution que les communautés locales et autochtones ainsi que les
agriculteurs de toutes les régions du monde, et spécialement ceux
des centres d'origine et de diversité des plantes cultivées, ont
apportée et continueront d'apporter à la conservation et à
la mise en valeur des ressources phytogénétiques qui constituent
la base de la production alimentaire et agricole dans le monde entier.
9.2 Les Parties contractantes conviennent que la
responsabilité de la réalisation des Droits des agriculteurs,
pour ce qui est des ressources phytogénétiques pour
l'alimentation et l'agriculture, est du ressort des gouvernements. En fonction
de ses besoins et priorités, chaque Partie contractante devrait, selon
qu'il convient et sous réserve de la législation nationale,
prendre des mesures pour protéger et promouvoir les Droits des
agriculteurs, y compris:
a) la protection des connaissances traditionnelles
présentant un intérêt pour les ressources
phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture;
b) le droit de participer équitablement au partage des
avantages découlant de l'utilisation des ressources
phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture;
c) le droit de participer à la prise de
décisions, au niveau national, sur les questions relatives à la
conservation et à l'utilisation durable des ressources
phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture.
9.3 Rien dans cet Article ne devra être
interprété comme limitant les droits que peuvent avoir les
agriculteurs de conserver, d'utiliser, d'échanger et de vendre des
semences de ferme ou du matériel de multiplication, sous réserve
des dispositions de la législation nationale et selon qu'il
convient. »
b. Définition et variantes des savoirs
autochtones
Au fil des lectures et des visites sur des sites Web, on est
frappé de constater que les définitions des savoirs traditionnels
sont imprécises et fluctuantes. Il n'y a aucune définition de
leur contenu mais plutôt un consensus sur une notion. Un passage en revu
permet de s'arrêter sur un contenu vaste mais suffisamment concret pour
être utilisable.
Nous analyserons tout de suite les perceptions doctrinales,
leur conception dans les textes internationaux et au sein des
législations nationales.
? Les perceptions doctrinales
des savoirs traditionnels :
A l'occasion de la table ronde sur la propriété
intellectuelle et les populations autochtones organisée en 1998 par
l'OMPI163(*), la
professeur Daes, qui est par ailleurs le rapporteur du travail des Nations Unis
sur les peuples autochtones comme nous l'avons précédemment
souligné, décortique la propriété intellectuelle
des populations autochtones en trois sous-systèmes : le savoir
autochtone, le folklore et l'artisanat, et la biodiversité. Elle
déclare en effet que :
« Le folklore et l'artisanat
incluent diverses formes de littérature orale, de musique, de danse, de
dessins et motifs artistiques...
La biodiversité des territoires traditionnels des
peuples autochtones peut être considéré comme faisant
partie de la propriété intellectuelle des peuples autochtones qui
requiert protection. La biodiversité se réfère, entre
autres, à la variété des plantes qui ont été
développées par l'expérimentation et la culture en tant
que nourriture, médecine ou matériaux pour la construction de
maisons, de bateaux ou autres constructions...
Le savoir autochtone se rapporte aux savoirs
détenus, transformés et transmis par les peuples autochtones sur
leur environnement, les plantes et animaux et leurs
interactions. »
De cette manière, une distinction est faite entre les
éléments purement artistiques (folklore), ceux qui sont
centrés sur la diversité biologique et les savoir-faire
proprement dits, c'est-à-dire à caractère
« scientifique et/ou technique ».164(*)
Par ailleurs, l'apport des ONG aux perspectives doctrinales
est indéniable : Sur le site Web de Nuffic Ciran,165(*)on trouve la
définition qui suit au sein d'un document intitulé
« Utilisation de la connaissance locale et développement
rural soutenable dans le 21ème siècle » :
« ...le terme connaissance locale ou indigène
(IK) est utilisé pour distinguer la connaissance
développée par une communauté donnée de
systèmes de la connaissance internationaux ou connaissance du
scientifique. Le dernier, quelquefois connu sous le nom de 'De l'ouest'
systèmes de la connaissance (WKS), est produit par universités,
centres de recherches du gouvernement et d'industrie privée. L'IK peut
se rapporter aussi à la 'technique' la perspicacité ou sagesse
gagnées et développées par les gens dans une
localité particulière, à travers années
d'observation prudente et expérimentation avec les
phénomènes naturels autour d'eux.... Les termes 'connaissance
indigène' et 'connaissance locale' sont synonymes. Cependant, quelques
experts du développement peuvent désapprouver l'usage du terme
traditionnel pour qualifier la connaissance particulière à des
gens depuis que dans quelques cercles, 'traditionnel' évoque des
conceptions du 19me siècle de 'sociétés simples, sauvages
et statiques.' ... Il a été discuté que connaissance
indigène ait été en rapport avec la culture entière
de gens, y compris leur identité et leurs croyances spirituelles et
religieuses. Pendant que quelques scientifiques et planificateurs du
développement peuvent voir la connaissance traditionnelle comme un moyen
de résoudre certains problèmes du développement, les
peuples indigènes le voient comme partie de leur culture et vital
à leur survie comme peuples ... Le monde occidental doit respecter les
valeurs culturelles de cette connaissance, et le droit des peuples
indigènes de maintenir ces valeurs doit être reconnu et doit
être protégé dans le processus du
développement. »
? Les savoirs autochtones selon les textes
internationaux :
Pour la CDB le secrétariat de la convention donne la
définition suivante : « les savoirs traditionnels se
définissent comme des savoirs, innovations et pratiques des
communautés autochtones et locales incorporés dans des styles de
vie traditionnels propres à la conservation et à l'utilisation
durable de la diversité biologique. »166(*).
Le texte de la convention, quant à lui, stipule dans
son article (8j) :
« Chaque partie contractante, dans la mesure du
possible (...)
j) Sous réserve des dispositions de sa
législation nationale, respecte, préserve et maintient les
connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et
locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un
intérêt pur la conservation et l'utilisation durable de la
diversité biologique... ».
Ce qui est remarquable sur ce point c'est que la CDB ne fait
pas de distinguo entre la biodiversité et les savoirs traditionnels
tellement les deux notions sont inhérentes.
Par une autre voie, plusieurs initiatives
intergouvernementales furent appelées en question. Nous citons ici un
extrait du document soumis à l'OMC par les cinq pays andins qui
détiennent la masse la plus élevée de biodiversité
au monde, le Pérou, le Nicaragua, la Bolivie, la Colombie et
l'Equateur167(*) :
« 5.Les connaissances traditionnelles sont
constituées en grande partie d'innovations, de créations et
d'expressions culturelles conçues ou conservées par leurs
dépositaires actuels qui peuvent être définis comme des
individus ou des communautés entières, des personnes physiques ou
morales qui ont des droits. La valeur aussi bien économique et
commerciale que culturelle de ces connaissances traditionnelles pour leurs
dépositaires justifie et alimente leur désir légitime
qu'elles soient légalement reconnues comme objet de
propriété intellectuelle, qui s'exprime dans un nombre toujours
croissant de tribunes nationales, régionales et internationales. Cette
demande n'est en fait pas moins légitime que celle qui en son temps a
justifié la reconnaissance des nouveaux objets de
propriété intellectuelle mentionnés plus haut à
titre d'exemples. »
A remarquer que généralement, les organisations
des peuples indigènes n'avancent aucune définition. Tel est le
cas de la déclaration des principes du conseil mondial des peuples
indigènes168(*).
On trouve la même omission dans la charte des peuples indigènes et
tribaux des forêts tropicales169(*). Elle dispose au sein de son article 32 :
« La mise en place de systèmes
d'éducation bilingue et biculturelle. Ceux-ci doivent revaloriser nos
croyances, nos traditions religieuses, nos coutumes, nos connaissances. Nous
devons avoir le contrôle de ces programmes grâce à une
formation appropriée, en accord avec nos cultures, de façon
à acquérir les progrès techniques et scientifiques dont
nos peuples ont besoin. En outre, ils devront respecter nos visions du monde,
qui pourront après être communiquées à la
communauté internationale. »
L'article 34 dispose que : « ...
Désormais, la production commerciale d'un excédant doit provenir
d'une utilisation rationnelle et créatrice des ressources naturelles.
Nous devons développer nos propres technologies traditionnelles et
choisir celles qui sont appropriées. »
Ensuite l'article 44 traite la question des droits de
propriété intellectuelle : « Parce que nous valorisons
nos technologies traditionnelles et parce que nous croyons que nos
biotechnologies peuvent apporter des contributions importantes à
l'humanité, y compris aux pays « développés »,
nous exigeons la garantie de nos droits à la propriété
intellectuelle et le contrôle sur le développement et la
manipulation de ces connaissances. »
Donc il n'y a pas une définition claire et nette, mais
on parle de « nos croyances », « nos traditions
religieuses », « nos coutumes » et
« nos connaissances » ... etc.
? Le savoir traditionnel aux sein des
législations nationales :
Nous prenons comme parangon la définition
avancée par le Président de la Commission des Peuples
Indigènes des Philippines dans l'introduction du rapport de son office
présenté à l'OMPI à l'occasion de la table ronde du
1er et 2 Novembre 1999170(*) :
« Dans les Philippines, la connaissance
traditionnelle touche sur presque toutes facettes de l'économique et le
développement social d'une communauté de l'agriculture à
la littérature et de la loi coutumière aux arts et
habiletés, et ainsi de suite. En dépit de la colonisation, les
Philippines ont retenu une substantielle portion de leurs connaissances
traditionnelles. Le crédit est donné à la vigilance de
divers peuples indigènes (IP) qui ont persévéré
pour protéger et encourager leurs connaissances indigènes aux
plus jeunes générations.
Le peuple indigène des Philippines est
considéré généralement comme ceux qui ont
opté pour retenir leurs coutumes et traditions, la plupart de ceux qui
restent fermes à leurs domaines ancestraux. Comme défini par
l'Acte des Droits des Peuples Indigène (IPRA), les IP sont ces groupes
de sociétés de l'homogenèses identifiés par
auto-attribution et qui vivaient continuellement comme organisés en
communautés sur des territoires définis depuis qu'ils ont
occupé... partageant des attaches communes de langue, coutumes,
traditions et qui sont devenus différenciés historiquement de la
majorité des Philippines ».
En définitive, et comme nous l'avons souligné au
début de ce paragraphe, les définitions des savoirs traditionnels
sont imprécises et fluctuantes. Il n'y a aucune définition de
leur contenu mais plutôt un consensus sur une notion.
Notre constat est que ces définitions utilisent des
« substantifs » (technique, création, savoir,
croyance, pratique..) qui « composent » des
systèmes, des institutions, des rituels... et qui sont
« qualifiés » de traditionnels ou autochtones ou
locaux. Ils sont « transmis » de culturellement à
travers les générations, et
« détenus » collectivement ou individuellement pour
le compte d'une collectivité.
Le consensus est donc centré autour de l'appartenance
des savoirs traditionnels au patrimoine indigène. Mais plusieurs
éléments d'anicroche subsistent ; d'une part, les
expressions patrimoine indigène, folklore et savoirs traditionnels ne se
couvrent pas complètement quoiqu'il puissent sembler être des
synonymes. D'autre part, le folklore est souvent mentionné comme
élément de la propriété intellectuelle
traditionnelle alors que techniquement il ne couvre que le volet artistique de
celle-ci.171(*)
c. Importance politique, économique et sociale du
débat savoirs autochtone/propriété intellectuelle
C'est au cours de la conférence de Jakarta en 1995
relative à la biodiversité que les parties à la CDB ont
décidé pour la première fois d'introduire à l'ordre
du jour de leur réunion suivante, à Buenos Aires en 1996, la
question de l'application de l'alinéa (j) de l'article 8 de la CDB. Peu
de négociateurs et d'observateurs se doutaient alors de la place
qu'allait prendre cette thématique sur le plan politique (a),
économique (b) et social (c), et qui pour beaucoup constituait un point
marginal.
? Importance politique :
L'importance politique de l'altercation savoirs
traditionnels/propriété intellectuelle se manifeste
particulièrement dans le cadre de la mondialisation qui est
historiquement un phénomène initialement politique,
précipité par l'économie, et rendu universel, de nos
jours, par les technologies de l'information et de la communication. C'est un
défie majeur pour les états qui sont, de nature, jaloux quant
à leur souveraineté ; le territoire national perd de son
importance, les décisions économiques sont transnationales ou
apatrides et les orientations politiques et économiques dépendent
de plus en plus de conventions et d'institutions multilatérales telles
que l'OMC.
Cette réduction de l'autonomie, voir de la
souveraineté, lui impose de redéfinir son rôle afin qu'il
puisse être en mesure de jouer sa fonction d'arbitrage des
intérêts nationaux et de maîtriser les enjeux sociaux.
Ainsi, la reconnaissance de communautés locales, et par
la suite leurs restaurer un rôle social est aperçu comme une
recrudescence de la remise en cause de
« l'Etat-nation ».
C'est une vision ahurie car c'est là une
opportunité pour ces états pour affermir l'aptitude de leurs
citoyens à gérer et à confirmer leur existence. Il va de
soit que la démocratie et l'usure de l'environnement sont des exigences
sociales et économiques qui imposent que la prise de décision et
les actions soient du bas vers le haut et qu'on donne libre cours à
l'approche participative du citoyen. Déchirures sociales, accroc du
tissu économique et assez fréquemment l'inadaptation de la
prestation des forces financières, commerciales et ethniques sont le
fruit du discours inverse.
Force est de constater toutefois que les efforts des ONU en
terme d'affirmation politique des peuples autochtones s'achoppent à de
fortes résistances nationales.
? Importance économique :
D'après l'ouvrage de « Kerry ten Kate &
Sarah A Laid », « The commercial use of
biodiversity » (Earthscan Publications Ltd, Londres, 1999)172(*), l'estimation de la valeur
marchande générée par les savoirs traditionnels
incorporée dans le commerce international est de la sorte:
. Pharmaceutique: environ 150 milliards de US $ par an
. Médecine botanique: environ 40 milliards de US $ par
an
. Produits agricoles: environ 450 milliards de US $ par an
. Produits horticoles ornementaux: environ 19 milliards de US
$ par an
. Biotechnologies : environ 120 milliards de US$ par
an
. Valeur économique de l'écosystème:
environ 5400 milliards
de US$ par an
Ainsi, quoiqu'on puisse minimiser les aspects sociaux ou
politiques du sujet, nul ne peut ne pas reconnaître que les savoirs
traditionnels représentent une valeur économiquement
considérable173(*), notamment par la conjugaison de cinq facteurs de
poids économique immense et qui se sont conjugués entres
elles pour la question des savoirs autochtones et se sont : La
Biodiversité, La Biotechnologie, L'agriculture, L'environnement, Le
développement
Les négociations des accords de libres échanges
sont un échantillon vigoureux de cet aspect économique. Si nous
sillonnons les débats qui les accompagnent, nous nous apercevons du bras
de fer qui oppose les pays détentrices de tels savoirs et les puissances
occidentales. Tel est le cas des USA face aux pays andins174(*).
? Importance sociale :
Le passage en revue sur le site Web du Conseil
économique et social de l'ONU aboutit à des chiffres
frappants : selon la Commission des droits de l'homme il y aurait 250
millions d'autochtones dans le monde appartenant à 70 pays et
appartiendraient à quelques 5000 groupes.175(*)
Ce n'est donc pas un problème qui ne regarde que les
pays du Sud mais c'est plutôt une problématique universelle,
présentes sur les cinq continents et qui pèse et
hypothèque l'avenir de tous les états.
Pour l'OMPI, il s'agit de plus que 300 millions de personnes,
soit l'environ de 4000 peuples et communautés.176(*)
Il va de soit, en outre, que si l'on prend en
considération la définition des populations autochtones retenue
par l'article 8j CDB, soit la notion de
« communauté locale », et sans être un peuple
autochtone au sens de l'ONU, est néanmoins détentrice de savoirs
traditionnels il s'agira dans ce cas de plus de deux milliards d'hommes et de
femmes.
B. Utilisation de la propriété
intellectuelle pour protéger les savoirs traditionnels
Il paraît difficile de protéger tous les types de
savoirs traditionnels en vertu des régimes de propriété
intellectuelle existants. Il est possible cependant que certains types de
savoirs traditionnels ou tout au moins leur mode de présentation, ou des
produits intégrant des savoirs traditionnels, puissent, dans une
certaine mesure, bénéficier de la protection inhérente
à ces régimes de propriété intellectuelle. En
outre, il est instructif de noter que c'est le droit d'auteur qui
représente l'option principale de cette protection et c'est ce qui sera
présenté ci-dessous177(*) :
. Le droit d'auteur :
En ce qui concerne le droit d'auteur, la possibilité
qu'ils englobent les expressions du folklore sera analysée
ultérieurement178(*). Mais les savoirs traditionnels en tant que tels ne
bénéficient d'aucune protection au titre du droit d'auteur ou des
droits connexes parce que les idées, les connaissances ou les concepts
ne sont pas protégés et en raison d'autres contraintes relatives
à l'identité de l'auteur, à la durée de la
protection, etc.
En effet, les droits d'auteur protégent l'oeuvres en
question pour une durée égale à la vie de l'auteur et 50
ans après la mort de celui-ci alors que les savoirs traditionnels, si
nous admettons qu'ils soient protégés entant qu'oeuvre
littéraire et artistique bien que le droit d'auteur ne protége
pas les idée, seront dans ce cas de leur nature faisant partie du
domaine public. A cet obstacle s'ajoute le fait que l'auteur de ces savoirs n'a
pas d'identité fixe.
En définitive, dans bien des cas les communautés
autochtones veulent exercer un certain contrôle sur l'utilisation des
idées empruntées à leur culture. Elles cherchent dont une
forme de protection plus vaste que le droit d'auteur.
. Le droit des dessins et modèles
industriels :
Un dessin ou modèle industriel est constitué par
l'aspect ornemental ou esthétique d'un objet utile. Il peut consister
en éléments tridimensionnels, par exemple la forme ou la texture
de l'objet, ou bidimensionnels, par exemple les motifs, les lignes ou les
couleurs.
C'est encore une fois la durée et l'étendue
limitée de cette forme de protection qui va à l'encontre des buts
des autochtones qui souhaitent mettre leur culture à l'abri de
l'appropriation illicite. Une fois expirée la période de
protection du dessin qui est de 10 ans généralement, les
producteurs non autochtones pourraient mettre en marché des dessins
identiques. On peut même se demander si ces dessins peuvent être
protégés puisqu'ils pourraient être
considérés comme public déjà et donc
inadmissibles.
. Le droit des marques :
Pour l'essentiel, une marque est un signe utilisé afin
de faire la distinction entre les produits ou services proposés par une
entreprise et ceux proposés par une autre entreprise.
Il est possible dans certaines conditions de protéger,
dans l'Union européenne par exemple, les signes utilisés pour les
produits de communautés ou groupes traditionnels au moyen de marques
collectives, de garantie ou de certification, que ce soit au niveau
national179(*) ou
communautaire180(*). La
durée limitée de protection est facilement
détournée par le renouvellement du dépôt. Mais le
problème c'est qu'il y a tant de marques qui portent des
références autochtones et qui s'opposeraient à touts
nouveau dépôt émanent des autochtones. Tel est le fameux
cas de l'équipe « Red skins de Washington »
dont le propriétaire, la Pro-Football Inc., s'oppose à un dessin
de tête d'indien déposé par une compagnie privée au
Canada.
. Le brevet d'invention :
Comme on l'a vu précédemment, le brevet est un
document délivré sur base de dépôt de demande, par
l'autorité publique (communément l'Office des brevets) qui
décrit l'invention et qui crée une situation légale dans
laquelle l'invention ne peut normalement être exploitée qu'avec
l'autorisation du titulaire du brevet181(*).
Mais dans une perspective autochtone, l'incertitude
règne quant à savoir si les brevets s'applique au savoir
traditionnel : Si une collectivité autochtone dépose une
demande de brevet pour une invention issue de connaissances traditionnelles, on
se demandera si elle peut satisfaire aux critères de la
nouveauté, de l'application industrielle et de l'apport inventif. Des
questions liées à la divulgation pourraient également se
poser si les connaissances traditionnelles étaient partagées
à grande échelle au sein d'une collectivité autochtone.
. Les obtentions
végétales :
Les obtentions végétales confèrent aux
sélectionneurs le droit exclusif de produire et de vendre les nouvelles
variétés de plantes qu'ils ont mises au point. Pour cela il faut
satisfaire quatre conditions : la variété doit être
nouvelle et différente de toutes les autres variétés, et
elle doit se montrer uniforme et stable de passage en génération
à une autre.
Mais l'inconvénient, en plus du fait que la protection
est limitée dans le temps, c'est que les droits conférés
sont généralement restreints puisque des tiers peuvent utiliser
la variété végétale pour en mettre une nouvelle au
point ou conserver des semences à des fins personnelles sans
l'autorisation du propriétaire.
. Les indications géographiques :
Fondamentalement, une indication géographique est une
mention précisant qu'un produit donné provient d'une aire
géographiquement donnée. Les exemples les plus notoires sont
celles utilisées pour les vins et les spiritueux. Par exemple,
l'indication géographique « MORNAG » est
utilisée pour indiquer qu'un type particulier de vin est originaire de
la région tunisienne de Mornag182(*). De même, le terme Cognac désigne
l'eau-de-vie provenant de la région française située aux
alentours de la ville de Cognac.
Au sens large du terme, les indications géographiques
comprennent les appellations d'origine, les désignations de provenance
et les indications géographiques (au sens étroit du mot, tel que
défini dans l'accord sur les ADPIC). Il convient de préciser que
le terme indication géographique n'apparaît pas comme tel dans la
convention de Paris.
Par désignation de provenance on entend toute
expression ou signe utilisé pur indiquer qu'un produit ou service
provient d'un pays, d'une région ou d'un endroit particulier.
Une appellation d'origine s'applique au nom
géographique du pays, de la région ou de l'endroit particulier
servant à désigner un produit qui en est issu, lorsque les
caractéristiques de ce dernier sont essentiellement ou exclusivement
tributaires de cet environnement géographique, entendu dans ses
éléments humain et naturel (exemple : champagne).
Comme pour le cas de la majorité des droits qui forment
la propriété intellectuelle, l'inconvénient de cet outil
juridique c'est qu'il soit limité dans le temps, et c'est
l'élément majeur d'importunité pour les autochtones.
En définitive, et si l'on procède par
élimination, faire recours au droit d'auteur semble être la
solution la plus heureuse, et ce notamment pour sa souplesse et pour la
portée de la protection qu'il confère. Cette politique est
vérifiée de façon claire surtout chez les
législateurs qui on réduit toute la question du savoir
traditionnel dans la protection du folklore national. En plus, de nombreux pays
du tiers monde ont pris comme référence la loi type de Tunis,
où le terme «folklore» s'entend de «l'ensemble des
oeuvres littéraires, artistiques et scientifiques créées
sur le territoire national par des auteurs présumés
ressortissants de ces pays ou des communautés ethniques, transmises de
génération en génération et constituant l'un des
éléments fondamentaux du patrimoine culturel traditionnel. De
cette façon, on a pu penser que le concept
« folklore », qui est en réalité une sous
catégorie du savoir traditionnel, pouvait suffire car il englobait aussi
les ouvres à caractère scientifique.
En effet, Conformément aux principes de souplesse et de
sensibilité aux aspirations et aux attentes des communautés
concernées, de nombreuses normes internationales de
propriété intellectuelle se remettent au législateur
national pour déterminer la portée précise de l'objet
protégé. Les lois existantes n'utilisent pas toutes les
mêmes termes pour désigner l'objet qui nous intéresse ici.
Nous notons aussi que le terme «folklore» est largement
utilisé dans les lois et instruments en vigueur, mais que certaines
communautés préfèrent l'éviter.
Les lois et projets de lois nationaux et régionaux,
ainsi que les instruments internationaux pertinents, par exemple, contiennent
notamment les descriptions ci-après de l'objet protégé
«expressions culturelles traditionnelles».
Les dispositions types de 1982 décrivent l'objet
protégé de la manière suivante :
«Aux fins de la présente loi, on entend par
«expressions du folklore» les productions se composant
d'éléments caractéristiques du patrimoine artistique
traditionnel développé et perpétué par une
communauté de [nom du pays] ou par des individus reconnus comme
répondant aux aspirations artistiques traditionnelles de cette
communauté, en particulier :
- les expressions verbales telles que les contes populaires,
la poésie populaire et les énigmes;
- les expressions musicales telles que les chansons et la
musique instrumentale populaire;
- les expressions corporelles telles que les danses et
spectacles populaires ainsi que les expressions artistiques des rituels;
que ces expressions soient fixées ou non sur un
support; et
- les expressions tangibles telles que :
a) les ouvrages d'art populaire, notamment les dessins,
peintures, ciselures, sculptures, poteries, terres cuites, mosaïques,
travaux sur bois, objets métalliques, bijoux, vanneries, travaux
d'aiguille, textiles, tapis, costumes;
b) les instruments de musique;
c) les ouvrages d'architecture.»
La loi des Philippines de 1997 sur les droits des peuples
autochtones prévoit une protection des «droits intellectuels
communautaires» portant sur :
«a) les manifestations passées, présentes
et à venir de leurs cultures (cultures des communautés
culturelles autochtones et des peuples autochtones), notamment les sites
archéologiques et historiques, les objets façonnés, les
dessins, les cérémonies, les arts graphiques, les arts du
spectacle et la littérature, ainsi que les biens religieux et
spirituels;
b) les sciences et les techniques, notamment les ressources
génétiques humaines et autres, les semences, les
médicaments, les méthodes de soins, les plantes
médicinales essentielles, les animaux, les minéraux, les
systèmes de connaissances et les pratiques indigènes, les
systèmes de gestion des ressources, les techniques agricoles, les
connaissances relatives aux propriétés de la faune et de la flore
et les découvertes scientifiques;
c) les langues, la musique, la danse, l'écriture, les
histoires, la tradition orale, les mécanismes de résolution des
conflits, les processus de consolidation de la paix, la philosophie et
l'optique de la vie, ainsi que les systèmes d'enregistrement et
d'apprentissage.»183(*)
La loi type du cadre régional du Pacifique
décrit l'objet protégé, c'est-à-dire les
expressions de la culture, comme englobant «toutes les formes, tangibles
ou intangibles, d'expression ou de représentation de savoirs
traditionnels, quels qu'en soient le contenu, la qualité ou le motif, et
qui comprennent entre autres :
«a) les appellations, contes, chants, énigmes,
histoires et airs chantés dans des récits;
b) l'art et l'artisanat, les instruments de musique,
sculptures, peintures, gravures, poteries, terres cuites, mosaïques, le
travail du bois ou du métal, la fabrication de bijoux, la vannerie, les
travaux d'aiguille, l'artisanat en coquillages, les tapis, les nattes, les
costumes et les textiles;
c) la musique, la danse, le théâtre, la
littérature, les cérémonies, les représentations
rituelles et les pratiques culturelles;
d) les formes figuratives, les parties et les détails
de dessins et de compositions plastiques; et
e) l'architecture».
Dans la loi type de Tunis, le terme «folklore»
s'entend de «l'ensemble des oeuvres littéraires, artistiques et
scientifiques créées sur le territoire national par des auteurs
présumés ressortissants de ces pays ou des communautés
ethniques, transmises de génération en génération
et constituant l'un des éléments fondamentaux du patrimoine
culturel traditionnel.
La loi des États-Unis d'Amérique sur l'art et
l'artisanat indiens s'applique aux «produits indiens».
Quant au régime sui generis du Panama, il porte sur les
créations des peuples autochtones telles qu'inventions, dessins et
modèles, innovations, éléments culturels historiques,
musique, art et expressions artistiques traditionnelles.
La décision 486 de la Communauté
andine184(*)
prévoit également la protection du «nom d'une
communauté autochtone, afro-américaine ou locale ou (...) des
dénominations, des mots, des lettres, des caractères ou des
signes utilisés pour distinguer les produits, les services ou les modes
de transformation de ladite communauté ou (constituant) l'expression de
sa culture ou de ses pratiques».
Quant à la loi tunisienne, traite le sujet du folklore
au sein de son article 7 dont l'alinéa premier dispose que :
« Le folklore fait partie du patrimoine national et chaque
transcription du folklore en vue de son exploitation lucrative nécessite
une autorisation du ministère chargé de la culture moyennant le
paiement d'une redevance au profil de la caisse sociale de l'organisme
chargé de la protection des droits d'auteur crée en vertu de
cette loi »
Ce qui est marquant à première vue, c'est la
limitation de la problématique des savoirs et savoir-faire
traditionnels au folklore qui n'est qu'un sous ensemble du sujet.
Si l'on revienne à l'article premier de cette loi, on
s'aperçoit que le législateur de 1994 (comme celui qui l'a
précédé) énonce la liste des oeuvres
protégées par le droit d'auteur, et parmi
lesquelles, celles « inspirées du folklore
national ».
A notre sens, le législateur aurait du plutôt
évoquer « les oeuvres du folklore national ». Les
oeuvres qui s'en inspirent sont certes protégées mais en tant
qu'oeuvres dérivées dès qu'elles présentent,
elles-mêmes, un élément d'originalité. Elles
noyautent dans le cadre de la protection édictée à
l'alinéa dernier de l'article 1er et ce entant que
« arrangements ou adaptations ».
L'exigence d'assurer la protection des oeuvres du folklore sur
le plan national et international s'est fait sentir depuis de nombreuses
années. Sur l'intervention des pays en voie de développement,
plusieurs organisations internationales ont étudié les
problèmes spécifiques relatifs à la protection de cette
catégorie d'oeuvres.
Par ailleurs, une définition du folklore est
avancée pour la première fois ; le troisième
alinéa de l'article 7 dispose que : « Est
considéré folklore au sens de cette loi, tout patrimoine
artistique légué par les générations
antérieures et qui soit lié aux coutumes et aux traditions et
à tout aspect de création populaire tel que les histoires
populaires, les lettres, la musique et la danse. »
A remarquer que le législateur de 1994 n'a pas repris
la définition des oeuvres « inspirées du
folklore » qui figurait au sein de l'article 6 de la loi du 14
Février 1966 et qui est devenue inutile.
La notion avancée par l'article 7 a un sens large et
l'on peut considérer que le domaine de protection s'étend
à tous les aspects et à toutes les formes de la création
populaire.
Il est en outre intéressent de souligner que le
législateur tunisien a promulgué une loi relative au Code du
Patrimoine archéologique historique et des arts traditionnels ayant pour
but de préserver et de sauvegarder les valeurs culturelles, les
vestiges, les monuments et objets historiques, les sites et objets
archéologiques et notamment les éléments visés par
l'article 7 de la loi du 24 Février 1994 et relevant de la
création populaire.
C'est dire l'intérêt manifesté par la
législation moderne pour la protection des oeuvres relevant de ce
domaine.
Le législateur français par exemple n'a pas
envisagé expressément cette question dans l'article L112-2 du
Code de la propriété intellectuelle, article qui présente
les oeuvres protégées, mais la liste proposée est tout de
même indicative, l'article disposant que : « Sont
considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du
présent code... ».
§2. La biopiraterie :
Ce terme qui manifeste le piratage de la diversité
biologique, fait renvoi aux demandes de brevets qui touchent les
éléments de la biodiversité et les savoirs autochtones, et
qui pirateraient l'innovation, la créativité et le génie
des peuples du tiers-monde, et cela, bien entendu, moyennant les DPI qui
légitiment la propriété exclusive des ressources, produits
et procédés biologiques utilisés depuis des siècles
au sein de cultures considérées
« inférieures ».185(*)
Il en est ainsi du pillage de la pharmacie du pauvre, du
pillage à la ferme des agriculteurs et du pillage d'un pesticide
naturel, pris comme exemples, entre autres, de cette biopiraterie.
a. Pillage de la pharmacie du
pauvre :
Exemple type : le
« Phyllanthus niruri »
Le « Phyllanthus niruri » est une plante
médicinale utilisée partout en Inde pour traiter certaines formes
de l'hépatite et autres maladies dues au foie. Issu de la tradition
populaire qui utilise diverses plantes pour soigner les maladies ordinaires, il
est aussi populaire dans les thérapies officielles que dans les
pratiques des populations locales. En d'autres termes, il fait partie de leur
savoir autochtone186(*).
Le Fox Chase Cancer Centre de Philadelphie a adressé
une demande à l'OEB en vue de breveter la fabrication d'un
médicament anti-hépatite virale B en se prévalant du fait
que le Phyllanthus niruri n'a pas été proposé comme
traitement de l'hépatite avant les travaux de ses inventeurs.
De cette manière, ladite société a fait
comme s'il s'agissait d'une nouvelle application alors que des
médicaments obtenus à partir de cette plante ont servi des hommes
et des femmes pour des centaines d'années. C'est un acte de pure
« biopiraterie ».
C'est encore une fois le brevet qui sert de couverture pour la
biopiraterie quand une entreprise du New Jersey, la « Cromak Research
Inc », a obtenu récemment un brevet de chez l'OAB pour
l'utilisation de certaines plantes contre le diabète sous
prétexte que leur manipulation a eu lieu en Europe et non pas dans l'un
des pays du tiers monde.187(*)
b. Pillage à la ferme
des agriculteurs :
Exemple type : le riz
basmati
L'Inde produit annuellement 650 000 tonnes de riz basmati
et il en est le premier exportateur dans le monde. On peut imaginer ce qu'il
représente pour un aussi pauvre pays.
En outre, le riz basmati est cultivé depuis des
siècles dans le sous continent indien comme l'authentifient le folklore,
les poésies et les textes anciens. Il en existe 27
variétés, fruits de l'observation, de l'expérimentation et
de la sélection effectuées des agriculteurs qui en
élaborèrent les variétés en fonction des conditions
climatiques et des exigences de la cuisson.
Une telle culture et une telle innovation méritent
d'être reconnues aux agriculteurs quoique leur réalisation soit
à caractère informel.
Bien au contraire, c'est la société Rice Tec
Inc. du Texas qui aura un tel honneur puisqu'elle en obtient un brevet en date
du 2 Septembre 1997188(*) et qui concerne ses souches et ses grains. En vertu
de ce brevet, et alors que les agriculteurs indiens sont dépourvus d'un
bien et un héritage qui leur est cher, la Rice Tec le commercialise sous
le nom de Kasmati, Texmati et Jasmati.189(*)
Finalement, le riz basmati n'est qu'un exemple entre
autres ; il en est de même pour plusieurs variétés
végétales qui sont « piratées » et
monopolisées par les géants de l'agroalimentaire.190(*)
c. Pillage d'un pesticide
naturel :
Exemple type : le
« neem »
Le neem, « Azadirachta indica », est une
plante qui pousse elle aussi en Inde et qui est utilisée en agriculture
comme en médecine depuis des siècles. Selon les historiens, des
écrits anciens de plus de deux mille ans décrivent le neem en
tant que purificateur de l'air et remède à des maladies tant
humaines qu'animales. Des recherches ont démontré que ses
extraits agissent sur près de 200 espèces d'insectes dont
plusieurs résistent aux pesticides modernes191(*).
Sans aucune tentative en vue d'acquérir des droits de
propriété sur ses formules, le neem est omniprésent sur le
marché indien sous forme d'insecticides, produits de beauté,
médicaments...
Ainsi, les valeurs culturelles, médicinales et
agricoles conjuguées du neem ont concouru à sa propagation
à grande marche et à sa notoriété.
Les colons britanniques, français et portugais n'ont
point montré d'intérêt aux usages de tribus
considérées comme sauvages. Ce n'est que depuis quelques
années que les occidentaux ont fait état des
propriétés pharmaceutiques du neem sous la pression de
l'opposition croissante aux produits chimiques.
En effet, l'importateur américain de bois Robert Larson
a découvert l'utilité du neem et a commencé à en
importer depuis 1971. Il a entamé des recherches dans la décennie
suivante qui se couronnèrent par un pesticide qu'il a nommé
« Margosan-O ». Depuis 1982, une douzaine de brevets
américains ont monopolisé le commerce et la production de cette
plante.192(*)
En outre, ledit Robert Larson a vendu son brevet à la
multinationale de produits chimiques « Grace ». Cette
dernière a implanté une usine en Inde et elle a même
crée son propre réseau de fournisseurs de semences pour
contrôler d'avantage les prix. De cette façon, les prix des
graines sont devenus hors de la portée des simples citoyens et
d'ailleurs on n'en trouve même pas car « Grace »
utilise son pouvoir économique pour acheter toutes les récoltes.
Les pauvres ont perdu une ressource essentielle pour leur survie, ressource qui
était auparavant abondante et à bon marché.193(*)
D'après ce qui précède, de l'optique des
travaux de la FAO comme de l'optique de la CDB, les savoirs traditionnels
pouvaient aussi bien être détenus par les communautés
locales traditionnelles ou encore des communautés d'agriculteurs, les
différents segments s'intersectionnant souvent.
Nous avons dévisagé que les esquisses de
définir aussi bien les savoirs traditionnels que les peuples autochtones
parachevaient à des impasses vu la pluralité et la
diversité des savoirs ainsi que les peuples.
En outre, l'aspect collectif de la détention de ces
savoirs soufrait manifestement d'innombrables exceptions et de simples
individus pouvaient être détenteurs de savoirs traditionnels ou de
certains aspects de ceux-ci.
Enfin, les savoirs traditionnels ne sont pas exclusifs et
propres à une seule communauté contrairement à ce qui est
souvent prétendu, mais ils peuvent être partagés par
plusieurs communautés. Ce n'est donc pas cet aspect qui les
élucide.
En définitive, l'essentiel n'est pas le
détenteur en soi ni le mode de détention mais la qualité
de propriété intellectuelle de ces savoirs.
Dans cet abord, ont été
différenciés le patrimoine culturel général, le
folklore et les savoirs traditionnels. On a donc divergé de notre
réflexion le folklore au sens défini par l'OMPI, mais nos
conclusions fondées sur l'article 2Viii de la convention fondant l'OMPI
permettait le cas échéant de traiter le folklore, à
travers sa production artisanale, sur le même pied qu'une connaissance
traditionnelle et d'étendre ainsi la protection aux objets folkloriques,
voir à ses expressions immatérielles (danses, chants,
rites...).
Par ailleurs, l'adversité la plus austère
à la création d'un statut juridique international de la
propriété intellectuelle n'est pas le droit positif de la
propriété intellectuelle, comme on l'a vu, mais l'imaginaire
ancré dans la conscience collective et de chacun de nous. La
hiérarchie des races, des intelligences est des savoirs faire
constituent une hangar d'effigies qu'il faut défaire.
Il est d'ailleurs regrettable et désolant qu'à
l'occasion de la conférence mondiale contre le racisme à Durban
en Septembre 2001, ni l'OMPI ni aucun des états participant n'aient
exprimé le lien si étroit entre le racisme et les chicanes de la
reconnaissance juridique de la créativité intellectuelle qui sont
parfois, hors des cercles spécifiques, réductrices et
péjoratives.
Il faut ajouter à cela le poids de l'optique
économique du sujet ; l'accès aux ressources
génétiques et aux connaissances traditionnelles qui y sont
attachées.
Rien de durable ne peut être fondé sur les
inégalités. L'égalité de parties qui disposent
d'outils juridiques adéquats sera le terrain fertile, par excellence,
d'un développement économique endogène.194(*)
Conclusion générale
A la lumière de l'analyse avancée, le
modèle des droits de propriété industrielle
universalisé par l'Accord ADPIC réunit les mesures politiques et
économiques prises à diverses périodes de l'histoire de
l'humanité. Un instrument de colonisation et d'assujettissement à
l'époque coloniale, il est devenu le reflet de la quête pour la
liberté économique et la souveraineté politique. Il peut
susciter un néo-colonialisme à l'égard non seulement des
populations mais de toute forme de vie.
Engagés dans le tourbillon de la piraterie et de la
prédation, les droits de propriété industrielle, et
intellectuelle en général, vont promouvoir la biopiraterie et le
pillage intellectuel et ils instituent l'asservissement biologique et
l'esclavage intellectuel.
En revanche, si l'on fonde les systèmes politiques et
économiques sur la démocratie et la diversité, la
propriété intellectuelle permettra de primer ce qui est une
authentique créativité sans pour autant leurrer les limites
morales et écologiques au-delà desquelles la vie même,
naturelle aussi bien que sociale, est menacée.
Comme nous venons de l'exposer, c'est aux DPI que nous devons
une bonne partie des acquis dans le domaine de la protection des savoirs
traditionnels. Cette attitude positive vis-à-vis des
préoccupations environnementales n'est pas malheureusement
vérifiée pour la relation de la biodiversité avec la
propriété industrielle.
Il s'agit finalement de trouver le bon équilibre, la
solution modérée entre les obligations qui émanent de
l'ADPIC et les particularités nationales et locale.
Nous rappelons que c'est en ce sens qu'à la suite de
pressions populaires soutenues que plusieurs pays du tiers monde ont
demandé à apporter des modifications à la teneur de
l'alinéa 3b de l'article 27 de L'ADPIC et alors que ce dernier
était déjà entré en vigueur depuis 1995, et cela en
vue de prévenir la biopiraterie. Mais d'ici à ce que les mesures
nécessaires soient prises, il conviendrait sans doute d'exclure les
brevets sur toute forme de vie.
Toutefois, si l'exclusion des brevets fondés sur le
savoir traditionnel et sur les produits et procédés qui en
découlent est pour le moment impossible, on peut néanmoins exiger
à ce que soit divulgué le nom du pays d'origine de la source
biologique et du savoir connexe et obtenir du pays fournisseur de ces biens
qu'il consente au partage équitable des bénéfices.
Alors qu'ils devraient se reconnaître promoteur du
pillage, et au lieu de modifier leurs lois pour en interdire la pratique, les
États-Unis ont rejeté toutes les tentatives du tiers monde visant
la reconnaissance et la protection du savoir autochtone.
En ce qui concerne la biopiraterie, les États-Unis
prétendent qu'il est « difficilement applicable »
que les déposants d'une demande de brevet puissent mentionner la source
du matériel génétique ou du savoir traditionnel qu'ils
auraient utilisé.
Il est désolant que l'on ne voit pas d'obstacles ni
d'objections à transformer les cultures du monde entier en imposant une
vision des DPI qui fait que les pauvres du tiers-monde payent des redevances
sur des ressources et des connaissances qu'on est allé puiser chez eux.
Le brevetage immoral du vivant et la transmutation de la diversité
biologique du globe paraissent aisés et convenables. En revanche, il est
extrêmement problématique de changer la teneur d'un seul article
dans une loi américaine et dans l'ADPIC.
Le brevetage étant devenu courant aux États-Unis
et au Royaume-Uni, les dispositions de l'ADPIC qui régissent ce
brevetage soulèvent de sérieux problèmes qu'il importe
d'examiner. Par conséquent, il serait utile que les pays en
développement attendent cet examen avant de modifier leurs
régimes de brevets.
Le modèle prépondérant qui fait circuler
librement et sans protection les savoir-faire et les ressources du Sud riche en
capital génétique vers le Nord riche en capital financier, alors
que le flux de connaissances et de ressources est protégé dans la
direction inverse, est d'une injustice criante et ne peut pas être
toléré.
Pour ce fait, il faut que les droits collectifs servent de
contre poids aux droits de propriété intellectuelle. Un monde
ayant pour seule devise celle du marché ne peut qu'appauvrir la
majorité ; aussi bien la nature que le tiers monde et la
communauté internationale.195(*)
Quant à la biopiraterie, on propose souvent comme
solution la bio-prospection et le partage des bénéfices, ce qui
obligerait les titulaires d'un brevet sur le savoir autochtone à
partager avec les innovateurs d'origine les bénéfices
résultants de leur monopole commercial. La bio prospection servirait
ainsi de prototype aux rapports entre les entreprises qui commercialisent le
savoir autochtone et les milieux autochtones qui ont collectivement
créé ce savoir et l'ont développé.
Cependant, la bioprospection n'est qu'une configuration
soignée de biopiraterie. Ce modèle de deux malformations :
Premièrement, dire qu'un savoir existe déjà, signifie que
tout brevet à son égard est parfaitement illégitime
puisqu'il viole les principes de nouveauté et de non évidence
quoi que nous puissions couvrir ces critères de formulations
euphémiques. Le simple fait d'accorder des brevets sur le savoir
autochtone revient à attester que le système de brevets est une
affaire de pouvoir et de contrôle, non d'inventivité et de
nouveauté.
La seconde est que l'appropriation d'un savoir autochtone
essentiel à l'alimentation et aux soins médicaux, le convertir en
un droit de monopolisation et d'exclusivité au moyen de brevets donne se
traduit sur l'ordre pratique par l'établissement d'un système
économique qui oblige les gens à acheter ce qu'ils ont produit
pour eux-mêmes, est une stratégie qui prive les gens d'un
bénéfice et les appauvrit, non un processus qui favorise le
«partage des bénéfices». Cela revient à voler un
pain pour en partager ensuite les miettes.
* 1 Cette
« nouveauté » n'est autre qu'une chimérique
apparence, voir la page 7.
* 2 Voir en ce sens :
CODORET A., Protection de la nature : de la nature à
l'environnement, l'Harmattan, Paris, 1985.
* 3 Cette idée sera
analysée avec minutie dans les pages qui suivent.
* 4 voir en ce sens :
DEVILLER MORAND J., L'environnement et le droit, L.G.D.J. 2001 ;
FROMAGEAU J. & GOUTTINGUER P., Droit de l'environnement, Eyrolles
1993 ; GUIHOL Dominique, Droit répressif de l'environnement,
Economica, 2me édition. 2000 ; ORGANISATION DE
COPERATION ET DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE, Glossaire de l'environnement,
OCDE 1995.
* 5 Voir dans ce sens :
DEVILLER MORAND J., op.cit. p.2
* 6 GUILLOT Ph., Droit
de l'environnement, Ellipses 1998, p. 5
* 7 article 2 de la loi
n°91-88 du 2 Août 1988 portant création de l'Agence Nationale
de Protection de l'Environnement
* 8 conseiller juridique de
l'Organisation Mondiale du Tourisme (Madrid) et l'ancien directeur de la
division des droits de l'homme et de la paix à l'UNESCO.
* 9 L'ensemble des articles
de Mr. Karel sont sur la page Web :
http://unesdoc.unesco.org/ulis/cgi-bin/ulis.pl?database=ged&lin=1&look=new&sc1=1&sc2=1&nl=1&req=4&au=%20vasak,%karel.
* 10 PRIEUR M., Droit
de l'environnement, 5me édition, Dalloz 2004, p.1.
* 11 Vu les
conséquences de l'adoption de certaines définitions des termes
savoirs traditionnels et population autochtone sur la mise en oeuvre des
législations et des textes internationaux, une analyse
détaillée sera élaborée en deuxième partie
de ce mémoire, p. 62 et s.
* 12 Convention de Stockholm
de 1967 fondant l'OMPI.
* 13 LUCAS
A., Traité de la propriété littéraire et
artistique, Litec, Paris, 2ème édition 2001, p.1.
* 14 Voir en ce sens :
BENNEBOU V. L., Droit d'auteur et droits voisins en droits
communautaire , Bruylant Bruxelles 1997 ; BERGE J. S., La
protection internationale et communautaire du droit d'auteur, LGDJ
1996 ; BERNBOOM A. , Le nouveau droit d'auteur et les droits
voisins, maison Larcier 1995 ; BERTRAND A., Droit d'auteur et les
droits voisins, Masson 1991 ; COLOBET C., Grands principes du droit
d'auteur et des droits voisins dans le monde, Litec 2me édition
1992 ; COLOMBET C., Propriété littéraire et
artistique, 9me édition Dalloz 2000 ; FRANCON André, Le
droit d'auteur, les éditions Yvon Blais 1993 ; LINANT DE BELLEFONDS
X., Droit d'auteur et les droits voisins, Dalloz 2002 ;
* 15 Article 1er
de la Convention de Paris pour la protection de la propriété
industrielle du 20 Mars 1883.
* 16 Voir dans ce
sens : Chavanne A. & Burst J-J., Droit de la
propriété industrielle, 5ème édition, Paris, Dalloz
1998, p1.
* 17 Voir en ce sens :
SCHMIDT SZALEWSKY J., Droit de la propriété industrielle,
Paris, Dalloz 4eme édition 1999.
* 18 Lucas A., op.cit.
p.3-17
* 19 Les pays arabes ont du
attendre la loi Ottomane, tel qu'en Jordanie le 8 Mai 1912, en Syrie (et Liban)
le 17 Janvier 1924.
* 20 SHIVA V., La vie
n'est pas une marchandise : Les dérives des droits de
propriété intellectuelle, Cérès (Tunisie) Mai 2004,
page 9 et suivantes.
* 21 C'est une question
grave, d'autant que nous savons que le staff américain en 1994 ne
comprenait ni juristes ni diplomates, mais les quelques douze firmes les plus
gigantesques au monde : Bristol Myers, Dupond, GM, G. Electrics, Hewlet
Pacard, IBM, Johnson & Johnson, Merck, Monsanto, Pfizer, Rokweller
International et Time Warner. L'entrisme des considérations
économiques ne laisse pas de doute. Voir dans ce sens : GRANSTRAND
Ove, The economics and management of intellectual property : Towards
intellectual capitalism, Cheltenham Edward Elgar 1999; BACCHUS James: «The
bicycle club: Affirming the american interest in the futur of the TWO»
Journal of world trade, n°3 June 2003; E.ISAAC Grant & A.KEER
William: « WTO , a harvest of trouble» Journal of world trade,
vol37 n°6 Decembre 2003.
* 22 SHIVA V., op. cit.
pages 11 et 12.
* 23 Wipo magazine,
«Bioethics and Patent Law: The Cases of Moore and the Hagahai People»
September 2006, http://www.wipo.int/wipo_magazine/en/2006/05/article_0008.html
(visité le 22/10/06 à 22h00).
* 24 Voir en ce sens :
Magazine de l'OMPI numéro du mois de Juin 2006
* 25 clonage effectué
au sein du « Roslin Intitute », voir en ce sens le site Web
de Futura Science sur la page :
www.futura_sciences.com/fr/sinformer/actualiés/news/t/vie-1/d/mort-de-dolly-la-première-brebis-clonée_1709.
* 26 le brevet
européen FP343.217.
* 27 Ecole Polytechnique de
France, cahier n°2003/03,
http://ceco.polytechnique.fr/CAHIERS/pdf/2003-003.pdf visité le
26/09/2006.
* 28 Clavier J.P, Les
catégories de la propriété intellectuelle à
l'épreuve des créations génétiques, Paris,
l'Harmattan 1998, notamment : page 81 la création d'une nouvelle
catégorie juridique, page 133 la phase de déformation de la
catégorie des brevets... etc.
* 29 Clavier J.P, op. cit.
p. 65
* 30 Clavier J.P, op. cit.
p. 304 pour le droit des topographies et des produits semi-conducteurs et p.
319 pour le droit des dessins et modèles.
* 31 Voir en ce sens :
Schmidt-Szalewski J., Droit de la propriété industrielle, Paris,
Dalloz 1999, voir la deuxième sous-partie intitulée
« les droits voisins du brevet d'invention » p. 67 et s.
* 32 A titre d'exemple,
vingt siècles avant l'ère chrétienne les Egyptiens se
servaient de levures pour la fabrication du pain. De meme, les
Mésopotamiens utilisaient des micro-organismes comme ferment de la
bière 6000 ans avant Jésus-Christ.
* 33 Voir dans ce sens DE
SADELEER N. & BORN Ch-H., Droit international et communautaire de la
biodiversité, Dalloz 2004 ; VAN OVERWALLE Geertui, Droit des
brevets, éthique et biotechnologie, Bruylant Bruxelles, 1998, p. 7 et
s.
* 34 Article 2 de la
convention de Rio de Janeiro de 1992.
* 35 Chavanne A.& Burst
J-J., op.cit. p.25
* 36 affaire Souris
oncogène/Havard :T 0019/90 en date du 03 Octobre 1990,
exposé des faits et attendu sur la page Web :
http://legal.european-patent-office.org/dg3/biblio/t900019fp1.htm .
* 37 voir dans ce sens les
décisions : V0006/92,
http://legal.european-patent-office.org/dg3/biblio/v920006fp1.htm. ;
T0272/95-3.3.4
http://legal.european-patent-office.org/dg3/biblio/t950272fp1.htm ;
G0003/99-GCR http://legal.european-patent-office.org/dg3/biblio/g990003fp1.htm
; V 0004/89 http://legal.european-patent-office.org/dg3/biblio/v890004fp1.htm;
(les URL mentionnées furent vérifiées le 22/10/2006
à 22h40)
* 38 Loi n°2OOO-84 du
24 Août 2000 relative aux brevets d'invention.
* 39 Article 1er,
paragraphe 8, clause8.
* 40 Voir le site de
l'Office du Copyright sur la page Web :
http://www.copyright.gov/title17/circ92.pdf visitée le 06/05/2006
à 21h30.
* 41 Affaire Allen, 2USPQ2d,
1425, 1987, voir ROUX-VAILLARD S., Les jurisprudences françaises
et américaine comparées en matière de conditions de
brevetabilité, Collection du CEIPI, Presse universitaire de Strasbourg
2003, p. 283.
* 42 décision T49/83,
du 26 Juillet 1983, matériel de reproduction Ciba Ceigy.
http://legal.european-patent office.org/dg3/biblio/t830049fp1.htm
visitée le 13/01/2006.
* 43 l'article
1er disposant que : « la présente loi
s'applique à toutes les semences, plans et obtentions
végétales utilisés dans la production
agricole »
* 44 en principe, vu
l'absence de jurisprudence en la matière, et vu que jusqu'à la
rédaction de ce mémoire , aucune obtention n'a été
déposée chez l'Institut National de Normalisation et de
Propriété Industrielle.
* 45 voir dans ce sens:
SCHISSEL Anna, MERZ Jon et CHO Mildred « Survey confirms fears about
licensing of genetic tests », Nature, vol. 402, 1999, p. 118
* 46 à ce propos, il
est intéressant de lire les attendus de l'affaire Plant Genetic Systems,
décision T0380/94 en date du 12 Novembre 98 :
http://legal.european-patent-office.org/dg3/biblio/t940380eu1.htm
visitée le 13/04/2006.
* 47 la
microbiologie, domaine d'étude s'intéressant aux
organismes de taille microscopique, en particulier aux bactéries, aux
protozoaires, aux virus ainsi qu'à certains champignons (levures) et
algues unicellulaires de petite taille.
* 48 Directive 98/44/CE du
Parlement Européen et du Conseil du 06 Juillet 1998 relative à la
protection des inventions biotechnologiques.
http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/1998/l_213/l_21319980730fr00130021.pdf
visitée le 13/04/2006.
* 49 Affaire Diamond v.
Chakrabarty, 447 US 303, 16 Juin 1980, voir le site de la Cour Suprême
des États-Unis http://www.supremecourtus.gov/ ; des informations
supplémentaires sont sur les pages
Web :http://www.oyez.org/oyez/resource/case/1125/ ;
http://www.cs.virginia.edu/~jones/tmp352/projects98/group13/genelegal2.html
visitée le 16/04/2006.
* 50 Affaire Bergy, 596 F2d
952, 1979, pour plus de détails voir ROUX-VAILLARD S., op.cit. p.276
à 279.
* 51 voir en ce sens :
CHVANNE A. & BURST J-J., op.cit. p. 77.
* 52 Voir dans ce
sens : CLAVIER J.P. op. cit. p. 120 et s.
* 53 ROUX-ROUQUIE
Magali : « Sur les paradoxes épistémiques de la
« GENE-ETHIQUE » » Gironna, 10-14 Juin 2002,
www.mcxapc.org visité le 20/09/2005 à 15h10 ; Van Overwalle
G. op. cit. p. 109 et s.
* 54 Prof. N.BOUSTANY
Fouad : « La Bioéthique : Définition et
Législation » 31/01/2005
www.fm.usj.edu.lb/anciens/biolegi.htm visitée le 04/03/2005 à
17h00.
* 55 Paris, 11 Mars 1982, BD
1983, I, 1, notamment les notes p.3.
* 56 Chicago Patent Corp. v.
Genco, USPQ3, 1941.
* 57 Brewer v. Lichenstein,
278F512, 1903.
* 58 Richard v. Du Bon,
103F868, 1900.
* 59 Tribunal Civil de la
Seine, 29 Novembre 1913.
* 60 Ex Parte Murphy, 200 USPQ
801, 1977.
* 61 Lowel v. Lewis, 15F. Cas.
1018, 1817.
* 62 TGI Paris, 11 Mars 1998,
PIBD 1998.
* 63 Twentieth Century Motor
Car v. Holcomb Co., 220F669, 1915.
* 64 Repris par Roux-Vaillard
Stanislas, op.cit. p.138, Black's Law Dictionary, sixth edition, West Pubishing
Company, 1991.
* 65 Le droit positif des
deux états interdisant déjà l'assimilation du corps humain
à un bien.
* 66 Loi n°94-653 du 29
Juillet 1994.
* 67 Voir en ce sens :
Ramonet Ignacio : « Pokémon » Le Monde
Diplomatique, Août 2000, page1 ; NAU Jean-Yves : « Brevets
industriels pour matériau humain ? » Le Monde, 22 Juillet
2000 ; SULSTON John : « Histoire d'une aventure
scientifique et politique : Le génome humain sauvé de la
spéculation » Le Monde Diplomatique, Décembre 2002,
pages 28 et 29 ; SCHOEN Antoine : « Des brevets sur
les gènes humains, analyse d'une controverse d'origine
scientifique » Université de Paris Sud 11 Janvier 2002
www.jm.u-psud.fr ; DESBOIS Dominique : « Vers une
appropriation privative du vivant? » Journal Inra www.inra.org
(visité le 02/11/2005 à 23h10) ;
* 68 affaire Amgen v. Chugai
Pharmaceutical Co. Ltd. 13USPQ2d 1737, 1989. voir la page Web :
http://freepatentonline.com/4703008.html ainsi que la page Web :
http://freepatentonline.com/4703008.html?highlight=4397840. (visités le
05/06/2007).
* 69 Revendication n°2,
U.S.Patent No. 4,703,008.
* 70 ROUX-VAILLARD S.,
op.cit. p. 286 à 310.
* 71 NAU Jean-Yves :
« Brevets industriels pour matériau humain ? » Le Monde, 22
juillet 2000 ; UNESCO, Comité international de bioéthique
(CIB) Rapport du CIB sur «Ethique, propriété intellectuelle
et génomique » Paris, 10 janvier 2002, Rapporteur : Juge Michael
Kirby, Division de l'éthique des sciences et des technologies
www.unesdoc.unesco.org;
* 72 ROUX-VAILLARD S., op.cit.
p. 290 et s.
* 73 Un plasmide est un
très court bout d'ADN que l'on trouve chez les bactéries et qui
se copie comme l'ADN contenu au sein des chromosomes.
* 74 Un vecteur est une portion
d'ADN insérée dans une bactérie pour se dupliquer lorsque
la bactérie se duplique.
* 75 VIVANT M.,
Propriété intellectuelle et ordre public, in Jean Foyer auteur et
législateur, PUF 1997, p.319, cité par ROUX-VAILLARD S., op.cit.
p.295.
* 76 GALLOUX J.C.,
« La brevetabilité des éléments et produits du
corps humain ou les obscurité d'une loi grand public », JCP
1995, cité dans ROUX-VAILLARD S., op.cit. p.295
* 77 Cour d'Appel de Paris, 30
Mai 1997, PIBD 1997.
* 78 Hormone de Croissance
Humaine.
* 79 Tels furent les propos de
la Cour Suprême dans l'affaire Chakrabarty précédemment
présentée.
* 80 Revendication n°2,
U.S.Patent No.4,703,008.
* 81 Revendication n°4 et
6, U.S.Patent No.4,703,008.
* 82 Affaire Bergy, 596 F2d
952, 1979, préc.
* 83 Paris, 30 Mai 1997, PIBD
1997, III, 489, p.494, repris dans ROUX-VAILLARD S., op.cit.
* 84 Attendu repris dans
ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 299.
* 85 L'ensemble des attendu
repris dans ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 299.
* 86 Brenner v. Manson, 383
US 519 (1966), voir en ce sens la page Web :
www.oyez.org/cases/1960-1969/1995/1995_58/ visitée le 05/06/2007.
* 87 Pantela A. Docherry, The
Human Genome: A Pamnring Dilemma, 26 Akron L.R. 525 (1993), repris dans
ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 300.
* 88 Amgen, Ince Chugai
Pharmaceurical Co. Lrd., préc.
* 89 Jean-Yves Nau, «Le G8
élargi consacré à la bioéthique se prononce contre
la breveta-Mité des gènes humains », Le Monde 27 juin
2000.
* 90 Paris, 30 mai 1997,
préc. Attendu repris dans ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 301.
* 91 Hormone Research
Fondation, Inc. V. Genentech, Inc., 15 USPQ2d 1039 (1990).
* 92 Paris, 30 Mai 1997,
préc.
* 93 ROUX-VAILLARD S., op.cit.
p. 303.
* 94 Affaire Bell, 26 USPQ2d
1529, 1993. affaire exposée sur la page Web :
www.oyez.org/cases/1980-1989/1982/1982_81_2125/ visitée le
05/06/2007.
* 95 Attendu cité dans
ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 304.
* 96 Affaire Deuel, 34 USAQ2d
1210, 1995.
* 97 ROUX-VAILLARD S., op.cit.
p. 305.
* 98 Affaire Bell,
préc.
* 99 Extrait cité in
ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 307.
* 100 In re Durden, 763 F2d
1406, 1985.
* 101 In re Pleuddemann, 910
F2d 823, 1990.
* 102 ROUX-VAILLARD S.,
op.cit. p. 308.
* 103 ROUX-VAILLARD S.,
op.cit. p. 308.
* 104 En ce sens : la
Chaire Arcelor de l'Université Catholique de Louvain, Note de
synthèse du Séminaire "Brevet, Innovation &
Intérêt Général: Etat de la Question" 23 mai 2005
www.chaire-arcelor.be
visité le 18/11/2005.
* 105 Vandana S. op.cit.
p.21.
* 106 Article
1er de la CDB.
* 107 Préambule de
l'ADPIC, première considération. Voir en ce sens : ANDERSON
Kym & BLACKHURST Richard, Commerce mondial et environnement, Economica
1999 ; ILBERT Hélène, LE GOULVEN Katel et GALVIN Marc :
« La diversité des règles de protection de la
biodiversité et de la propriété intellectuelle »
(dans : L'environnement dans les négociations commerciales
multilatérales : un passage obligé ? ed. Solagral,
Paris Octobre 2OOO p.41-61)
www.ilbert&al-2000-div_reg_protec_iamm.fr ;
* 108 voir dans ce
sens : JENNAR Raoul Marc: « DROITS DE PROPRIETE
INTELLECTUELLE ET BIODIVERSITE, ADPIC ET CDB, des approches et des instruments
contradictoires » colloque organisé par le Groupe des Verts du
Parlement européen sur le thème : « Can the
Johannesburg Summit save the World and can we save the Summit ? »
Bruxelles, 8 mai 2002, Oxfam-Belgique et l'Unité de Recherche, de
Formation et d'Information sur la Globalisation (URFIG -
Bruxelles-Paris-Genève) www.urfig.org et également sur la page
www.greens-efa.org visités le
04/11/2005 à 21h00.
* 109 Article article 16.5 de
la CDB.
* 110 Article article 16.5 de
la CDB, paragraphes 1 et 2.
* 111 ADPIC, préambule,
premier considérant.
* 112 Article 22 de la CDB.
* 113 Article 27.2 de
l'ADPIC.
* 114 Article 15 de la CDB.
* 115 Parragraphe 2 de
l'article 15 préc.
* 116 Affaire C-377/98, point
65.
* 117 3me objectif de la
CDB.
* 118 Point 64, affaire
C-377/98 préc.
* 119 Le partage
équitable des ressources.
* 120 Voir à cet
égard les conférences des parties de la CDB: COP-3 et la
décision III/7; COP-4 et la décision IV/5
* 121 DE SADELEER N. &
BORN Ch.-H., op.cit. p. 418 à 429.
* 122 Voir en ce
sens : KAUL Inge : « Biens publics globaux, un concept
révolutionnaire » Le Monde diplomatique Juin 2000.
* 123 on en fera le point
dans les pages suivantes, soit dans le sous titre «le brevet comme moyen
de conquête».
* 124 Voir en ce
sens : The Royal Society's report, «Keeping science open: the effects
of intellectual property policy on the conduct of science,» April 2003,
http://www.royalsoc.ac.uk/policy/ visité le 19/10/2005 à
20h10 ;
* 125 QUÉAU
Philippe : « A qui appartiennent les connaissances ? » Le
Monde diplomatique Janvier 2000.
* 126 Pour une vue
d'ensemble sur la mondialisation : DELAUNAY J.C., La mondialisation
en questions, Paris, l'Harmattan 1999.
* 127 Rapport mondial sur
le développement humain, 2005, Web :
http://hdr.undp.org/reports/global/2005/francais/
* 128 PRESTRE
P., Protection de l'environnement et relations internationales ; les
défis de l'écopolitique mondiale, éd. Armand Colin, Paris
2005, p. 368 à 370.
* 129 Paris, 20 janvier 1977.
PIBD 1977,111, 358.
* 130 Paris, 26 mai 1983. Ann.
1985, p. 116.
* 131 Paris, 29 octobre 1997,
PIED 1998, III, 29, attendu repris depuis ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 130.
* 132 Paris, 24 septembre
1984, Ann. 1985, p.112, repris de ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 130.
* 133 Cas
« éther », cité dans ROUX-VAILLARD S.,
op.cit. p. 131.
* 134 Attendu repris depuis
ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 131.
* 135 Ex parte Brinkerhoff, 27
JPOS 797 (1883) repris par ROUX-VAILLARD S., op.cit. p. 131.
* 136 Affaire Martin v. Wyeth,
hic, 89 USPQ238 (1954).
* 137 35 USC § 287(c)
entré un vigueur en 1996.
* 138 Affaire Pallinv. Singer,
36 USPQ2d 1050 (1995).
* 139 Affaire Wallis teck, 66
F 552 (1895).
* 140 Voir en ce sens le
site de l'OMS (visité le 02/04/2006 à 10h00) notamment la
déclaration de presse qui figure sur la page :
http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2006/pr13/fr/index.html
* 141 ONU-SIDA, Rapport sur
l'épidémie mondiale de SIDA 4ème rapport mondial, 2004,
sur la page Web : http://www.unaids.org/bangkok2004/GAR2004
_html_fr/GAR2004_03_fr.htm; voir en ce sens: RIVIÈRE Philippe :
« XIIIe CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR
L'ÉPIDÉMIE : Sida, fin de l'indifférence »
Le Monde diplomatique, 7 Juillet 2000
* 142 voir en ce
sens : KRIKORIAN Gaëlle : « Accès aux
génériques et propriété intellectuelle »
www.actupparis.org visité le 16/09/2005 à 22h15 ; BRAZIER
Michel (dir) : « Médicament générique,
propriété intellectuelle, protection des données :
Enjeux et actualité » Séminaire de l'Université
René Descartes Paris 5 du 30 Novembre 2004 www.pharmacie.univ-paris5
visité le 04/01/2006 à 22h25 ;
* 143 Samira GUENNIF et
Claude MFUKA : « Santé, développement industriel
et droit de la propriété. L'accès des patients aux
traitements antisida en Thaïlande »
www.cerdi.org visité le 09/01/2006
à 16h05 ;
* 144 pour de ci tristes
chroniques : le site SURVIVREAUSIDA.net, 'No Free Flucanazole for Central
America' says Pfizer (Agua Buena)
http://www.survivreausida.net/a3928,
visité le 15/01/2006 à 23h35 ; le site C POTENT, « US
court rejects Ranbaxy'sflucanazolechallenge »,
http://www.cpotent.com/news/mar04/news_us_court_rejects_ranbaxy_13mar.html
visité le 18/12/2005 à 00h20 ; l'Agence France-Presse,
Africa-US-drugs: African AIDS groups urge world protest over Pfizer drug
patent, http://www.aegis.com/news/afp/2001/AF010764.html
*
145http://perso.wanadoo.fr/sidasante/azt/azt.htm, voir
également la page Web :
http://perso.wanadoo.fr/sidasante/azt/aztindex.htm visitées le
11/03/2006 à 01H00.
* 146 entre 1996 et 1999.
Voir en ce sens : NGO MBEM
Stéphanie : « L'INTERET GENERAL ET LA PROTECTION DES
MEDICAMENTS PAR LE BREVET DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT »
Mémoire de DESS « Accords et propriété industrielle
» Sous la direction du Professeur Yves REBOUL, UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN,
STRASBOURG III Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion
Centre d'Etudes Internationales de la Propriété Industrielle,
Année 2002-2003.
* 147 VELÁSQUEZ
Germán : « LE PROFIT CONTRE LA SANTÉ :
Hold-up sur le médicament » LE Monde Diopomatique, Juillet
2003, Pages 1, 26 et 27 ; LOVE James, « L'Europe et les
États-Unis prolongent l'apartheid sanitaire », Le Monde
diplomatique, Mars 2003; VELÁSQUEZ Germán et BOULET
Pascale : «Mondialisation et accès aux médicaments,
Perspectives sur l'accord ADPIC de l'OMC», Organisation mondiale de la
santé, Genève, 1999; HASCHEM Sean: «Rechaping the treep's
agreement concerning public health - two criticle issues» Journal of world
trade, n°1 Fabruary 2003 ; HERMAN
Patrick : « Discriminations légales » Le
Monde diplomatique, Avril 2003 ; Médecins sans frontières,
« Recherche médicale en panne pour les maladies des plus pauvres
», Genève, septembre 2001 ; GUTMANN Ernest :
« Propriété intellectuelle et régularisation,
quels nouveaux enjeux économiques et juridiques Quelles interactions
entre les brevets et les programmes de recherche et développement de
nouveaux médicaments ? » Workshop organisé à
l'Université Paris Nord 10 décembre 2004 ; HAMDOUCH
Abdililah et MARC HUBERT Depret : « Droit de
propriété intellectuelle, orientation de la R&D
pharmaceutique et accès aux soins dans les pays en développement
» contribution à la journée d'étude droit
de propriété intellectuelle et développement
organisée dans le cadre du séminaire « institution
et développement » Université de Paris 1
Panthéon-Sorbone 16 Janvier 2004 ;
* 148 Des semences
produites par « Monsanto » et qui ne produisent qu'une
seule fois. Voir en ce sens : Greenpeace International Corporates gain
control - Terminator patent granted, Press release,25October,2005
http://www.greenpeace.org/international/press/releases/Terminator_patent
visité le 02/11/2005 à 04h10; GRAIN, 2005, Whither Biosafety? In
these days of Monsanto Laws, hope for real biosafety lies at the grassroots,
October 2005 www.grain.org/atg/ visité le 02/02/2006 à 23H00;
GRAIN, 2005, Food Sovereignty: turning the global food system upside down,
Seedling, April 2005, http://www.grain.org/seedling/?id=329 visité le
02/02/2006 à 22h40.
* 149 Voir en ce
sens : BEN HAMMED Mohamed Ridha & THERON Jean Pierre (dir), La
maîtrise de l'agroalimentaire face aux nouveaux défis
technologiques, Presse de l'Université des sciences sociales de Toulouse
2003, page 17 et suivantes ; GEORGE Susan : «PLAIDOYER POUR UNE
INTERDICTION : Personne ne veut des OGM, sauf les industriels »
LE MONDE DIPLOMATIQUE, Avril 2003 Pages 4 et 5 ;
* 150 SHIVA V.,Terrorisme
alimentaire, éd. Fayard, 2001. (le dos du livre). Voir en ce sens :
PISANI Edgar : « Pour mettre fin à la faim » Le
Monde diplomatique, Décembre 2004 ;
* 151 SHIVA V., op.cit. p.
13 à 15.
* 152 Voir en ce sens:
OCDE : « Les mesures commerciales dans les accords
multilatéraux sur l'environnement » OCDE 1999 ;
GRANSTRAND Ove : « The economics and management of intellectual
property : Towards intellectual capitalism » Cheltenham Edward
Elgar 1999 ; M.SLOTBOOM Marco: «Do public health measures receive
similar treatment in EC and WTO law?» Journal of world trade, vol n°4
August 2003
* 153 SHIVA Vandana,
op.cit. page 19
* 154 Voir dans ce
sens : SAMBUC H.P., la protection internationale des savoirs traditionnels
la nouvelle frontière de la propriété intellectuelle,
l'Harmattan, 2003 p.87 et s.
* 155
http://aotearoa.wellington.net.nz/imp/mata.htm visité le 28/04/2006
à 01h10.
* 156 il est
intéressant de voir avec affouillement la manière dont l'ONU
appréhende la question, nous recommandons spécialement le
document suivant : « Dossier d'information à l'usage des
peuples autochtones sur les activités et des mécanismes de
l'Organisation des Nations Unies » sur la page Web :
http://www.unhchr.ch/french/html/racism/00-indigenousguide_fr.html
visitée le 02/03/2006 à 19h15.
* 157
http://www.unhchr.ch/french/html/racism/indileaflet1_fr.doc et notamment sur
la page Web : http://www.unhchr.ch/indigenous/documents.htm#sr
visitée le 02/03/2006 à 19h35.
* 158 Convention relative
aux peuples indigènes et tribaux, 1989, disponible sur la page
Web : http://www.ilo.org/ilolex/french/convdisp1.htm visitée le
05/01/2006 à 21h20.
* 159
http://www.wipo.int/documents/fr/meetings/1999/folklore/index_rt-fr.html
visitée le 05/01/2006 à 19h45.
* 160
www.worldbank.org/essd/kb.nsf/. Visitée le 20/12/2005 à 20h30.
* 161
http://www.un.org/News/fr-press/docs/1996/19960625.FAO3651.html visitée
le 29/02/2006.
* 162
http://www.fao.org/ag/cgrfa/french/itpgr.htm visitée le 29/02/2006.
* 163 « WIPO
Roundtable on intellectual property and indiginous peoples »,
Genève, 23 et 24 Juillet 1998, le texte oroginal en langue anglaise sur
le site Web de l'OMPI.
* 164 voir également
la définition de Mme Daes sur la page Web :
www.unhchr.ch/Huridoca.nsf/(Symbol)/E.CN.4.Sub.2.AC.4.1996.2.En?Opendocument
* 165 traduction
personnelle, texte intégral en Anglais disponible sur la page
Web :http://www.nuffic.nl/ciran/ikdm/9-3/kolawole.html, visite
effectuée le 08/03/2006 à 22h35.
* 166 www.biodiv.org
* 167 Document WT/GC/W/362
en date du 12.10.1999 : PRÉPARATION DE LA CONFÉRENCE
MINISTÉRIELLE DE 1999 Proposition concernant la protection des droits de
propriété intellectuelle relatifs aux connaissances
traditionnelles des communautés locales et autochtones :
http// :www.docsonline.wto.org-WT/GC/W/362- (visité le
22/10/2006)
* 168
http://www.idrc.ca/fr/ev-30138-201-1-DO_TOPIC.html (visité le
23/10/2006)
* 169
http://www.idrc.ca/fr/ev-30142-201-1-DO_TOPIC.html (visité le
23/10/2006)
* 170
http://www.wipo.int/documents/en/meetings/1999/folklore/pdf/tkrt99_6.pdf
(visité le 23/10/2006).
* 171 Sambuc H.P., op.cit. p.
70 à 79.
* 172 Cité par
SAMBUC H.P., op.cit. p. 123 et s.
* 173 voir en ce
sens : ORGANISATION DE COPERATION ET DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE :
« Les mesures commerciales dans les accords multilatéraux sur
l'environnement » OCDE 1999.
* 174 une ample analyse
quant aux enjeux des savoirs autochtones face à la prépotence des
USA lors des négociations de libre échanges : Dr Silvia
Rodríguez Cervantes, « FTAs: trading away traditional
knowledge, Traditional knowledge is increasingly popping up in bilateral and
regional free trade agreements. What's going on? » GRAIN, March 2006,
http://www.grain.org/briefings/?id=196
* 175 voir dans ce sens les
propos du Groupe de travail sur les peuples autochtones sur la page Web de son
centre de documentation :
http://www.unhchr.ch/french/html/racism/indileaflet1_fr.doc
* 176 document
WIPO/INDIP/RT/98 : Roundtable on Intellectual Property and Indigenous Peoples
http://www.wipo.int/search/en/query.html?col=domain&col=pctndocs&col=pubdocs&col=meetings&col=notdocs&col=formdocs&col=arbiter&col=madrdocs&col=www&col=upov&col=prdocs&col=hagdocs&qt=+WIPO%2FINDIP%2FRT%2F98%2F4A&charset=utf-8
* 177 Voir en ce
sens ; MEZGHANI Nébila, La protection des créations
traditionnelles et populaires au Maghreb, article publié in
« Intérêt culturel et Mondialisation »,
sous la direction de Nébila MEZGHANI et Marie CORNU, T.I, p.223 et s,
l'Harmattan 2004.
* 178 Voir page 66.
* 179 Article 15.2) de la
directive du Conseil n° 89/104/CEE du 21 décembre 1988
rapprochant les législations des États membres sur les marques,
JO n° L 40 du 11 février 1989, p. 1.
* 180 Article 64.2) du
règlement du Conseil (CE) n° 40/94 du 20 décembre
1993 sur la marque communautaire, JO n° L 11 du 14 janvier
1994, p.1.
* 181 Chavanne A. &
Burst J-J., op.cit. p. 25
* 182 Arrêté
du 27/02/2001 relatif aux indications régionales des vins d'appellation
d'origine ; Arrête du 02/10/1999 modifiant l'arrête du 16 mars
1989, relatif a l'appellation d'origine contrôlée "Mornag".
* 183 Article 10, règle
VI, règlement d'application de la loi de la République n°
8371.
* 184 Décision 486
de la Communauté andine relative au régime commun concernant la
propriété industrielle (traduction non officielle).
* 185 Institut
Fédéral de la Propriété Intellectuelle :
(Québec) « notice d'information : Biopiraterie et droit
des brevets » www.ige.ch/F/jurinfo/pdf/hintergrundinfo_biopiraterie
_011114.pdf visité le 11/01/2006 à 21h50 ; ADDOR
Felix : « Biopiraterie et droit des brevets » Institut
Fédéral de la Propriété Intellectuelle, Berne, le 7
mai 2002 www.ige.ch visité le 11/01/2006 à 21h00 ;
* 186 voir le site
Nutrasanus, http://www.nutrasanus.com/phyllanthus-niruri.html, et :
http://www.hort.purdue.edu/newcrop/CropFactSheets/phyllanthus.html
(visités le 25/03/2006 à 03h00)
* 187 la page Web :
http://www.buonpernoi.it/solotesto/ViewDoc.asp?ArticleID=1376 voir
également : BILLET Philipe et MALJEAN DUBOIS Sandrine :
« La convention internationale des OGM » Revue Juridique de
l'Environnement, 2/2003 Juin 2003 ; Deborah B. Whitman, « Genetically
Modified Foods : Harmful or Helpful? » Cambridge Science Abstracts, Avril
2000; CASSEN Bernard : «OGM, des académiciens juges et
parties», Le Monde diplomatique, Février 2003 ; Agnès
Sinai, « Comment Monsanto vend les OGM » Le Monde diplomatique
Juillet 2001 ; ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE, CONSEIL EXECUTIF EB111/9
Cent onzième session 12 décembre 2002 Point 5.7 de l'ordre du
jour provisoire « Médecine traditionnelle : Situation
dans le monde » www.oms.org;
* 188 brevet numéro
5663484,
* 189 des informations
supplémentaires sont sur le page Web : DECLARATION DE BERNE,
Biopiraterie, le cas du riz basmati, revue Solidaire, n°163,
http://www.evb.ch/fr/p25001098.html . Voir également la revue Financial
Express, « India to challenge basmati patent in United
States », numéro du 25 Avril 2000, page
Web :http://www.financialexpress.com/fe/daily/20000425/fco25092.html;
BOURAOUI Soukaina & PRIEUR Michel : « L'industrie agro
alimentaire et la protection de l'environnement» Actualité
scientifique 2001 ;
* 190 voir en ce
sens : ECK Jean François, Commerce mondial : production
agricole au 20me siècle, Paris, Eyrolles 1992 ; BERTHELOT
Jacques : « Les trois aberrations des politiques
agricoles » Le Monde Diplomatique, Septembre 2003 ; TUBIANA
LAURENCE, RIBIER VINCENT Globalisation, compétitivité et accords
du GATT Conséquences pour l'agriculture des pays en développement
CIRAD, 2004 www.cirad.org visité le 15/11/2005 à 19h00 ;
* 191 des informations
supplémentaires sont disponibles sur les pages Web :
www.herbmed.org/Herbs/Herb116.htm;http://plantesmed.enda.sn/azadirachta.html
www.arbolesornamentales.com/Azadirachtaindica.htm;www.himalayahealthcare.com/aboutayurveda/caha.htm
(visités le 01/04/2006 à 01h40) ;
* 192 dont notamment :
Brevets U.S. 5,411,736, U.S. 5,409,708, EP 436257, ... etc. voir la page Web
http://www.nutriteck.com/frhuiledeneem.html
* 193 SHIVA Vandana, la vie
n'est pas une marchandise, op. cit. page 72 et suivantes.
* 194 Dans ce
sens :AIGRAIN Philippe, LATRIVE Florent, LE CROSNIER, Hervé TAFFIN,
RENAUD Pascal, CASADEVALL Nicolas, KLECK Véronique et PEUGEOT
Valérie : « Le développement face aux biens
communs de l'information et à la propriété
intellectuelle » Rencontre ouverte du 1er avril 2005 Web : la
revue Transversales sciences culture (http://www.grittransversales.org),
C&F Éditions (http://cfeditions.com), les associations Mosaïque
du monde (http://www.mosaiquedumonde.org), APRIL (http://www.april.org) et
Fondation Sciences Citoyennes (http://sciencescitoyennes.org/).(visités
le 02/12/2005 à 01h30) ; ORGANISATION MONDIALE DE PROPRIETE
INELLECTUELLE : « LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE, UN
LEVIER DE CROISSANCE : Savoirs, propriété intellectuelle et
partage des avantages L'expérience africaine, deuxième
partie » Revue de l'OMPI/Nov.-Déc. 2003
www.revue_ompi-dec2003
* 195 voir dans ce
sens : Confédération Paysanne, Soumettre l'OMC aux droits
fondamentaux de l'homme, Novembre 1999. Page Web :
http://www.confederationpaysanne.fr/anapro/omc.html (visitée le
31/12/2005 à 23h40).
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