Du savoir universel à l'effet local
La rationalisation croissante de la société (J.
Habermas, 1973) a mené les sciences et les techniques à
légitimer le pouvoir et paradoxalement l'objet technique peut imposer de
vivre dans un environnement de plus en plus étranger, embarquant une
pléthore de concepts inconnus pour certains d'entre nous. Pourtant, la
légitimité sociale attribuée aux objets techniques -
certains diront technologique - paraît parfois sans faille même si
l'instrument nous est totalement étranger. Notre environnement s'habille
de plus en plus d'objets techniques destinés à la maîtrise
toujours plus poussée du naturel.
Rogalsky (1988) montre comment des élèves ont
tendance à attribuer à la machine les mêmes connaissances
et compétences que les leurs propres. Ce défaut de
représentation les gène dans leur tâche et insiste sur les
défauts de représentation du monde matériel. Ces
élèves vouent à la machine des caractéristiques
mystiques, quasi personnologiques. La représentation anthropomorphique
qu'ils se font des objets techniques est éloignée de leurs vraies
caractéristiques.
La diffusion d'objets techniques à grande
échelle, imposée par le système économique actuel,
en plus de synchroniser les envies et les modes de vie à
l'échelle mondiale (B. Stiegler, 2004) oblige à vivre dans un
monde de plus en plus inconnu. Ce monde renferme une série croissante
d'objets opaques; semblables à des boites noires; dont on ne saisit
parfois que les effets et rarement les concepts scientifiques sous-jacents.
La finalité d'une technique est d'être
opérante, elle n'a nul besoin d'une compréhension des
phénomènes qui la composent pour faire valoir sa validité.
Mais il se trouve que d'une certaine manière elle va à l'encontre
du principe même de la science - la création de savoir - par
l'imposition d'artefacts véhiculant une grande quantité d'inconnu
pour l'utilisateur. Ici, le logos, construit par le doute
méthodique cartésien, ce voit opposer à la technique. Si
le doute est un conseil de précaution dans l'usage de la raison, la
technique, elle se contente d'être opérante.
Nous avons évoqué le lien science-technique et
montré comment chacune accroît son domaine de maîtrise par
le renforcement de l'autre. Il est important de préciser que pour
l'utilisateur des techniques une part de mystification du monde est rarement
inévitable à cause de la compréhension partielle des
causes qui régissent ses actions. Ici la science et la technique peuvent
être discutées d'un point de vue antinomique, la première
éclairant le monde du naturel, la seconde créant un environnement
complexe, étranger et souvent camouflé.
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