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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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1.2.2 Les exemples venus d'Afrique australe. Etudes de cas

Comme nous l'avons vu dans les pages précédentes, le milieu des années 80 est l'époque qui marque le vrai début de la participation des populations locales dans la gestion des aires protégées dans les deux pays de l'Afrique australe, à savoir la Zambie et le Zimbabwe. Quelle que soit sa forme, cette participation locale, à travers des projets de conservation participative, se situe dans l'optique d'une rencontre entre deux mondes longtemps séparés par le pouvoir colonial anglais et les nouveaux Etats indépendants: un secteur de la conservation jusque-là isolé et une société locale principalement agricole (Rodary E., op. cit.).

Selon le même auteur, cette nouvelle donne en matière de conservation lui paraît comme un processus important, car elle introduit une exigence de protection de la nature dans la vie socio-économique et politique des populations vivant aux alentours des aires protégées. A ce titre, affirme-t-il, « on peut qualifier cette nouvelle conservation de ?territoriale?, au sens où un territoire est un espace approprié socialement, à l'inverse d'une conservation ?spatiale? qui délimitait une zone en interdisant l'occupation humaine. »

En Zambie, ce déplacement volontaire du champ de la conservation d'une position isolée vers la société locale est pris en compte suite à une étude du Département des parcs nationaux et de la faune, financée par la « New York Zoological Society », sur les populations d'éléphants. Cette étude insistait sur la nécessité d'une implication des populations locales pour limiter le braconnage. C'est à la suite de cette initiative qu'un colloque sera organisé par l'Agence norvégienne de développement et le gouvernement zambien en vue d'élaborer les programmes. Au Zimbabwe, ce sont également les services du Département des parcs nationaux et de la gestion de la faune qui, profitant d'une politique générale de décentralisation pour préserver la gestion de la faune, proposent en 1986 le projet CAMPFIRE.

1.2.2.1 Le programme ADMADE en Zambie: un exemple du processus participatif de gestion et de conservation de la faune sauvage

Avec 20 parcs nationaux et 36 zones de gestion du gibier (soit 30% de la superficie totale du pays) gérés tous par le Service des Parcs nationaux et de la vie sauvage (Sournia G., op. cit.), la Zambie est actuellement l'un des grands pays du continent africain pour la valeur de ses ressources naturelles (la faune sauvage en particulier). Mais comme nous l'avons vu précédemment, la création de ces espaces a été caractérisée par l'expulsion des populations autochtones et les conflits qui en ont résulté se sont traduits par une utilisation abusive de ces ressources.

Ainsi, le braconnage s'appuyant en partie sur les populations riveraines des aires protégées a conduit à la disparition de certaines espèces comme le Rhinocéros noir dans le pays, sans oublier le nombre excessif d'éléphants disparus entre 1976 et 1986 (une dizaine chaque jour) et les grandes Antilopes abattues chaque jour en vue d'approvisionner les villes en viande de gibier. En fin de compte, les services chargés de la conservation dans le pays estimaient que l'équivalent de 500 millions de $ avaient été ainsi prélevés entre 1970 et 1985 sans aucun profit pour l'Etat ni pour les populations locales qui, bien que complices, ne reçoivent que la part très réduite avec tous les risques d'être réprimés par les forces de l'ordre anti-braconnage dans la région (Sournia G., idem).

Face à cette multiplication d'échecs de la part des associations de la nature et du gouvernement zambien en matière de protection de la faune sauvage, ces derniers ont pris conscience (lors des ateliers organisés au début des années 1980) que tous ces échecs étaient dus au fait que le système en place niait toute implication des populations locales dans la gestion des ressources naturelles concernées. En d'autres termes, les recettes engendrées par la faune étaient versées à la caisse de l'Etat qui n'en redonnait qu'une très faible partie au Service chargé de la gestion de la faune. En outre, l'augmentation de la population et les pressions de plus en plus fortes qu'elle exerçait sur le milieu et ses ressources allaient mettre en évidence l'inadaptation de ce système.

Pour faire face à ces difficultés, les mêmes ateliers formulèrent un certain nombre de recommandations dont les trois plus importantes furent les suivantes: d'abord, la création d'un fonds de reversement pour la conservation de la vie sauvage, ledit fonds qui devait être administré par le service chargé de la faune avec la collaboration des populations élues par les villageois; ensuite, la préparation d'une structure d'implication des populations rurales dans l'administration de ce fonds par l'intermédiaire de représentants traditionnels et élus; enfin, la mise en chantier d'un projet intégré de valorisation durable des ressources naturelles (Rodary E., op. cit.; Sournia G., op. cit.).

D'après ces auteurs, la mise en application de ces recommandations allait se faire en trois étapes importantes. En premier lieu, on a créé un projet dans la zone de Lupanda « Lupanda Project. » Le but de ce projet était de tester la possibilité d'associer les populations locales aux activités de conservation et d'utilisation de la faune locale. Une importance fondamentale était accordée à la préoccupation socio-économique des villages riverains de la zone afin d'essayer d'identifier les voies d'une réconciliation des intérêts de la conservation avec ceux des destructeurs potentiels, c'est-à-dire les habitants de cette même zone.

Dès lors, le projet se concentre d'abord sur un programme de rentabilisation des espèces animales dont les effectifs étaient en surnombre (les hippopotames par exemple), ensuite sur la recherche d'emploi des populations locales, et enfin sur la vente aux enchères des territoires de chasse dont 40% furent reversées aux populations locales afin que ces dernières puissent créer leurs propres projets. Il faut noter que cette bonne initiative a rencontré beaucoup de succès auprès des communautés locales associées.

La deuxième étape fut celle de la création, en 1983, du Fonds de Reversement pour la conservation de la vie sauvage dont l'objectif principal était de « permettre au Service des Parcs et de la Vie Sauvage de fonctionner sans trop avoir à dépendre des seuls fonds consentis par l'autorité centrale. » 75 % de ce fonds devaient être réservés à la zone de production; 25 % restants étant répartis en deux destinations: 10 % pour la promotion du tourisme au niveau national et 15 % pour les frais de fonctionnement du Service des Parcs et de la vie sauvage. Après quelques années de fonctionnement, 90 % des revenus du Fonds étaient générés par les taxes d'abattage et les loyers d'admonition; l'essentiel des produits offerts par les sociétés de chasse se concentrant sur les Félins et les Buffles (Sournia G., op. cit.; Rodary E., op. cit.).

Enfin, la dernière étape fut celle de la mise en place d'un dispositif administratif de gestion connu aujourd'hui sous l'appellation du programme ADMADE (Administrative Management Design). Agréé officiellement en 1987 par le gouvernement zambien, ce

programme a comme principale tâche de préserver des animaux sauvages en périphérie des espaces protégés par la mise en place des mesures efficaces de gestion et de protection. Pour y arriver, quatre objectifs spécifiques ont été visés. Il s'agit d'abord de créer un réseau de zones tampons autour des aires protégées en vue d'éviter la dégradation de la réserve centrale; ensuite c'est la création d'un comité de gestion destiné à garantir aux populations locales les bénéfices tirés dans la faune sauvage; puis la mise en place d'un service chargé d'assurer de bonnes relations entre les responsables du projet et les populations locales; et enfin le programme se propose de garantir à l'Etat zambien de pratiquer une politique de conservation durable du milieu naturel protégé en vue d'assurer des revenus en devises.

Comme ce programme regroupe 10 zones de gestion de la faune sauvage, l'objectif primordial du projet est de faire en sorte que chaque zone soit en mesure de gagner beaucoup de revenus pour les populations qui l'habitent. Etant donné que les 10 zones de gestion ne disposent pas les mêmes richesses en animaux sauvages, les responsables du projet ont instauré un système d'entraide où les zones riches, et par conséquent capables de s'autofinancer, contribuent au financement de leurs voisines moins riches grâce à un fonds spécial créé à cet effet.

En ce qui concerne les structures administratives du projet, il faut signaler que les populations locales sont bien représentées, ce qui leur donne du poids en matière de prise de décision. Chaque zone comprend d'abord des unités de gestion qui représentent le Service des parcs dans la région; ensuite il y a le Conseil du District local (Local District Council) composé des représentants de l'Etat et ceux des populations, et enfin viennent les élus locaux qui sont des représentants des circonscriptions traditionnelles de chaque zone. Dans ce système, on constate que les populations son impliquées à l'administration et à la gestion de la faune sauvage grâce à cette responsabilité qu'elles assument.

Pour ce qui est des retombées socio-économiques du programme, les responsables du projet estiment que: « ...nous procurons du travail à la population locale. Au lieu d'émigrer vers les villes, les jeunes, hommes et femmes ont la faculté de rester dans leur région d'origine et d'y gagner leur vie en participant à la conservation de la faune. Hier encore, rien n'était possible, mais la tendance s'est inversée et aujourd'hui l'avenir nous appartient. » (Rodary E., op. cit.)

Sur le terrain, les succès du projet s'inscrivent dans l'aménagement des infrastructures à caractère communautaire comme des écoles, des dispensaires, des moulins, etc. Les auteurs affirment d'ailleurs que les revenus engendrés par les activités liées à la gestion de la faune sauvage et alloués à l'exécution de ce type d'infrastructures sont supérieurs à toute autre subvention publique ( dans ce domaine) dans les zones concernées par le programme. En outre, toutes les utilisations possibles des animaux abattus sont exploitées: la viande est vendue et/ou consommée fraîche, fumée ou séchée; la peau sert à la confection de chaussures et les semelles sont souvent faites à base de peaux d'hippopotames; les dents entrent dans la fabrication de bijoux. La graisse, les sabots, les os sont transformés en savon et en colle; les os servent aussi comme engrais pour les cultures potagères qui sont ensuite consommées dans les campements de safaris (Sournia G., op. cit.).

Sur le plan écologique, il faut signaler que le braconnage est partout en forte diminution même si certains estiment que cette régression doit être replacée dans le contexte de l'interdiction du commerce international de l'ivoire, et que par conséquent il serait difficile d'évaluer le rôle exact du programme ADMADE dans cette diminution. En dehors de cela, les

gardes locaux renseignent les chasseurs sur la présence du gibier recherché dans le secteur qui les concerne; ils accompagnent le safari et s'assurent de la conformité des abattages enregistrés par rapport au cahier de charges initial. Notons que ces gardes sont sélectionnés parmi les populations locales par les chefs des villages.

De toutes les façons, il faut avouer que la conception du programme est jugée comme un fait original car tout part de la population d'en bas pour remonter vers le décideur politique d'en haut. Ce qui est intéressant, c'est que l'on peut prendre ce type d'aménagement comme potentiellement unificateur à l'échelle d'une communauté locale travaillant ensemble, ce qui peut compenser les lacunes du gouvernement zambien dans le domaine du développement rural et par voie de conséquence appuyer la politique de conservation dans la région.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire