2.1.2.2 Des apports socio-culturels peu convaincants
Comme nous l'avons vu précédemment, les
professionnels de la conservation ont commencé à défendre
l'impact social et culturel lié au tourisme comme l'une des plus
importantes motivations de la création des aires protégées
dans les pays du Sud. Une logique à ne pas catégoriquement nier
mais qu'il ne faut pas non plus prendre en considération en toute sa
totalité.
Face à cette ambivalence, certaines études ont
été faites là-dessus en vue d'éclaircir le sujet.
Parmi les résultats obtenus, on a constaté que les impacts
sociaux peuvent promouvoir la santé ou la religion dans un pays
d'accueil. Ce qui n'est pas facile à vérifier dans la mesure
où le contact entre les deux communautés différentes est
souvent limité. Mais il y a les touristes euro-américains qui
profitent de leurs vacances pour aller annoncer la parole de Dieu dans les pays
du Sud. Ceci concerne en général les églises protestantes
(d'origine anglo- saxonne en général) en pleine ébullition
pour le moment dans certains pays comme le Rwanda ou le Burundi où les
croisades qui se tiennent la plupart des fois en été
réunissent les chrétiens de toutes provenances.
En outre, ils disent que les contacts avec les
étrangers peuvent affecter le comportement moral des populations locales
en développant par exemple la prostitution dans les milieux urbains.
Ceci est tout à fait vrai dans la mesure où l'on trouve chaque
soirée des jeunes filles qui circulent devant les hôtels de Kigali
où logent leurs principaux clients (ces derniers sont devenus
très nombreux depuis 1994 lors de l'arrivée massive des ONG
humanitaires dans le pays). Quant aux impacts culturels, ces études
affirment qu'ils dépendent de la communication culturelle à
travers la langue. Ceci concerne surtout les traducteurs et les guides qui
s'arrangent tant bien que mal pour s'entretenir avec les nouveaux venus. De
surcroît, les impacts culturels peuvent promouvoir la vente des arts
traditionnels dans les milieux fréquentés par les touristes mais
surtout dans les villes où ces objets sont souvent vendus devant les
hôtels d'accueil de ces touristes.
En faisant une étude sur le cas du Kenya, C., Dufour
(op. cit.) précise qu'il est douteux de dire que les « parcs,
générateurs de flux touristiques, permettrait un échange
culturel et social entre étrangers et locaux, chacun allant à la
rencontre de l'autre, dans un seul élan d'humanisme, de philanthropie,
de curiosité et de bonté. » L'auteur ajoute qu'il est
impensable de dire qu'un touriste étranger qui débarque dans une
ville comme Nairobi, dans le but de maximiser son calendrier de vacances dans
les parcs, aurait réellement l'envie d'aller à la rencontre des
pauvres paysans de la région. Pour lui, il semble que les «
seuls échanges durables qui aient effectivement lieu soient ceux qui
modifient les coutumes locales en matière d'habillement, la façon
de se nourrir et autres. » C'est ainsi qu'on voit par exemple des
jeunes Maasai (vêtus de jeans et de baskets) circuler dans les villes
kenyanes (Nairobi, Nakuru, Mombasa, etc.) à la recherche d'un touriste
à qui vendre quelques objets artisanaux. Ce qui peut d'ailleurs
développer des réseaux de banditisme.
Par ailleurs, l'auteur évoque quelques arguments plus
positifs et réalistes par lesquels les espaces protégés
sont socialement bénéfiques aux populations locales. C'est le
fait par exemple que les aires protégées qui accueillent un plus
grand nombre de touristes chaque année auraient pu stimuler le
gouvernement kenyan à construire des routes à l'intérieur
du pays et à améliorer les services téléphoniques
et de santé dans les régions riveraines de ces espaces.
Enfin, l'autre argument social est celui qui est en rapport
avec les droits de l'homme dans les pays d'accueil. En effet, pour qu'un pays
puisse accueillir un plus grand nombre de touristes étrangers, et
surtout occidentaux, il faut qu'il soit stable politiquement avec un
système démocratique assez convaincant. C'est ainsi que certains
pays est-africains, à l'instar du Kenya, ont compris qu'il fallait
garantir aux visiteurs une situation de paix et de sécurité afin
qu'ils acceptent de s'y rendre. A contrario, les touristes désertent les
pays instables ou dictatoriaux, comme ce fut le cas de l'Ouganda du dictateur
Idi Amin Dada dans les années 70 ou moins encore comme c'est le cas
aujourd'hui avec les tensions qui règnent dans la région des
grands lacs (Rwanda, Burundi, l'Ouest de l'Ouganda).
En définitive, on peut dire (sans se tromper) que les
aires protégées apportent beaucoup plus aux gouvernements qu'aux
acteurs locaux. Ceci s'explique par le fait que les décideurs politiques
épousent les idées qui ont été
développées durant l'époque coloniale ou celles qui sont
avancées aujourd'hui par les associations de protection de la nature au
détriment des intérêts des populations locales. Comme
conséquences, les bénéfices tirés dans l'industrie
touristique remplissent les caisses des Etats alors que les populations
chassées de leurs terres éprouvent des difficultés de
survie.
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