WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La cohérence de la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods

( Télécharger le fichier original )
par Cédric LAVERIE
Université Paris X - D.E.A. de Droit des Relations Economiques Internationales et Communautaires 2001
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Introduction

Le terme double conditionalité est apparu au milieu des années quatre-vingt avec la création de la facilité d'ajustement structurel par le Fonds Monétaire International. En effet cette dernière a marqué un nouveau pas dans la relation entre les institutions de Bretton-Woods puisque qu'elle officialise leur collaboration dans l'élaboration et le suivi de ces programmes.

Cette avancée institutionnelle pose néanmoins la question d'un double contrôle sur les pays qui bénéficient de la FAS, de la FASR ou de l'initiative PPTE. La conditionalité des institutions de Bretton-Woods, et notamment celle du FMI, avait déjà été l'objet de multiples critiques concernant les objectifs, les méthodes et surtout l'ingérence dans les affaires intérieures des pays concernés. La double conditionalité pose non seulement les mêmes problèmes « en double » mais aussi ceux de l'adéquation entre les objectifs et de méthodes du FMI et de la Banque Mondiale.

C'est pourquoi cette double conditionalité mérite d'être analysée sous l'angle de sa cohérence, et tout d'abord de façon interne à la relation entre les deux organisations..

Il faut en effet comprendre comment deux institutions indépendantes, aux objectifs distincts, se retrouvent impliquées dans les mêmes programmes avec chacune leur propre conditionnalité. Depuis leur création, ces institutions ont bien sûr évoluées dans leurs attributions, se rapprochant progressivement, si bien que certains auteurs, comme D.Carreau1(*), ont pensé à leur fusion.

Sans aller jusque là, on peut néanmoins constater que leurs évolutions ont conduit à un certain chevauchement de compétences qui est à l'origine de l'ajustement structurel et de ses avatars. Ce chevauchement est aussi à l'origine de la collaboration croissante entre les deux institutions.

Mais le rapprochement n'étant pas total, il peut exister encore des divergences d'objectifs, et donc de conditionnalité, dans ces programmes.

De plus, les spécificités de chacune des organisations font qu'il existe un risque de déséquilibre dans la relation entre un FMI faible en personnel et en présence sur le terrain et une Banque Mondiale dont l'influence conceptuelle, au moins sur l'ajustement structurel, reste à la traîne du FMI.

En effet, le concept même de conditionalité a été inventé par le FMI. Sa justification juridique et sa définition «Le mot conditionalité se rapporte aux politiques économiques que le Fonds souhaite voir suivre par les pays membres pour qu'ils puissent utiliser les ressources du Fonds conformément aux objectifs et aux dispositions des statuts.2(*)» ont été théorisé par les services du FMI et notamment par J.Gold.

Mais la conditionalité reste quand même, à l'image des outils du Fonds, un concept évolutif. Il a évolué en fonction de l'environnement économique et financier international mais aussi en fonction des destinataires de la conditionalité.

Le vecteur de cette conditionalité a trouvé sa consécration dans les accords de confirmation qui permet cette adaptabilité au travers de trois phases que sont «les critères de réalisation, l'échelonnement et l'adaptation continu3(*)».

La forme actuelle de la conditionalité du FMI a été reprise par de nombreuses organisations internationales, dont la Banque Mondiale, ceci afin d'assurer une garantie dans le succès de leurs opérations particulièrement dans le passage d'une logique projet à une logique programme ainsi que pour se donner une crédibilité vis à vis des bailleurs de fonds.

Le terme conditionalité, si l'on suit la définition, se rapporte aux politiques économiques que les organisations souhaitent voir suivre. Là aussi, il faut voir quel est le degré de cohérence entre le FMI et la Banque Mondiale. Au niveau de l'idéologie économique, il ne semble pas se poser trop de problèmes en apparence puisque les deux institutions se sentent les garantes d'une orthodoxie néo-libérale et ont longtemps suivies toutes deux un modèle de développement basé sur les exportations.

La question de la cohérence se pose surtout sur des points plus précis des conditionalités. En effet, le FMI de par sa magistrature d'influence dans le domaine idéologique s'occupe essentiellement des grands agrégats macro-économiques tandis que la Banque Mondiale, de par sa forte connaissance du terrain, s'attache plus aux problèmes micro-économiques. Le problème qui peut se poser est l'existence d'un niveau méso-economique, à la fois influencé par les décisions macro-économiques et micro-économiques , qui peut devenir le concentré des divergences des politiques économiques en place.

L'analyse de la cohérence de la double conditionalité n'a abordé, pour l'instant, que les question d'ordre interne. Il faut considérer que la double conditionalité, au travers de l'ajustement structurel, pose aussi des problèmes en terme de cohérence externe c'est à dire au niveau de sa relation avec d'autres concepts du droit international.

Les institutions de Bretton Woods ont, en effet, été largement critiquées pour leurs actions envers les pays en développement. Un argument récurrent est la véritable tutelle imposée aux Etats par le FMI et la Banque Mondiale.

Ce risque a pourtant été pris en compte, à la demande des pays en développement, par l'ONU qui a généré des principes pour l'aide au développement. Deux de ces principes sont la non discrimination et la non intervention. Le premier assure que l'aide ne sera pas subordonnée à un régime politique économique ou social particulier. Le second empêche toute ingérence dans les politiques ou les structures socio-économiques.

Ces principes sont intégrés, plus ou moins directement, dans les statuts des institutions de Bretton Woods et sont réaffirmés continuellement par ces mêmes organisations.

Cependant à la vue des critiques concernant les programmes d'ajustement structurels, on ne peut que s'interroger sur l'étendu réelle du respect de ces principes.

En effet, si l'on regarde de plus près les modalités d'attribution de l'aide, on remarque que le choix d'un régime politique économique ou social influence généralement l'obtention de l'aide.

De même, malgré l'opacité des institutions de Bretton Woods, on peut constater de nombreuses contradictions entre la thérapeutique du FMI ou de la Banque Mondiale et les politiques volontaristes de certains états. Bien qu'accuser le FMI ou la Banque d'être à l'origine de tous les maux puisse être une facilité pour certains gouvernements, il convient néanmoins de réaliser que ces états perdent une grande marge de manoeuvre dans l'élaboration et la conduite de leurs politiques économiques et sociales.

Les critiques adressées aux institutions de Bretton Woods ne seraient pas si répandues si l'action de ces dernières avait produit des résultats importants en terme de développement.

On peut donc tenter d'évaluer juridiquement ces résultats au travers du respect des droits économiques, sociaux et culturels.

Pour cela, il faut s'attacher à l'évolution des conséquences de la double conditionalité à la fois sur les domaines économiques, sociaux et culturels. Au niveau économique, il faut dissocier deux facteurs que sont la croissance et la pauvreté. En effet, la croissance seule n'est pas un bon indice de développement. Il faut lui rattacher la notion de pauvreté ou de répartition de revenus pour en analyser les conséquences en terme de développement humain.

Ce dernier dépend aussi des conséquences sociétales de la double conditionalité. Là encore, on peut distinguer deux facteurs. Le premier est direct et correspond à l'orientation de la double conditionalité concernant le secteur social. Mais il existe aussi un effet indirect, consécutif aux mesures à priori uniquement économiques, sur la structure sociale et culturelle du pays.

Le flux incessant d'attaques contre le Fonds et la Banque dans les domaines sociaux et politiques laisse à penser que l'impact de l'ajustement structurel n'est pas neutre dans ces secteurs. Bien qu'elles aient été assez longtemps insensibles à ces critiques, ces institutions ont récemment commencé à développer des modèles alternatifs de conditionalité. D'un coté, on assiste à une remise en question non pas de l'idéologie libérale mais du modèle de développement par les exportations et de ses corollaires. D'un autre coté, on peut aussi déceler une prise en compte grandissante des facteurs sociaux et culturels au travers, entre autres, de ce que l'on appelle la conditionalité sociale ou la conditionalité démocratique.

Ces avancées vers un plus grand respect des droits économiques, sociaux et culturels sont applaudies dans le milieu des ONG. Cependant les états concernés leur réservent un accueil plus distant. Bien qu'une plus grande démocratie ou une meilleure répartition des revenus puissent faire peur à certains régimes peu fréquentables, il semble que la crainte de la plupart de ces états soit l'accroissement exponentiel des attributions des organisations internationales d'aide au développement et en particulier de « l'hydre à deux tètes » de Bretton Woods.

En effet, la prise en compte du niveau de démocratie ou des structures socio-économiques par le Fonds et la Banque leur donnerait à la fois un pouvoir de discrimination en fonction des régimes en place. De plus, une fois un régime déclaré fréquentable, cela permettrait d'établir une tutelle complète sur presque l'ensemble des politiques nationales des états concernés. On se trouve donc devant un risque de disparition des principes de non discrimination et de non ingérence. On peut même aller plus loin en imaginant, vu que la souveraineté des états n'est plus tellement à la mode, à la création d'un principe de discrimination et d'un principe d'intervention (ou d'ingérence).

La double conditionalité des programmes d'ajustement structurel peut donc trouver ses limites au niveau de sa cohérence tant interne qu'externe.

* 1 D.Carreau, Why Not Merge the International Monetary Funds (IMF) with the International Bank for Reconstruction and Development (World Bank) ?, Fordham Law Review, 1989, 62

* 2 J. Gold, Conditionality, International Monetary Fund, Washington D.C., 1979, p 1

* 3 J.M.Sorel, Sur quelques aspects juridiques de la conditionnalité du F.M.I. et leurs conséquences, European Journal of International Law, http://www.ejil.org/journal/Vol7/No1/art3.html, 22 février 2001

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo