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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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2.2 Quelques considérations et perspectives d'avenir de la politique de conservation en Afrique de l'Est

L'objet de ces considérations et perspectives est qu'elles vont nous conduire à formuler un certain nombre d'observations et de critiques de ce qui a été fait jusqu'à présent et de ce qui reste à faire dans le domaine de la conservation en Afrique orientale. En outre, elles peuvent constituer autant de conclusions sur ce travail et/ou de perspectives de ce que nous projetons faire dans nos recherches ultérieures (travail de thèse).

2.2.1 Le cas de l'Afrique orientale ex-anglaise

Comme nous l'avons vu précédemment, la période coloniale en Afrique orientale anglaise (ou anglophone) a été caractérisée par une scission délibérée des populations locales de l'utilisation juridique ou de l'accès aux zones abritant la faune sauvage, au profit des politiques de création des aires protégées. Une grande partie de réserves de la faune sauvage de la région était classée avant l'époque des indépendances.

Après ces indépendances, la plupart des nouveaux gouvernements n'ont pas interrompu les pratiques coloniales, créant d'autres aires protégées et excluant des populations plus nombreuses. Le cas des peuples Maasai du Kenya et de la Tanzanie est sans doute le plus connu dans le champ de la conservation en Afrique de l'Est. Mais petit à petit, et plus récemment d'ailleurs, des changements sont intervenus en matière de conservation, avec l'apparition d'une approche participative où les populations locales sont désormais considérées en même temps comme des acteurs et des bénéficiaires de développement, et non plus comme de simples observateurs-perturbateurs de la nature.

Cette évolution dans les politiques de conservation a démarré lentement en Afrique de l'Est en s'inspirant beaucoup de l'expérience de l'Afrique australe des années 80, même si la première expérience de ce genre est antérieure à cette date. En effet, la première du genre en Afrique de l'Est fut conduite par la FAO et le PNUD, au cours des années 70, dans le District de Kaliado au Sud de Nairobi. Selon G. Sournia (op. cit.), l'objectif de ce projet était de produire de la viande à partir de populations d'animaux sauvages; une moyenne journalière de 40 à 50 Gnous étaient abattus et leurs carcasses étaient traitées dans un abattoir de brousse; les deux tonnes de viande quotidiennement produites étaient vendues (sous contrôle vétérinaire) à une douzaine de boucheries de la capitale kenyane, située à une centaine de Kms. Les possibilités d'exportation furent un moment envisagées, tout d'ailleurs comme la mise en conserve, mais l'infrastructure à mettre en place était bien importante en comparaison avec des revenus possibles.

Le projet fonctionnait sans beaucoup de difficultés mais des raisons variées mirent un terme à son développement au bout de quelques années. Toutefois, cette expérience (malgré son arrêt prématuré) fut approfondie dans une optique plus commerciale par un fermier privé qui produisit de la viande d'animaux sauvages dans son ranch de la rivière Athi. La difficulté principale pour ce fermier fut, au départ, de créer un marché pour le produit. Mais finalement les boucheries et les hôtels de la capitale kenyane devinrent peu à peu des clients réguliers et la demande ne cessa de croître.

Au début des années 80, la crédibilité de cette production était établie. Tout d'abord, seule la viande fraîche était commercialisée, mais des problèmes de qualité apparurent; la production de viande et de saucissons se substituèrent peu à peu à la viande fraîche.

Aujourd'hui, la majeure partie de la production est transformée sous forme de viande séchée afin de supprimer le problème de la conservation.

Bien que cette expérience ne fasse pas sortir clairement l'intérêt que pouvaient bénéficier les populations locales au sein de cette entreprise, elle a néanmoins inspiré la plupart des projets de conservation participative liés à l'utilisation rationnelle de la faune sauvage dans le pays. Depuis 1990, le KWS permet le prélèvement sélectif de la faune surnuméraire dans plusieurs réserves et s'attache actuellement à mettre en place un système assez solide pour la commercialisation de la viande et des peaux en provenance de ces réserves.

En dehors de cela, il faut rappeler que cet organisme envisage d'entreprendre les activités de la chasse sportive, jusqu'à-là abandonnée pour des raisons de braconnage exagéré et de corruption, afin d'augmenter les revenus puisque ces activités procurent des bénéfices qui sont nettement supérieurs à ceux du tourisme photographique. De surcroît, grâce au KWS, quelques expériences associatives se sont mises en place sur des terres communautaires situées en bordure des sanctuaires-vedettes comme le Parc national d'Amboseli ou la Réserve de Maasai-Mara, en vue de développer le tourisme dans ces zones.

Cependant, malgré toutes ces initiatives en faveur des populations locales, la situation de quelques 800.000 Maasai vivant sur le territoire kenyan reste précaire. En effet, privés d'une bonne partie de leurs terrains de parcours par les colons anglais au profit des parcs et réserves, les Maasai ne sont pas les premiers bénéficiaires de ce nouveau système en place comme en témoigne le nombre de jeunes Maasai qui vagabonde dans les rues des grandes villes kenyanes. A l'heure actuelle, plusieurs auteurs font constater que les Maasai sont considérés comme les mal-aimés du Kenya puisqu'ils sont toujours exclus dans les parcs et réserves et qu'ils ne peuvent y pénétrer que sous certaines conditions, par exemple pour faire boire leurs bêtes à quelques points d'eau.

Par contre, les « troupeaux Maasai subissent, dans leurs pâturages, la concurrence des herbivores sauvages venus des Parcs », explique A. Huetz de Lemps (op. cit.); ce qui accentue le conflit qui date de plusieurs années entre les Maasai et les gardes de ces espaces parce que ces derniers voient d'un mauvais oeil l'accès des troupeaux Maasai dans les aires protégées. Or, l'un des meilleurs moyens d'éviter de graves conflits serait d'associer ces éleveurs (sans aucun prétexte) à la gestion de ces espaces comme c'est le cas autour du Parc d'Amboseli ou aux environs de la Réserve de Maasai-Mara, même si là aussi des progrès restent à faire. En outre, une meilleure reconnaissance de leurs droits à la propriété, à la citoyenneté, et à l'épanouissement serait une bonne chose pour la survie de ces peuples, et surtout pour l'avenir de la faune sauvage dans le pays.

En bref, il faut dire que le Kenya est aujourd'hui l'un des pays-vedettes dans le développement du tourisme lié à la faune sauvage suite à ses potentialités touristiques assez exceptionnelles. Mais pour que cette industrie puisse durer, il faut une seule chose très importante: il est impératif d'impliquer parallèlement les populations locales (surtout les Maasai) et de n'avancer aucun prétexte pour que celles-ci aient un rôle significatif à jouer, et un profit réel à tirer des initiatives relevant du tourisme durable.

En ce qui concerne la Tanzanie, l'autre pays qui regorge des ressources naturelles exceptionnelles dans le région, il sied de rappeler que la fin de la politique « Ujamaa » est considérée comme un phénomène majeur pour les nouvelles autorités tanzaniennes. En effet,

avec l'ouverture politique et économique de ce pays sur le monde occidental, la situation dans le domaine de conservation ne cesse de s'améliorer. Les autorités en place pensent que les sanctuaires et le gibier vont enfin payer leur part dans la construction du pays grâce aux différentes aides en provenances de l'occident.

Tout comme à l'époque coloniale, mais peut être de façon plus nuancée, reste posé le problème du véritable partage des bénéfices tirés des ressources naturelles avec les communautés locales, à majorité d'ethnie Maasai, qui en ont été pourtant les vrais gestionnaires durant de nombreux siècles et qui maintenant n'en subissent que les inconvénients. Mais comme nous l'avons vu précédemment, des programmes de conservation associant les populations locales sont déjà là même si les efforts de leur exécution restent très timides par rapport à ce qui se passe en Afrique australe.

Après plus de 15 ans de la politique « Ujamaa » du Président Nyerere et ses conséquences dans le domaine de la conservation, il est aujourd'hui nécessaire que le gouvernement tanzanien profite de la politique de décentralisation (dans le cadre du Programme d'Ajustement Structurel) en cours dans le pays depuis plus d'une dizaine d'années, afin d'appliquer ces nouveaux programmes en matière de conservation participative. En outre, il doit s'intégrer parfaitement, à travers les « Projets de biodiversité transfrontaliers » ou « Parcs de la paix » dans la région (que ce soit au Kenya ou en Zambie) en vue de bien faire participer les populations locales, surtout les quelques 1.200.000 Maasai que comptent le pays, à la gestion durable des ressources naturelles (en particulier la faune sauvage) que regorge le pays. C'est à travers de cette politique de conservation participative que prendront fin certains conflits qui opposent les populations locales aux gardiens à l'intérieur et/ou autour des parcs et réserves de la Tanzanie.

Côté ougandais, il faut dire qu'après plusieurs années de cauchemar, le pays semble retrouve le bon chemin. Des projets de conservation participative sont déjà sur place, grâce à l'influence de l'extérieur (comme c'est d'ailleurs le cas du Kenya et de la Tanzanie), mais il faut que le gouvernement ougandais s'investisse davantage dans ces projets. Il doit d'abord miser sur la politique régionale de conservation en essayant de coopérer étroitement avec les pays voisins (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui), notamment le Rwanda et le Congo- Kinshasa, sans oublier le Soudan au Nord, afin que la sécurité des aires protégées contiguës entre l'un ou l'autre des pays ci-haut cités soit assurée. Cela reste une condition sine qua non pour l'arrivée massive des touristes.

Ensuite, il doit essayer de résoudre durablement le problème des peuples Iks situés au Nord-Est du pays (autour du Parc National de Kidepo), sans oublier celui de quelques 30.000 paysans déplacés lors de la création du corridor des éléphants entre le Parc national de la Reine Elisabeth et la Réserve de Kabale à la fin des années 1980. Si le premier semble trouver une issue étant donné qu'un projet de biodiversité transfrontalier commence à s'occuper de ces populations dans les forêts situées en dehors du parc, il semblerait que le second est loin d'être résolu. Or, ces populations sont en danger puisque, privées de leurs terres d'exploitation agricole, elles n'ont plus d'autres moyens d'assurer leur survie. Ce qui n'est pas bon ni pour ces populations ni pour les aires protégées car les menaces qui pèsent sur ces dernières vont absolument augmenter.

les années 80 en Afrique australe, mais qu'un grand pas reste à franchir. En effet, aussi longtemps que les populations locales chassées de leurs terres (depuis le début du 20ème siècle) ne seront pas véritablement associées à la politique de conservation pour en tirer profit, tous les projets seront voués à l'échec et le fameux « développement durable » tant chanté par les organisations de tout genre ne sera pas atteint.

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