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La cohérence de la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods

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par Cédric LAVERIE
Université Paris X - D.E.A. de Droit des Relations Economiques Internationales et Communautaires 2001
  

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B. Un respect biaisé par l'hégémonie de la doctrine économique dominante

Le Fonds, tout comme la Banque, dissimule ses atteintes à ces principes derrière la pseudo-neutralité d'une vérité économique absolue. Un exemple frappant en est la remarque de M.Guitian81(*), membre éminent du Secrétariat du Fonds, que « coincidence of ideas and policy augurs well for ... the acceptance of conditionality »

On peut expliquer le biais dans leur approche grâce au concept d'hégémonie de l'idéologie dominante (notamment l'approche gramscienne). En effet, « le cercle des idées dominantes accumule un pouvoir symbolique qui décrit et classifie le monde pour les autres. Cette classification se fait non seulement au travers de la contrainte du pouvoir dominant sur les autres modes de pensée mais aussi du pouvoir passif qu'il acquiert en créant des habitudes. Elle devient l'horizon du réel c'est à dire ce qu'est le monde est et comment il fonctionne, dans toutes se formes applicables. Ces idées dominantes peuvent supplanter les autres conceptions en posant la limite de ce qui peut apparaître comme rationnel, raisonnable et crédible mais aussi exprimable et pensable, au travers d'une rhétorique donnée des motifs et opportunités offerts à tous 82(*)».

La doctrine néo-libérale et monétariste est devenue ce cercle des idées dominantes qui donne au monde son explication. Tout étudiant en économie sera imprégné de cette théorie et la perpétuera au travers d'un mode pensée habituel qu'il aura internalisé. La littérature des institutions de Bretton Woods tout comme l'essentiel de la vulgarisation économique au travers des médias présente la doctrine libérale comme étant la seule approche rationnelle et donc crédible des relations économiques et qui de plus donne à tout être l'opportunité d'y participer à son plus grand profit. Cette doctrine devient donc neutre au travers de son hégémonie. Les institutions de Bretton Woods ne se sentent donc pas coupables d'interventionnisme en la mettant en place, tout pays critiquant cette approche ne pouvant être que rétrograde et irrationnel. On retrouve cette analyse, entre autres, chez C.Castoriadis pour qui l'unification des modes de consommation « est la traduction concrète, visuelle d'une homogénéisation internationale des critères de décision et de jugement sous l'égide d'une rationalité universelle qui est celle de l'économie et que le Fonds s'emploie précisément à promouvoir dans les pays en développement 83(*)».

Et cette stratégie semble avoir fonctionné puisque les pays en développement eux même remettent en question leur ordre social face à la vérité absolue économique. P.Bennefont souligne cette homogénéisation des critères au niveau du développement de l'Afrique en remarquant que « trop rarement, les facteurs culturels ont été pris en compte par les experts occidentaux tandis que trop souvent, les dirigeants africains les ont occultés, comme si leurs traditions leur paraissaient surannées 84(*)». On retrouve cette même soumission dans la plupart des déclarations remettant en cause les effets de l'ajustement structurel. Ces critiques ne porteront pas sur la doctrine dominante elle même et son remplacement mais plutôt sur la mise en place de structures diminuant les effets négatifs. Ce qui finalement ne fait que renforcer la dimension unique et universelle de « l'économique ». Un exemple frappant est la déclaration de Copenhague sur le développement social qui peut paraître au premier abord comme une véritable critique de l'action pour le développement des institutions de Bretton Woods mais qui se révèle être, en fait, une énième réaffirmation de l'hégémonie économique. En effet l'engagement 3 paragraphe k) n'est que la perpétuation du système actuel qui prône «la coopération internationale dans le domaine des politiques macro-économiques, nous accélérerons la libéralisation du commerce et de l'investissement en vue de favoriser la réalisation d'une croissance économique durable ...85(*) ». La libéralisation, thème central de la doctrine néo-libérale, fait partie ici de l'horizon réel. Elle entre dans ce que P.Bourdieu considère faisant partie de l'hégémonie car consistant en des choses qui vont sans être dites car étant axiomatiques, et ces choses, étant des présupposés partagés, n'ont normalement pas à être le sujet d'explication ou d'argumentation86(*).

Le vecteur principal de cette hégémonie de l'économique et de sa doctrine est « l'expert » et son expertise dont les institutions de Bretton Woods se targuent d'être remplies. L'expert est un personnage a priori neutre en raison de son expertise « scientifique ». Mais le travail des experts est l'origine du biais puisqu'ils « essaient de limiter toute rupture, d'encadrer et de définir le monde qu'ils espèrent mesurer et analyser. Mais dans l'acte même d'encadrer, ils sont confrontés à la difficulté de tracer des limites et de transférer avec succès les conflits politiques vers l'emplacement limité des calculs qu'ils ont réalisés 87(*)». L'expert, notamment l'économiste, réduit le champ explicatif des phénomènes qu'il traite et en même temps le transforme en fonction de son présupposé doctrinal. C'est à ce niveau que se développe l'hégémonie puisque l'appréhension de nombreux facteurs passe désormais au travers de ce filtre. C'est ce que T.Mitchell critique aussi dans le rôle de l'expert et son rôle vis à vis du pouvoir en remarquant que « les sciences sociales, en reliant des événements particuliers à une raison universelle, et en considérant les interactions humaines comme données imitent et renforcent cette forme de pouvoir 88(*)».

Le filtre de l'économie représente donc en quelque sorte « l'arme absolue » des institutions de Bretton Woods puisqu'elle leur permet donc de justifier, en partie, tout ce qui pourrait paraître être un atteinte aux principes qui protègent la souveraineté des Etats.

* 81 Cité dans P. Dhonte, « Conditionality as an Instrument of Borrower Credibility », FMI, février 1997, http://www.imf.org/external/pubs/ft/ppaa/ppaa9702.pdf

* 82 Stuart Hall, Marxism and interpretation of culture, ed. Cary Nelson and Lawrence Grossberg, University of Illinois Press, Urbana, 1988, p44 (traduction personnelle)

* 83 Cité dans Le Droit International du Développement Social et Culturel, sous la direction de A. Pellet et J.M. Sorel, L'Hermes, Paris, 2000, p199

* 84 Ibid., p. 199

* 85 Engagement 3 k) de la Déclaration de Copenhague sur le développement social, http://www.agora21.org/smds/smds06.html

* 86 P. Bourdieu, Outline of a Theory of Practice, Cambridge University Press, Cambridge, 1977, p 94

* 87 Michel Callon, "An Essay on Framing and Overflowing: Economic Externalities Revisited By Sociology," in The Laws of the Markets, ed. Michel Callon, Blackwell, Oxford, 1998, p 244

* 88 T. Mitchell, The Rule of Experts, ouvrage non encore paru

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard