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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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I.2 L'avènement de la conservation participative et quelques tentatives de gestion en comparaison avec l'Afrique australe

Les années 1980 marquent le début d'une phase importante en matière de gestion des aires protégées. C'est la période au cours de laquelle les professionnels de la conservation acceptent publiquement d'associer les populations locales à la gestion des parcs et réserves analogues en mettant l'accent un peu plus sur l'intérêt économique (au profit des populations locales) que sur les bénéfices éthiques et/ou écologiques.

1.2.1 Nouvelle ère de la conservation: couple conservation/développement

Comme nous l'avons vu au départ, les premiers espaces protégés des pays du Sud furent mis en place dans le but de préserver une nature sauvage où peuvent se faire des activités récréatives telle que la chasse d'une part, puis de protéger les ressources naturelles (faune et flore) qui étaient en voie de « dilapidation » d'autre part. A cette époque, toute exploitation humaine était interdite sur le territoire protégé. Comme la plupart de ces espaces étaient habités, les mesures de protection ont été accompagnées par l'expulsion des populations autochtones et la mise en place d'un dispositif de sécurité très efficace en vue d'empêcher à ces populations d'exercer leurs activités à l'intérieur des zones protégées. Ceci s'est traduit sur le terrain par plusieurs gestes conflictuels entre les gardes des parcs et les populations riveraines de ces espaces.

Après plus d'un demi-siècle de mésentente entre les populations locales et les pouvoirs publics, les résultats ont été jugés médiocres de tous les côtés. D'une part il faut dire que les mesures de sécurité prises par les Etats et les ONG de protection de la nature n'ont pas empêché l'augmentation des actes de braconnage à l'intérieur des aires protégées suite aux mécontentements des populations chassées de leurs terres ou aux opérations menées par les réseaux de trafiquants de l'ivoire ou des animaux vivants. D'autre part, la situation des populations vivant en bordure des aires protégées est devenue de plus en plus inquiétante.

Face à cette ambivalence, quelques études visant à associer les populations locales ont été menées dès la fin des années 1960. On peut citer en premier lieu le concept de « réserve de la biosphère » présenté en 1970 par l'UNESCO. Inscrit dans un long programme destiné à faire l'interaction entre les activités de l'Homme et la Biosphère (Man and Biosphere: MAB), ce concept avait le principal objectif d'associer au sein d'une même zone protégée le processus de développement et la politique de conservation. Cette phase est considérée comme la première en ce qui concerne les changements de la politique de conservation en faveur des populations locales.

Sur le terrain, une « réserve de la biosphère » est divisée en plusieurs zonages qui constituent des sous-réserves. A chacune des sous-réserves correspond une activité particulière. Parmi les activités privilégiées on peut citer le tourisme, la recherche, l'éducation-formation, la recherche expérimentale, l'utilisation traditionnelle, etc.(voir figure n° 6)

Figure n°6: Schéma d'une réserve de biosphère

Il faut noter que la partie centrale est consacrée à la conservation intégrale, encerclée par une zone de tampon dans laquelle sont permises certaines activités humaines, elle-même encerclée par une zone de transition où se déroule les activités de développement. A l'heure où nous sommes, les professionnels de la conservation se réjouissent des résultats atteints en matière des zones protégées considérées comme des réserves de la biosphère pour deux principales raisons: d'une part on a enregistré une nette diminution des opérations de braconnage ou feux de brousse grâce à l'intervention des populations locales, et ceci contrairement à ce qui se passe ailleurs là où la conservation classique s'impose encore; d'autre part les populations locales gagnent un peu d'argent suite aux revenus tirés dans le tourisme.

Outre le concept de réserve de la biosphère, la prise en compte d'intérêts des populations locales a pris une autre ampleur au début des années 80 au moment où le processus d'associer la conservation et le développement a été repris par les principales organisations de conservation dans le monde (l'UICN, le WWF et le PNUE) dans leur programme intitulé « Nouvelle stratégie mondiale de la conservation. » Dans ce document, ces organisations se donnent l'objectif principal de créer et de financer les « Projets Intégrés de conservation et de Développement » en vue de venir en aide aux populations riveraines des aires protégées à sortir de la pauvreté. En effet, elles estiment que l'éradication de la pauvreté aux alentours de ces espaces est l'une des facteurs importants qui pourraient ralentir la surexploitation des ressources à l'intérieur des aires protégées.

Cependant, même si ce type de projets semble être le meilleur en matière du bien-être des populations locales, il faut signaler que sa validité n'est pas partagée par tous les spécialistes et professionnels de la conservation. En effet, certains critiquent sèchement l'idée d'associer les populations locales à la gestion des espaces protégés. L'une des raisons avancées est que le fait de concentrer les projets de développement aux alentours des aires protégées risque de « créer une zone d'attraction et de front pionnier pour les nouvelles populations en quête des meilleures conditions de vie », et au bout du compte une pression sans précédent sur ces espaces. En abondant dans le même sens, G. Davies (1998) affirme que cette décision permettrait de « revoir à la baisse les objectifs généraux de protection de 10 % des principaux biomes mondiaux, en y incluant les paysages en gestion durable. » Par contre, d'autres auteurs remettent en cause l'idée de maintenir des zones protégées qui excluent les activités humaines compte tenu des conséquences que cela pourrait engendrer ultérieurement.

Ces différentes critiques (surtout les premières) ont conduit les spécialistes de la conservation à revoir les principes de la politique de conservation participative. Parmi les modifications apportées, on note l'instauration du concept de « zones -tampons. » L'intérêt principal de ces dernières est qu' « une zone à fort potentiel biologique, et ayant un statut de protection contraignant ne soit pas en contact avec une zone fortement anthropisée où les activités sont peu contrôlées. » (UICN, 1990 repris par F. Busson, op. cit.) Là aussi, sont nées des contradictions entre les auteurs en ce qui concerne la question de savoir si la zone tampon doit être à l'intérieur ou à l'extérieur de l'espace protégé. Sur ce point, les écologistes radicaux préconisent qu'il vaudrait mieux étendre la zone de contrôle autour du parc, et former ainsi une zone tampon. Ce qui ne serait pas facile à réaliser suite à une éventuelle résistance farouche des populations locales consécutivement à leur ancienne expulsion. Au contraire, d'autres écologistes (plus modérés) trouvent que cette zone peut constituer une sorte de ceinture à l'intérieur d'une zone protégée à l'instar de ce qui est prévu dans le cas d'une réserve de la biosphère (voir figure n° 6). Ce qui est facilement réalisable mais avec beaucoup de risques sur le terrain suite aux effets négatifs en provenance des activités de développement.

Que ce soit la première ou la seconde position, le but essentiel de cette zone tampon est de pouvoir éviter les effets négatifs des activités des différents acteurs de développement sur la partie principale de l'espace protégé. En vue de résoudre ce problème, l'UICN a établi en 1990 quatre zones dont les définitions répondent plus ou moins aux attentes de tous les acteurs des aires protégées, à savoir:

- les zones tampons forestières: forêts exploitées pour les bois de chauffe ou de construction, en dehors des zones protégées mais sur le domaine public;

- les zones-tampons économiques: zones créées pour réduire la nécessité de prélever des ressources dans les zones protégées;

- les zones-tampons d'exploitation traditionnelle à l'intérieur des aires protégées, là où l'exclusion des populations n'est pas envisageable;

- et barrière physique: quand l'espace manque pour créer une zone tampon (UICN, 1992 repris par F. Busson, op. cit.).

Malgré cet apport de l'UICN, les résultats de ce concept semblent aujourd'hui mitigés. Parmi les raisons avancées de cet échec, on évoque le manque de cohérences entre le discours officiel diffusé par les ONG de protection de la nature et les actions sur le terrain. En effet, on vient de constater que certaines de ces ONG participent beaucoup plus à la médiatisation d'un discours de « conservation participative » auquel il donne force par leur présence virtuelle auprès des populations locales plutôt qu'à mettre en pratique ce discours. Parmi les ONG qui sont montrées du doigt, on cite en premier lieu le WWF, un acteur incontournable dans ce domaine à travers le monde entier mais dont les résultats laissent à désirer. Comme l'ont fait constater D. Chartier et B. Sellato (1998) lors d'une étude menée auprès d'un projet d'intégration des populations Dayak en Indonésie, cet organisme a ignoré les travaux des chercheurs de terrain dans le but de maintenir les mesures de conservation dans le pays.

Enfin, dans la logique toujours d'associer les populations locales à la gestion des parcs et réserves, les innovations ne manquent pas. Les dernières sont celles qui définissent les nouvelles formes d'aires protégées en mettant l'accent sur les bénéfices économiques que l'exploitation de la grande faune sauvage peut apporter aux populations locales. En contrepartie, ces dernières doivent être impliquées davantage dans le contrôle anti-braconnage en vue d'améliorer les conditions écologiques des espaces protégés. Pour E. Rodary (1994), c'est tout le champ de la conservation qui cette fois-ci se trouve intégré dans l'univers social, comme « moyen de développement économique, mais surtout comme dynamique d'une socialisation politique des régions riveraines des aires protégées. » L'exemple des programmes CAMPFIRE au Zimbabwe et ADMADE en Zambie en sont les tentatives les plus connues.

En somme, il faut dire que l'avènement d'une politique de la conservation par la participation locale au milieu des années 80 a favorisé une articulation profonde entre le développement et la conservation de la nature. En effet, on constate que la politique de conservation s'ouvre petit à petit aux problèmes socio-politiques d'aménagement du territoire pour empêcher les critiques très sévères à son encontre, et qu'il essaie de se repositionner dans une perspective de « développement durable. » Malheureusement, ce passage important d'une « conservation classique » à « une conservation participative » reste ponctuel dans le monde entier suite, d'une part à une résistance farouche des mouvements écologistes, et d'autre part à cause des législations nationales de certains pays qui ne tolèrent pas l'exercice des activités humaines à l'intérieur des zones protégées. Pour ce qui est de l'Afrique orientale, la situation s'améliore petit à petit suite aux expériences empruntées en Afrique australe notamment en Zambie et au Zimbabwe. Avant de voir l'état d'avancement de cette politique en Afrique orientale, nous allons d'abord jeter un coup d'oeil sur les expériences de l'Afrique australe dans ce domaine.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway