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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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1.2.1 Le poids des activités humaines sur l'environnement

Les premières marques de l'homme dans son environnement commencent avec les sociétés industrielles occidentales (fin 1 8ème et 1 9ème siècles) au moment où le développement des échanges, associé aux progrès scientifiques et techniques, marque de nouvelles étapes dans l'expression de l'homme, mais surtout dans la croissance de celle-ci.

Dans ce contexte, l'impact de l'homme sur l'environnement a pris un autre aspect et s'est mondialisé en atteignant largement tous les continents. De ce fait, une utilisation accrue des ressources renouvelables et non renouvelables inquiète le monde entier mais cette inquiétude n'est pas partagée. Pour certains, les ressources planétaires sont sans cesse menacées par la population de plus en plus nombreuse. Le rapport Meadows « Halte à la croissance » en constitue l'illustration la plus achevée d'un monde fini (Rossi G., 2000). Le même auteur précise que ce rapport, d'inspiration néo-malthusienne, considère « qu'il existe une relation quasi mécanique, linéaire entre la dégradation de l'environnement et la croissance démographique. C'est le désormais ?cercle vicieux de dégradation? dans lequel une population de plus en plus nombreuse est contrainte d'exercer une pression toujours plus grande sur un milieu dont la ? capacité de charge? est finalement dépassée, entraînant ainsi la population et le milieu dans une spirale infernale où la paupérisation des populations et la dégradation de l'environnement se nourrissent l'une de l'autre. »

Cette théorie sera appuyée quelques années plus tard par l'émergence de l'écologie. En effet, considérée pendant longtemps comme une science principalement biologique qui n'avait guère intégré l'homme dans ses préoccupations, elle tend depuis les années 80 à changer. Son évolution récente reconnaît l'homme comme une source de perturbations, comme un nouveau moteur de l'évolution par les changements qu'il impose à la planète. (Veyret Y. ; Pech P., idem). Aujourd'hui cette approche inclut l'homme et fait de l'écologie un outil pour les politiques d'aménagement du territoire et de gestion de l'environnement. Elle est d'ailleurs à la base de la récente création massive des aires protégées dans le monde mais surtout dans les pays du Sud.

Pour d'autres, les antimalthusianistes (appelés aussi populationnistes), l'accroissement démographique ne constitue aucune menace en ce qui concerne l'épuisement des ressources naturelles. Par contre, il « génère du progrès, de l'innovation, de l'adaptation. Grâce à cela il crée de la richesse, autorise et oblige aussi à une meilleure prise en compte de l'environnement. Il n'entraîne pas irréversiblement le monde dans le ?cercle vicieux de dégradation?. » (Rossi G., op. cit.) Cette contestation est l'oeuvre de la sociologue danoise Ester Boserup depuis le milieu des années 1960. Selon sa thèse sur le « développement agricole »1, ce chercheur affirme que la croissance ou la pression démographique est un stimulant ou plus une condition préalable nécessaire au progrès de l'agriculture. Ainsi, continue-t-elle, « l'accroissement des densités, la raréfaction progressive de la terre par rapport à la population conduisent à une utilisation plus intensive des terres, exigeant davantage du travail, aboutissant à des accroissements de productivité et à une évolution générale des structures de production et de pouvoir. » (Thiltiges E. et Tabutin D., 1997)

Entre les deux thèses (malthusienne et populationniste), il existe aujourd'hui une nouvelle théorie appelée le « néo-malthusianisme nuancé. » Développée à la fin des années 1970, cette position avance un argument selon lequel la « pression démographique ne constitue plus une cause directe des problèmes de l'environnement mais elle est un facteur accélérateur. » Elle est le fruit de plusieurs critiques qui émanent d'un bon nombre d'agences internationales de développement, de certaines institutions indépendantes ou les organisations de protection de l'environnement à l'égard du radicalisme affiché par les deux théories précédentes.

En ce qui concerne l'effet de ces trois hypothèses sur les rapports « populations /ressources », il faut dire que la théorie néo-malthusienne, défendue par le Rapport Meadows, est à la base de la création d'un grand nombre d'associations de protection de la nature, et par voie de conséquence, de la récente création massive des aires protégées dans les pays du Sud entre les années 1975 et 1990. En outre, elle a été le moteur de la mise en place des politiques antinatalistes dans les mêmes pays à la fin des années 70- début 80 même si les effets de ces politiques sont souvent paradoxes selon les pays.

En effet, si d'une part il y a certains pays surpeuplés, à l'instar du Rwanda, qui peuvent se réjouir des résultats qui ont été atteints (avant le drame de 1994) dans le milieu intellectuel et urbain, suite à une diminution sensible du nombre d'enfants par famille (passer en général d'une moyenne de 7 ou 6 enfants par famille à 3 ou 4 enfants) malgré l'opposition acharnée de l'église catholique, il y a, d'une autre part, d'autres pays africains, à l'instar du Congo Brazza (8,8 habitants/km2 en 2001) ou du Gabon (4,6 habitants/km2 en 2001) qui n'avaient pas besoin de ces politiques compte tenu du problème de sous-peuplement qu'ils connaissent depuis un certain temps, et qui, au contraire, auraient pu bénéficier des aides destinées à encourager les politiques natalistes comme le fait le gouvernement gabonais pour le moment. Aujourd'hui, les associations de protection de la nature en ont profité pour exiger à ces pays d'augmenter leur nombre de superficies en aires protégées.

Pour ce qui est de la théorie populationniste, il sied de dire qu'elle est à la base des progrès réalisés en matière de lutte contre la dégradation de l'environnement lié à la pression démographique comme c'est le cas au Rwanda avant les événements de 1994. Dans ce pays

1 En anglais: The conditions of Agricultural Growth (1965), texte traduit en français en 1970 sous le titre: Evolution agraire et pression démographique

montagneux où tous les versants sont cultivés jusqu'au sommet, les paysans, grâce à la campagne menée par les décideurs politiques de l'époque, avaient pu aménager ces versants grâce aux fosses antiérosives, ce qui leur a permis d'augmenter la production agricole. Le cas de la colline de Miyove (aménagée en terrasses radicales) en Préfecture de Byumba en explique davantage. Le même exemple a eu lieu au Burundi où les « travaux de développement communautaires »1 encadrés et organisés par le parti unique au pouvoir (UPRONA) dans les années 80 permirent de lutter efficacement contre l'érosion. Comme conséquence, H. Cochet (2001) constate que les régions les plus peuplées du pays (Buyenzi par exemple) sont celles où les effets érosifs sont rares. L'autre exemple est celui du District de Machakos au Kenya, où M. Tiffen et all. (1994, repris par F. Bart, 1998 et F. Busson, op. cit.) avaient constaté qu'en 60 ans, la population de ce District avait été multipliée par cinq et la production par tête par trois, suite à une augmentation du taux de boisement et la généralisation des aménagements en terrasses, donc à une diminution des problèmes liés à la dégradation de l'environnement.

Enfin, l'autre théorie qui explique les relations « populations/ressources » est celle qui renvoie les « ressources collectives » à l'argument bien connu et diffusé dans le célèbre article intitulé « The tragedy of commons » (la tragédie des communaux) de Garett Hardin (1968) qui permet de mettre en évidence les acteurs et les enjeux de dégradation de l'environnement. Selon cet auteur (professeur de Biologie à l'Université de Californie-Santa Bara Bara à cette époque), la théorie de la « Tragédie des communaux » est une conception selon laquelle « tout le monde a intérêt à exploiter et surexploiter ce qui n'appartient à personne [... ] De la somme des comportements individuels résulte un processus d'ensemble qui aboutit à la dégradation et à la destruction des ressources ainsi utilisées. »

Dans le cadre de l'environnement, cette théorie précise que les ressources naturelles offrent un bel exemple où se développe la tragédie des communaux dans ce sens que chaque acteur (éleveur, agriculteur,...) est motivé à augmenter sa production et que son action aboutit au débordement des limites nécessaires, ce qui a comme conséquence la dégradation irrévocable des ressources puisque chaque acteur vient profiter le maximum possible des ressources. Dans ce cas, cette théorie est hostile à certaines pratiques humaines telles le surpâturage qui est considéré comme une activité qui aboutit à la dégradation des sols et par voie de conséquence à l'érosion; ou la pêche sauvage, une activité qui aboutit à l'extinction des espèces de poissons et des mammifères marins, etc.

Comme réponse « seule la propriété privée et étatique peuvent aider à éviter la tragédie des communaux », affirme l'auteur. Ainsi, il propose que les propriétés communes où se fasse le ramassage du bois, la cueillette des fruits, etc., soient mises aux mains de l'Etat. En outre, il souhaite que les fermes soient clôturées et que les restrictions dans les zones de pâturage, de chasse, de pêche soient sérieusement établies. Il se réjouit des progrès jusquel'atteints dans ce domaine mais, regrette-t-il, « ces restrictions ne sont pas encore efficaces », d'où il lance un appel solennel aux écologistes et aux professionnels de la protection de l'environnement afin d'ériger des nouvelles stratégies contre la tragédie des communaux.

Cet appel a été vite compris puisque les années qui ont suivi ont été caractérisées par la naissance d'un bon nombre d'organisations de protection de l'environnement dans les pays occidentaux, sans oublier les ministères ayant l'environnement dans leurs attributions qui ont

1 Connus au Rwanda sous le nom d' « Umuganda »

été créés à cet effet dans la plupart de ces pays. De surcroît, les institutions internationales de financement des projets ont commencé à exiger les pays demandeurs de fonds (ceux du Sud en général) d'élaborer les politiques de conservation de la flore et de la faune en vue d'éviter la tragédie des ressources naturelles comme nous le verrons pour le cas des pays de l'Afrique orientale, ce qui a sans doute accéléré le processus de création des zones protégées dans ces pays.

En somme, on peut dire que les différentes théories qui ont été développées dans la deuxième moitié du 20ème siècle en matière de relations populations/ressources naturelles ont eu des effets significatifs sur les politiques de gestion de l'environnement et d'aménagement du territoire au travers la création des espaces protégés dans les pays du Sud mais ce qui est étonnant c'est la mise à l'écart des principaux acteurs de ces ressources, à savoir les populations locales.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand