2.1.1.3 Conflits armés comme bases du
fléchissement du secteur touristique au Rwanda, au Burundi et en
Ouganda
L'histoire récente a montré qu'au cours des
trois dernières décennies, les conflits armés ont eu un
impact, parfois très important, sur le maintien en l'état des
espaces protégés dans certains pays de l'Afrique orientale.
Quelles que soient les formes que prend un conflit (international, civil,
tribal, rébellion, etc.), ses conséquences possibles sur la faune
et ses habitats peuvent être diverses et persistantes, ce qui compromet
immédiatement l'avenir du tourisme dans la région.
En Afrique de l'Est, les conséquences des conflits sur
les zones protégées sont ici illustrées par des exemples
vécus au Rwanda ( et par voie de conséquence en Ouganda), la
situation qui prévaut actuellement au Congo-Kinshasa et ses
conséquences sur les zones protégées des pays voisins,
à savoir le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi; sans oublier bien sûr
les tensions politico-sociales qui règnent dans ce dernier pays depuis
1993.
Pour le cas du Rwanda, on a l'habitude de dire que le secteur
du tourisme constituait (à la veille des années 90) la
troisième source de devises pour le pays, derrière le café
et le thé, avec des recettes de 15 millions de $ (soit à peu
près 0,5 % du PNB, chiffre 1989). L'industrie touristique semblait avoir
atteint un certain degré de développement. Aujourd'hui, le
tourisme ne représente plus qu'un très faible pourcentage du
Produit Intérieur Brut, mais est toujours la troisième source de
devises du pays selon l'Office Rwandais du Tourisme et des Parcs Nationaux
(2001), et emploierait environ 5000 personnes.
Ce dynamisme de l'industrie touristique rwandaise des
années 1980 a été d'abord perturbé par le
début de la guerre, en 1990, puis par les événements de
1994, sans oublier le contexte régional assez difficile qui en a
résulté. A l'heure actuelle, tous les espaces
protégés du pays connaissent (ou ont connu), depuis à peu
près 12 ans, des menaces liées au contexte politico-social du
pays ou de sa région.
Le Parc national des Volcans (150 km2), le plus
attrayant et sans doute le plus visité des sites touristiques rwandais,
abrite notamment les derniers spécimens des fameux Gorilles des
montagnes. Ses activités avaient d'abord été
perturbées au début des années 1990 par la présence
dans cette zone des forces du Front Patriotique Rwandais (FPR). Et, depuis en
1996, les infiltrations des ex-FAR (Forces Armées Rwandaises) et les
milices Interahamwe1 à partir de la République
Démocratique Rwandaise (le Zaïre de l'époque) voisine ont
empêché jusqu'à présent le redémarrage de la
fréquentation touristique normale.
Le Parc national de l'Akagera, peuplé de grands
mammifères dans une savane arborée et arbustive, est
considéré comme le deuxième site touristique le plus
visité du pays. Cependant, il a été récemment
réduit à 60% de sa superficie (900 km2 en 2002 contre
2500 en avril 1994) en raison de l'installation des anciens
réfugiés de 1959 venus d'Ouganda. En outre, il fut le terrain des
premiers combats entre le FPR et les ex-FAR en 1990. Son activité
était alors devenue quasi-nulle.
1 Nom attribué aux génocidaires rwandais
de 1994
Le Parc National de Nyungwe (l'ex-Forêt naturelle du
même nom jusqu'au mois d'Avril 2001), localisé entre 1700 m et
2.920 m d'altitude, abrite la plus vaste forêt primaire d'altitude
d'Afrique (97.000 ha). Mais, situé non loin de la République
Démocratique du Congo, et surtout constituant au Sud le prolongement du
Parc National de Kibira au Burundi, elle est réputée très
fréquentée par les ex-Forces Armées Rwandaises et leurs
milices Interahamwe basés en R.D.C. Et malgré la reprise de ses
activités, depuis 1994, les visiteurs ont été très
peu nombreux (150 en 1995, 30 en 1997, 300 en 1999, 700 en 2000)1.
Il faut signaler aussi que la fréquentation est traditionnellement
moindre que celle du Parc National des Birunga et du Parc de l'Akagera.
Comme on le voit, la situation politico-sociale actuelle du
pays n'est pas très favorable au développement de l'industrie
touristique sur le territoire national, ce qui constitue, pour les donateurs du
Nord, un grand obstacle à tout projet de développement à
long terme. Et pourtant, les autorités locales y croient toujours et
font tout pour redynamiser le secteur. Parmi les projets à long terme,
on évoque la possibilité d'une intégration du circuit
régional comme c'était le cas avant le drame de 1994, au moment
où les parcs nationaux rwandais, en particulier celui des Volcans,
recevaient un grand nombre de touristes en provenance du Kenya dans le cadre du
prolongement de leur séjour à Nairobi.
En outre, les besoins (réhabilitation,
aménagements, bases de données) et les idées de projets ne
manquent pas, mais les financements en revanche, sont plus rares suite aux
raisons ci-haut évoquées. Notons enfin que dans le but de
mobiliser les particuliers (le secteur privé), certains
établissements (hôtels) qui jadis appartenaient à l'Etat
ont été privatisés ou sont en cours de privatisation.
Pour ce qui est du Burundi, il faut dire que le tourisme des
années 80 et début 90 s'affirmait comme un secteur
économique en pleine évolution (surtout dans le Parc national de
Kibira) et potentiellement très intéressant pour l'avenir.
Cependant, suite aux troubles politiques et les conflits armés que
connaît ce pays depuis 1993, les infrastructures légères
d'accueil, pouvant recevoir quelques visiteurs, qui existaient ont
été détruites.
Malheureusement cette situation ne s'améliore pas
puisque les aires protégées, à l'instar du Parc National
de Kibira au Nord-Ouest, servent de lieux d'approvisionnement des assaillants
qui mènent des attaques sporadiques dans les zones habitées,
principalement la capitale Bujumbura. De surcroît, la situation à
côté de la frontière Est et Ouest, respectivement avec la
Tanzanie et le Congo-Kinshasa, n'est pas du tout bonne étant
donné que c'est là où se trouvent les camps des
réfugiés, considérés par les autorités
burundaises comme des bases arrières des assaillants. Cette contrainte
majeure, si elle perdurait, pourrait remettre en cause la
sécurité des aires protégées de ce pays et par voie
de conséquence du tourisme burundais.
En ce qui concerne le développement de l'industrie
touristique en Ouganda, il faut dire qu'il a été freiné
par les conflits politico-ethniques qui ont ravagé le pays pendant 14
ans (1972-1986). A la fin de ces conflits, l'état de tous les espaces
protégés était en général déplorable.
La faune, pierre angulaire du tourisme ougandais, avait été
décimée par les braconniers et les trafiquants de tout genre.
Certaines espèces, comme les éléphants massacrés au
Queen Elisabeth en 1977 (Sournia G., op. cit.), étaient menacées
d'extinction: ils étaient 12.000 au début des années 70,
mais en décembre 1986 ils n'étaient plus que 1.500
d'après
1 In Marchés tropicaux et
méditerranéens, n° 2923, Novembre 2001
l'enquête menée par les ONGs de protection de la
nature dans le pays. De plus, les équipements des parcs avaient
été détériorés, plusieurs hôtels
étaient fermés en attendant leur rénovation.
De 1986 à nos jours, plusieurs progrès ont
été faits en matière du tourisme mais les menaces
liées aux conflits régionaux handicapent toujours son plein essor
par rapport à ce qui se passe au Kenya ou en Tanzanie, deux autres pays
qui ont bénéficié certains avantages (routes, voies
ferrées) de la couronne britannique mais qui, au contraire de l'Ouganda,
connaissent une stabilité politique depuis l'indépendance. En
effet, les aires protégées localisées à la
frontière de l'Ouganda avec les pays là où règnent
l'insécurité, à l'instar du Parc national de Kidepo avec
le Soudan au Nord ou les Parcs nationaux de Queen Elisabeth, de Ruwenzori et de
Murchison Falls avec la République Démocratique du Congo à
l'Ouest, ne reçoivent plus beaucoup de touristes, ce qui bloque comme
nous l'avons dit, le nouvel essor du tourisme ougandais.
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